Source: Comité international de la Croix rouge, pages Droit international humanitaire
[P R E C] [S O M M A I R E] [S U I V]

Avant-projet de Convention adopté à Monaco
> février 1934 <

I.- VILLES ET LOCALITES SANITAIRES.

Article 1er. Une protection particulière est garantie aux villes sanitaires par les belligérants aux conditions suivantes :

Art. 2. La ville doit être réservée aux besoins particuliers des services de santé à l'exclusion de toute utilisation militaire.
Ne sont pas compris dans cette exclusion :

a) L'utilisation en transit des voies de communication et de transport par des convois militaires ;
b) La présence de permissionnaires originaires de la ville ;
c) Les cas prévus par l'article 8 de la Convention de Genève ;
d) L'activité des établissements industriels autres que ceux constituant des centres importants et bien connus employés à la fabrication d'armes, de munitions ou de fournitures militaires caractérisées.

Art. 3. La ville doit être notifiée soit pendant la paix, soit à l'ouverture ou au cours des hostilités.

Cette notification sera faite :

a) Pendant le temps de paix, par voie de communication diplomatique à tous les gouvernements ;
b) A l'ouverture et au cours des hostilités, entre belligérants, par l'entremise des Puissances protectrices.

' Variante ou mieux ' :

... tant en temps de paix qu'en temps de guerre, par l'entremise d'un organe international (à définir).

Art. 4. Le choix de la ville peut être l'objet d'une protestation dûment notifiée dans un délai raisonnable. La vérification des motifs de cette protestation sera faite à la demande du notifiant, en temps de paix dans un délai raisonnable, en temps de guerre d'urgence, par :

a) En temps de paix : la Cour Permanente de Justice Internationale ;
b) En temps de guerre : le Comité spécial désigné à l'ouverture des hostilités par les Puissances non-belligérantes signataires de la Convention.

' Ou mieux ' :

... dans les deux cas, par l'organisme international précité.

Art. 5. La ville doit recevoir obligatoirement, en temps de guerre, une commission de contrôle dont les membres, désignés par une des autorités ci-dessus qualifiées devront être agréés par le gouvernement intéressé.
Ils agiront sous le contrôle de la Puissance protectrice.

' Ou mieux ' :

... de l'organisme international précité.

Art. 6. La Commission de contrôle des non-belligérants n'a pas à s'immiscer dans l'exercice de la souveraineté territoriale. D'autre part, l'autorité locale devra donner à la Commission toutes facilités utiles pour l'accomplissement de sa mission.

Art. 7. La procédure à employer pour l'affectation des villes sanitaires s'applique à leur désaffectation.
En cas d'occupation par l'ennemi, l'affectation est maintenue sauf notification contraire de sa part.

Art. 8. Les garanties accordées aux villes sanitaires peuvent s'étendre aux localités dans lesquelles seront groupées des formations sanitaires mobiles ou fixes, opérant au contact rapproché du front de bataille, aux conditions suivantes :

1° Ne recevoir à l'intérieur, et dans une zone environnante de 500 mètres, aucune formation militaire autre que celles appartenant en propre au service de santé, compte tenu des cas prévus par l'article 8 de la Convention de Genève ;
2° Placer les insignes de la Croix-Rouge aux issues de la localité ; ce placement tiendra lieu de notification, celle-ci s'imposant de plein droit à l'adversaire, sauf à lui d'en contester la légitimité d'après les modes de droit commun (parlementaires, liaison radiotéléphonique, message lesté) ;
3° Le contrôle sera, s'il n'en est autrement décidé, exercé aux termes de l'article 30 de la Convention de Genève.

Il est toutefois recommandé aux intéressés d'utiliser, dans toute la mesure du possible, les bons offices d'organes de contrôle composés de non-belligérants.

Art. 9. Aucune des dispositions qui précèdent ne peut être interprétée dans un sens restrictif des droits acquis à l'humanité en vertu de toutes les autres conventions.

II.- DE L'ASSISTANCE SANITAIRE PAR LES NON-BELLIGERANTS.

Article 1er. L'assistance sanitaire de la part d'un gouvernement à l'un quelconque des belligérants ne rompt pas la neutralité.

Art. 2. Cette assistance comporte l'intervention :

a) D'une société de secours reconnue et cela avec l'assentiment préalable de son propre gouvernement et l'autorisation du belligérant lui-même ;
b) Du service de santé militaire.

