LE MONDE | 23.05.03 | 13h09
François Hollande est consacré, ses opposants ne désarment pas
Son bail est renouvelé. Sans surprise, François Hollande a été réélu - sans concurrent - pour trois ans à la tête du PS. Selon les premières estimations établies, vendredi matin 23 mai par François Rebsamen, secrétaire national aux fédérations, M. Hollande aurait recueilli 90 % des suffrages exprimés, avec un taux de participation proche de 65 %. La mobilisation semble donc s'être maintenue à un bon niveau, même si elle a été moins importante que lors du vote de l'avant-congrès, qui portait sur le choix de la ligne du parti. Il est vrai que la bataille dans plusieurs départements, entre la majorité et les courants minoritaires, a constitué un fort élément de motivation.
Cette fois, les militants ne devaient pas seulement élire leur chef, mais aussi les premiers secrétaires fédéraux et les secrétaires de section. L'issue de ce triple scrutin a un peu gâché, jeudi soir, la réélection aisée de M. Hollande. Dans le Nord, malgré les exhortations de Pierre Mauroy, de Martine Aubry, de Michel Delebarre, et de Bernard Derosiers, et malgré l'envoi par la direction de "201 observateurs" dans les bureaux de vote, Marc Dolez l'a emporté. Alors que la motion de ce dernier n'avait pas atteint la barre des 5 % au niveau national, les militants nordistes ont choisi de maintenir à son poste, envers et contre tout, leur premier fédéral rebelle, qui s'était fait une spécialité de la ligne "province contre Paris".
Pour M. Mauroy, qui n'a cessé de vouloir ramener à la "raison" des militants jugés "déboussolés", comme pour la maire de Lille, Martine Aubry, le revers est sévère. "Dolez a joué sur une fibre identitaire, une posture de militant martyr bridé par Paris, mais sa seule influence réside dans le Nord", minimisait, vendredi, peu après minuit, le premier secrétaire du PS. " Ce n'est pas une fédération en état de sécession mais en état de division, affaiblie", ajoutait-il, laissant déjà poindre une critique qui ne va pas manquer d'enfler : "Jusqu'au stade des contributions, il a été soutenu par Bernard -Roman- et une partie des amis de Martine -Aubry-, c'est très difficile de battre ensuite celui qui a eu cette légitimité."
Pour les opposants, le basculement d'une "grosse fédé" - la deuxième du PS - a été interprété comme le signe avant-coureur d'une possible "majorité alternative". Dans cette perspective, le Nouveau Parti socialiste (NPS) envisage d'héberger M. Dolez dans son quota de représentants au bureau national.
A la déconvenue du Nord s'ajoute, pour le courant majoritaire, celle de l'Essonne, où la candidate de Nouveau Monde, soutenue par NPS, l'a emporté. Pour la première fois, la gauche du parti, très identifiée à ce département mais qui y faisait jusqu'ici jeu égal avec la majorité, a pris les devants. Ailleurs, les candidats de M. Hollande ont conforté leur position et restent nettement majoritaires. Certains premiers fédéraux sortants, menacés, sont parvenus à conserver leur poste, comme dans les Alpes-Maritimes ou le Vaucluse. Mais 14 fédérations sont tombées dans l'escarcelle des minoritaires. Le courant d'Arnaud Montebourg et de Vincent Peillon confirme ainsi sa percée. Dans l'Ain, l'Aisne, l'Ardèche, le Jura, le Bas-Rhin, la Haute-Marne, la Saône-et-Loire, la Somme, les candidats de NPS ont gagné. "Cela prouve qu'il demeure dans le parti une vraie volonté de changement, que la victoire de la motion Hollande n'a pas entravée et que nous nous enracinons dans le parti", s'est réjoui Benoît Hamon, l'un des piliers de NPS.
LES PROMESSES DE DIJON
De son côté, le courant d'Henri Emmanuelli et de Jean-Luc Mélenchon, après avoir conquis l'Essonne, conserve les Landes, l'Allier, la Marne. Mais Nouveau Monde n'a pas réussi à confirmer ses espérances dans le Cher, le Haut-Rhin ou le Gers. Dans le Tarn-et-Garonne, le premier fédéral sortant, Christian Manric, candidat de la motion Dolez, a conservé son fauteuil. Enfin, un second tour devait être organisé, vendredi, dans l'Aveyron et le Calvados - où plus de deux candidats se présentaient. Dans ce dernier département, le candidat de M. Hollande, arrivé en tête, reste à la merci d'une coalition de ses opposants.
Le congrès de Dijon, qui avait conforté la position du premier secrétaire, n'aura donc rien changé. "C'est normal, plaide celui-ci, dans un nombre limité d'endroits, les militants ont tout simplement confirmé leur vote sur les motions." M. Mélenchon livre une tout autre interprétation : "On pouvait craindre que le PS soit gelé ; il ne l'est pas, se réjouit-il, une onde n'a pas fini de passer sur le parti."
Les résultats ne bouleversent pas le rapport de force. Mais ils maintiennent la pression sur M. Hollande, surtout après le congrès de Dijon, qui a donné une image gauchie du PS. Le premier secrétaire y a fait un certain nombre de promesses, que ses opposants ne manqueront pas de lui rappeler. "On se l'est peut-être un peu trop jouée à la Chirac", grimace un élu du courant majoritaire. Les résultats des fédérations modèrent aussi l'influence de Julien Dray et de Martine Aubry, au moment où M. Hollande essaie d'échapper à la bipolarité que tente de lui imposer Laurent Fabius - ce dernier ayant clairement fait le choix de l'appareil.
M. Hollande mise sur la nouvelle direction du PS, qu'il présentera samedi. Mais ses difficultés sont aussi à l'extérieur du parti. Il a appuyé le forum de la gauche organisé par Dominique Voynet, le 21 juin au Mans. Jeudi, le collège exécutif des Verts a décidé, lui, de n'y envoyer aucun représentant.
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