- Cette page est
©™® çui-là qu'c'est qui l'a faite !
Pour ce qui me concerne, j'ai toujours douté de la pertinence d'attribuer un droit
légal et moral aux œuvres de l'esprit, pour autant qu'elles ne réalisent rien,
sinon elles-mêmes, et pour autant qu'on n'en ait pas un usage commercial. Cela posé,
il se trouve que pour les objets diffusés par la presse, la librairie, les chaînes
de télévision, le cinéma et les stations de radio, il est plutôt délicat d'avoir cette
position radicale sans encourir les foudres de la loi. Puis vinrent la vidéo, le CD
(audio ou ROM) puis Internet. Ici, la question devient délicate: une page publiée
sur un site Internet personnel et non commercial et, soit reprise d'un autre
site, soit transcrite d'un document papier ou audio-visuel, est-ce une violation
du ©™®, ou un usage privé ?
Le législateur a décidé que si le producteur le requérait, ce serait considéré une
violation du ©™®. Et puis ? Si je n'ai pas le droit de reprendre
sur mon site une page de cet ordre, je peux mettre à la place:
- Une invitation à m'écrire pour qu'en retour je renvoie le document concerné,
«à titre privé»,
- Un lien vers la page concernée, et si cela devient illégal,
- Une description exacte de la page Internet où l'on peut trouver le document.
Bien sûr, les forcenés du ©™® iraient jusqu'à vouloir faire
interdire la mention même de la page concernée, mais ils s'interdiraient
eux-mêmes, par le fait, de pratiquer la chose, ce qui paraît improbable.
L'Internet, ou la censure légale impossible…
- Ne faites pas ce que je dis,
faites ce que je dis, bon sang !
A l'époque où je secourais par téléphone des utilisateurs d'ordinateurs, il me
fallait parfois demander à mes correspondants de taper «deux points» sur leur clavier.
Dans ces cas, j'avais pris l'habitude d'ajouter, pour vérification, des phrases du
genre, «comme dans “deux points ouvrez les guillemets”». Ou bien, quand
mes utilisateurs rapportaient qu'à l'écran s'affichait un message d'erreur du style
«Fichier introuvable», je demandais, «Vous l'avez écrit comment, “deux
points” ? Deux points l'un au-dessus de l'autre, ou un point et encore un
point ?». En général, c'était: un point que suit un point. Je demandais alors
si, à l'école, quand on leur disait «deux points» il écrivaient un point plus un point,
ils me répondaient que non, je demandais ensuite, alors pourquoi ? Ben, parce que
vos collègues [etc.].
Les collègues, c'est la plaie: ils déforment la perception des choses sur leur
«spécialité» par les «non spécialistes». Des fois, on a besoin d'écrire des choses un
peu ésotériques avec un séquence où deux points se suivent; n'étant «spécialiste» de
rien, je le suis d'un peu tout: assez tôt dans mes début en cet emploi, j'ai vu que
l'histoire de «deux points qui…» posait un problème – dans le sens inverse à
celui évoqué – et disais dans ce cas, «tapez un point puis encore un point». Ça
n'empêchait pas des correspondants de «traduire» (qui on le sait est trahir) cette
phrase pourtant explicite en «deux points», mais c'était rare.
Nombre de mes collègues, des «spécialistes de l'informatique» mais ni de la psychologie,
ni du comportement, et moins que tout «spécialistes du lissage des rapports humains dans
une situation dominant / dominé», disaient en général: «tapez deux points [pause
appuyée] Deux points qui se suivent». Dans leurs premiers contacts avec les
«spécialistes», les «connards d'utilisateurs» (c'est le terme technique employé par
les «spécialistes» pour désigner les «non spécialistes») tapaient généralement le
«deux points» classique, celui qu'on leur avait appris à l'école. Message d'erreur,
et engueulade sévère par le spécialiste, genre, mais c'est pas vrai ! Vous
n'écoutez donc pas ce qu'on vous dit ! Si vous continuez comme ça, on ne s'en
sortira jamais ! (dans ces situations, le «spécialiste» dit rarement «je», il
assume son discours comme «le discours des techniciens», d'où ce «on», qui n'est pas un
«on» d'inclusion [vous et moi] mais d'exclusion [nous et vous]).
