Bien que tous les peuples soient profondément convaincus que la guerre doit être exclue comme moyen de résoudre les différends entre communautés humaines,
Vu cependant la nécessité, si des hostilités devaient encore éclater, d'épargner aux populations civiles la destruction dont elles sont menacées par suite du développement technique des armes et méthodes de guerre,
Les limites que les exigences de l'humanité et la sauvegarde des populations mettent à l'emploi de la force armée sont réaffirmées et précisées dans les règles ci-après.
Dans les cas non prévus, les populations civiles restent au bénéfice de la règle générale formulée à l'article premier et des principes du droit des gens.
N'ayant pas un droit illimité quant au choix des moyens de nuire à l'adversaire, les Parties au conflit doivent borner leurs opérations à la destruction de la puissance militaire de celui-ci et laisser la population civile hors des atteintes des armes.
Cette règle générale est précisée par les dispositions qui suivent.
Les présentes règles s'appliquent :
Les présentes règles s'appliquent aux actes de violence commis contre l'adversaire par le moyen des armes quelles qu'elles soient, aussi bien à titre défensif qu'offensif. Ces actes sont désignés ci-après par le terme «attaques».
Au sens des présentes règles, la population civile comprend toute personne n'appartenant pas à l'une des catégories suivantes :
Les obligations que les présentes règles imposent aux Parties au conflit à l'égard de la population civile complètent celles qui incombent déjà expressément à ces Parties en vertu d'autres règles du droit des gens, par suite notamment des Actes de Genève et de La Haye.
Sont interdites les attaques dirigées contre la population civile comme telle, que ce soit pour la terroriser ou pour toute autre raison. Cette interdiction s'applique aussi bien aux attaques qui viseraient des individus isolés qu'à celles qui seraient dirigées contre des groupes.
Par conséquent, il est également interdit d'attaquer les habitations, installations et moyens de transport, qui sont exclusivement affectés à la population civile et occupés par elle.
Toutefois, les éléments de la population civile qui, en dépit de l'article 11, se trouveraient à l'intérieur ou à proximité immédiate d'un objectif militaire assumeraient les risques résultant d'une attaque dirigée contre cet objectif.
Afin de limiter les dangers courus par la population civile, les attaques ne peuvent être dirigées que contre des objectifs militaires.
Sont seuls considérés comme tels les objectifs appartenant à une des catégories d'objectifs qui offrent, par leur nature même, un intérêt militaire généralement reconnu. Une annexe aux présentes règles indique ces catégories.
Toutefois, même s'ils appartiennent à une de ces catégories, ils ne peuvent être considérés comme objectifs militaires lorsque leur destruction totale ou partielle n'offre, dans les circonstances du moment, aucun avantage militaire.
Celui qui ordonne ou entreprend une attaque doit au préalable :
Toutes précautions doivent être prises, aussi bien dans le choix des armes et moyens de l'attaque que dans l'exécution de celle-ci, pour ne causer à la population voisine de l'objectif ou à ses habitations ni pertes ni destructions, ou tout au moins les réduire à leur minimum.
En particulier, dans les villes et autres lieux fortement peuplés, qui ne se trouvent pas dans le voisinage des opérations terrestres ou maritimes, l'attaque doit être exécutée avec la plus grande précision. Elle ne doit causer à la population civile ni pertes ni destructions au-delà des abords de l'objectif visé.
Celui qui est chargé d'exécuter l'attaque doit y renoncer ou l'interrompre s'il lui apparaît que les conditions fixées ci-dessus ne peuvent être respectées.
Il est interdit d'attaquer indistinctement comme un seul objectif une zone comprenant plusieurs objectifs militaires distants l'un de l'autre, s'il se trouve entre eux des éléments de la population civile ou des habitations.
Les Parties au conflit doivent prendre, dans les limites de leurs possibilités, toutes mesures nécessaires pour protéger contre les dangers des attaques la population civile soumise à leur autorité, notamment en l'éloignant des objectifs militaires et des secteurs menacés. Sont, toutefois, expressément réservés les droits accordés à la population en cas de transfert ou d'évacuation par l'article 49 de la IVe Convention de Genève du 12 août 1949.
De même, les Parties au conflit doivent éviter, autant que possible, que des formations armées, du matériel de guerre, des installations ou établissements militaires mobiles ne se trouvent en permanence dans des villes ou autres lieux fortement peuplés.
Les Parties au conflit doivent faciliter l'activité des organismes civils affectés exclusivement à la sauvegarde et à l'assistance de la population civile en cas d'attaques.
Elles peuvent s'entendre pour accorder, par le moyen d'un signe spécial, une immunité particulière au personnel de ces organismes, ainsi qu'à leurs matériel et installations.
