Maler à moi !

 C e texte est un addendum à un «Courrier du Net», celui-ci précisément, où j'expose mes relations électronico-épistolaires avec le responsable éditorial d'ACriMed, Henri Maler (d'où le mauvais jeu de mots du titre). Précédemment, il y avait quelques lignes avant ce courrier-ci, un autre où tout heureux, j'envisageais avec plaisir d'être publié par ce «médium alternatif». Honnêtement, ce qui m'apparaissait gratifiant dans l'histoire, est, disons, de me faire connaître: pas à tortiller, entre Olivier Hammam et ACriMed, le niveau de notoriété n'a rien à voir (tristement, il me faut admettre qu'à cette date [01/06/2003] j'eus, famille exceptée, fort peu de visiteurs…). Or, comme tout animateur de site, qu'il soit collectif ou personnel, j'aspire à ce qu'on y vienne lire quelques pages.

Donc, mes échanges avec Henri Maler. Une chose ressort de cette correspondance, ledit Maler, du moins en tant que rédac' chef d'ACriMed, se prend visiblement très au sérieux et demeure hermétique à l'humour, la plaisanterie et l'understatement. Je ne sais pas quel il peut être par ailleurs, mais comme médiateur, alternatif soit-il, et comme responsable de publication, sensiblement il ne diffère guère de tous les chefs que j'ai pu connaître jusqu'ici: faire sérieusement une chose sérieuse. J'écris ça sans le penser — je veux dire, que diriger un médium soit une chose sérieuse. Pour moi, il n'y a dans la vie que deux choses sérieuses: l'amour — tant spirituel que charnel — et le fait que nous sommes tous destinés à mourir un jour. Le reste est d'intérêt varié, et plus ou moins plaisant, mais peu sérieux. J'écris ça — qu'il se prend au sérieux — rapport au fait qu'il semble ne pas avoir saisi le pourquoi du titre de ce «courrier du Net», «Un acrimonieux parle d'ACriMed», et semble acquis pour lui que je suis effectivement acrimonieux. Or, très sincèrement, d'ACriMed je me tamponne le coquillard, pour parler vulgairement: certes je suis déçu de n'y être pas publié, pour la raison dite que c'eut été avantageux pour ma notoriété sur Internet, et certes je suis étonné de l'apparent manque d'alacrité de son responsable de publication, pour le reste, je continue à en conseiller la visite. Point d'acrimonie. Le lecteur moins sérieux que M. Maler aura compris que le mot fut choisi pour le simple fait qu'il commence par «acrim».

Bien sûr, ce n'est pas que ça qui me donne à croire qu'Henri Maler, encore une fois comme on dit vulgairement, «se la joue»: précisément, il se la joue rédac' chef, et veut donner l'impression, par l'utilisation régulière du «nous», que les décisions pour les publications sont le fait d'une équipe, d'une sorte de comité de rédaction. Pourtant, bien des éléments donnent à croire que ladite rédaction se limite pour l'essentiel à Henri Maler, tout au moins pour ce qui a concerné les rapports entre ACrimed et moi; disons-le, si je suis un «môssieur-très important», Henri Maler me paraît un monsieur qui veut se donner de l'importance. Ceci n'enlève rien aux qualités du journaliste — faisant un tour sur le site d'ACriMed, vous constaterez que ses papiers sont assez plaisants, et qu'Henri Maler journaliste est beaucoup plus drôle qu'Henri Maler rédac' chef. Ce fait paradoxal m'étonnera toujours: les gens tendent à adapter leur comportement, leurs attitudes, leur mode de pensée à la fonction qu'ils occupent. Hors le fait de la publication de notre correspondance le Maler journaliste serait probablement plus d'accord avec ma position (ne pas être publié plutôt que de l'être à des conditions qui ne me conviennent pas) qu'avec celle d'Henri Maler directeur de publication (vouloir publier un article dans un certain contexte de «stratégie de communication», quitte à en détourner l'esprit et à mécontenter son auteur). Encore une fois, je vous renvoie au site d'ACrimed, où vous trouverez dans la rubrique «Journalismes» notamment, plusieurs articles traitant du problème de l'autoritarisme des rédac' chefs, des éditorialistes de renom et des directeurs de publications, certains signés par Henri Maler.

Sur la question de la diffusion de notre correspondance auprès des internautes, qu'elle soit ou non «destinée à être rendue publique», ainsi que je l'écrivais dans «Un acrimonieux parle d'ACriMed», «vous trouverez [sur le site d'ACriMed] plusieurs lettres du même ordre que les messages ici recensés, je veux dire, une personne écrit à un média dans l'idée et l'espoir d'y être publiée, le média en question ne le fait pas, et bien évidemment cette personne contacte un autre média, plutôt du genre alternatif, afin de mettre sur la place publique ses rapports épistolaires avec le premier média»[1]. Bien sûr qu'il s'agissait d'«une correspondance qui n'était pas destinée à être rendue publique», mais pas non plus destinée à rester secrète. Il ne s'agit pas d'un courrier “privé”, mais bel et bien d'un échange épistolaire formel, qui a priori (et a posteriori, d'ailleurs) ne pose pas de problèmes et peut être mis sur la place publique. Je ne sais pas ce que croit Henri Maler, s'il s'imagine par exemple que mon but (parlons vulgaire de nouveau) est de le «débiner», de, que sais-je ? Le mettre en accusation ? J'ai mon opinion sur cet échange de courriels, cela dit, mon propos dans les pages «Courrier du Net» est le plus simplement du monde de faire part de ce que je reçois quand ça me paraît instructif. Dans le cas présent, me semble instructif de voir comment, alors que tout semble partir sur de bonnes bases, peu à peu l'incompréhension s'installe, parce que les deux correspondants ont des buts et obéissent à des motivations qui diffèrent. Il n'y a pas un «méchant» — Henri Maler — et un «gentil» — moi —, mais simplement deux personnes qui n'arrivent pas à s'entendre sur la manière de faire une certaine chose. Je dois l'admettre, j'ai un vieux fond d'anarchisme qui me fait me raidir dès que je soupçonne chez quelqu'un une tendance à l'autoritarisme. C'est ainsi.

Conclusion de tout ça: même dans certains médias dits alternatifs les responsables semblent modérément perméables au débat contradictoire.


[1] Très précisément, Henri Maler se proposait de publier mon texte et ma correspondance avec Le Monde. Assez clairement, lorsqu'il n'est pas directement impliqué M. Maler se révèle beaucoup moins sensible à cette question de la correspondance «pas destinée à être rendue publique»