Curiosae

  1. Cette page est ©™® ma pomme, NDD !
  2. Les collègues, c'est la plaie !
  3. Comment satisfaire les électeurs ?
  4. Gauche, droite ! Gauche, droite !
  5. Tout va très bien, Mme la marquise…
  6. Progression, avez-vous dit ?
  7. Nous ne parlons pas à n'importe qui !
  8. L'Homme d'un côté, l'Arabe de l'autre.
  9. Le droit de se faire dire ses droits.
  10. Vous êtes écrivain, vous ?…
  11. 24 civils coupables tués dans un attentat.
  12. Je l'ai lu à la radio…
  13. Les femmes et les enfants, quelle plaie !
  14. Les inventeurs célèbrement méconnus
  15. Quel est le montant annuel de la dette du Mexique ?
  16. J'ai gagné entre 10.000 et 50.000 € cette année.
  17. Reconstruction militaire.
  18. La pire des pubs c'est la pub anti-pub
  19. Une urgence toute relative…
  20. 66% des Français seraient-ils paradoxaux ?

  1. Cette page est ©™® çui-là qu'c'est qui l'a faite !

    Pour ce qui me concerne, j'ai toujours douté de la pertinence d'attribuer un droit légal et moral aux œuvres de l'esprit, pour autant qu'elles ne réalisent rien, sinon elles-mêmes, et pour autant qu'on n'en ait pas un usage commercial. Cela posé, il se trouve que pour les objets diffusés par la presse, la librairie, les chaînes de télévision, le cinéma et les stations de radio, il est plutôt délicat d'avoir cette position radicale sans encourir les foudres de la loi. Puis vinrent la vidéo, le CD (audio ou ROM) puis Internet. Ici, la question devient délicate: une page publiée sur un site Internet personnel et non commercial et, soit reprise d'un autre site, soit transcrite d'un document papier ou audio-visuel, est-ce une violation du ©™®, ou un usage privé ?
    Le législateur a décidé que si le producteur le requérait, ce serait considéré une violation du ©™®. Et puis ? Si je n'ai pas le droit de reprendre sur mon site une page de cet ordre, je peux mettre à la place:
      • Une invitation à m'écrire pour qu'en retour je renvoie le document concerné, «à titre privé»,
      • Un lien vers la page concernée, et si cela devient illégal,
      • Une description exacte de la page Internet où l'on peut trouver le document.
    Bien sûr, les forcenés du ©™® iraient jusqu'à vouloir faire interdire la mention même de la page concernée, mais ils s'interdiraient eux-mêmes, par le fait, de pratiquer la chose, ce qui paraît improbable.
    L'Internet, ou la censure légale impossible…