Il est interdit aux Parties au conflit de placer ou de retenir à l'intérieur ou à proximité d'objectifs militaires la population civile soumise à leur autorité, dans l'intention d'amener l'adversaire à renoncer à l'attaque de ces objectifs.
Sans préjudice des prohibitions existantes ou futures d'armes déterminées, il est interdit d'employer des armes dont l'action nocive - notamment par dissémination d'agents incendiaires, chimiques, bactériens, radioactifs ou autres - pourrait s'étendre d'une manière imprévue ou échapper, dans l'espace ou dans le temps, au contrôle de ceux qui les emploient et mettre ainsi en péril la population civile.
Il en va de même des armes à retardement dont les effets dangereux risquent d'atteindre la population civile.
Si les Parties au conflit utilisent des mines de guerre, elles sont tenues, sous réserve des obligations prévues par la VIIIe Convention de La Haye de 1907, de dresser des plans de mines. Ces plans doivent être remis, à la fin des hostilités actives, à l'adversaire, ainsi qu'à toute autorité dont dépend la sécurité de la population.
Sans préjudice des précautions requises par l'article 9, les armes propres à causer de graves dommages aux populations civiles doivent, dans toute la mesure du possible, comporter un dispositif de sécurité qui les rende inoffensives lorsqu'elles échappent au contrôle de ceux qui les emploient.
Quand, au début ou au cours des hostilités, une localité est déclarée «ville ouverte», notification doit en être faite en temps utile à l'adversaire. Celui-ci est tenu d'y répondre et, dès qu'il accepte de reconnaître le caractère de «ville ouverte» à la localité en question, il doit s'abstenir de toute attaque contre elle ainsi que de toute opération militaire ayant pour seul but l'occupation de cette localité.
A défaut de conditions spéciales qui seraient fixées dans chaque cas particulier d'entente avec l'adversaire, une localité doit, pour être déclarée «ville ouverte», satisfaire aux conditions suivantes :
L'adversaire peut subordonner la reconnaissance du caractère de «ville ouverte» à un contrôle portant sur la réalisation des conditions ci-dessus. Il doit suspendre ses attaques durant la mise en place et les opérations du contrôle.
La présence, dans la localité, des organismes civils de protection civile, ainsi que de ceux qui sont chargés de maintenir l'ordre public, n'est pas contraire aux conditions prévues à l'alinéa 2. Il en va de même, si la localité est située en territoire occupé, du personnel militaire d'occupation, strictement nécessaire au maintien de l'administration et de l'ordre public.
Lorsqu'une «ville ouverte» change de mains, les nouvelles autorités sont tenues, si elles ne peuvent lui maintenir son caractère, d'en informer la population civile.
Aucune des dispositions qui précèdent ne peut être interprétée comme diminuant la protection dont la population civile doit bénéficier en vertu des autres stipulations des présentes règles, même quand elle ne se trouve pas dans une localité reconnue comme «ville ouverte».
Afin d'épargner à la population civile les périls pouvant résulter de la destruction d'ouvrages d'art et d'installations - tels que barrages hydroélectriques, centrales d'énergie nucléaire ou digues - par suite de la libération d'éléments naturels ou artificiels, les Etats du Parties intéressés sont invités :
Les dispositions qui précèdent ne dispensent en rien les Parties au conflit des précautions exigées par les dispositions générales des présentes règles, en vertu notamment des articles 8 à 11.
(1) Les articles 18 et 19, qui traitent de la procédure de contrôle et des sanctions, sont donnés ici à titre indicatif et sous une forme schématique. Ils devront naturellement être précisés et complétés à un stade ultérieur.
Les Etats non impliqués dans le conflit ainsi que tous organismes qualifiés sont invités, en prêtant leurs bons offices, à concourir à l'observation des présentes règles et à éviter que l'une ou l'autre Partie au conflit ne recoure à des mesures non compatibles avec ces règles.
Tous Etats ou Parties intéressés sont tenus de rechercher et de poursuivre toute personne ayant commis ou ordonné de commettre une infraction aux présentes règles, à moins qu'ils ne préfèrent la remettre pour jugement à un autre Etat ou Partie intéressés à la poursuite.
Les inculpés ne peuvent être déférés qu'à des tribunaux réguliers, civils ou militaires ; en toutes circonstances, ils doivent bénéficier de garanties de procédure au moins égales à celles que prévoient les articles 105 et suivants de la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, du 12 août 1949.
Tous Etats ou Parties intéressés doivent faire connaître à leurs forces armées la teneur des dispositions des présentes règles et pourvoir aux détails d'exécution ainsi qu'aux cas non prévus, conformément aux principes généraux de ces règles.