Notoriété Internet

 D epuis que ce site a obtenu un niveau assez élevé de notoriété Internet, au début de l'année 2005, j'ai tenté à plusieurs reprises de discuter de cette question même: la notoriété sur Internet. Problème, par souci de mettre en évidence «objectivement» cette notoriété du site je me lançais dans de longs et assez peu intéressants décomptes, avec l'idée un peu vaine de prouver que si je mettais ce site en avant pour discuter de la question ce n'était pas dans un but d'auto-congratulation. Or ça n'a pas d'importance: même la meilleure démonstration n'amènera pas ceux qui se convainquent que c'est bien de l'auto-congratulation que ce n'e est en fait pas, et par là-dessus, cette «preuve quantitative» m'empêchait d'aller où je voulais en venir, l'aspect qualitatif de la question. M'intéresse est d'expliquer que, dans l'état actuel de la société, les instruments de description de la société ont du mal à comprendre donc précisément à décrire la manière spécifique à Internet d'obtenir de la notoriété. Pour dire les choses, ils ne comprennent bien pour l'heure (mais ça évolue cependant depuis la fin de l'année 2006, en France) que les sites devenus notoroires par le biais de vecteurs habituels de notoriété: presse et librairie, radio, télévision, cinéma… Or il y a une manière propre à Internet d'acquérir de la notoriété, qui ne correspond pas à celle de ces médias plus anciens.

Réglons d'emblée la question de la notoriété Internet de ce site même: si l'on fait certaines recherches en passant – au hasard… – par le moteur Google (le seul que j'utilise), il apparaît régulièrement en très bonne place. Pour exemple, si vous entrez "laborit colombe" il vient en troisième position et en deuxième site, et en plus la première entrée est une page qui réfère à ce site. Plus étonnant (pour moi), si vous entrez "annick le petit" (sans guillemets) il arrive en premier, ce qui ne laisse de m'intriguer: Annick Le Petit est députée, porte-parole du PS, secrétaire nationale de son parti, élue municipale de Paris, bref je m'attendrais à ce que ce soit un site associé à une de ces entités, ou celle d'un média reconnu, qui vienne en premier. Et j'aurais bien d'autres exemples où, à partir d'une requête assez simple, les pages de ce site vient dans le "Top 10" des pages proposées.

Autre indication de sa notoriété, la fréquentation: depuis début 2005 elle atteint au moins 300 visites par jour en moyenne mensuelle pour un nombre de sites presque aussi important (en général, 10 à 50 sites de moins que de vistes), et depuis début 2006 n'est tombée qu'une fois en-dessous des 500 visites par jour, en juillet 2006, enfin le nombre de pages vues est varie entre deux et trois par visite.

Une fois cela posé, il y a une évidence qui ne vous aura pas échappé, je pense: cette notoriété est acquise sans que le site ait reçu la moindre publicité extra-Internet ni d'ailleurs propre à Internet, et sans que son mainteneur ait une notoriété propre hors Internet (vous connaissez un «Olivier Hammam» ? Probablement non. Incidemment, c'est mon vrai nom et pas un pseudonyme). Cela écrit le 9 août 2007, sans préjuger du devenir de ma personne et de sa possible notorité «extranet».

Ce site est assez exemplaire, à sa petite échelle, de la notoriété propre à Internet, laquelle diffère grandement de celle que donnent les autres médias. Cela vient de la structure même d'Internet et de la manière dont s'y diffuse l'information.


Un medium «de masse» traditionnel est structuré ainsi: à une extrémité du canal de communication on a un participant principalement ou uniquement émetteur, identifié et unique[1], à l'autre extrémité un participant principalement ou uniquement récepteur, anonyme et multiple, bref on a une relation très asymétrique entre les deux participants. Avec un médium traditionnel autre que «de masse» (téléphone, courrier) chaque participant est émetteur et récepteur mais chacun est unique, localisé et identifiable et le lien entre les extrémités est déterminé – sauf le cas particulier d'un usage atypique du téléphone qui eut cours à une certaine époque, tirant parti de son implémentation physique en réseau, qui consistait à appeler un numéro non attribué qui vous mettait en rapport hasardeux avec d'autres personnes formant le même numéro. Le virtuel avant la lettre.