  2. Ne faites pas ce que je dis, faites ce que je dis, bon sang !

    A l'époque où je secourais par téléphone des utilisateurs d'ordinateurs, il me fallait parfois demander à mes correspondants de taper «deux points» sur leur clavier. Dans ces cas, j'avais pris l'habitude d'ajouter, pour vérification, des phrases du genre, «comme dans “deux points ouvrez les guillemets”». Ou bien, quand mes utilisateurs rapportaient qu'à l'écran s'affichait un message d'erreur du style «Fichier introuvable», je demandais, «Vous l'avez écrit comment, “deux points” ? Deux points l'un au-dessus de l'autre, ou un point et encore un point ?». En général, c'était: un point que suit un point. Je demandais alors si, à l'école, quand on leur disait «deux points» il écrivaient un point plus un point, ils me répondaient que non, je demandais ensuite, alors pourquoi ? Ben, parce que vos collègues [etc.].
    Les collègues, c'est la plaie: ils déforment la perception des choses sur leur «spécialité» par les «non spécialistes». Des fois, on a besoin d'écrire des choses un peu ésotériques avec un séquence où deux points se suivent; n'étant «spécialiste» de rien, je le suis d'un peu tout: assez tôt dans mes début en cet emploi, j'ai vu que l'histoire de «deux points qui…» posait un problème – dans le sens inverse à celui évoqué – et disais dans ce cas, «tapez un point puis encore un point». Ça n'empêchait pas des correspondants de «traduire» (qui on le sait est trahir) cette phrase pourtant explicite en «deux points», mais c'était rare.
    Nombre de mes collègues, des «spécialistes de l'informatique» mais ni de la psychologie, ni du comportement, et moins que tout «spécialistes du lissage des rapports humains dans une situation dominant / dominé», disaient en général: «tapez deux points [pause appuyée] Deux points qui se suivent». Dans leurs premiers contacts avec les «spécialistes», les «connards d'utilisateurs» (c'est le terme technique employé par les «spécialistes» pour désigner les «non spécialistes») tapaient généralement le «deux points» classique, celui qu'on leur avait appris à l'école. Message d'erreur, et engueulade sévère par le spécialiste, genre, mais c'est pas vrai ! Vous n'écoutez donc pas ce qu'on vous dit ! Si vous continuez comme ça, on ne s'en sortira jamais ! (dans ces situations, le «spécialiste» dit rarement «je», il assume son discours comme «le discours des techniciens», d'où ce «on», qui n'est pas un «on» d'inclusion [vous et moi] mais d'exclusion [nous et vous]).
    Après trois ou quatre interactions du genre, notre correspondant était bien conditionné, et face à un «spécialiste» interprétait «convenablement» les «deux points». Les mêmes collègues, d'ailleurs, quand ils leurs disaient «deux points» dans l'acception ordinaire et obtenaient l'autre résultat, les engueulaient avec les mêmes formules que précédemment… Ce qui prouve incidemment que celui des deux qui «n'écoute pas ce qu'il dit» est en l'occurrence le «spécialiste».
    Cette histoire montre une chose intéressante: les conditionnements ne se font pas in abstracto, ils sont dépendants du contexte.


  3. Comment satisfaire les électeurs ?

    «Ce salaud de Seillière ! Même pas sûr qu'il aie voté pour nous, et en plus il voudrait me dire comment gouverner ! J'aimerais l'y voir ! C'est facile, là où il est, de donner des conseils, c'est pas ses électeurs à lui qui risquent de le blackbouler !» Doit se dire en ce moment Jean-pierre Raffarin, et sa majorité avec lui.
    Il y a ceci: Seillière est bien gentil (enfin, manière de dire…), seulement, lui, ses copains et leurs affidés, avec les familles, ça fait quoi, 20.000, 30.000, 50.000 électeurs ? Ça pèse quoi, en face de 2.000.000 de chômeurs officiels, 3.000.000 de smicards et 4.500.000 à 5.000.000 de fonctionnaires et assimilés, et leurs familles ? Plus les agriculteurs, plus les pêcheurs, plus les transporteurs routiers et leurs chauffeurs, bref, il y a beaucoup plus de pauvres que de riches chez les électeurs…
    «Dans les médias, ils racontent n'importe quoi !», doit se dire derechef notre premier ministre, «j'entends, je lis sans cesse, depuis le milieu du mois d'août [2002], que nous sommes coincés entre “les réalités économiques” et “la nécessité de satisfaire notre électorat”; tu parles ! C'est bien pire: si on n'applique pas notre programme, on passera pour des clowns, et si on l'applique, nos électeurs, qui sont des pauvres, vont en prendre plein la gueule pour pas un rond (c'est le cas de le dire). Comme c'est parti, toutes les élections qui viennent on va se faire laminer, et en 2007, on se prend une claque comme jamais depuis 1981 !». Voilà ce que doivent réaliser en ce moment nos gouvernants et leurs députés…

    Note ultérieure (au 17/07/2006). Cette “curiosa” date d'entre les élections de mars et juin 2004. Depuis, la tendance ne s'est pas inversée, la seule différence vient de ce qu'on doit désormais mettre ce discours dans une autre bouche. Et l'on peut constater (les mouvements de fin 2005 / début 2006 l'ont assez montré) que le dilemme demeure: quel pouvoir satisfaire, celui de la «propriété des moyens de production» ou celui des urnes ?