Après trois ou quatre interactions du genre, notre correspondant était bien conditionné,
et face à un «spécialiste» interprétait «convenablement» les «deux points». Les
mêmes collègues, d'ailleurs, quand ils leurs disaient «deux points» dans l'acception
ordinaire et obtenaient l'autre résultat, les engueulaient avec les mêmes formules que
précédemment… Ce qui prouve incidemment que celui des deux qui «n'écoute pas ce
qu'il dit» est en l'occurrence le «spécialiste».
Cette histoire montre une chose intéressante: les conditionnements ne se font pas in
abstracto, ils sont dépendants du contexte.
- Comment satisfaire les
électeurs ?
«Ce salaud de Seillière ! Même pas sûr qu'il aie voté pour nous, et en plus
il voudrait me dire comment gouverner ! J'aimerais l'y voir ! C'est facile,
là où il est, de donner des conseils, c'est pas ses électeurs à lui qui risquent
de le blackbouler !» Doit se dire en ce moment Jean-pierre Raffarin,
et sa majorité avec lui.
Il y a ceci: Seillière est bien gentil (enfin, manière de dire…), seulement,
lui, ses copains et leurs affidés, avec les familles, ça fait quoi, 20.000, 30.000,
50.000 électeurs ? Ça pèse quoi, en face de 2.000.000 de chômeurs officiels,
3.000.000 de smicards et 4.500.000 à 5.000.000 de fonctionnaires et assimilés, et
leurs familles ? Plus les agriculteurs, plus les pêcheurs, plus les transporteurs
routiers et leurs chauffeurs, bref, il y a beaucoup plus de pauvres que de riches
chez les électeurs…
«Dans les médias, ils racontent n'importe quoi !», doit se dire derechef
notre premier ministre, «j'entends, je lis sans cesse, depuis le milieu du mois
d'août [2002], que nous sommes coincés entre “les réalités économiques” et “la
nécessité de satisfaire notre électorat”; tu parles ! C'est bien pire: si on
n'applique pas notre programme, on passera pour des clowns, et si on l'applique, nos
électeurs, qui sont des pauvres, vont en prendre plein la gueule pour pas un rond
(c'est le cas de le dire). Comme c'est parti, toutes les élections qui viennent on va se
faire laminer, et en 2007, on se prend une claque comme jamais depuis 1981 !».
Voilà ce que doivent réaliser en ce moment nos gouvernants et leurs députés…
Note ultérieure (au 17/07/2006). Cette “curiosa” date d'entre
les élections de mars et juin 2004. Depuis, la tendance ne s'est pas inversée, la seule
différence vient de ce qu'on doit désormais mettre ce discours dans une autre bouche.
Et l'on peut constater (les mouvements de fin 2005 / début 2006 l'ont assez montré) que
le dilemme demeure: quel pouvoir satisfaire, celui de la «propriété des moyens de
production» ou celui des urnes ?
- Gauche, droite ! Gauche,
droite ! Scrongneugneu…
Les «commentateurs politiques» appointés par les «grands» médias et leurs amis
politiciens hélas ! appointés par le bon peuple, sont chaque année plus
indigents: vous rappelez-vous ces digressions oiseuses et geignardes (à gauche) ou
perfides (à droite) sur la déclaration de Le Pen à jouir se disant «socialement
de gauche, économiquement de droite»: à se prendre eux-mêmes tellement
au sérieux, ils ne parviennent plus à faire des analyses simples, et clouer son bec
de belle manière à l'imbécile, en lui faisant remarquer que cette phrase est ni plus
ni moins qu'une manière à peine nouvelle d'énoncer un lieu commun des plus éculés:
j'ai le cœur à gauche, le portefeuille à droite…
Le grand problème, avec Le Pen n'est pas Le Pen mais cette cohorte d'incompétents qui,
à force de simplement donner un écho à ses propos, sur un ton dramatique et pénétré,
et non de les démonter comme je viens de le faire, pour montrer leur inanité et
leur insanité, lui donnent un poids qu'il n'a pas, celui du sérieux.
