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Chez ces «jeunes», ces habitants jeunes des quartiers que l’on nomme «difficiles» (mais qui sont plutôt ceux où tentent de vivre des gens en grande difficulté), ce ne sont pas des noms de mitrailleuses, c’est le vide qui remplace le nom de Mallarmé. Le vide, et l’absence de tout projet, de tout avenir, de tout bonheur au moins visé, du moindre espoir, mais qu’un certain savoir pourrait compenser, suscitant même un certain plaisir à parcourir ces voies qui mènent au nom de Mallarmé.
Ne rêvons pas ! Pourtant, l’unique luxe de ces jeunes gens, de ces jeunes filles, n’est-il pas ce temps libre qui pourrait permettre, entre autres, leurs incursions en ces régions effervescentes ? Mais qui ne permet rien, car ils sont ligotés au sein d’un système rigide, vétuste, qui leur impose exactement ce qu’il leur refuse: une vie liée au salariat et dépendante de lui. Ce que l’on nomme une vie «utile». La seule homologuée et qu’ils ne mèneront pas, car elle est de moins en moins viable pour les autres, et plus du tout pour eux. Son fantasme les enferme néanmoins dans une existence régie par la vacuité que suscite son absence.
Cela pèse lourd, très lourd dans la maigreur glauque des banlieues.
n existe à l’autre pôle ce monde foisonnant, effervescent, délectable, mais déprécié, peut-être même en voie de disparition lui aussi (il est vrai qu’il le fut toujours, c’est bien l’un de ses caractères), non pas le monde du jet-set, mais un monde de recherche, de pensée, de drôlerie, de ferveur. Le monde de… l’intellect, terme rejeté avec un mépris délibéré, concerté, encouragé par la société — voir les clins d’œil complices des moindres imbéciles qui, le prononçant comme une insulte, prévoient des connivences empressées et les ricanements aussitôt déclenchés. Cela n’a rien d’innocent.
Monde de l’intellect auquel beaucoup de ces jeunes désœuvrés seraient tout autant que d’autres disposés, s’ils en avaient les clés. Ils y sont, à dire vrai, plus disponibles que d’autres, car ils disposent de plus de temps, de ce temps qui pourrait être libre mais devient du temps vacant, vide à se flinguer, du temps de honte et de perte, vénéneux, alors qu’il s’agit du plus précieux des matériaux. Alors qu’à partir de lui leurs vies pourraient être vécues à pleins feux.
Mais supposer cela, l’imaginer possible serait tenu à juste titre pour le comble de l’absurdité. D’autant que la scolarité la plus élémentaire est déjà des plus mal vécue par ces «jeunes» si marginaux (ou si marginalisés) que l’on se risque peu sur leurs territoires dont on ignore les codes, et qu’ils ne pénètrent pas dans la plupart des nôtres.
Ces zones et leurs habitants sont implicitement mais sévèrement tenus à l’écart, et s’y tiennent. Pour être invisible, intangible, le mur n’en est pas moins effectif.
Les habitants d’autres quartiers viennent-ils flâner dans ces cités pourtant si proches, tangentes aux villes dont elles sont séparées ? Non, car on les tient, souvent avec raison, pour périlleuses. Mais songe-t-on que leurs occupants ont, eux, déjà basculé, ont été basculés au creux du danger que chacun redoute: l’exclusion sociale permanente, absolue, au point d’être banalisée ?
Et voit-on souvent ces banlieusards-là déambuler ailleurs que chez eux ou en des lieux analogues aux leurs ? Que partagent-ils avec les autres, avec nous, sinon la télé, le métro parfois, la pub et l’ANPE ? Les aperçoit-on ailleurs qu’à la télévision, dans leur zoo, au cours d’émissions à résonances ethnologiques ou folkloriques, ou dans le nôtre, dans notre zoo, à l’occasion des quelques descentes mouvementées qu’ils y font, mais justement en tant que guerriers sortis de leurs frontières ?