  4. Gauche, droite ! Gauche, droite ! Scrongneugneu…

    Les «commentateurs politiques» appointés par les «grands» médias et leurs amis politiciens hélas ! appointés par le bon peuple, sont chaque année plus indigents: vous rappelez-vous ces digressions oiseuses et geignardes (à gauche) ou perfides (à droite) sur la déclaration de Le Pen à jouir se disant «socialement de gauche, économiquement de droite»: à se prendre eux-mêmes tellement au sérieux, ils ne parviennent plus à faire des analyses simples, et clouer son bec de belle manière à l'imbécile, en lui faisant remarquer que cette phrase est ni plus ni moins qu'une manière à peine nouvelle d'énoncer un lieu commun des plus éculés: j'ai le cœur à gauche, le portefeuille à droite…
    Le grand problème, avec Le Pen n'est pas Le Pen mais cette cohorte d'incompétents qui, à force de simplement donner un écho à ses propos, sur un ton dramatique et pénétré, et non de les démonter comme je viens de le faire, pour montrer leur inanité et leur insanité, lui donnent un poids qu'il n'a pas, celui du sérieux.


  5. Une fusée à trois étages.

    Les articles de l'OMC sont comme ceux du quotidien Le Monde: le titre dit une chose, le chapeau en dit une autre, l'article en dit une troisième… Quand on voit ce titre:
    Les exportations de marchandises des pays en développement ont progressé de 8,5 pour cent en 1999, soit un taux de croissance presque deux fois plus élevé que la moyenne mondiale

    on se dit, les pays en voie de développement se développent, c'est chouette ! Puis vient la présentation de l'article:
    Pendant toutes les années 90, à l'exception de 1998, les exportations des pays en développement ont augmenté plus vite que le commerce mondial. En 1999, la part de ces pays a été de 27,5 pour cent pour les exportations de marchandises et de 23 pour cent pour les exportations de services commerciaux, en hausse dans les deux cas de plus de 4 points de pourcentage par rapport à 1990.

    Elle semble confirmer la première impression, mais pour qui s'en souvient 1998 fut l'année de la crête du mouvement de «relocalisation» (réimplantation dans des pays développés d'activités délocalisées), des crises russe, asiatique et sud-américaine, et de l'effondrement des prix des produits des «pays en voie de développement». De facto leurs exportations n'ont pas moins progressé en 1998, mais leurs revenus ont régressé…
    Puis vient l'article:
    Il y a eu à nouveau en 1999 de grandes différences entre les pays les moins avancés pour ce qui est de la croissance des exportations de marchandises. Les exportateurs de produits manufacturés comme le Bangladesh, le Cambodge, et Haïti ont vu leurs exportations augmenter plus vite que le commerce mondial. Les exportateurs de pétrole, comme l'Angola et le Yémen, ont bénéficié de la hausse du prix de ce produit et leurs exportations se sont accrues de plus d'un tiers. En revanche, les exportateurs de produits de base autres que les combustibles, confrontés à une baisse des prix de ces produits, ont généralement subi un recul de la valeur de leurs exportations.

    Intéressant, non ? Merci à l'OMC, grâce à un court paragraphe elle permet de montrer en quoi cette histoire de «progression du PIB/PNB» est une notion douteuse: il ne montre pas réellement le «taux de croissance», si l'on entend par là le taux de croissance réelle (la plus grande production de biens), mais la croissance des revenus, indépendamment de la croissance réelle: sur les trois cas cités, le seul dont croissance réelle et croissance du revenu coïncident est celui des «exportateurs de produits manufacturés», dont on peut supposer que le prix (à l'exportation) des biens produits a peu ou n'a pas varié, le volume quant à lui augmentant; pour les pays de la seconde catégorie, Mme OMC nous ment en disant que «leurs exportations se sont accrues de plus d'un tiers»: en fait, c'est le revenu de leurs exportations qui a cru d'un tiers, leurs exportations n'augmentant «que» de 15% environ; enfin, «les exportateurs de produits de base autres que les combustibles» ont connu dans cette période une croissance réelle importante de leurs exportations, mais à l'aune du PIB, ils ont connu une «décroissance» puisque leur revenu a diminué…
    Comme c'est ici la place des curiosae, je n'approfondirai pas la question, cependant, il faut aussi considérer que cette idée de «taux de croissance [des pays en développement] presque deux fois plus élevé que la moyenne mondiale» est douteuse aussi en ce fait qu'une part assez grande dudit «taux de croissance» tombe directement dans l'escarcelle des pays développés. Juste un exemple: au Brésil, pour avoir un bon café brésilien… il faut l'acheter en «import». Non qu'il ait effectivement quitté le pays, mais comme la récolte est prévendue aux consortiums suisses, français ou états-uniens, pour pouvoir acheter du café brésilien au Brésil on doit payer en outre les (sic) «taxes d'importation».


