Les Gouvernements des Républiques représentées à la VIe Conférence internationale américaine, tenue à La Havane, République de Cuba, l'année 1928,
Désirant que lorsqu'une guerre se produit entre deux Etats ou plus, les autres Etats puissent offrir sur l'autel de la paix leurs bons offices ou leur médiation pour mettre fin au conflit, sans que cette action puisse être considérée comme peu amicale ;
Convaincus que, dans le cas où cet objectif ne peut être atteint, les Etats neutres ont le même intérêt à ce que leurs droits soient respectés par les belligérants ;
Estimant que la neutralité est la situation juridique des Etats qui ne prennent pas part aux hostilités et qu'elle crée des droits et impose des obligations d'impartialité qui doivent être réglementés ;
Reconnaissant que la solidarité internationale exige que la liberté du commerce soit toujours respectée, en évitant autant que possible des charges inutiles aux neutres ;
Et comme il convient que, tandis que cet objectif ne peut être complètement réalisé, ces charges soient réduites au minimum ; et
Espérant qu'il sera possible de régulariser la question de façon que tous les intérêts affectés aient toutes les garanties désirées,
Ils ont résolu de tenir une convention à cet effet, et ils ont nommé comme leurs plénipotentiaires les personnes suivantes :
(Désignation des Plénipotentiaires)
Lesquels, après avoir déposé leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, ont arrêté les dispositions suivantes :
Article premier.
Le commerce en temps de guerre sera régi par les règles suivantes :
Article 2.
La détention d'un navire, comme celle de son équipage pour violation de la neutralité, se fera d'accord avec le régime qui convient le mieux à l'Etat qui l'effectue et aux frais du navire en contravention. Cet Etat, sauf en cas de faute grave de sa part, n'est pas responsable des dommages que souffrirait le navire.
Article 3.
Les Etats belligérants sont obligés de s'abstenir de faire dans les eaux neutres, des actes de guerre ou de toute autre nature, qui puissent constituer de la part de l'Etat qui les tolère, une infraction à la neutralité.
Article 4.
Selon les termes de l'article précédent, il est défendu à l'Etat belligérant :
Article 5.
Il est défendu aux navires de guerre des belligérants de s'arrêter dans les ports ou dans les eaux de l'Etat neutre pendant plus de vingt-quatre heures. Cette disposition sera notifiée au navire, aussitôt qu'il arrivera au port ou dans les eaux territoriales et s'il s'y trouve déjà à la déclaration de la guerre, dès que l'Etat neutre aura connaissance de cette déclaration.
Sont exceptés de la disposition qui précède les navires employés exclusivement pour les missions scientifiques religieuses ou philanthropiques.
Le navire peut prolonger son séjour plus de vingt-quatre heures en cas d'avaries ou de mauvais état de la mer, mais il devra partir aussitôt que cessera la cause du retard.
Lorsque par la loi de l'Etat neutre le navire ne peut recevoir de combustible que vingt-quatre heures après son arrivée dans le port, le terme du séjour sera prolongé pour un temps égal.
Article 6.
Le navire qui ne remplira pas les règles précédentes pourra être interné par ordre du gouvernement neutre. Un navire est considéré interné dès le moment qu'il reçoit l'ordre dans ce sens de l'autorité légale neutre, même si une demande de reconsidération a été interposée de la part du navire transgresseur, qui devra rester sous garde dès le moment où l'ordre lui en est donné.
Article 7.
A défaut de disposition spéciale dans la législation locale, le maximum de navires de guerre d'un belligérant qui pourront se rencontrer en même temps dans un port neutre, sera de trois.
Article 8.
Aucun navire de guerre ne pourra lever l'ancre d'un port neutre avant que ne soient écoulées vingt-quatre heures depuis le départ d'un navire de guerre ennemi.
Sortira le premier celui qui était arrivé d'abord, à moins qu'il ne se trouve dans les conditions qui autorisent la prolongation de séjour. En tout cas, le navire qui est arrivé le dernier a le droit de notifier à l'autre, par l'intermédiaire de l'autorité légale compétente, que dans les vingt-quatre heures il quittera le port, et sera en liberté de partir celui qui le premier serait entré, pendant ce délai. S'il sort, le navire qui a notifié devra conserver l'intervalle mentionné plus haut.
Article 9.
Les navires belligérants avariés ne seront pas autorisés à faire dans les ports neutres plus de réparations que les indispensables pour la continuation du voyage, et celles qui ne constituent d'aucune manière une augmentation de leur force militaire.
Dans aucun cas les avaries qui ont été produites par le feu de l'ennemi ne pourront être réparées.
L'Etat neutre vérifiera la nature des réparations à effectuer et veillera à ce qu'elles soient exécutées le plus vite possible.
Article 10.
Les navires de guerre des belligérants pourront s'approvisionner de combustible et se ravitailler dans les ports neutres, dans les conditions que l'autorité locale aura établies spécialement et par manque de dispositions spéciales dans la même forme qui existe pour le ravitaillement en temps de paix.
Article 11.
Les navires de guerre qui reçoivent des combustibles dans un port neutre, ne pourront renouveler leur provision dans le même Etat avant l'expiration de trois mois.
