D es fois je me demande comment une personne
qui n'écrit jamais sinon de manière utilitaire, ou qui sait toujours d'avance sur quoi
elle va écrire, s'imagine le travail de l'écrivain, qu'il soit romancier, essayiste ou
poète. De mon expérience, je peux vous dire que ça ne se fait pas tout seul: je puis
refaire «le même texte» trois, cinq, dix fois, et faire trois cinq, dix variations sur un
même thème, et autant que je le sache, c'est le cas de la plupart des écrivains. Rares
sont les Simenon de la plume. Par exemple, il doit exister deux, peut-être trois pages de
ce site où j'aborde la question dont je discuterai ici, l'une ne parlant que de ça. Une
fois cela posé, venons-en à notre sujet – enfin: à mon sujet. Qui est, disons,
«les âges de la vie» revus aux lumières de nos connaissances actuelles. Auparavant j'ai
discuté de ça dans d'autres rubriques, mais à la fin ça me semble devoir figurer dans les
questions d'écologie car ça concerne le rapport des individus et de l'espèce au monde,
donc à l'environnement.
Dans les sociétés “rationnelles”, La conception actuelle de l'évolution d'un individu
la plus courante est qu'il «progresse» de manière continue de la naissance – ou de la
conception, selon le point de vue – à la mort. Une autre conception massive est que les
individus d'une même espèce sont tous dotés des mêmes caractéristiques et capacités, sont
«semblables». Certes la réalité vient contrecarrer cette conception abstraite et la loi
crée des classes parmi les humains selon leurs particularités dans la durée ou selon leur
être, qui les rangent en catégories dissemblables: dans toutes ces sociétés, par exemple,
la population est divisée en «mineurs» et «majeurs», chacun de ces groupes ayant certains
droits et devoirs qui leurs sont propres. De même, la loi établit des règles propres aux
personnes considérées efficientes («normales») et déficientes («handicapées»); enfin, la
majeure partie de ces sociétés, sinon toutes, établissent une différence entre au moins
deux et parfois trois ou quatre populations «en fonction de leur naissance»: la classe
des citoyens, celle des nationaux, celle des résidants et celle des «transitants». Depuis
environ un siècle les classes des citoyens et des nationaux tendent à se confondre, bien
que certains nationaux soient, à temps ou définitivement, «privés de citoyenneté», et que
dans certaines fédérations ou confédérations on peut avoir la citoyenneté sans qu'elle
s'attache à la nationalité (cas de l'Union européenne); il y a aussi le cas des sociétés
qui, ayant intégré la notion de «droit du sang» à leur législation, considèrent comme
«nationaux» des personnes qui ne sont pas citoyennes du pays. Les résidants et – j'espère
qu'on excusera le néologisme – transitants sont des «non nationaux» présents «sur le sol
national» de manière permanente ou temporaire; de plus en plus rarement, les résidants
ont un «droit de citoyenneté» partiel ou total; les transitants ne l'ont jamais.
Tout cela montre que les individus ne sont pas, au regard de la loi, «tous égaux»
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