L e moment où un être, une institution, une activité, un concept atteignent à leur apogée est aussi celui où ils entament leur chemin vers l'hypogée. Cela dit, bien sûr, pour tout ce qui ressort du vivant : pour les objets inanimés, il n'y a rien de tel, sinon d'un point de vue purement mécanique et assez répétitif, cyclique. Pour un être ou objet du vivant, il n'y a qu'un cycle : quand un humain ou une idée atteignent leur hypogée, pas de seconde chance… On se console en parlant du ciel, celui des âmes ou des idées, mais ce n'est que vain espoir : quand on est mort, on est mort, point. Lectrice, lecteur, si vous croyez à une vie après la mort ou à la transmigration des âmes ou à la transcendance ou aux petits lutins c'est bien, mais l'auteur de ces lignes n'adhère pas à ce type de croyances. Vous pouvez certes m'envoyer des courriels pour tenter de me convaincre ou pour me plaindre ou m'insulter d'« être dans l'erreur », si ça doit vous apaiser, ne vous privez pas, mais quoi ! Il faut être un peu conscient des choses : ce genre de croyances était raisonnable il y a un ou deux siècles encore mais aujourd'hui, il faudrait passer à autre chose. Par exemple à l'écologie, qui formerait une avantageuse religion laïque. Étant écologiste j'accepte les croyances des autres mais je les regrette parfois : quand on croit qu'il y a « quelque chose après la mort », on est moins attentif à faire au mieux hic et nunc, ici et maintenant. Et comme je suis écologiste, ça m'attriste. J'ai souligné “suis” pour exprimer que cela participe de mon essence. J'ai par exemple des talents en linguistique, en informatique et en sémantique, et j'espère, en écriture, mais je ne suis pas « un linguiste », « un informaticien », « un sémiologue », « un écrivain », je “fais” de la linguistique, de l'informatique, de la sémiotique ou de la sémantique, de la littérature. Bien sûr, il m'arrive de me présenter comme linguiste ou d'accepter qu'on me colle l'étiquette d'informaticien, mais je n'adhère pas vraiment à l'idée. Par contre, pour l'écologie, c'est différent. Mais je vais arrêter là-dessus dans cette page, j'en parle plus dans « Écologie, version 2 ». Le sujet ici est : la science de demain, c'est l'écologie. Mais avant d'y venir, je veux vous expliquer ce qu'est selon moi la science et pourquoi je prétends “être” écologiste. Qu'est-ce qu'une science ?Un objet récent, dans l'acception actuelle d'« ensemble cohérent de connaissances relatives à certaines catégories de faits, d'objets ou de phénomènes obéissant à des lois et vérifiées par les méthodes expérimentales » cela a moins de quatre siècles ; l'organisation actuelle des sciences a environ deux siècles. Cet objet n'est pas destiné à durer dans sa forme présente. Les sciences sont en voie d'obsolescence, correspondant à une phase en voie d'achèvement de l'évolution des sociétés humaines, ergo ça ne correspond plus à rien. Cela ne signifie pas que les apports de cette phase sont révolus, au contraire, ou non, pas au contraire, bref, un peu au hasard et à la nécessité. Du côté du hasard, ceci qu'on ne sait à un instant donné ce qui demain se révélera avoir été « le bon choix » ; du côté de la nécessité ceci qu'on est assuré qu'à long terme, les solutions les plus favorables seront privilégiées, puisque les plus favorables… Par exemple, si on se place dans le contexte du tournant des XVI° et XVII° siècles, à l'époque, qui aurait misé sur le courant « scientiste », pour faire court, la « lignée galiléenne » ? quatre siècles après, les résultats sont là. Mais ça ne se fit pas sans mal, pendant les trois premiers siècles la « lignée dominante », disons, les penseurs chrétiens et plus largement les « théologiens », fit de la résistance et tenta autant qu'elle put d'empêcher ces évolutions qui lui étaient néfastes — en fait, il y a encore de nos jours une forte minorité des humains, qui localement est une majorité, pour y résister. Mais on voit que la manière dont les sociétés humaines actuelles vivent est largement induite par une adhésion implicite à une approche des problèmes cartésienne ou scientiste ou rationnelle ou rationaliste. Par exemple, la majorité des habitants des États-Unis adhère à une conception de l'évolution du monde de type créationniste et de la mécanique céleste de type aristotélicien, mais dans sa vie ordinaire, ne renoncerait pour rien au monde aux retombées pratiques en médecine, biologie, technologie et même agriculture, des démarches darwiniennes, newtoniennes, relativistes et quantiques. À un autre niveau, une science, et plus largement « la science », telle qu'existant, est une des formes historiques d'une fonction vitale définie par ailleurs comme « exploration et