Interview Faouzia Zebdi Ghorab

tariq-al-halal.com - Interview - mercredi 30 mars 2005

Rencontre avec une femme qui a pris son courage à deux mains pour dénoncer les discriminations en se présentant à toutes les élections. Une femme qui ne demande finalement qu’une seule chose: qu’on enlève ce voile des préjugés pour ne voir en elle que la citoyenne française, certes musulmane voilée, mais citoyenne.

Nous vous proposons une longue interview mais qui vous permettra de découvrir une femme au fort tempérament devenue aujourd’hui la représente du mouvement politique Union Française pour la Cohésion Nationale (UFCN).

Tariq Al Halal (TaH): Faouzia Zebdi Ghorab Quel est votre parcours professionnel ?
Faouzia Zebdi Ghorab (FZG):
Mon parcours professionnel consiste en un cursus très théorique car en fait je n’ai jamais pu pratiquer tout ce que j’ai appris. J’ai commencé par un DEUG de lettres, puis j’ai obtenu un DEA de Philosophie. J’ai également suivi une formation d’enseignement du braille. En fait j’ai fait beaucoup de choses tout en restant au stade de la théorie. Ce qui s’est passé c’est que j’acquérais une certaine connaissance que j’avais envi d’appliquer, de mettre en pratique. Mais comme les portes (ndlr: les portes de l’emploi) restaient fermées, je me disais que plutôt que de ne rien faire je me devais d’acquérir un maximum de compétences. Dès que j’avais une porte qui se fermait, je ne supportais pas d’être inactive. Je vais dire donc que j’ai usé mes «pantalons», sur les bancs des écoles en espérant qu’une nième formation me servirait enfin. Et comme je suis quelqu’un de très curieux intellectuellement, cela pouvait aller d’une formation à une autre sans qu’elles aient un quelconque lien entre elles. J’ai donc fait de l’italien, j’ai fait de l’arabe, du braille, de la calligraphie, du dessin ... Je n’avais aucun préjugé par rapport à une science ou un domaine en particulier. Et puis un jour après mon DEA de philosophie, j’ai commencé à fatiguer un petit peu ... Pour la suite de mon parcours, je vais vous raconter une anecdote un peu longue mais qui démontre bien le climat dans lequel on évolue. C’est assez significatif. Je me suis rendu à l’ANPE. Et la dame qui me reçoit au guichet me dit: «vous voulez quoi ?». Je lui réponds que je recherche du travail donc que je souhaite m’inscrire dans le cadre de la recherche d’un emploi. Elle me donne alors un imprimé et me demande ma pièce d’identité. Je sors alors mon stylo pour commencer à remplir l’imprimé. C’est alors qu’elle tire l’imprimé vers elle en me disant: «Bon je vais vous le faire». Je l’ai alors laissé faire sans broncher. Elle me demande alors: «vous avez fait des études ?». Je réponds que oui. Elle continue à me questionner: «Vous avez été au collège ?». Je réponds oui. Puis, elle enchaîne en me demandant si je suis passé en seconde. Je réponds: «oui». Elle me demande alors d’une voix étouffée: «vous avez eu votre bac». Je continue de répondre que oui. C’est alors qu’elle me dit, piquée de colère: «Mais, vous auriez pu me le dire...». Et je lui ai répondu: «mais je ne vous ai rien demandé n’est ce pas vous qui avez préjugé de mes capacités intellectuelles». Et l’agent de l’ANPE de me demander: «vous êtes allé jusqu’où ?». Je lui dit: «Bac +5». Et elle de rétorquer: «l’ANPE Cadre c’est au-dessus. Niveau 1».
L’histoire ne se termine pas là. Je monte à l’ANPE Cadre. A peine j’étais rentrée, que quelqu’un me dit «Qu’est ce que vous faites ici ? l’ANPE c’est en bas !». Je réponds qu’on m’avait dit que l’ANPE Cadre c’était ici. On me demande alors: «Vous savez ce que c’est l’ANPE Cadre ?» Je réponds que oui. Et ce n’est qu’à ce moment là que la personne a daigné m’écouter... J’ai expliqué que je souhaitais travailler dans mon domaine mais compte tenu des difficultés, je préférerais procéder à une réorientation. A l’époque c’était très à la mode l’informatique. Donc je me suis dit que j’allais le tenter. On me fixe une date pour le test d’évaluation. Je me retrouve avec tous les cadres dans une classe. A propos de classe cela me fait rappeler un autre moment manifestant le préjugé qui existe en France à l’encontre des femmes voilées et des français de référence afro- maghrébine en général et qui démontre qu’il existe un voile d’une autre sorte: le voile des préjugés et des apriori. J’allais donc à l’école avec mes enfants pour un entretien parents professeurs. J’entre la première dans la classe, les enfants étant en retraits derrière moi ne pouvant être vu par le professeur, quand celui-ci jette un regard en ma direction et me dit: «Pas tout de suite le ménage !» accompagnant ses mots d’un geste des mains comme si je ne pouvais le comprendre sinon par le langage des signes.... Notre vie foisonne d’anecdotes comme celles-ci. Pour en revenir à l’ANPE cadre, On m’explique qu’il y a un test ... Je vois ensuite une conseillère pour analyser mes résultats. Et elle me dit: «C’est formidable notamment en logique où vous coiffez tout le monde». Je lui réponds que c’était sans mérite car la logique des prédicats est une option obligatoire et éliminatoire en cursus de philosophie. Cette conseillère de l’ANPE me dit alors: «Malgré tout, je peux pas valider votre stage car j’ai oublié de vous faire passer un test !». Sans me démonter, je lui dis: «Pas de problème faites moi passer le test tout de suite, je suis disponible maintenant ou je peux revenir demain !». Et elle me réponds: «Ah ben non ! C’est pas comme ça que cela fonctionne madame, il faut une échéance de 6 mois pour refaire le test».
J’ai alors claqué la porte et je n’ai plus jamais remis les pieds dans une agence nationale pour l’emploi.