Ces frontières, qui les a instaurées ? Préfèrent-ils vraiment, ces «jeunes», leurs collèges techniques aux lycées des beaux quartiers ? Leurs espaces désertiques à des régions favorisées ? Sont-ils composés d’une substance telle qu’elle les leur interdit ? Ou bien s’agit-il tout bêtement de leur pauvreté ?
Seul groupe social les reliant à une société qui n’est d’évidence pas leur: la police. Mais il s’agit là d’une relation si étroite, où le jeu souvent tragique de chacun des deux camps répond tellement à celui, prévisible, de l’autre, s’inscrit tellement dans la même routine, les mêmes brutalités, dans le même piège, que ces rituels en paraissent presque d’ordre incestueux !
Seul décor institutionnel organisé presque exclusivement à leur bénéfice selon des conceptions étroitement liées à leur avenir, adéquates à leurs destins: la prison.
Il existe un autre terrain, cependant, où ces «jeunes» rencontrent l’autre bord en terrain clos: l’école. Ils sont confrontés là directement, souvent pour la première fois, qui aura été parfois la dernière, à ceux qui les excluent. En face à face, sur un même territoire, dans une relation intime, quotidienne, officiellement obligatoire. Et c’est en ce point même que, très manifestement, la plupart du temps ils ne se rejoindront pas.
Cela, pour une raison majeure: quelles que soient leurs situations financières, leurs conditions sociales, leurs motivations, les professeurs proviennent du côté privilégié du mur, et les laisseront de l’autre.
Quelles que soient leur valeur et leur nécessité, les enseignants, l’institution scolaire sont liés à ceux qui excluent, humilient, qui ont relégué les parents (donc leurs enfants) dans des impasses pour les y oublier, coincés là hors la vie pour la vie. Ils sont les délégués d’une nation qui traite d’ordinaire en ilotes, en intouchables ces élèves et leurs familles — qu’ils soient citoyens ou non. Et cela peut ressembler, même si c’est injuste, à l’intrusion de l’ennemi dans la place, à la violation d’un territoire d’ordinaire si abandonné.
Quel que soit le bien-fondé de cette irruption, dernier vestige de promesses qui s’effacent, dernier effort de démocratie, dernier signe indispensable d’un partage, d’une volonté au moins d’égalité, dernier indice d’un droit dont la valeur, ne serait-elle que symbolique, est irremplaçable — elle peut, vécue par des enfants d’avance sacrifiés, ressembler à une provocation. Et, quels que soient l’attitude, le sentiment des professeurs, elle se place dans le prolongement d’un mépris général et se déroule à même les terrains où ce mépris s’inscrit le mieux, à même des terrains qui en exhibent les conséquences.
L’enseignement ? il pourrait s’agir, pour ces écoliers, d’un don, d’un partage de ce qui existe de meilleur, d’une part magique autorisée, mais aussi d’un unique, d’un ultime recours. Un minimum strictissime leur en est proposé, interrompu le plus tôt possible. Et cette notion de «chance ultime», qui souligne leur détresse et le péril qui les menace, suscite, chez les enseignants comme chez les élèves, une angoisse insidieuse qui exaspère les tensions.
S’exacerbe aussi la nostalgie des valeurs de l’autre bord, agitées, tentatrices, mais qui demeurent toujours aussi lointaines, toujours aussi inaccessibles. Interdites, en vérité. Et cela, d’autant qu’elles n’ont déjà plus cours ailleurs, malgré les apparences. Elles leur sont proposées comme on offrait à Alice, dans son pays aux merveilles maléfiques, des plats succulents mais fugaces, retirés dès avant qu’elle ait pu se servir. Cette promesse feinte de ce que l’on ne dégustera jamais appelle une autre métaphore: celle du fer remué dans la plaie.
inculquer à des gosses les rudiments d’une vie qui leur est déjà interdite d’autre part, qui leur est d’avance confisquée (et qui, d’ailleurs, n’est plus viable), cela ne pourrait-il être tenu pour une mauvaise plaisanterie ? pour un affront supplémentaire ?
Comment les convaincre qu’il s’agit là d’un dernier effort républicain ? D’un dernier espoir pour la société qui les brime, oui, pour elle aussi ? Pour elle, surtout ! Comment leur faire entendre qu’elle est, comme eux, prise dans les mailles d’un filet, dans des «histoires» fictives, truquées, qui lui masquent son Histoire ?