Article 12.
Pour ce qui se rapporte au séjour, à l'approvisionnement, au ravitaillement des navires belligérants dans les ports et les eaux de la juridiction des neutres, les dispositions relatives aux navires de guerre s'appliqueront également :
Article 13.
Les navires auxiliaires des belligérants, transformés de nouveau en bâtiments marchands, seront admis comme tels dans les ports neutres à condition :
Article 14.
Les aéronefs des belligérants ne voleront pas au-dessus du territoire ou des eaux de la juridiction des neutres, à moins d'être en conformité avec les règlements de ceux-ci.
Article 15.
Entre les actes d'assistance qui proviennent des Etats neutres et les actes de commerce que font les individus, seulement les premiers sont contraires à la neutralité.
Article 16.
Il est défendu à l'Etat neutre :
Ne sont pas inclus dans cette prohibition les crédits qu'un Etat neutre accorde pour faciliter la vente ou l'exportation de ses produits alimentaires en matières premières.
Article 17.
Les prises ne pourront pas être conduites dans un port neutre, excepté dans un cas de manque de navigabilité, du mauvais état de la mer ou faute de combustible ou de provisions. Une fois ces causes disparues, les prises devront s'éloigner immédiatement ; si aucune des hypothèses signalées ne se présente, l'Etat leur intimera le départ et, s'ils n'obéissent pas, il recourra aux moyens dont il dispose pour désarmer aussi bien les navires que leurs officiers et leur équipage ou interner la garde mise à bord par celui qui a fait la capture.
Article 18.
Excepté le cas prévu dans l'article 17, l'Etat neutre doit libérer les prises qui ont été conduites dans les eaux de sa juridiction.
Article 19.
Quand un navire qui porte des marchandises doit être interné en pays neutre, il sera procédé au débarquement de celles qui sont destinées au susdit pays et au transbordement de celles qui vont dans un autre.
Article 20.
Le navire marchand qui, ravitaillé de combustibles ou d'autres provisions dans un Etat neutre, céderait à plusieurs reprises tout ou partie de son ravitaillement à un navire belligérant, ne pourra recevoir une autre fois des provisions ou des combustibles dans le même Etat.
Article 21.
S'il résultait que le navire marchand de pavillon belligérant par sa préparation et d'autres circonstances peut fournir aux navires de guerre d'un Etat les provisions dont ils ont besoin, l'autorité locale pourra leur refuser l'approvisionnement ou exiger de l'agent de la compagnie la garantie de ce que le navire en question n'aidera ou n'assistera aucun navire.
Article 22.
Les Etats neutres ne sont pas obligés d'empêcher l'exportation ou le transit, pour le compte de l'un ou de l'autre belligérant d'armes, de munitions et, en général, de tout ce qui peut être utile à ses forces militaires.
Ils devront permettre le transit quand deux pays américains se trouvant en guerre, un des belligérants est un pays méditerranéen, qui n'a pas d'autres moyens de se ravitailler et toujours tant que cela n'affecte pas les intérêts vitaux du pays dont le transit est demandé.
Article 23.
Les Etats neutres ne doivent pas s'opposer au départ volontaire des nationaux des Etats belligérants, même s'ils partaient en grand nombre et en même temps ; mais ils pourront s'opposer au départ volontaire de leurs propres nationaux qui vont s'engager dans les forces armées.
Article 24.
L'usage par les belligérants des moyens de communications des Etats neutres, ou qui croisent ou touchent le territoire de ceux-ci, reste assujetti aux moyens que dicte l'autorité locale.
Article 25.
Si par suite d'opérations navales hors de la juridiction des Etats neutres, il y avait des morts ou des blessés dans les flottes belligérantes, les susdits Etats pourront envoyer sur le lieu du sinistre des navires-hôpitaux sous la surveillance du gouvernement neutre. Ces navires jouiront de l'inviolabilité complète durant leur mission.
Article 26.
Les Etats neutres sont obligés à exercer toute la surveillance que leur permettent les moyens à leur portée, afin d'empêcher dans leurs ports ou dans les eaux de leur juridiction une violation quelconque des dispositions précédentes.
Article 27.
Le belligérant qui violerait les dispositions précédentes indemnisera le dommage causé et sera responsable des actes des personnes qui feraient partie de leur force armée.
Article 28.
La présente convention n'affecte pas les arrangements acquis antérieurement par les Parties contractantes en vertu d'accords internationaux.
Article 29.
La présente convention, après la signature, sera soumise à la ratification des Etats signataires. Le Gouvernement de Cuba reste chargé d'envoyer des copies légalisées authentiques aux gouvernements dans le but référé de leur ratification. L'instrument de la ratification sera déposé dans les archives de l'Union panaméricaine à Washington, qui notifiera leurs dépôts aux gouvernements signataires ; une telle notification aura la force d'un échange de ratifications. Cette convention restera ouverte à l'adhésion des Etats non signataires.
En foi de quoi les plénipotentiaires nommés signent la présente convention en espagnol, en anglais, en français et en portugais, à La Havane, le 20 février 1928.
(Signatures)