- Une fusée à trois étages.
Les articles de l'OMC sont comme ceux du quotidien Le Monde: le titre dit une chose, le
chapeau en dit une autre, l'article en dit une troisième… Quand on voit ce titre:
Les exportations de marchandises des pays en développement ont progressé de 8,5 pour cent
en 1999, soit un taux de croissance presque deux fois plus élevé que la moyenne mondiale
on se dit, les pays en voie de développement se développent, c'est chouette ! Puis vient
la présentation de l'article:
Pendant toutes les années 90, à
l'exception de 1998, les exportations des pays en développement ont augmenté plus vite que
le commerce mondial. En 1999, la part de ces pays a été de 27,5 pour cent pour les exportations
de marchandises et de 23 pour cent pour les exportations de services commerciaux, en hausse
dans les deux cas de plus de 4 points de pourcentage par rapport à 1990.
Elle semble confirmer la première impression, mais pour qui s'en souvient 1998 fut l'année
de la crête du mouvement de «relocalisation» (réimplantation dans des pays développés
d'activités délocalisées), des crises russe, asiatique et sud-américaine, et de
l'effondrement des prix des produits des «pays en voie de développement». De facto leurs
exportations n'ont pas moins progressé en 1998, mais leurs revenus ont régressé…
Puis vient l'article:
Il y a eu à nouveau en 1999 de grandes
différences entre les pays les moins avancés pour ce qui est de la croissance des exportations
de marchandises. Les exportateurs de produits manufacturés comme le Bangladesh, le Cambodge,
et Haïti ont vu leurs exportations augmenter plus vite que le commerce mondial. Les exportateurs
de pétrole, comme l'Angola et le Yémen, ont bénéficié de la hausse du prix de ce produit et leurs
exportations se sont accrues de plus d'un tiers. En revanche, les exportateurs de produits de base
autres que les combustibles, confrontés à une baisse des prix de ces produits, ont généralement
subi un recul de la valeur de leurs exportations.
Intéressant, non ? Merci à l'OMC, grâce à un court paragraphe elle permet de montrer en quoi
cette histoire de «progression du PIB/PNB» est une notion douteuse: il ne montre pas réellement
le «taux de croissance», si l'on entend par là le taux de croissance réelle (la plus
grande production de biens), mais la croissance des revenus, indépendamment de la croissance
réelle: sur les trois cas cités, le seul dont croissance réelle et croissance du revenu coïncident
est celui des «exportateurs de produits manufacturés», dont on peut supposer que le prix
(à l'exportation) des biens produits a peu ou n'a pas varié, le volume quant à lui augmentant; pour
les pays de la seconde catégorie, Mme OMC nous ment en disant que «leurs exportations se sont
accrues de plus d'un tiers»: en fait, c'est le revenu de leurs exportations qui a cru
d'un tiers, leurs exportations n'augmentant «que» de 15% environ; enfin, «les exportateurs de
produits de base autres que les combustibles» ont connu dans cette période une croissance
réelle importante de leurs exportations, mais à l'aune du PIB, ils ont connu une
«décroissance» puisque leur revenu a diminué…
Comme c'est ici la place des curiosae, je n'approfondirai pas la question, cependant, il
faut aussi considérer que cette idée de «taux de croissance [des pays en développement] presque
deux fois plus élevé que la moyenne mondiale» est douteuse aussi en ce fait qu'une part assez
grande dudit «taux de croissance» tombe directement dans l'escarcelle des pays développés.
Juste un exemple: au Brésil, pour avoir un bon café brésilien… il faut l'acheter en
«import». Non qu'il ait effectivement quitté le pays, mais comme la récolte est prévendue aux
consortiums suisses, français ou états-uniens, pour pouvoir acheter du café brésilien au Brésil
on doit payer en outre les (sic) «taxes d'importation».
- Un autre point de vue sur la même question.
La question est celle évoquée dans la Curiosa 5, le «taux de croissance […]
des pays en développement». Ou plus exactement, la manière d'en parler.
