Source: Comité international de la Croix rouge, pages Droit international humanitaire
[P R E C] [S O M M A I R E] [S U I V]

Projet de Convention internationale concernant la condition et la protection des civils de nationalités ennemie qui se trouvent sur le territoire d'un belligérant ou sur un territoire occupé par lui
> Tokyo, 1934 <

TITRE I.- DE LA QUALITE DE CIVIL ENNEMI

ARTICLE PREMIER.- Les civils ennemis, dans le sens de la présente Convention, sont les personnes qui réunissent les deux conditions suivantes :

a) ne pas appartenir aux forces armées terrestres, maritimes et aériennes des belligérants, telles qu'elles sont définies par le droit international, notamment par les art. 1, 2 et 3 du Règlement annexé à la Convention de La Haye, N° IV, concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, du 18 octobre 1907 ;
b) être ressortissant d'un pays ennemi et se trouver sur le territoire d'un belligérant ou sur un territoire occupé par lui.

TITRE II.- DES CIVILS ENNEMIS QUI SE TROUVENT SUR LE TERRITOIRE D'UN BELLIGERANT

SECTION I.- DISPOSITIONS GENERALES.

ART.2.- Sous réserve des dispositions de l'art. 4, les civils ennemis qui désireraient quitter le territoire au début des opérations militaires obtiendront à cet effet, dans le plus bref délai possible, les autorisations nécessaires, ainsi que toutes facilités compatibles avec ces opérations. Ils auront le droit de se munir de l'argent nécessaire à leur voyage et d'emporter au moins leurs effets personnels.

ART.3.- Dans le cas où le départ des civils serait organisé administrativement, ceux-ci devront être conduits à la frontière de leur pays ou du pays neutre le plus proche.
Il sera procédé à ces rapatriements en tenant compte de toutes les exigences de l'humanité.
Les modalités de ces rapatriements pourront donner lieu à des accords spéciaux entre belligérants.

ART.4.- Seuls pourront être retenus les civils ennemis appartenant aux catégories suivantes :

a) Ceux qui sont aptes à être mobilisés immédiatement ou dans l'espace d'un an, en vertu de la loi du pays d'origine ou en vertu de la loi du pays où ils se trouvent ;
b) ceux au départ desquels pourront raisonnablement être opposées des considérations tirées de la sécurité de la Puissance détentrice.

Dans l'un et l'autre cas, le recours à la Puissance protectrice sera toujours admis. Celle-ci aura le droit d'exiger qu'une enquête soit ouverte et que le résultat lui en soit communiqué dans les trois mois de sa demande.

ART.5.- Ceux qui sont en détention préventive ou condamnés à une peine privative de liberté seront, dès leur libération, admis au bénéfice des dispositions de la présente Convention.
Le fait d'appartenir à un Etat ennemi ne doit pas entraîner une aggravation du régime auquel ils sont soumis.

ART.6.- Les civils ennemis qui sont restés sur le territoire, comme ceux qui auront été retenus en application de l'art. 4, seront soumis au traitement dont jouissent les étrangers en temps ordinaire, sauf les mesures de contrôle ou de sûreté qui pourraient être ordonnées, et sous réserve des dispositions de la Section III.
Sous ces réserves, et pour autant que les opérations militaires le permettront, ils auront la possibilité de vaquer à leurs occupations.

ART.7.- Sous réserve des mesures appliquées à la population dans son ensemble, les civils ennemis auront la possibilité de donner aux membres de leurs familles des nouvelles de caractère strictement privé, et d'en recevoir.
Sous la même réserve, ils auront également la possibilité de recevoir des secours.

ART.8.- Les civils ennemis auront toute facilité pour s'adresser aux sociétés de secours dûment reconnues et ayant pour objet d'être les intermédiaires de l'action charitable.
Ces sociétés recevront à cet effet de la part des autorités toutes facilités, dans les limites tracées par les nécessités militaires.

ART.9.- Les civils ennemis seront protégés contre les actes de violence, les insultes et la curiosité publique.

ART.10.- Les mesures de représailles à leur égard sont interdites.

ART.11.- La prise d'otages est interdite.

SECTION II.- DES CIVILS ENNEMIS AMENES SUR LE TERRITOIRE D'UN BELLIGERANT.

ART.12.- Les civils ennemis qui, pour une cause quelconque, se trouveraient amenés sur le territoire d'un belligérant au cours des hostilités, devront être admis au bénéfice des mêmes garanties que ceux qui s'y trouvaient lors du début des opérations militaires.