Mais n’est-ce pas cela même, après tout, qu’il faudrait enseigner ?
Or, il se trouve qu’en regard de ces «histoires» ou de ce moment majeur de l’Histoire (dont certains voudraient nous faire croire qu’il s’agit de sa fin et que, sur elle, il n’y a plus rien à dire, puisqu’on n’en dit plus rien), les enfants de ces lieux perdus sont à l’avant-garde de notre temps. La société est aujourd’hui régressive. Pas eux. Elle est aveugle à sa propre Histoire, qui s’organise sans elle et l’élimine. Or, ces enfants se situent, eux, à la pointe de cette Histoire. ils sont déjà mis sur la touche, et vivent moins rejetés par une société en fin de course, et qui prétend perdurer, qu’en avance sur elle. ils figurent fort probablement les échantillons de ce qui attend la majorité des Terriens s’ils ne se réveillent pas; s’ils n’envisagent pas de s’organiser au sein d’une civilisation reconnue, admise comme autre, déracinée, au lieu d’accepter de vivre, brimés, couverts de honte, selon les termes d’un âge disparu, et d’y dépérir, repoussés, passifs, avant peut-être d’y périr et de débarrasser ainsi les tenants d’une ère nouvelle de leurs présences superflues.
Ces enfants-là, ces précurseurs, on n’a pas même tenté, on n’a pas pris la peine de tricher avec eux, de leur donner le change, et le moindre de ces petits exclus, du fait qu’il est inscrit à même ce qu’il faut bien appeler notre … modernité !, du fait qu’il la subit dans sa crudité, qu’il n’y est pas résigné comme le sont les adultes, pressent ce que le grand nombre, ailleurs, ignore ou préfère ignorer.
Comment, d’instinct, n’aurait-il pas l’intuition de ce qu’il y a d’absurde à vouloir le conditionner à un programme qui l’exclut ? Un programme imperturbable, donné pour exemplaire, qui tente de s’insérer au sein de dégâts dont il ne tient pas compte, et qui dérivent de lui. Un programme où l’exclusion n’est pas mentionnée, où il n’est pas question d’y remédier, mais plutôt de justifier le système qui l’établit ou, du moins, y consent. Un programme institué par et pour une société qui semble en grande partie juger logique, désirable et même insuffisante l’exclusion de ces «jeunes» et des leurs. Un programme dans lequel les jeunes, censés l’intégrer, peuvent avoir l’impression d’y être tacitement retenus pour les rôles de parias.
Croit-on qu’il est encourageant de voir des gens de la même zone (les classes sociales se pensent aujourd’hui en termes de zones), des proches, parfois la famille même, souvent des voisins, expulsés en charters ou menacés de l’être, réprouvés par toute une société incapable encore de s’apercevoir qu’elle devient elle-même «globalement» superflue, implicitement indésirable ?
Car on peut être émigré, immigré sur place; être, de par la pauvreté, en exil dans son propre pays. Mais les exclusions plus officielles ont une vertu certaine: elles persuadent ceux qu’elles épargnent qu’ils sont, eux, des inclus. Statut fictif auquel ils se cramponnent.
Ce que semblent pressentir les «jeunes» de ces quartiers, c’est que l’éducation leur est transmise par des gens eux-mêmes floués. En mauvaise position. Une éducation en somme perverse, puisqu’elle indique des perspectives qui leur sont (et leur seront) toutes fermées et qui, c’est peut-être pire, se ferment (et se fermeront) aussi à ceux qui les enseignent.
Et cela, encore une fois, on ne l’enseigne pas ! On n’enseigne pas non plus l’âpreté sordide des ghettos de la misère aux États-Unis, le grouillement des bidonvilles de Manille, des favelas de Rio, de tant d’autres ailleurs. Ignorée, cette géographie-là. La liste infernale des affamés d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’ailleurs. Ce malheur chaque fois subi par un être conscient qui n’était pas fabriqué pour devenir un misérable, un affamé, une victime, même s’il y était destiné. il faudrait tout de même comprendre que ces millions de scandales sont vécus un à un, qu’ils dévorent chaque fois une vie entière, unique, cette même entité précieuse, indéchiffrable qui se déploie et qui périt, du berceau à la tombe, en chacun de nous.