  6. Un autre point de vue sur la même question.

    La question est celle évoquée dans la Curiosa 5, le «taux de croissance […] des pays en développement». Ou plus exactement, la manière d'en parler.
    Il y a dans ce monde 192 États-nations reconnus, parmi lesquels environ 25 (plus ou moins) développés, environ 25 (plus ou moins) assez développés, environ 40 (plus ou moins) «en développement», comme l'écrit l'OMC, dit autrement, «en stagnation», environ 45 assez ou très sous-développés, environ 55 assez ou très mal barrés (moins de 400 $ de PNB/h). De ce que j'en comprends l'OMC classe les deux premières catégories parmi les nations développées, ce qui est en fait douteux, toutes les autres dans la catégorie «en développement». C'est à partir de ce genre de prémisses que l'on peut énoncer que «les exportations des pays en développement ont augmenté plus vite que le commerce mondial»: si 50% (en population) des «pays en développement» ont régressé de 15% pour les exportations mais qu'ils forment 5% des échanges mondiaux, et que 50% ont progressé de 11% et forment 22% des échanges, «en moyenne» «les pays en développement» ont progressé de 8%… Et tant pis pour les deux milliards d'humains qui vont contre la moyenne.


  7. A qui parle-t-on ?

    Sur le site de cette institution, La page "Le HCR[1] et les réfugiés" commence ainsi:
    Les réfugiés sont des gens comme vous, sauf qu'ils ont tout perdu: leur maison, leur travail, souvent même des proches et des amis.
    Ce qui ne laisse d'interroger:
    • les réfugiés ne sont donc pas supposés accéder au site du HCR ?
    • Les "non réfugiés" qui "ont tout perdu" sont-ils "comme vous" ?
    • Les réfugiés qui n'ont pas "tout perdu", mais ont perdu une partie seulement des éléments de la liste sont-ils "comme vous" ou "comme des réfugiés" [2]?
    • Être "comme vous", c'est être comment ? Les réfugiés sont peut-être "comme vous"[3], mais vous, comment êtes-vous, et êtes-vous comme moi qui suis un de ces vous qui suis "comme les réfugiés" [4]?
    • Les lieux communs sont-ils solubles dans les bons sentiments ?

    En tout cas, selon toute apparence pour le HRC statut de réfugié et accès à Internet sont incompatibles. Ce qui laisse finalement penser que, pour le HCR, les réfugiés ne sont pas tout-à-fait "comme vous"
    [1] Haut commissariat (des Nations unies) pour les réfugiés.
    [2] mauvaise question: les réfugiés étant "comme vous", un réfugié qui ne serait pas "comme un réfugié" serait "comme vous"… donc, comme un réfugié…
    [3] sauf bien sûr si vous êtes un(e) réfugié(e), dans ce cas, vous êtes "comme vous", mais pas de la même manière que les "comme vous" qui ne sont pas des réfugiés.
    [4] C'est vrai, on tourne un peu en rond: du fait que dans tous les cas vous êtes "comme vous", vous êtes donc "comme les réfugiés", même si vous êtes un(e) réfugié(e) qui n'est pas "comme les réfugiés"…



  8. L'Arabe a-t-il une âme ?

    J'entends un récit d'Albert Camus, «Le Dernier Homme», le roman – inachevé – qu'il écrivait au moment de sa mort. Et il y a ceci de curieux: les «Européens» sont différenciés, “le docteur”, “la tenancière”, “la patronne de la cantine”, “le contremaître”, etc., ou désignés comme “l'homme”, “la femme”; en revanche, les, disons, «non Européens» sont “l'arabe” ou “la femme arabe” – en dépit du fait que le contexte laisse supposer qu'il s'agit plutôt de kabyles…
    Vous le savez comme moi, Albert Camus fut un grand humaniste, mais il semble bien qu'une certaine répartition de l'humanité, typique de l'époque et de l'endroit, l'avait bien imprégné. Le texte donne le sentiment diffus que “l'Arabe” n'est qu'imparfaitement homme.
    Remarquez, en lisant ses grands romans («L'Étranger» ou «La Peste») le sentiment n'est guère différent. Je sais qu'il ne faut pas confondre l'auteur et l'œuvre, cependant, j'ai vraiment l'impression que l'humanisme de Camus s'appliquait surtout à une certaine partie de l'humanité, disons, celle «civilisée», Européenne…