Internet, ou plus exactement l'architecture réseau TCP/IP sous-jacente à Internet, a une structure très différente: contrairement aux médias de masse, chaque participant est émetteur et récepteur, et contrairement aux réseaux classiques comme celui du téléphone, tous les points du réseau sont virtuellement en contact avec tous les autres; dans cette structure, un même point peut communiquer simultanément avec plusieurs autres points et en général, le fait. Par exemple, au même moment où j'écris ce texte l'ordinateur sur lequel je travaille est connecté au réseau et: j'y écoute une émission «web-radio», j'ai quatre pages HTML ouvertes sur quatre sites différents, mon serveur de courrier reçoit (et parfois envoie) des e-mails et un autre logiciel fait de l'échange de fichiers avec des tiers: un seul point, un seul participant, huit activités de trois types différents. Et ces huit activités me mettent simultanément en contact avec quinze à trente autres points, eux-mêmes reliés à un nombre indéfini mais parfois très grand d'autres points – c'est le cas de mon lien actuel avec le site Wikipedia qui est en permanence en contact avec au moins des centaines, en général des milliers d'autres points.

Wikipedia va me permettre de discuter d'une autre particularité d'Internet: un site n'est pas localisé. Non seulement il n'a pas de localisation identifiable et fixe, mais l'ensemble formant site n'a pas obligation à se situer en totalité au même point, ni même l'ensemble des éléments d'une même page: il se peut (il est probable) que le texte de la page d'accueil de Wikipedia soit localisé à Lyon, les icônes qui s'y insèrent, à Paris, les images qu'on y voit à Londres ou Washington ou Palavas-les-Flots. En sens inverse, si «l'adresse» de ce site diffère de celle du site "http://jean.martin.free.fr" (si du moins il existe), il y a une bonne probabilité que la localisation des deux sites soit la même.

dernières particularités d'Internet à m'intéresser ici, la manière dont on accéde à un élément ou à une personne puis l'identification de l'élément ou de la personne contactés.

On accède aléatoirement à un point. C'est vrai en soi, matériellement, sur les réseaux TCP on ne se connecte jamais à un point physique géographiquement situable, mais à une «adresse» virtuelle certes associée à un objet physique mais dont la localisation est non déterminée. C'est vrai aussi aussi d'une manière «virtuelle»: sur le réseau, on ne sait pas où se trouve un contenu. Pour reprendre le cas de Wikipedia, cette entité dispose de plusieurs serveurs répartis un peu partout dans le monde, une page pouvant résider sur n'importe lequel, et souvent sur plusieurs (duplication) pour un meilleur accès. C'est particulièrement vrai pour les moteurs de recherche, qui stockent leurs informations sur de multiples serveurs, les pages de résultats ne résidant nulle part et étant créées lors de la consultation.

Quant à l'identification, et bien, sauf contact audio ou vidéo ou audio/vidéo direct, et même dans ce cas, qui ou qu'et-ce qui est à l'autre bout ? Pour anecdote, une de mes adresses e-mail est «jesus.christ.roi»; on n'est jamais assuré de rien, cependant je ne me prénomme pas Jésus, ne suis pas «l'oint du Seigneur» ou messie ou christ, enfin mes sentiments républicains m'empêcheraient d'être un roi. Sans aller à cette caricature, il m'est quelquefois arrivé, à leur demande, d'envoyer des courriels en lieu et place de tiers en utilisant leur «identité»; les récepteurs de ces messages ont probablement été persuadés de les recevoir de la part de la personne concernée. Ou encore, il m'arrive de temps à autre de recevoir un courriel signé, p. ex., Pimprenelle et renvoyant à l'adresse pimprenelle55@toto.com, de répondre à «Pimprenelle», et de recevoir une réponse à cette réponse, venant de la même adresse et signée «Jean-François Martin-Moreau». Et bien sûr on aura des choses comparables sur les sites.

Pour anecdote, à une époque où je faisais des recherches sur "l'expérience de Milgram" j'ai trouvé deux fois le même texte mais signé une fois «J.-C. Cabanel», l'autre «Denis Touret»: qui en est l'auteur ? Certes j'aurais pu le demander aux deux auteurs supposés mais ça m'importait assez peu. Cela donne surtout à constater que sur Internet, on ne sait jamais qui est «derrière la page»: une personne réelle, un pseudonyme, une «non personne», un collectif ? Il se peut que «J.-C. Cabanel» et «Denis Touret» soient la même personne physique, l'une étant le pseudonyme de l'autre ou les deux le pseudonyme d'un individu autrement nommé, ou que l'un soit le plagiaire de l'autre, ou que tous les deux soient le plagiaire d'un autre; il se peut encore que l'une ou l'autre de ces «identités» soient le pseudonyme d'un collectif (auquel les mêmes hypothèse que précédemment s'appliqueraient), ou que l'un, l'autre ou les deux soient des noms fictifs au service d'un «robot» pillant aléatoirement des données disponibles sur Internet, etc.


[1] Unique au sens où il y a un point unique de connexion au canal, le participant réel (les personnes physiques présentes à cette extrémité) pouvant être multiple.