Cette horreur disséminée en d’autres corps que les nôtres et qui nous est synchrone, nous ne la «connaissons» pas, mais nous la «savons». Et nous savons qu’elle se vit aussi parmi nous, à notre porte, moins brutale qu’en d’autres continents, mais sans doute plus solitaire, plus humiliée, plus accusée par l’opinion du fait qu’elle n’est pas ici le lot de .tous. Plus bafouée, en somme, plus blessée par la nation qui l’ «abrite». Si mal.
Cela, les enfants d’exclus, ces enfants exclus, peut-être ont-ils à nous apprendre que nous le savons.
Certes, leur scolarité représente en théorie une arme contre l’excès, l’injustice, un dernier recours contre le rejet. Mais cela, l’écolier, comment l’intégrerait-il ? Lui en a-t-on donné les moyens ? Quelques preuves ? D’autant que, pour lui, tout comme pour les élèves de tout âge et de tout bord, l’accès au savoir a un aspect austère, souvent rébarbatif; il réclame des efforts qui valent la peine d’être tentés pour s’initier à une société — mais pour s’initier à son rejet ?
De cette société donnée pour modèle par l’enseignement qui en provient, ces jeunes-là connaissent les coulisses, non pas celles du pouvoir, celles de ses résultats. Ce qui, d’ordinaire, est occulté, masqué, leur est familier. A travers les désordres, les carences de leurs vies quotidiennes, ne repèrent-ils pas inconsciemment ces failles irréversibles qui précèdent l’effondrement ?
Ils sont rejetés sur les bords de la route, mais sur cette route même on passe de moins en moins, tandis que viennent les rejoindre et s’échouer avec eux de plus en plus d’autres habitants de la planète, de toutes classes et de tous horizons.
Une route qui ne mène plus aux mêmes lieux. Où conduit-elle ? Nul ne sait. Ceux qui pourraient le savoir, les promoteurs de la nouvelle civilisation, ne la prennent pas non plus. Ils résident et circulent ailleurs, et ce paysage-là ne les intéresse guère, il fait déjà partie pour eux d’un passé destiné au folklore ou à l’oubli.
D’instinct, les enfants devinent sans doute que faire mine d’enseigner ou de faire enseigner comme actuel ce qui est cruellement anachronique, représente l’un des seuls moyens — le meilleur — de se persuader soi-même; de continuer à vivre selon ce qui n’est plus, de l’homologuer, et de faire ainsi perdurer des illusions génératrices de malentendus funestes, de souffrances stériles.
On rejoint ici l’imposture générale qui impose les systèmes fantômes d’une société disparue et qui donne l’extinction du travail pour une simple éclipse. A quoi bon insister dès lors sur les problèmes des banlieues ? Ils ne figurent que les symptômes extrêmes de ce qui se produit à tous les niveaux de nos sociétés, mais selon des rythmes, des modes quelque peu différents… et différés. Partout sont ressentis la divergence, le hiatus, la distance entre le monde préconisé, codifié, que propose l’enseignement, et le monde qu’il vise, où il est enseigné, mais où il ne parvient plus à préserver son sens. A préserver du sens.
La diversité des disciplines, leurs contenus ne sont pas ici mis en question, au contraire. Puisque la voie des emplois se ferme, l’enseignement pourrait au moins se donner pour but d’offrir à ces générations charnières une culture qui donnerait du sens à leur présence au monde, à leur simple présence humaine, leur permettant d’acquérir un aperçu des possibilités dévolues aux humains, une ouverture sur les champs de leurs connaissances. Et, par là, des raisons de vivre, des voies à frayer, un sens trouvé à leur dynamisme immanent.