Il y a dans ce monde 192 États-nations reconnus, parmi lesquels environ 25 (plus ou
moins) développés, environ 25 (plus ou moins) assez développés, environ 40 (plus ou
moins) «en développement», comme l'écrit l'OMC, dit autrement, «en stagnation»,
environ 45 assez ou très sous-développés, environ 55 assez ou très mal barrés (moins de
400 $ de PNB/h). De ce que j'en comprends l'OMC classe les deux premières catégories
parmi les nations développées, ce qui est en fait douteux, toutes les autres dans la
catégorie «en développement». C'est à partir de ce genre de prémisses que l'on
peut énoncer que «les exportations des pays en développement ont augmenté plus vite
que le commerce mondial»: si 50% (en population) des «pays en développement»
ont régressé de 15% pour les exportations mais qu'ils forment 5% des échanges mondiaux,
et que 50% ont progressé de 11% et forment 22% des échanges, «en moyenne» «les pays en
développement» ont progressé de 8%… Et tant pis pour les deux milliards
d'humains qui vont contre la moyenne.
- A qui parle-t-on ?
Sur le site de cette institution, La page "Le HCR[1]
et les réfugiés" commence ainsi:
Les réfugiés sont des gens
comme vous, sauf qu'ils ont tout perdu: leur maison, leur travail, souvent même des
proches et des amis.
Ce qui ne laisse d'interroger:
- les réfugiés ne sont donc pas supposés accéder au site du HCR ?
- Les "non réfugiés" qui "ont tout perdu" sont-ils "comme vous" ?
- Les réfugiés qui n'ont pas "tout perdu", mais ont perdu une partie
seulement des éléments de la liste sont-ils "comme vous" ou "comme des
réfugiés" [2]?
- Être "comme vous", c'est être comment ? Les réfugiés sont peut-être
"comme vous"[3], mais vous, comment
êtes-vous, et êtes-vous comme moi qui suis un de ces vous qui suis "comme les
réfugiés" [4]?
- Les lieux communs sont-ils solubles dans les bons sentiments ?
En tout cas, selon toute apparence pour le HRC statut de réfugié et accès à Internet
sont incompatibles. Ce qui laisse finalement penser que, pour le HCR, les réfugiés ne
sont pas tout-à-fait "comme vous"…
[1] Haut commissariat (des Nations unies)
pour les réfugiés.
[2] mauvaise question: les réfugiés étant "comme
vous", un réfugié qui ne serait pas "comme un réfugié" serait "comme
vous"… donc, comme un réfugié…
[3] sauf bien sûr si vous êtes un(e) réfugié(e), dans
ce cas, vous êtes "comme vous", mais pas de la même manière que les "comme
vous" qui ne sont pas des réfugiés.
[4] C'est vrai, on tourne un peu en rond: du fait que
dans tous les cas vous êtes "comme vous", vous êtes donc "comme les réfugiés",
même si vous êtes un(e) réfugié(e) qui n'est pas "comme les réfugiés"…
- L'Arabe
a-t-il une âme ?
J'entends un récit d'Albert Camus, «Le Dernier Homme», le roman – inachevé
– qu'il écrivait au moment de sa mort. Et il y a ceci de curieux: les «Européens» sont
différenciés, “le docteur”, “la tenancière”, “la patronne de la cantine”, “le contremaître”,
etc., ou désignés comme “l'homme”, “la femme”; en revanche, les, disons, «non Européens» sont
“l'arabe” ou “la femme arabe” – en dépit du fait que le contexte laisse supposer qu'il
s'agit plutôt de kabyles…
Vous le savez comme moi, Albert Camus fut un grand humaniste, mais il semble bien qu'une certaine
répartition de l'humanité, typique de l'époque et de l'endroit, l'avait bien imprégné. Le texte
donne le sentiment diffus que “l'Arabe” n'est qu'imparfaitement homme.
Remarquez, en lisant ses grands romans («L'Étranger» ou «La Peste») le sentiment
n'est guère différent. Je sais qu'il ne faut pas confondre l'auteur et l'œuvre, cependant, j'ai
vraiment l'impression que l'humanisme de Camus s'appliquait surtout à une certaine partie de
l'humanité, disons, celle «civilisée», Européenne…
- Tout le monde a
des droits, même ceux qui ont des droits.