Art. 3. Chaque belligérant détermine l'emploi de l'assistance sanitaire ainsi mise à sa disposition.

Art. 4. Tout belligérant qui a accepté l'assistance est tenu, avant tout emploi, d'en faire la notification à l'ennemi.

Art. 5. L'assistance sanitaire pourra comprendre : personnel, matériel et formations sanitaires complètes.

Art. 6. Les personnel, matériel et formations sanitaires ainsi mis à la disposition des belligérants sont régis par les stipulations de la Convention de Genève complétées, le cas échéant, par les conventions particulières à intervenir entre les Etats intéressés.

Art. 7. Le belligérant peut toutefois, à tout moment, renoncer au bénéfice de l'assistance.
Un Etat ne peut retirer le bénéfice de son assistance au belligérant que pour des motifs graves, dont pourrait être appelée à connaître la Cour Permanente de Justice Internationale.

Art. 8. En ce cas, toute mesure doit être prise pour que le retrait d'assistance ne porte pas préjudice au traitement des malades et des blessés.

Art. 9. Le voeu est exprimé qu'il soit examiné si, dans un stade ultérieur des relations internationales, il ne pourrait pas être formé, pour agir éventuellement en temps de guerre, un organe interétatique de non-belligérants, à la disposition duquel seraient mis directement les contingents de médecine militaire et d'assistance volontaire, librement fournis par les Etats, dont il opérerait la répartition.

III.- PROTECTION DES PRISONNIERS DE GUERRE.

Les soins médicaux aux prisonniers de guerre seront donnés en toutes circonstances.
Ils seront assurés au moyen d'un personnel sanitaire choisi par priorité dans la nationalité des prisonniers ou, à défaut, par un personnel sanitaire appartenant à des Etats non-belligérants et agréé par la ou les Puissances protectrices intéressées.

Il est recommandé aux belligérants de s'autoriser mutuellement par voie d'arrangement particulier, à affecter, dans les camps, du personnel sanitaire appartenant à l'adversaire.
Par application des dispositions de l'article 9 de la Convention de Genève, le personnel sanitaire ainsi affecté ne sera pas traité comme prisonnier de guerre.
Les médecins désignés pour assurer le traitement des prisonniers de guerre seront obligatoirement appelés à participer au contrôle des mesures hygiéniques prévues aux articles 13, 14 et 15 de la Convention de Genève.

IV.- DE LA PROTECTION DE LA POPULATION CIVILE.

Article 1er. La population civile doit être laissée en dehors de toutes les formes d'hostilités.
Au cas où la forme de guerre utilisée serait interdite entre combattants, cet emploi, devenant plus grave, appellerait un renforcement de sanctions.

Art. 2. La population civile comprend toutes les personnes qui ne sont pas enrôlées dans l'armée.

Art. 3. En cas d'invasion ou d'occupation, la population civile doit être respectée dans la liberté du culte, la loyauté du sentiment patriotique, l'intégrité physique et la dignité morale de la personne. Sous réserve de l'exercice - moyennant juste indemnité - des réquisitions nécessaires à la subsistance de l'armée, elle doit l'être également dans l'intégrité de ses biens. Elle doit être loyale au regard de l'autorité locale, c'est-à-dire obtempérer aux prescriptions réclamées par l'ordre public.

L'occupant peut s'assurer de toute personne qui, membre de la population civile, manquerait à ses devoirs.
Une chambre spéciale de la Cour Permanente de Justice Internationale est créée pour connaître de toutes contestations qui s'élèveraient à cet égard, comme à tous les autres, entre l'occupant et l'occupé.

La procédure se fera par l'entremise des Puissances respectivement protectrices des intérêts des belligérants ennemis.

Art. 4. Peuvent faire l'objet d'un acte de guerre :

1° Toutes formations militaires autres que celles appartenant au service de santé ;
2° Tout organe de combat et de ravitaillement direct des armées ;
3° Tout établissement industriel employé à la fabrication d'armes, de munitions ou de fournitures militaires caractérisées ;
4° Toutes lignes de communications ou de transports dont il est fait usage pour des buts militaires, hors le cas des villes sanitaires et de sécurité.