SECTION III.- DU CONFINEMENT ET DE L'INTERNEMENT.

ART.13.- Dans le cas où le pays belligérant n'estimerait pas suffisantes les mesures de contrôle ou de sécurité mentionnées à l'art. 6, il pourra recourir au confinement ou à l'internement conformément aux dispositions de la présente section.

ART.14.- Dans la règle, le confinement dans une région déterminée des civils ennemis sera préféré à leur internement. Seront notamment confinés, sous réserve de la sécurité de l'Etat, ceux qui sont fixés sur le territoire du belligérant.

ART.15.- L'internement des civils ennemis dans des camps clôturés ne pourra être ordonné que dans l'un des cas suivants:

a) s'il s'agit de civils aptes à être mobilisés dans les conditions prévues par l'art. 4, lettre a) de la présente Convention ;
b) si la sécurité de la Puissance détentrice l'exige ;
c) si la situation des civils ennemis le rend nécessaire.

ART.16.- Les camps d'internement des civils ennemis seront distincts des camps d'internement des prisonniers de guerre.
Ces camps ne pourront être installés dans des régions malsaines ou dont le climat serait nuisible à la santé des internés

ART.17.- Pour le surplus, la Convention du 27 juillet 1929, relative au traitement des prisonniers de guerre, est applicable par analogie aux internés civils.
Le traitement des internés civils ne pourra en aucun cas être inférieur à celui que prescrit ladite Convention.

TITRE III.- DES CIVILS ENNEMIS QUI SE TROUVENT SUR LE TERRITOIRE OCCUPE PAR UN BELLIGERANT.

ART.18.- Les Hautes Parties contractantes s'engagent à observer, en ce qui concerne la condition et la protection des civils de nationalité ennemie qui se trouvent sur le territoire occupé par un belligérant, les dispositions de la Section III du Règlement annexé à la Convention de La Haye, N° IV, de 1907.

ART.19.- Les Hautes Parties contractantes s'engagent en outre à observer les dispositions suivantes :

a) Au cas où, à titre exceptionnel, il paraîtrait indispensable à l'Etat occupant de prendre des otages, ceux-ci devront toujours être traités avec humanité. Ils ne devront sous aucun prétexte être mis à mort ou soumis à des châtiments corporels.
b) Les déportations hors territoire de l'Etat occupé sont interdites, à moins qu'il ne s'agisse d'évacuations destinées, en raison de l'extension des opérations militaires, à assurer la sécurité des habitants.
c) Les civils ennemis auront la possibilité de donner aux membres de leurs familles se trouvant à l'intérieur du territoire occupé des nouvelles de caractère strictement privé, et d'en recevoir.
La même possibilité leur sera accordée pour la correspondance avec l'extérieur, sous réserve des mesures appliquées à la population de l'Etat occupant, dans son ensemble.
Sous la même réserve, les civils ennemis auront également la possibilité de recevoir des secours.
d) Les civils ennemis sont admis au bénéfice de l'article 8 de la présente Convention.

TITRE IV.- DE L'EXECUTION DE LA CONVENTION

SECTION I.- DE L' APPLICATION ET DE L'EXECUTION DE LA CONVENTION.

ART.20.- Les dispositions de la présente Convention devront être respectées par les Hautes Parties contractantes en toutes circonstances.
Au cas où, en temps de guerre, un des belligérants ne serait pas partie à la Convention, ses dispositions demeureront néanmoins obligatoires entre les belligérants qui y participent.

ART.21.- Le texte de la présente Convention et des conventions spéciales prévues à l'art. 3 sera affiché dans tous les lieux d'internement des civils, et communiqué, sur leur demande, à ceux qui se trouveraient dans l'impossibilité d'en prendre connaissance.

ART.22.- Les Hautes Parties contractantes se communiqueront, par l'intermédiaire du Conseil fédéral suisse, les traductions officielles de la présente Convention, ainsi que les lois et règlements qu'elles pourront être amenées à adopter pour assurer l'application de la présente Convention.

SECTION II.- DE L'ORGANISATION DU CONTROLE.