  9. Tout le monde a des droits, même ceux qui ont des droits.

    Dans la présentation par Le Monde Radio-Télévision du samedi 28 décembre 2002 d'un documentaire sur la place des parents d'enfants malades au sein des hôpitaux, Thérèse-Marie Deffontaines écrit, parlant d'une assistante sociale s'ingéniant à améliorer les rapports entre ces parents et les soignants:
    «Sa méthode: dire la loi, rappeler les droits – tout le monde en a, les parents, même s'ils ne répondent pas aux critères normatifs de certains, les pauvres, les étrangers, et même les toxicomanes et les séropositifs»
    Je ne puis déterminer si le défaut de construction de la phrase porte sur le fond ou la forme – à mon avis, il y a des deux. L'incise «les parents» en appelle une autre, «les enfants», «les soignants» ou que sais-je, qui ne figure pas: j'en conclus, soit que l'autrice a écrit son article avec les pieds, soit que la mention «et même les toxicomanes et les séropositifs», voire tout le segment à partir de «les pauvres», forme le complément à «les parents», d'où, la qualité de parent serait, dans son esprit, incompatible avec celle de toxico ou de séropo – voire de pauvre… Soyons charitables, accordons-lui le défaut de construction formel.
    Cela concédé, le segment «et même les toxicomanes et les séropositifs» pose problème, ou du moins me pose problème: notre critique du Monde Radio-Télé a si bien intégré que toxicos et séropos forment, disons, une «catégorie sociale et juridique» valide, qu'elle peut les isoler parmi les «non normatifs» en tant que populations ayant des droits particuliers liés à leur dépendance ou à leur état de santé, ou dont le statut particulier ne les empèche malgré tout pas d'avoir les mêmes droits que les personnes vraiment normales…


  10. Non ! Vous êtes écrivain ! Ça n'est pas possible !

    Vous l'aurez remarqué, certains métiers semblent incompatibles avec le fait d'écrire, quoi qu'on écrive – sauf son autobiographie ou un ouvrage technique. Parmi les catégories apparemment les moins aptes au labeur d'écrivain, les comédiens et acteurs, les sportifs, les artisans d'une certaine notoriété (grand cuisiniers, designers de renom, etc.), les chefs d'entreprises, les ouvriers en usine, et les journalistes de télévision.
    Cela me semble étrange, car en France, contrairement aux États-Unis, écrivain n'est pas un métier qu'on apprend à l'université mais une activité pratiquée par n'importe qui, sans titres (et souvent sans talents) particuliers. Pour les avoir fréquentés, je ne trouve pas moins, ni plus, étonnant qu'un acteur ou qu'un professeur d'histoire-géo écrivent, et même, comme le remarquait à l'instant Daniel Auteuil dans l'émission qui motive cette curiosa, en tant qu'acteur il a un grande familiarité avec les mots, et avec les grands textes. Plus grande que le prof d'histoire-géo moyen. Et pourtant, du prof d'histoire on ne s'étonnera pas qu'il écrive.
    En fait, hors les catégories supposées incultes (ouvriers d'usine ou agricoles, SDF, etc.), il y a un trait commun à ces écivains «étonnants»: ils ont une certaine notoriété acquise dans un domaine autre que «littéraire» – celles énumérées, mais aussi les autres domaines artistiques (peinture, cinéma,etc.). Et même, depuis quelques décennies, ce qui apparaissait normal dans les années 1950 ne le paraît plus; par exemple, deux figures de cette décennie dans le théâtre et le roman furent Camus et Sartre; quand on voit l'insuccès notoire de BHL (qui pourtant ne fut pas pire romancier et cinéaste qu'un autre de sa génération) à s'y être essayé, on se dit ceci qu'aux temps où nous vivons le taylorisme ravage même les Lettres: un auteur comme Michel Tournier, par exemple, eut-il débuté trente ans plus tôt, aurait pu mener de front une œuvre de littérateur et de philosophe sans troubler la critique; aujourd'hui, ce n'est guère envisageable. Pourtant, combien plus riche philosophiquement peut être la lecture de Vendredi ou du Roi des Aulnes que celle de… Taisons les nom.
    Quel est le problème ou plutôt les problèmes ? En premier, un dogme non prouvé mais tenace depuis quelques lustres selon lequel pour arriver à une certaine qualité dans un domaine donné il faut s'y consacrer «tout entier»: on applique à tous les domaines quelque chose qui a une certaine validité dans celui des sciences et techniques, mais n'est objectivement pas extensible à tous autres; ensuite, la tendance à attribuer des capacités intellectuelles limitées aux personnes n'ayant pas suivi d'études supérieures longues, ce qui est le cas de la plupart des écrivains «étonnants», et qui m'étonne doublement: d'une part, les capacités intellectuelles ne se mesurent pas aux années d'études, de l'autre, à un écrivain on ne demande pas de l'intelligence au sens universitaire, mais de l'imagination – et pour ça, il n'y a pas de cours dispensés en Faculté… Enfin, nous vivons dans une société paradoxale, où l'on requiert aux personnes de briller pour être notoires, mais de ne pas trop briller: on trouve acceptable que Luc Besson soit à la fois un metteur en scène de renom et un producteur avisé, mais, écrire des livres pour enfants ! C'est trop ! Et là, a priori ça ne peut qu'être de piètre qualité…