investigation du réel », ou de l'environnement. Sa forme actuelle est tributaire d'un état des choses, d'une économie générale des sociétés humaines telle que développée et établie, en gros, au cours des 1.500 ans derniers, à un millénaire près. On ne peut dater la chose avec précision car les sociétés, comme les individus, évoluent continument, et l'on ne peut dire « tel jour, on a affaire à un anthropoïde, tel jour, apparaît le premier humain », ni non plus, « tel jour on est dans une population de philosophes et d'hommes de l'art et tel une population de scientifiques ». On peut à peu près dater le moment où l'approche scientifique prend le pas sur celle scolastique, sans pouvoir dire exactement quand « le gène de la science » est apparu. On n'est même pas assuré qu'il y a un gène de la science, et que ce n'est pas simplement un comportement nouveau d'un gène ou d'un groupe de gènes anciens dû à une modification de l'environnement. La forme science se révéla remarquablement efficace pendant un certain temps, trois siècles environ, et depuis un bon demi-siècle une certaine voie de la science est arrivée à un point de blogage. Encore une fois, il ne faut pas comme l'on dit jeter le bébé avec l'eau du bain, comme le courant scolastique, héritier de la double tradition grecque de Platon et d'Aristote, demeure valide pour une certaine approche des problèmes logiques et philosophiques, le courant scientifique reste d'un apport décisive pour les méthodes d'analyse du réel ; en revanche, le courant scientiste ou positiviste de la science, qui est celui dominant à l'heure actuelle, a montré ses limites. Depuis plus de soixante ans ce sont les approches “holistes” (“totalisantes”), très disqualifiées de la fin du XVIII° siècle au début du XX°, qui firent le plus progresser le savoir sur l'univers, le monde, les êtres et la société ; cela va à l'encontre l'approche positiviste des problèmes, qui au contraire segmente le réel en connaissances séparées : aujourd'hui, la séparation des domaines “physique” et “chimie” apparaît assez peu pertinente, alors que dans un certain état des choses elle eut sa nécessité. Relativisme des sciences.Une société est un tout, une totalité, donc ses objets n'ont de validité qu'autant qu'ils contribuent à sa construction et son équilibre. Vers 1600 est apparu nécessaire de changer, disons, « le moteur de la société ». À l'époque on nommait ce moteur “philosophie” ou “scolastique”. Pendant un temps on sépara les deux termes pour résrver “scolastique” au vieux moteur, “philosophie” à celui en train de se constituer. Par la suite, “philosophie” servit à désigner ce qui restait d'utile socialement de la scolastique, plus quelques développements nouveaux, et “science” puis “sciences” nomma le nouveau moteur. Plus tard encore, une forme de « philosophie appliquée » devint à son tour de la science, des sciences, dites aujourd'hui “sciences sociales et humaines”. De nos jours, en cette fin de XX° siècle et en ce début de XIX° siècle, les sciences en sont au même point que la philosphie et la scolastique quatre siècles plus tôt, celles qui s'élaborèrent jusqu'au milieu du XX° siècle environ ne sont plus adaptées à la société actuelle. Non qu'elles doivent disparaître ou qu'elles soient inutiles, c'est leur structuration et leur organisation économique, politique et sociale qui posent problème. Disons, il y a une part stable, pérenne de ces sciences, et une part évolutive qui ne peut pas se déployer dans les structures actuelles. Le cas évoqué de la physique et de la chimie est intéressant pour comprendre la chose : c'est leur aboutissement même, leur stabilité qui induit la non-pertinence de leur division. S'ils n'étaient pas accrochés à leurs statuts, dépendant de cette division, les chimistes et les physiciens admettraient l'évidence, il existe un pan important de ces savoirs qui ne sot pas séparables et dans cette analyse, il existe une physique et une chimie “pratiques” qui ne sont pas de l'ordre de la science, une science qui englobe une large part de ces deux sciences et dans laquelle la chimie est une domaine de la physique, enfin une part de la physique qui n'a que peu de liens avec la physico-chimie. Pour être clair, cette physico-chimie concerne ce qui reste valide de la mécanique classique et de l'astronomie nextonienne, disons, ce qui va de l'atome au système solaire, et en-deçà ou au-delà d'autres sciences, la mécanique quantique et la relativité générale. Ou quelque chose de ce genre. Mais autre chose en fait. Le problème actuel des sciences est justement là : cette structure et cette organisation actuelles empêchent de réfléchir clairement aux évolutions possibles. Une science globale. |