ART.23.- Les Hautes Parties contractantes reconnaissent que la pleine exécution de la présente Convention comporte la collaboration des Puissances protectrices ; elles se déclarent prêtes à accepter les bons offices de celles-ci.
A cet effet, les Puissances protectrices pourront, en dehors de leur personnel diplomatique, désigner des délégués parmi leurs propres ressortissants ou parmi les ressortissants d'autres Puissances neutres. Ces délégués devront être soumis à l'agrément du belligérant auprès duquel ils exerceront leur mission.
Les représentants de la Puissance protectrice ou ses délégués agréés seront autorisés à se rendre dans toutes les localités, sans aucune exception, où sont internés des civils. Ils auront accès dans tous les locaux occupés par des internés civils et pourront s'entretenir avec ceux-ci, en règle générale sans témoin, personnellement ou par l'intermédiaire d'interprètes.
Les belligérants faciliteront dans la plus large mesure possible la tâche des représentants ou des délégués agrées de la Puissance protectrice. Les autorités militaires seront informées de leur visite.
Les belligérants pourront s'entendre pour admettre que des personnes de la propre nationalité des internés civils soient admises à participer aux voyages d'inspection.

ART.24.- En cas de désaccord entre les belligérants sur l'application des dispositions de la présente Convention, Puissances protectrices devront, dans la mesure du possible, prêter leurs bons offices aux fins de règlement du différend.
A cet effet, chacune des Puissances protectrices pourra, notamment, proposer aux belligérants intéressés une réunion de représentants de ceux-ci, éventuellement sur un territoire neutre convenablement choisi. Les belligérants seront tenus de donner suite aux propositions qui leur seront faites dans ce sens. La Puissance protectrice pourra, le cas échéant, soumettre à l'agrément des Puissances en cause une personne appartenant à une Puissance neutre ou une personnalité déléguée par le Comité international de la Croix-Rouge, qui sera appelée à participer à cette réunion.

ART.25.- Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à l'activité humanitaire que le Comité international de la Croix-Rouge pourra déployer pour la protection des civils ennemis, moyennant l'agrément des belligérants intéressés.

SECTION III.- DISPOSITIONS FINALES.

ART.26.- La présente Convention, qui portera la date de ce jour, pourra jusqu'au ............................................. être signée au nom de tous les pays représentés à la Conférence.

ART.27.- La présente Convention sera ratifiée aussitôt que possible. Les ratifications seront déposées à Berne.
Il sera dressé du dépôt de chaque instrument de ratification un procès-verbal dont une copie, certifiée conforme, sera remise par le Conseil fédéral suisse aux Gouvernements de tous les pays au nom de qui la Convention aura été signée ou l'adhésion notifiée.

ART.28.- La présente Convention entrera en vigueur six mois après que deux instruments de ratification au moins auront été déposés.
Ultérieurement, elle entrera en vigueur pour chaque Haute Partie contractante six mois après le dépôt de son instrument de ratification.

ART.29.- A partir de la date de sa mise en vigueur, la présente Convention sera ouverte aux adhésions données au nom de tout pays au nom duquel cette Convention n'aura pas été signée.

ART.30.- Les adhésions seront notifiées par écrit au Conseil fédéral suisse et produiront leurs effets six mois après la date à laquelle elles lui seront parvenues. Le Conseil fédéral suisse communiquera les adhésions aux Gouvernements de tous les pays au nom de qui la Convention aura été signée ou l'adhésion notifiée.

ART.31.- L'état de guerre donnera effet immédiat aux ratifications déposées et aux adhésions notifiées par les Puissances belligérantes avant ou après le début des hostilités. La communication des ratifications ou adhésions reçues par des Puissances en état de guerre sera faite par le Conseil fédéral suisse par la voie la plus rapide.

ART.32.- Chacune des Hautes Parties contractantes aura la faculté de dénoncer la présente Convention. La dénonciation ne produira ses effets qu'un an après que la notification en aura été faite par écrit au Conseil fédéral suisse.
Celui-ci communiquera cette notification aux Gouvernements de toutes les Hautes Parties contractantes.
La dénonciation ne vaudra qu'à l'égard de la Haute Partie contractante qui l'aura notifiée.
En outre, cette dénonciation ne produira pas ses effets au cours d'une guerre dans laquelle serait impliquée la Puissance dénonçante. En ce cas, la présente Convention continuera à produire ses effets, au delà du délai d'un an, jusqu'à la conclusion de la paix et, en tout cas, jusqu'à ce que les opérations du rapatriement soient terminées.

ART.33.- Une copie, certifiée conforme, de la présente Convention sera déposée aux archives de la Société des Nations par les soins du Conseil fédéral suisse. De même, les ratifications, adhésions et dénonciations qui seront notifiées au Conseil fédéral suisse seront communiquées par lui à la Société des Nations.