La population civile n'est, en aucun cas, un objectif militaire.
Dans les agglomérations où se trouvent des objectifs militaires, les moyens d'attaque des objectifs militaires situés au contact immédiat de la population devront être choisis et employés de telle manière qu'ils ne puissent étendre leurs effets au-delà d'un rayon de 500 mètres calculé à partir de la limite extérieure de ces objectifs.

Art. 5. Les villes défendues sont soumises à l'emploi de tous moyens de guerre licites.
Les belligérants devront s'efforcer de n'atteindre dans ces villes aucun des édifices destinés au culte, à la charité, à la science ou présentant un caractère historique ou artistique.

Ces édifices devront être signalés d'une manière apparente et, de toute façon, rendus notoires par des moyens appropriés.
Les belligérants devront respecter les dispositions de la Convention de Genève du 27 juillet 1929 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les armées en campagne : ces dispositions sont, par le présent accord, étendues à la population civile.

Art. 6. Les villes non défendues dans lesquelles n'existera aucun objectif militaire pourront être transformées en villes de sécurité.
Les villes de sécurité bénéficieront du régime des villes sanitaires, à la condition de se soumettre aux mêmes formalités de notification et de contrôle que celles-ci.

Art. 7. Les dispositions qui précèdent s'appliquent aux villes maritimes.

Art. 8. La prévision et l'exécution de mesures défensives de la population civile contre les risques de guerre ne sont pas une violation de la présente Convention.

Art. 9. L'observation de la Convention est placée sous la protection d'un organe international (éventuellement le Conseil de la Société des Nations ou, dans un cadre plus étendu et à un stade ultérieur des relations internationales, le Comité des non-belligérants avec appel, éventuellement, à la Cour Permanente de Justice Internationale).

Art. 10. Les dispositions qui précèdent sont l'expression de la conscience humaine.

V.- SANCTIONS.

Article 1er. En cas de violation, par une partie, des règles concernant la protection des droits de l'humanité en temps de guerre par un des belligérants, l'autre partie peut demander que cette violation soit constatée par un organisme non belligérant.

Art. 2. Chaque Etat belligérant doit faciliter les investigations de cet organisme sur le territoire des pays où lui-même exerce son autorité.

Art. 3. Cet organisme comporte :

a) Dans la zone de l'avant, une Commission d'Enquête de campagne composée au minimum de trois membres, dont deux représentants des Puissances protectrices des belligérants et dont le troisième est élu d'un commun accord par les deux autres ;
b) Dans les villes sanitaires et de sécurité, une Commission de contrôle fixe, composée de la même manière ;
c) Dans les autres cas, une Commission centrale résidant dans la capitale de chaque Etat belligérant et composée d'après les mêmes principes.

En tout état de cause, un des membres de la Commission doit être obligatoirement un médecin militaire quand il s'agit de violations intéressant les malades et les blessés.

Art. 4. La Commission de contrôle ainsi constituée a le devoir de procéder immédiatement à une enquête approfondie et de rédiger d'urgence un rapport en conséquence. La Commission de contrôle transmet le rapport au greffe de la Cour Permanente de Justice Internationale.
Par les soins du greffier, il est communiqué à tous les Etats sans exception.
L'appréciation des conséquences juridiques de cet acte appartient, le cas échéant, à la Cour Permanente de Justice Internationale.

Art. 5. Quand, après une première constatation d'atteinte grave au droit de l'humanité, notamment à l'égard des villes sanitaires et de sécurité, il s'en produit une seconde et, à plus forte raison, une troisième, le belligérant victime de ces violations répétées est délié de ses obligations dans la même mesure que l'adversaire s'est délié des siennes.
Les non-belligérants, sont, en pareil cas, fondés à retirer l'assistance sanitaire à l'auteur de ces violations.

Art. 6. La responsabilité de l'Etat et des particuliers relève après appréciation, au premier degré, de la justice interne, en dernier ressort de la compétence de la Cour Permanente de Justice Internationale.

Art. 7. En cas d'atteinte au droit à la vie des blessés, des malades et de la population civile, il appartient à tout Etat de saisir d'office la Cour Permanente de Justice Internationale.

ARTICLE ADDITIONNEL.

La réunion émet le voeu qu'il soit donné suite à la résolution du Comité chargé de la préparation de l'avant-projet des statuts de la Cour Permanente de Justice Internationale (1920) tendant à l'organisation d'une juridiction internationale ayant compétence pour la répression des crimes de guerre.