  11. Le civil est-il par essence innocent ?

    Quand on parle d'un attentat ou d'un (sic) «dégât collatéral», les civils qui meurent sont assez généralement qualifiés d'innocents. Bon, mais innocents en quel sens ? Idiots ? Non coupables ? non impliqués dans l'affaire ? Et puis, ça semble induire que les morts «non civils» (agents de police, par exemple) ne seraient pas innocents. Ce qui reste à prouver.
    Que dit-on en parlant de «civils innocents» ? Qu'ils sont victimes d'une action dans le cadre d'un conflit dont ils ne sont pas responsables. Et bien, ça n'est pas si évident. Des «terroristes» ont pu commettre l'attentat contre le World Trade Center (WTC) parce que certaines organisations membres d'“Al Qaida”, avaient les moyens matériels et humains de le préparer; ces organisations les avaient parce qu'un certain nombre d'États, Arabie séoudite, Pakistan, Afghanistan pour nommer les trois principaux, leur ont permis, en leur fournissant des moyens financiers ou logistiques ou en les accueillant, de se retrouver en état de faire un tel attentat; les gouvernements de ces pays n'ont pu s'établir et se maintenir que grâce à l'appui direct pour les deux premiers, indirect pour le troisième, de certains pays plus intéressés à avoir affaire à un «régime fort» qu'à un régime démocratique dans ces pays, quitte à soutenir des parangons de l'islamisme radical, et parmi ces pays figurent les États-Unis; les administrations successives des États-Unis ont pu mener cette politique grâce au soutien actif ou passif du peuple de ce pays; au bout du compte on peut considérer que parmi les victimes du WTC, celles qui soutenaient la politique étrangère habituelle de leur pays ne sont pas vraiment innocentes…
    De même, dans les années 1950 les Français approuvant une politique répressive et vouée à l'échec dans ces colonies et victimes d'indépendantistes indochinois ou algériens étaient-ils “innocents” ? Ou encore, les Israéliens qui votèrent il y a quelques années pour le Likoud ou les partis les plus extrémistes, soutinrent et soutiennent encore le gouvernement Sharon et optèrent de facto pour une politique belliqueuse envers les Palestiniens, sont-ils vraiment “innocents” quand ils sont victimes des attentats actuels ?
    Comme quoi, cette notion de «civils innocents» est assez douteuse.