TaH: Vous êtes membre de l’UFCN dont le président est Mustapha Lounes, pouvez vous nous décrire l’objectif de ce mouvement ?
FZG:
L’objectif est englobant dans sa «simplicité». D’ailleurs ce que j’aime dire à propos de l’UFCN c’est que derrière le message de l’UFCN, il y a une véritable pensée; pensée élaborée par ses membres fondateurs et Mustapha Lounès en particulier. Et je suis persuadée que c’est ça qui va faire que le mouvement va perdurer, qu’il va prendre de l’ampleur et qu’il va se construire. Peut-être lentement mais le processus est inéluctable. Et je pense que c’est ce que nous envient beaucoup de formations qui derrière leur grand discours n’ont pas de pensée ou de concept durable. Je ne pense pas que c’est l’action seule qui déclenche le fait que les gens se fédèrent. Il faut qu’en amont de cette action, il y ait une pensée, une idée maîtresse. Et l’UFCN c’est avant tout une idée essentielle: l’idée de promouvoir une société dans laquelle les gens vivraient ensemble tout simplement. Cela peut paraître simple voire utopique et pourtant cela ne l’est pas. J’y crois avec tout le bureau politique de l’UFCN et nous mettrons tout en œuvre pour concrétiser ce «rêve» d’une France sans discriminations.

«Il n’y a pas une France, il y a des Frances»

TaH: Vous estimez qu’aujourd’hui en France on ne vit pas ensemble ?
FZG:
Il n’y a pas une France, il y a des Frances. Et des Frances qui sont cloisonnées au point que dans des circonscriptions tels que Neuilly- Puteaux, on a l’impression en lisant dans le regard des autres que ces zones appartiennent à des régions dans lesquelles on ne devrait pas apparaître. Il a véritablement des Frances. La France des gens d’en- bas, la France des discriminés, des «sous citoyens, des chômeurs, des citoyens de référence afro maghrébine, je ne pourrai pas énumérer toutes les Frances, mais il est certain qu’il n’y a pas une France avec un principe d’égalité pour tout le monde, mais des Frances avec des accessions au logement différentes, une accession à l’éducation différente, une accession au travail différente, ...