Dans la présentation par Le Monde Radio-Télévision du samedi 28 décembre 2002 d'un
documentaire sur la place des parents d'enfants malades au sein des hôpitaux, Thérèse-Marie
Deffontaines écrit, parlant d'une assistante sociale s'ingéniant à améliorer les rapports
entre ces parents et les soignants:
«Sa méthode: dire la loi, rappeler
les droits – tout le monde en a, les parents, même s'ils ne répondent pas aux
critères normatifs de certains, les pauvres, les étrangers, et même les toxicomanes et
les séropositifs»
Je ne puis déterminer si le défaut de construction de la phrase porte sur le fond ou la
forme – à mon avis, il y a des deux. L'incise «les parents» en appelle une autre,
«les enfants», «les soignants» ou que sais-je, qui ne figure pas: j'en conclus, soit que
l'autrice a écrit son article avec les pieds, soit que la mention «et même les
toxicomanes et les séropositifs», voire tout le segment à partir de «les
pauvres», forme le complément à «les parents», d'où, la qualité de parent
serait, dans son esprit, incompatible avec celle de toxico ou de séropo – voire de
pauvre… Soyons charitables, accordons-lui le défaut de construction formel.
Cela concédé, le segment «et même les toxicomanes et les séropositifs» pose
problème, ou du moins me pose problème: notre critique du Monde Radio-Télé
a si bien intégré que toxicos et séropos forment, disons, une «catégorie sociale et
juridique» valide, qu'elle peut les isoler parmi les «non normatifs» en tant que
populations ayant des droits particuliers liés à leur dépendance ou à leur état de santé,
ou dont le statut particulier ne les empèche malgré tout pas d'avoir les mêmes droits que
les personnes vraiment normales…
- Non !
Vous êtes écrivain ! Ça n'est pas possible !
Vous l'aurez remarqué, certains métiers semblent incompatibles avec le fait d'écrire,
quoi qu'on écrive – sauf son autobiographie ou un ouvrage technique. Parmi les catégories
apparemment les moins aptes au labeur d'écrivain, les comédiens et acteurs, les sportifs,
les artisans d'une certaine notoriété (grand cuisiniers, designers de renom, etc.), les
chefs d'entreprises, les ouvriers en usine, et les journalistes de télévision.
Cela me semble étrange, car en France, contrairement aux États-Unis, écrivain n'est pas
un métier qu'on apprend à l'université mais une activité pratiquée par n'importe qui,
sans titres (et souvent sans talents) particuliers. Pour les avoir fréquentés, je ne
trouve pas moins, ni plus, étonnant qu'un acteur ou qu'un professeur d'histoire-géo
écrivent, et même, comme le remarquait à l'instant Daniel Auteuil dans l'émission qui
motive cette curiosa, en tant qu'acteur il a un grande familiarité avec les mots,
et avec les grands textes. Plus grande que le prof d'histoire-géo moyen. Et pourtant, du
prof d'histoire on ne s'étonnera pas qu'il écrive.
En fait, hors les catégories supposées incultes (ouvriers d'usine ou agricoles, SDF,
etc.), il y a un trait commun à ces écivains «étonnants»: ils ont une certaine notoriété
acquise dans un domaine autre que «littéraire» – celles énumérées, mais aussi les autres
domaines artistiques (peinture, cinéma,etc.). Et même, depuis quelques décennies, ce qui
apparaissait normal dans les années 1950 ne le paraît plus; par exemple, deux figures de
cette décennie dans le théâtre et le roman furent Camus et Sartre; quand on voit
l'insuccès notoire de BHL (qui pourtant ne fut pas pire romancier et cinéaste qu'un autre
de sa génération) à s'y être essayé, on se dit ceci qu'aux temps où nous vivons le
taylorisme ravage même les Lettres: un auteur comme Michel Tournier, par exemple, eut-il
débuté trente ans plus tôt, aurait pu mener de front une œuvre de littérateur et de
philosophe sans troubler la critique; aujourd'hui, ce n'est guère envisageable. Pourtant,
combien plus riche philosophiquement peut être la lecture de Vendredi ou du Roi
des Aulnes que celle de… Taisons les nom.