  12. …Et je l'ai écouté à la télé[1]

    Dans le sondage récurrent publié par La Croix et intitulé «LA CONFIANCE DES FRANÇAIS DANS LES MÉDIAS, Baromètre annuel», le sondeur a eu la bonne idée de mettre les mots importants bien en évidence, mais ça donne,
    • En général, à propos des nouvelles que vous lisez dans un journal, est-ce que vous vous dites:
    • A propos des nouvelles que vous entendez à la radio, est-ce que vous vous dites plutôt:
    • Pour les nouvelles que vous voyez à la télévision, est-ce que vous vous dites plutôt:
    Au cas où l'on voudrait parler des informations qu'on entend dans son quotidien…
    [1] Quoiqu'ici, ce soit déjà moins drôle: il m'arrive assez souvent de «regarder» la télé d'une oreille distraite…




  13. Le Macho de la Machine

    On trouve des choses de toutes sortes sur Internet, par exemple ceci:
    Retouvez votre bureau inchangé

    Vos enfants, femme de ménage, épouse, maitresse etc... ne pourront plus mettre le foutoir sur votre bureau. Vous retouverez votre bureau intact, comme vous l'aviez laissé avant d'allez acheter votre paquet de clops.
    On cumule, ici: mépris des femmes, des enfants et des subalternes, propagande pour le tabac – sans compter l'orthographe approximative –, bref l'esprit libre et progressiste si courant sur Internet…



  14. Il y en a, ils se lèvent le matin…

    …et ils se disent: super ! J'ai trouvé un truc génial !
    Un matin, un gars a trouvé ça: République démocratique populaire. Chouette nom, pas à dire. République c'est plus ou moins un terme technique, la res publica, la «chose publique», dit autrement, le gouvernement; populaire, c'est sans mystère, ça signifie «du peuple»; kratos, ça signifie en gros «gouvernement»; demos signifie «peuple»; bref, une République démocratique populaire c'est un gouvernement du gouvernement du peuple du peuple…



  15. Quel est le montant annuel de la dette du Mexique ?

    Un article signé par Serge Chabaud, paru dans la Lettre blanche n° 33 de l'association Pénombre sous le titre «Fois plus - Fois moins», discute de cette expression toute faite: «ceci vaut tant de fois plus – ou tant de fois moins – que cela». On se reportera avec avantage à l'article quand il sera en ligne, en tout cas, la logique veut que si tel objet vaut «(n) fois moins» que tel autre, il vaut x-(x*n), par exemple, si tel vaut 5 kopeks et tel autre deux fois moins, son «vendeur» vous le donne, avec 5 kopeks par dessus le compte…

    Quand on lit dans le périodique canadien La Presse du 1° août 2001 que «le niveau de vie [des 100 millions de Mexicains] est cinq fois moins élevé que celui des Canadiens», avec la même arithmétique, et le revenu moyen des Canadiens étant d'environ 20.000$US, la dette annuelle par habitant au Mexique serait donc d'environ 80.000$US, soit une dette totale de 8.000 milliards de dollars US, à-peu-près le PNB (positif) des États-Unis. Mais, qui leur prête tout cet argent ?

    Note a posteriori. Depuis la mise en ligne de cette “curiosa” l'article cité est paru et on le trouvera ici: (http://www2.unil.ch/penombre/.



  16. j'ai gagné entre 10.000 et 50.000 € cette année.

    En ce moment, j'étudie un peu la prose de l'OMC, pour voir un peu comment ces gens-là pensent, s'expriment et tentent de faire passer leur message. J'ai un préjugé plutôt négatif concernant cette institution, mais quoi, il faut aller au-delà de ses a priori, et voir vraiment ce qu'il en est. Et au cours de mes investigations, parmi bien d'autres je suis tombé sur cette curiosa. Elle se trouve dans un plaidoyer en dix points intitulé «10 avantages du système commercial de l'OMC», précisément au début du point 6, «Le commerce accroît les revenus»:

    Selon les propres estimations de l’OMC, les accords commerciaux conclus en 1994 à l’issue du Cycle d’Uruguay ont entraîné une augmentation du revenu mondial se situant entre 109 et 510 milliards de dollars (selon les hypothèses de calcul et compte tenu des marges d’erreur)».