TaH: Donc d’une certaine manière, vous êtes opposée à l’idée de communautarisme ?
FZG:
Absolument. Il y a plusieurs réponses à faire par rapport à l’idée de communautarisme. Un communautarise c’est quelqu’un qui voudrait vivre selon des principes que sa communauté aurait fixés dans une zone bien circonscrite, qui voudrait vivre en marge de sa société...Le contraire de ce que nous revendiquons. Notre but est justement de casser le communautarisme et le ghetto dans lequel on nous a mis. C’est les politiques urbaines successives qui nous ont mis dans des ghettos desquels on veut sortir. Et maintenant on nous traite de communautariste. C’est vraiment un inversement des rôles et des discours.

TaH: Quelle fut votre motivation pour participer à un tel projet ?
FZG:
En fait, je ne me suis jamais reconnu ni retrouvée dans aucun mouvement. Pourtant, je suis quelqu’un qui ne s’est jamais désintéressée du fait politique et de la vie de la cité comme c’est le cas de beaucoup de français aujourd’hui quelque soit leur référence d’ailleurs. Autant le PS a pu fédérer des personnes de référence afro maghrébine ou des couches dites défavorisées, autant le discours du PC a pu quelque temps intéresser ces mêmes catégories de personne, autant l’extrême gauche aussi a eu un discours très flatteur par rapport à ces catégories de populations, autant les verts un certain moment avec le discours écologique, discours de l’«authenticité» ont pu attirer un certain électorat, et je ne parlerai pas des mouvements de droite, autant ces discours ne m’ont jamais interpellé. J’ai toujours observé et j’ai pu reconnaître les actes positifs de ces partis qui pouvaient apporter du concret à des problèmes spécifiques. Mais il y avait un déficit politique vraiment flagrant à l’encontre d’une frange de la population française dont on ne parlait qu’en période électorale et qui servait essentiellement de vivier électoral en période de campagne. Et cela je l’avais bien senti. J’avais senti que c’était purement et simplement de la démagogie ou de l’opportunisme politique. «On s’est «intéressé» à celles et ceux qui désespérément s’attachaient à une tentative de reconnaissance au prix d’une «dénaturation»».

TaH: Donc pour vous c’était pour lutter contre cette démagogie que vous êtes entrée à l’UFCN ?
FZG:
Oui dans un sens. Car je crois qu’il s’agit d’une démagogie qui voulait qu’on ne s’intéresse à moi que quand on en avait besoin. Ces jeunes filles qui sont aujourd’hui exclues du système économique. Jamais, aucun parti n’en a parlé. Ces milliers de jeunes de référence afro maghrébine exclus du système scolaire avec des procédés très souvent scandaleux car quand vous envoyez des personnes orientées vers un BEP alors qu’elles ont des 12 et des 14 de moyenne, je trouve cela révoltant. La discrimination scolaire, Georges Felouzis un universitaire de bordeaux qui a réalisé une étude sur le sujet, en a très bien parlé en apportant des chiffres très éloquent en la matière. Et cette discrimination, il n’y a pas que nous qui la constatons. Quand dans des banlieux on retrouve des classes à 98% d’élèves de référence afro maghrébine, il ne faut pas venir nous parler de mixité sociale. Le problème c’est qu’on ne s’y est jamais intéressé véritablement. Il a eu des slogans. A la rigueur, on s’est «intéressé» à celles et ceux qui désespérément s’attachaient à une tentative de reconnaissance au prix d’une «dénaturation». A cela, je dis non. Je suis une enfant de la France. Et bien, la France est bien ingrate en ce moment. On est les canards boiteux de la famille. Mais, ce n’est pas pour autant que je vais me nier et accepter d’exister autrement pour que l’on me reconnaisse et que l’on voit en moi un être humain. Quand j’ai lu le projet de l’UFCN, J’ai tout de suite adhéré. Les partis politiques traditionnels qui m’ont parlé pendant des années ne m’ont jamais convaincu; l’UFCN il a fallu à peine un mois pour que j’y adhère.