Quel est le problème ou plutôt les problèmes ? En premier, un dogme non prouvé mais
tenace depuis quelques lustres selon lequel pour arriver à une certaine qualité dans un
domaine donné il faut s'y consacrer «tout entier»: on applique à tous les domaines
quelque chose qui a une certaine validité dans celui des sciences et techniques, mais
n'est objectivement pas extensible à tous autres; ensuite, la tendance à attribuer des
capacités intellectuelles limitées aux personnes n'ayant pas suivi d'études supérieures
longues, ce qui est le cas de la plupart des écrivains «étonnants», et qui m'étonne
doublement: d'une part, les capacités intellectuelles ne se mesurent pas aux années
d'études, de l'autre, à un écrivain on ne demande pas de l'intelligence au sens
universitaire, mais de l'imagination – et pour ça, il n'y a pas de cours dispensés en
Faculté… Enfin, nous vivons dans une société paradoxale, où l'on requiert aux
personnes de briller pour être notoires, mais de ne pas trop briller: on trouve
acceptable que Luc Besson soit à la fois un metteur en scène de renom et un producteur
avisé, mais, écrire des livres pour enfants ! C'est trop ! Et là, a priori
ça ne peut qu'être de piètre qualité…
- Le civil
est-il par essence innocent ?
Quand on parle d'un attentat ou d'un (sic) «dégât collatéral», les civils qui
meurent sont assez généralement qualifiés d'innocents. Bon, mais innocents en quel
sens ? Idiots ? Non coupables ? non impliqués dans l'affaire ? Et
puis, ça semble induire que les morts «non civils» (agents de police, par exemple) ne
seraient pas innocents. Ce qui reste à prouver.
Que dit-on en parlant de «civils innocents» ? Qu'ils sont victimes d'une action dans
le cadre d'un conflit dont ils ne sont pas responsables. Et bien, ça n'est pas si évident.
Des «terroristes» ont pu commettre l'attentat contre le World Trade Center (WTC) parce
que certaines organisations membres d'“Al Qaida”, avaient les moyens matériels et humains
de le préparer; ces organisations les avaient parce qu'un certain nombre d'États, Arabie
séoudite, Pakistan, Afghanistan pour nommer les trois principaux, leur ont permis, en
leur fournissant des moyens financiers ou logistiques ou en les accueillant, de se
retrouver en état de faire un tel attentat; les gouvernements de ces pays n'ont pu
s'établir et se maintenir que grâce à l'appui direct pour les deux premiers, indirect
pour le troisième, de certains pays plus intéressés à avoir affaire à un «régime fort»
qu'à un régime démocratique dans ces pays, quitte à soutenir des parangons de l'islamisme
radical, et parmi ces pays figurent les États-Unis; les administrations successives des
États-Unis ont pu mener cette politique grâce au soutien actif ou passif du peuple de ce
pays; au bout du compte on peut considérer que parmi les victimes du WTC, celles qui
soutenaient la politique étrangère habituelle de leur pays ne sont pas vraiment
innocentes…
De même, dans les années 1950 les Français approuvant une politique répressive et vouée à
l'échec dans ces colonies et victimes d'indépendantistes indochinois ou algériens
étaient-ils “innocents” ? Ou encore, les Israéliens qui votèrent il y a quelques
années pour le Likoud ou les partis les plus extrémistes, soutinrent et soutiennent
encore le gouvernement Sharon et optèrent de facto pour une politique belliqueuse
envers les Palestiniens, sont-ils vraiment “innocents” quand ils sont victimes des
attentats actuels ?
Comme quoi, cette notion de «civils innocents» est assez douteuse.