Mais, plutôt que de préparer les générations nouvelles à un mode de vie qui ne passerait plus par l’emploi (devenu pratiquement inaccessible), on s’efforce au contraire de les faire entrer dans ce lieu obturé qui les refuse, avec pour résultat de les convertir en exclus de ce qui n’existe même pas. En malheureux.
Sous prétexte de viser un avenir qui n’était accessible que dans un contexte révolu, on s’entête à négliger, à rejeter ce qui, dans les programmes, ne lui était pas consacré, mais à conserver ce que l’on imagine nécessaire pour atteindre à un avenir déjà disparu. Parce que l’avenir prévu ne se déroulera pas, on n’envisage d’autre avenir que d’être privé de lui. Parce que ces jeunes n’ont rien, on leur retire tout, et d’abord ce qui paraît gratuit, d’un luxe inutile, et qui touche au culturel: ce qui demeure du domaine de l’humain, le seul pour lequel ces groupes en nombre incommensurable, bannis du monde économique, ont encore vocation.
La tendance est au contraire d’estimer qu’on ne les prépare pas assez — et pas assez directement — à l’entrée dans des entreprises qui ne veulent pas d’eux, auxquelles ils ne sont plus nécessaires, mais pour lesquelles on voudrait les «former», et à rien d’autre. On se crispe (du moins estime-t-on qu’il le faudrait) dans l’obsession d’aller au plus «réaliste», c’est-à-dire à ce qui est en vérité le plus «rêvé», le plus fictif. Et l’on se fixe un seul but, auquel on se reproche de ne pas assez tenir: inscrire au plus tôt les élèves dans un monde du salaire qui n’existe plus. On juge qu’il faudrait élaguer peu à peu les matières, les circuits qui ne sembleraient pas devoir faire basculer écoliers, lycéens, collégiens, étudiants, directement dans un emploi. On recommande de viser de plus en plus exclusivement une «insertion professionnelle» qui, bien entendu, ne se produira pas. Cela s’appelle être «concret».
Quand aux bimbeloteries sans avenir, foin de ces fantaisies incongrues ! Quelques jeunes (sans guillemets), ceux des familles fréquentables, seront initiés à la pensée; ils seront appelés à connaître, admirer les œuvres artistiques, littéraires, scientifiques et autres, de ceux qui entrent dans la catégorie fort acceptable, en somme, des «fournisseurs» de leurs familles. Certains d’entre eux se joindront à ces groupes quelque peu irresponsables, socialement honorables, toutefois, et souvent même flatteurs. Voire — à petite dose — rentables. N’ont-ils pas leurs marchés ?
Mais, remarqueront fort sagement quelques âmes songeuses, ces choses tout de même superflues, à quoi bon les enseigner aussi à des gens inutiles ? Est-ce bien raisonnable économiquement ? Et pourquoi leur donner les moyens de s’éveiller à leur situation, d’en souffrir davantage, de la critiquer, alors qu’ils se tiennent si tranquilles ? Mieux vaut les caser plus avant, les enfoncer davantage dans leur condition de «chercheurs d’emplois», occupation qui les tiendra sages comme des images pour un bon bout de temps. «Mis de côté», l’expression est de Van Gogh. Comme aussi celle où l’on voit qu’il avait tout compris, et ces jeunes peuvent en prendre de la graine: «il vaut mieux que je sois comme n’étant pas»;
Si, pour «être» (ou pour être «comme n’étant pas»), tout le monde ne pouvant devenir peintre, et moins encore devenir ce peintre-là, beaucoup deviennent «zoneurs», «délinquants», ce ne sera qu’une preuve de plus de leurs mauvaises natures. Au passage, puisqu’ils sont là, malgré tout, pourquoi ne pas profiter de la conjoncture pour obtenir les quelques apprentis, les quelques employés encore parfois nécessaires, fournis, formés dès lors aux frais de la princesse, et livrés clé en main ? On aurait tort de s’en priver. Sitôt dit, sitôt fait. Remarquables initiatives. Les CES, les CIS, les exonérations, les subventions pleuvent, entre autres menues attentions en faveur des «forces vives», les mettant à même d’étendre leurs bienfaits et de mieux laisser rayonner leur amour du prochain.