TaH: Comment ceux que vous rencontrez, jugent votre projet ?
FZG:
Les personnes à qui on parle ont d’abord été surprises. C’est la première étape: l’étonnement. Les gens me demandaient si j’étais partie véritablement à la préfecture pour déposer un dossier en tant que candidate d’une élection libre ! Les gens avaient du mal à y croire. Ils s’interrogeaient: «On a le droit ?». Quelque par cela m’a donné envi de pleurer parce que je me disais: «Mon dieu, on est si loin que ça !» ... «On est si sinistré que ça au point de se demander si on a le droit de se présenter à des élections et si on est éligible !». On a donc changé la vision des choses que peuvent avoir les gens. Ils voient aujourd’hui qu’il y a une constance à chaque élection. Et le scepticisme qui était présent, est désormais parti. Et cela est un pas de géant. Rien que pour cela, cela valait la peine de faire tout ce qu’on fait. Après l’étonnement et le scepticisme, il y a eu tout d’un coup les gens qui se sont intéressés à l’aspect technique, juridique, pragmatique des choses. Une véritable éducation à la citoyenneté venait de commencer. Il y a également toute une culture que l’on draine avec nous qui fait qu’au début j’avais un auditoire principalement féminin parce que l’on pensait que mon message ciblait entre autre la discrimination féminine. Puis petit à petit, des personnes de tout horizon ont commencé à fédérer le mouvement.

«il va falloir que tu fasses doublement tes preuves»

TaH: Estime-vous qu’aujourd’hui les droits des citoyens français de confession musulmane sont bafoués ?
FZG:
Il est vrai qu’aujourd’hui les français de confession musulmane «bénéficient» d’un traitement qui n’est pas égalitaire. Du fait même de sa confession, le citoyen français de confession musulmane est en position de marginalisation. Du fait de cette marginalisation forcée, on lui fait subir un traitement discriminatoire. D’où la loi du 15 mars 2004, d’où cette stigmatisation à travers une terminologie qui est excluante. «D’origine,», «issu de l’immigration», «beur» toujours ces connotations excluantes qui sont en fait là pour dire: «tu es français mais tu ne penses tout de même pas que tu auras accès égalitairement à tous les droits des dits français. Et ce même si la constitution te les reconnaît en terme de droits constitutionnels. Mais dans la pratique, il va falloir que tu fasses doublement tes preuves». Il nous reste maintenant à comprendre ce que cela veut dire faire doublement ses preuves. Parce qu’au niveau de l’intégration intellectuelle et économique, les jeunes de référence afro maghrébine offrent un potentiel économique et une richesse à la France comme nos parents ont apporté une richesse à la France. Sur le plan économique et social on a rien a prouver et sur le plan intellectuel ou culturel non plus. Donc qu’est ce que l’on veut nous demander de prouver ? En quoi doit-on faire nos preuves ? Nous, à l’UFCN, ce que l’on a compris c’est qu’on nous demande de faire nos preuves en n’oubliant une part de ce qui fait notre spécificité, nos différences qui sont autant de richesse. Et ça on ne peut pas l’accepter.

TaH: En prenant une femme voilée comme sa représentante, est ce que les membres du UFCN n’ont pas peur d’être associé à un mouvement fondamentaliste ?
FZG:
On a beaucoup réfléchi à cela. Lorsque j’ai adhéré au mouvement, je me suis très vite investie pour la promotion de son discours. Je l’ai porté avec beaucoup de conviction; conviction que j’essayais de faire partager tout autour de moi. Pourquoi alors ceux qui luttent contre la discrimination auraient refusé ma candidature. En cas de refus, moi-même je me serai posée des questions. Je me serai dit: «C’est un parti qui lutte contre toutes les formes de discrimination et qui quelque par me discrimine pour des raisons complètement étrangères au critère de choix de ma candidature. Alors on ferait comme les autres partis. Autant dans ce cas intégrer les autres partis». Mais le fait que le bureau politique de l’UFCN ait accepté ma candidature, c’est au contraire prouver la véracité de la non démagogie de leur mouvement. Parce que c’est lourd à porter pour eux, je l’imagine. Quelque part la stratégie d’avoir peur de ce dont on pourrait nous qualifier pervertirait la teneur du message que l’on veut envoyer.

