Notes

 D es fois je lis ou entend des choses, ou pense à des choses qui me semblent «notables» mais ne me paraissent pas avoir matière à développement ou que je n'ai pas l'intention de développer. Cette page est pour elles.


Je viens de lire sur un site «genre blog» (probablement un “blog“, mais j'ai souvent du mal à différencier “blogs” et forums) une chose qui m'a vraiment étonné: les chroniqueurs des «matins de France Inter», («la bande Sylvestre-Guetta-Lemarc», écrit un autre contributeur) de «gaucho-merdiques». Pour la deuxième partie de l'expression, je ne dis pas, mais “gaucho” ? Probablement quelqu'un qui doit juger que Le Pen est «centre-gauche»… Comme quoi, les notions de “gauche” et de “droite” en politique, dont je discute par ailleurs, sont très subjectives et aléatoires.


Vous connaissez «l'invasion britannique» ? Non non, pas du tout: ni l'invasion de la Grande-Bretagne par les Normands, ni la contre-invasion de la France par les britanniques devenus alors anglo-normands, lors des deux «guerres de cent ans». Il s'agit de la vague de musiciens britanniques de blues, rock et pop qui, au milieu des années 1960, se fit connaître de l'autre côté de l'Atlantique; Les Étas-Unis appellent donc ce phénomène «the british invasion». Bon, mais en quoi ça consiste ? Et bien, cinq ou six groupes d'assez gros calibre (Beatles, Stones, Moody Blues…) et une quinzaine de moindre envergure, connurent une certaine gloire ou une gloire certaine aux États-Unis entre 1964 et 1966; sur leurs brisées, trois à quatre cent autres firent le voyage aux “States” et la majeure partie d'entre eux dut repartir dans ses pénates après quelques semaines, au mieux quelques mois, après un succès entre minime et nul; dans les années suivantes, sur les deux douzaines de groupes de gros ou moyen calibre de la «british invasion» qui eurent un succès certain, une petite dizaine continua de l'avoir, et trois ou quatre seulement s'implantèrent durablement dans le pays. À considérer que les deux plus grosses pointures de cette «invasion», les Beatles et les Rolling Stones, ne firent pas partie des groupes qui s'implantèrent (c'est plus tard, dans la décennie 1970, que la plupart de leurs membres s'y établirent plus ou moins durablement, et même, pour les Beatles, c'est seulement après leur séparation qu'ils le firent). Appeler ça une invasion, c'est pour le moins excessif, me semble-t-il. Je suggère à qui s'intéresserait à cela d'envisage une étude socio-ethnologique sur la manière dont un pays peut créer un mythe de cet ordre et sur ses raisons de le faire.


Depuis quelques jours, j'entends sur ma radio une expression intéressante: à Lens, les «candidats à la candidature» présumés du PS vont «passer leur “grand oral”»; comme je le présumais et comme je viens de le vérifier, cette expression est utilisée par tous les médias (presse, télé, Internet). C'est ainsi: quand une expression toute faite s'impose sur un média, c'est qu'elle est devenue un lieu commun de tous les autres. Bon. Le «grand oral»… Étrange manière de présenter la chose: s'agit-il de plancher devant un jury pour décrocher un «diplôme de candidat» ? Non, il s'agit simplement de présenter son projet aux militants du PS. Je trouve l'expression intéressante par ce qu'elle implique de la perception qu'ont les journalistes de ce qui se passe dans les partis politiques: sensiblement, il voient cela comme un exercice d'école sans grand intérêt, il y aurait une sorte de «sujet imposé» et tout ce qu'a à faire le candidat est de «plancher», de développer un discours qui entre dans les canons attendus.

Cet exemple, qui n'est qu'un parmi bien d'autres, montre pour moi que les principaux contributeurs à la dévalorisation de la chose publique sont les médiateurs, pour trois raisons majeures: la tentation toujours présente chez eux de simplifier la réalité, de, comme ils disent eux-mêmes, «la rendre lisible», c.-à-d. la décrire en noir et blanc en lui ôtant toute nuance; le désir permanent d'exposer les positionnements politiques sous l'ange de la «guerre des chefs» ou de la «guerre des clans», ce qui les conduit à ne surtout pas s'intéresser aux débats qu'ils semblent croire des faux-semblants, des «postures» (plaquant ainsi, me semble-t-il, leur propre approche de la chose politique sur ceux qui l'animent); enfin cette recherche incessante du «bon mot», du «mot d'esprit» (d'esprit étroit…) qui amène régulièrement des expressions aussi ridicules que celle-ci. Voilà: comme de bons élèves de l'ENA ou des potentiels agrégés en Lettres, les candidats socialistes à la candidature vont «passer le grand oral». Quant à s'intéresser à ce qu'ils disent…

Suggestion évidente là-dessu: rôle et fonction des médias dans la déconsidération de la chose publique. Je suggère de restreindre l'étude à la période 1965-2005 (environ) car elle me semble notable pour le passage d'un certain respect de la chose publique allié à un irrespect certain aux personnes publiques, à un irrespect certain de la chose publique allié à une certaine obséquiosité envers les personnes publiques in presentia. Du moins, pour celles ayant un certain poids dans la société médiatico-politique.


Comme vous j'ai entendu parler d'une chose qui n'est pas réellement avérée, mais qui est du moins possible: la présence forte, parfois dite massive, de personnes qualifiées de «juives» parmi les élites françaises. Je sais qu'il y a là un trait rémanent dans la société française depuis au moins la moitié du XIX° siècle, l'idée que «les élites» sont comme une société au-dessus ou à côté de la société globale, et que cette situation de «société dans la société» a été si longtemps la situation des juifs en Europe qu'il est assez logique d'imaginer comme «des sortes de juifs» ces élites; en même temps, il y a plus, la réelle hantise de beaucoup de tout ce qui est soupçonné de judaïté par une part non négligeable du corps social. Mais tout ça n'est pas l'objet de cette note: je crois qu'il serait assez intéressant d'évaluer réellement la proportion de personnes ayant des ascendances juives parmi les groupes et professions considérés éminents par la société en la mesurant à la proportion générale de personnes ayant des ascendances juives; et s'il s'avérait qu'il y a un écart significatif entre les deux proportions, de s'interroger sur les raisons qui font que cette population particulière soit effectivement surreprésentée parmi les élites. Mais non pas sur le mode «complot juif»: de se demander plutôt ce qui permet à un groupe particulier d'atteindre à un haut niveau de reconnaissance sociale, d'autant quand ce groupe est l'objet d'une certaine déconsidération.