    J'adore le «(selon les hypothèses de calcul et compte tenu des marges d’erreur)». Tu parles d'une “marge d'erreur” ! Imaginez le PDG qui se pointe devant son assemblée générale d'actionnaires et dit, «Cette année, notre bénéfice a augmenté d'entre 4% et 20%, “selon les hypothèses de calcul et compte tenu des marges d’erreur”»…

    Outre cela, le revenu mondial en 2001 (qui est probablement l'année sur laquelle se base le rédacteur de cette curiosa) était de 29.944 milliards de dollars; donc, les 109 à 510 Mds $ représentent une progression d'entre 0,4% et 1,7% sur six ans (1995-2000). En premier et hors autre considération, ça signifie que le gain moyen annuel estimé est compris entre 0,07% et 0,14%. Ensuite, considérant que, sur cette période, l'inflation mondiale moyenne était supérieure à 1,5% par an (version optimiste…), quelle peut être la validité d'une estimation de «gain de revenu» de moins de 2% face à une inflation de plus de 13% ?

    Remarquez que notre auteur de l'OMC se garde bien de produire des pourcentages, qui réduiraient considérablement la «démonstration». Cela dit, le «gain» sur six ans évoqué fera sourire ou s'esclaffer une personne attentionnée, puisqu'il ne représente qu'entre la moitié et le double du déficit budgétaire des seuls États-Unis sur une année, hors années de guerre…





  17. Reconstruction militaire.

    On en entend de curieuses à la radio, parfois. J'attends de voir dans les journaux de demain, si la formule est propre à la journaliste de France Culture ou est un propos réellement tenu par Colin Powell (et je crains que la deuxième hypothèse soit la bonne), mais au journal de 7h du 11/10/2003, j'ai ouï que «les Américains [traduire: les Étatsuniens] essaient de persuader plusieurs pays de participer financièrement ou avec des troupes à la reconstruction économique et militaire de l'Irak». Ce qui laisse songeur: ça consiste en quoi, «la reconstruction militaire» ? Plutôt, on peut tout-à-fait envisager une «reconstruction militaire» de l'Irak, mais a priori, ça se ferait plutôt avec les Irakiens qu'avec des Pakistanais ou des Néo-zélandais…



  18. La pire des pubs c'est la pub anti-pub

    Chaque jour, je reçois dans ma boîte aux lettres électronique au moins un et souvent plus de quatre spams qui me proposent… une solution anti-spams. Je ne saurais vous dire pourquoi, mais je n'ai pas trop confiance…



  19. Une urgence toute relative…

    Sur le site du monde (www.lemonde.fr) on a régulièrement droit à un bandeau dominant la page – dominant toutes les pages – qui a toutes les caractéristiques du truc important à ne pas rater, avec de jolies couleurs, et précédé de la mention "Dernière"; parfois c'est complété de la mention "Urgent". Quand j'en vois, je les enregistre sur ma machine, avec l'intention un jour ou l'autre d'en faire une sémiotique. En tout cas, certains de ces bandeaux ne laissent de m'étonner. Par exemple, en date du 02/07/2004 on a eu droit à ça:

     DERNIERE MINUTE - URGENT : 17h36 - Marlon Brando est mort  L'avocat de l'acteur américain a annoncé que celui-ci était décédé, à l'âge de 80 ans. (AP)
    Plus d'informations dans quelques minutes sur lemonde.fr

    Que dire ? Comme indiqué dans le titre, sauf bien sûr cas de dirigeants politiques le caractère «urgent» de l'information, quand il s'agit d'annoncer un décès, me semble assez relatif…



  20. 66% des Français seraient-ils paradoxaux ?

    J'ai un certain goût pour les statistiques. Non pas en elles-mêmes (sinon lorsque je veux étayer une discussion avec des données chiffrées) mais par l'usage qu'on font les médias. Eh ! Ce n'est pas pour rien que je fus un temps adhérent de l'association Pénombre (http://www2.unil.ch/penombre/). Reprenant un un "chat" venant du site de Libération, je me suis donc pensé que parfois cet usage est paradoxal. Voici son “titre”:
    Martine Gross: «66% des Français estiment que les homosexuels sont capables d'être parents»

    Ça se passerait de glose mais j'en ferai cependant une petite. Le problème évident du mot “parent” est son ambivalence: “celui qui élève des enfants” et “celui qui procrée des enfants”; ergo, on peut lire ce titre comme, «66% des Français estiment que les homosexuels sont capables de procréer». Pensant aux homosexuels de sexe masculin je me dis qu'il eut été plus judicieux d'écrire: «capables d'élever des enfants»…