TaH: En clair, vous avez appliqué le principe d’égalité des sexes et de la reconnaissance du travail effectué ?
FZG:
Exact. Et cela, nous l’avons appliqué alors que d’autres partis ne l’ont jamais fait ou disent commencer à vouloir le faire sans que nous en voyions les preuves concrètes.

TaH: Vous avez participé à l’élection partielle de Neuilly-Puteaux dimanche 13 mars où vous avez réalisé 0,76% des voix soit 185 votes sur 25000 bulletins, quelles leçons votre mouvement en tire ?
FZG:
Les leçons à tirer sont de deux ordres. Il y a des leçons à tirer dans l’absolu du score en lui même. Et il y a des leçons à tirer de ce score qui s’inscrit dans la continuité du mouvement de son action et de son impact. Au niveau de l’analyse intrinsèque du score, je dis qu’il reflète assez bien le travail qui a été fait. Et franchement, il est même au-delà de nos espérances. Vu le travail qui a été fait, vue la couverture médiatique qui n’était pas élogieuse, vue la tentative de stigmatisation systématique de ma candidature, vues les régions dans lesquelles on se présentait, on aurait pu penser à un score dérisoire. Et là, j’avoue que ce score là, quelque part il nous rappelle qu’avec peu de moyens mais avec des militants qui ont porté le message avec sincérité, qui ont tracté avec leurs tripes, avec spontanéité et une certaine naïveté; qui ont agit sans qu’on leur promette quoi que ce soit, ... en fait quelque part je suis très «fière» d’eux et du score qu’on a pu réaliser par leur simple mobilisation.

TaH: Au vue du score que l’UFCN a réalisé lors de cette élection quel était l’intérêt de participer à cette élection où votre cible d’électeurs, que sont les personnes subissant des discriminations, sont moins représentés à Neuilly que dans d’autres villes ?
FZG:
L’intérêt s’inscrit plus dans le cadre d’un travail que l’UFCN effectue sur le long terme qui est d’acquérir le maximum de visibilité et de donner le plus d’audience à notre projet politique du «Vivre Ensemble» Notre discours doit être entendu de tous car la discrimination et en particulier «traquer» la discrimination, est l’affaire de tous et toutes.

TaH: Vous vouliez donc juste passer un message lors de cette élection ?
FZG:
Pourquoi les putéoliens ou les nocéens devraient être exemptés du droit et du devoir de savoir que d’autres citoyens vivants à quelques mètres d’eux parfois sont dans une situation inadmissible pour tous . Devrait-on moduler notre discours en fonction des quartiers ? Veut-on également ghettoïser notre discours ?

TaH: N’avez-vous pas l’impression que votre candidature est gênante pour certains élus, voire certaines associations ?
FZG:
Le «jeu démocratique» veut que la pluralité des candidats serve la démocratie. C’est la garantie d’une démocratie saine. C’est la garantie de pouvoir porter sur la scène politique les espoirs et les revendications de tous. Maintenant, il est certain que tout le monde ne voit pas cela du même œil. Beaucoup ont perdu cette capacité d’indignation et de revendication et ont pu voir dans ma candidature une «gêne» ou une «excentricité». Mais par notre présence sur la scène politique et notre persistance, le discours finira je pense par nous inscrire sur la liste des formations politiques dont on juge la présence «normale».

«je n’ai jamais vécu dans une société de tradition musulmane»

TaH: Estimez vous plus difficile aujourd’hui d’être une femme dans une société musulmane ou d’être une musulmane voilée dans une société occidentale ?
FZG:
Je ne pourrai pas vous le dire pour la simple raison que je n’ai jamais vécu dans une société de tradition musulmane. Pour ce qui est par contre d’être une femme voilée dans une société occidentale comme vous dites Personnellement je ne l’ai jamais vécu comme une situation particulière jusqu’au jour ou on a insisté pour nous dire par le biais du discours puis d’une loi, que l’on considérait un statut particulier pour la citoyenne française de confession musulmane et que dans ce cadre il fallait légiférer. Nous mesurons aujourd’hui les conséquences dramatiques de ce traitement discriminatoire.