- …Et je l'ai écouté à la télé[1]
Dans le sondage récurrent publié par La Croix et intitulé «LA CONFIANCE DES
FRANÇAIS DANS LES MÉDIAS, Baromètre annuel», le sondeur a eu la bonne idée de mettre
les mots importants bien en évidence, mais ça donne,
- En général, à propos des nouvelles que vous lisez dans un journal, est-ce que vous vous dites:
- A propos des nouvelles que vous entendez à la radio, est-ce que vous vous dites plutôt:
- Pour les nouvelles que vous voyez à la télévision, est-ce que vous vous dites plutôt:
Au cas où l'on voudrait parler des informations qu'on entend dans son quotidien…
[1] Quoiqu'ici, ce soit déjà moins drôle: il
m'arrive assez souvent de «regarder» la télé d'une oreille distraite…
- Le Macho de la Machine
On trouve des choses de toutes sortes sur Internet, par exemple ceci:
Retouvez votre bureau inchangé
Vos enfants, femme de ménage, épouse, maitresse etc... ne pourront plus mettre le foutoir
sur votre bureau. Vous retouverez votre bureau intact, comme vous l'aviez laissé avant
d'allez acheter votre paquet de clops.
On cumule, ici: mépris des femmes, des enfants et des subalternes, propagande pour le
tabac – sans compter l'orthographe approximative –, bref l'esprit libre et progressiste
si courant sur Internet…
- Il y en a,
ils se lèvent le matin…
…et ils se disent: super ! J'ai trouvé un truc génial !
Un matin, un gars a trouvé ça:
République démocratique populaire.
Chouette nom, pas à dire. République c'est plus ou moins un terme technique, la res
publica, la «chose publique», dit autrement, le gouvernement; populaire, c'est sans
mystère, ça signifie «du peuple»; kratos, ça signifie en gros «gouvernement»;
demos signifie «peuple»; bref, une République démocratique populaire c'est un
gouvernement du gouvernement du peuple du peuple…
- Quel
est le montant annuel de la dette du Mexique ?
Un article signé par Serge Chabaud, paru dans la Lettre blanche n° 33 de
l'association Pénombre sous le titre «Fois plus - Fois moins», discute de cette
expression toute faite: «ceci vaut tant de fois plus – ou tant de fois moins – que cela».
On se reportera avec avantage à l'article quand il sera en ligne, en tout cas, la logique
veut que si tel objet vaut «(n) fois moins» que tel autre, il vaut x-(x*n), par exemple,
si tel vaut 5 kopeks et tel autre deux fois moins, son «vendeur» vous le donne, avec 5
kopeks par dessus le compte…
Quand on lit dans le périodique canadien La Presse du 1° août 2001 que «le
niveau de vie [des 100 millions de Mexicains] est cinq fois moins élevé que celui des
Canadiens», avec la même arithmétique, et le revenu moyen des Canadiens étant
d'environ 20.000$US, la dette annuelle par habitant au Mexique serait donc d'environ
80.000$US, soit une dette totale de 8.000 milliards de dollars US, à-peu-près le PNB
(positif) des États-Unis. Mais, qui leur prête tout cet argent ?
-
j'ai gagné entre 10.000 et 50.000 € cette année.
En ce moment, j'étudie un peu la prose de l'OMC, pour voir un peu comment ces gens-là
pensent, s'expriment et tentent de faire passer leur message. J'ai un préjugé plutôt
négatif concernant cette institution, mais quoi, il faut aller au-delà de ses a
priori, et voir vraiment ce qu'il en est. Et au cours de mes investigations, parmi
bien d'autres je suis tombé sur cette curiosa. Elle se trouve dans un plaidoyer en
dix points intitulé «10 avantages du système commercial de l'OMC», précisément au
début du point 6, «Le commerce accroît les revenus»:
Selon les propres estimations de l’OMC, les accords commerciaux conclus
en 1994 à l’issue du Cycle d’Uruguay ont entraîné une augmentation du revenu mondial
se situant entre 109 et 510 milliards de dollars (selon les hypothèses de calcul
et compte tenu des marges d’erreur)».
J'adore le «(selon les hypothèses de calcul et compte tenu des marges d’erreur)».