TaH: Pensez-vous que le CFCM puisse jouer un rôle dans cette politique de lutte contre les discriminations ?
FZG:
J’aimerais si vous le permettez répondre à votre question par une autre question. Auriez- vous posé la même question à d’autres formations politiques ? Le CFCM est un conseil qui fut crée en vue de gérer le culte musulman. Si je dois me positionner par rapport à cet organisme c’est sur le plan privé et personnel vue que ma religion est une affaire privée. Cela relève de l’opinion personnelle. Et je crois que mon opinion personnelle n’a pas lieu d’être exposé et débattue en public.

TaH: Comment analysez vous la lecture faites de l’islam par les médias, les intellectuels et certaines associations ?
FZG:
Ce qui est étrange c’est autant on peut faire une lecture des candidatures en se basant essentiellement sur leurs messages, leurs textes, leurs discours, leurs formations politiques, leurs appartenance politiques, mais autant à partir du moment que c’est quelqu’un qui se présente de manière différente qui a des références un peu différente à ce moment là on ne considère plus comme un candidat à part entière C’est-à-dire que le message, le discours politique, sa formation politique, etc., sont mis en retrait pour ne plus voir en lui qu’un individu dont la confession ou les références orienteraient le discours et lui donneraient des connotations. Et ça, c’est quelque chose qu’à l’UFCN on va s’engager à démonter. Car il faut aussi que l’on nous voit à travers un message, à travers un discours politique. Est ce à dire que les autres candidats n’ont pas de principes et n’ont pas de confession particulière ? Non ! Mais ce n’est pas à partir de cela que l’on va déclencher des commentaires dans les articles. Alors pourquoi pour moi ce serait une dimension personnelle qui déclenche les commentaires à propos d’une candidature qui est publique et qui s’inscrit dans le schéma électoral, etc. Il y a donc là un traitement qui n’est pas égalitaire. On va donc veiller à une égalité de traitement sur le traitement de nos candidatures

TaH: Se déroulera le 29 mai prochain le référendum sur le traité constitutionnel européen, quelle sera la position de votre mouvement ?
FZG:
Au niveau de la convention européenne, nous avons jusqu’au mois de mai pour bien l’étudier et communiquer notre position. Pour le moment, on a un avis qui n’est pas tranché bien que nous penchions vers le non . Nous serions défavorable au oui car en amont, l’Union Européenne refuse pour des considérations que l’on juge à l’UFCN complètement «aprioriste» l’entrée de la Turquie en Europe. On aimerait bien que cela soit justifié politiquement et économique hors cela n’est pas le cas aujourd’hui. Par contre la constitution européenne réaffirme certains principes relatifs aux droits de l’homme, à la définition de ses libertés, au droit du citoyen, qui pourraient quelque part nous amener à penser que cela pourrait nous permettre de rétablir certaines normes qui en ce moment deviennent un peu flou pour beaucoup.

TaH: Quels sont les projets d’action que vous comptez mener ?
FZG:
Et bien, les actions que l’on compte mener sont avant tout des actions de terrains. Appeler les gens massivement à s’inscrire sur les listes électorales. Et c’est vrai que toutes les bonnes volontés et les idées pour arriver à ce projet, sont les bienvenues. Je ne veux pas pousser les gens à s’inscrire sur les listes pour voter UFCN. Je voudrais dans un premier temps qu’ils comprennent l’intérêt de l’inscription avant même de décider pour qui ils vont voter. En effet, celui qui n’a pas encore compris l’intérêt du vote ne peut pas être prêt à faire le choix de l’UFCN , vu que ce choix nécessite d’avoir compris les enjeux d’un engagement qui passe par la voie des urnes. Cela passera essentiellement par l’établissement de bureaux UFCN, à l’échelle du canton, chargés d’une campagne massive visant au développement de l’esprit civique (inscription sur les listes électorales, formation au fonctionnement des institutions: municipalités, conseils généraux, conseils régionaux, assemblée nationale, sénat). Nous envisageons la création de comités départementaux supervisés par des directions régionales. Nous souhaitons également aider à la création de parents d’élèves et de locataires. Nous désirons ouvrir la réflexion sur la constitution de syndicats pour lutter efficacement contre la discrimination à l’embauche. Et bien sur, nous travaillons, en fidélité avec notre projet politique, à la préparation des prochaines échéances électorales.