Tu parles d'une “marge d'erreur” ! Imaginez le PDG qui se pointe devant son assemblée
générale d'actionnaires et dit, «Cette année, notre bénéfice a augmenté d'entre 4% et 20%,
“selon les hypothèses de calcul et compte tenu des marges d’erreur”»…
Outre cela, le revenu mondial en 2001 (qui est probablement l'année sur laquelle se
base le rédacteur de cette curiosa) était de 29.944 milliards de dollars; donc, les
109 à 510 Mds $ représentent une progression d'entre 0,4% et 1,7% sur six ans
(1995-2000). En premier et hors autre considération, ça signifie que le gain moyen annuel
estimé est compris entre 0,07% et 0,14%. Ensuite, considérant que, sur cette période,
l'inflation mondiale moyenne était supérieure à 1,5% par an (version optimiste…),
quelle peut être la validité d'une estimation de «gain de revenu» de moins de 2% face à
une inflation de plus de 13% ?
Remarquez que notre auteur de l'OMC se garde bien de produire des pourcentages, qui
réduiraient considérablement la «démonstration». Cela dit, le «gain» sur six ans évoqué
fera sourire ou s'esclaffer une personne attentionnée, puisqu'il ne représente qu'entre
la moitié et le double du déficit budgétaire des seuls États-Unis sur une année, hors
années de guerre…
-
Reconstruction militaire.
On en entend de curieuses à la radio, parfois. J'attends de voir dans les journaux de
demain, si la formule est propre à la journaliste de France Culture ou est un propos
réellement tenu par Colin Powell (et je crains que la deuxième hypothèse soit la bonne),
mais au journal de 7h du 11/10/2003, j'ai ouï que «les Américains [traduire: les
Étatsuniens] essaient de persuader plusieurs pays de participer financièrement ou avec
des troupes à la reconstruction économique et militaire de l'Irak». Ce qui laisse
songeur: ça consiste en quoi, «la reconstruction militaire» ? Plutôt, on peut
tout-à-fait envisager une «reconstruction militaire» de l'Irak, mais a priori, ça
se ferait plutôt avec les Irakiens qu'avec des Pakistanais ou des Néo-zélandais…
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La pire des pubs c'est la pub anti-pub
Chaque jour, je reçois dans ma boîte aux lettres électronique au moins un et souvent plus
de quatre spams qui me proposent… une solution anti-spams. Je ne
saurais vous dire pourquoi, mais je n'ai pas trop confiance…
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Une urgence toute relative…
Sur le site du monde (www.lemonde.fr) on a régulièrement droit à un bandeau dominant la
page – dominant toutes les pages – qui a toutes les caractéristiques du truc
important à ne pas rater, avec de jolies couleurs, et précédé de la mention "Dernière";
parfois c'est complété de la mention "Urgent". Quand j'en vois, je les enregistre sur
ma machine, avec l'intention un jour ou l'autre d'en faire une sémiotique. En tout cas,
certains de ces bandeaux ne laissent de m'étonner. Par exemple, en date du 02/07/2004 on
a eu droit à ça:
DERNIERE MINUTE - URGENT : 17h36 -
Marlon Brando est mort L'avocat de l'acteur américain a annoncé que
celui-ci était décédé, à l'âge de 80 ans. (AP)
Plus d'informations dans quelques minutes sur lemonde.fr |
Que dire ? Comme indiqué dans le titre, sauf bien sûr cas de dirigeants politiques
le caractère «urgent» de l'information, quand il s'agit d'annoncer un décès, me semble
assez relatif…
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66% des Français seraient-ils paradoxaux ?
J'ai un certain goût pour les statistiques. Non pas en elles-mêmes (sinon lorsque je veux
étayer une discussion avec des données chiffrées) mais par l'usage qu'on font les médias.
Eh ! Ce n'est pas pour rien que je fus un temps adhérent de l'association Pénombre
(http://www2.unil.ch/penombre/).
Reprenant un un "chat" venant du site de Libération, je me suis donc pensé que
parfois cet usage est paradoxal. Voici son “titre”:
Martine Gross: «66% des Français estiment que les homosexuels sont
capables d'être parents»
Ça se passerait de glose mais j'en ferai cependant une petite. Le problème évident
du mot “parent” est son ambivalence: “celui qui élève des enfants” et “celui qui procrée
des enfants”; ergo, on peut lire ce titre comme, «66% des Français estiment que
les homosexuels sont capables de procréer». Pensant aux homosexuels de sexe masculin je
me dis qu'il eut été plus judicieux d'écrire: «capables d'élever des enfants»…
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