Le Monde - Politique -
Congrès du PS à Dijon, mai 2003, pendant


– S O M M A I R E –

Arnaud Montebourg s'en prend au "socialisme gestionnaire"
Pas de synthèse générale au congrès PS, pas de candidat contre Hollande
M. Hollande rencontre les chefs des courants minoritaires pour préparer le congrès du PS
Le PS espère que Dijon sera le congrès de son renouveau
François Hollande pose les jalons de la rénovation du PS
La modestie affichée des "éléphants", "c'est très tendance"
D'Epinay à Dijon, les débats d'idées et les batailles de personnes qui ont marqué l'histoire des congrès socialistes
Pas de synthèse générale au congrès du PS
La laborieuse reconstruction du Parti socialiste

– Congrès 2003 du PS, les autres séries –
Avant le congrès
Après le congrès
Autour du congrès



Dernière heure
AFP | 17.05.03 | 18h25

Arnaud Montebourg s'en prend au "socialisme gestionnaire"

Arnaud Montebourg, l'un des fondateurs du courant du Nouveau Parti socialiste, s'en est pris samedi au "socialisme gestionnaire" dans une critique à mots couverts de la majorité autour du premier secrétaire François Hollande.M. Montebourg a critiqué à la tribune du congrès de Dijon ce "socialisme gestionnaire qui veut croire en l'illusion d'un réformisme tranquille et qui, craignant les conflits comme la peste, se réfugie derrière l'abstraction de l'intérêt général, fondant son action sur un technocratisme éclairé à la légitimité perdue".Le député de Saône-et-Loire a réfuté également "l'impasse de la radicalité révolutionnaire qui renvoie toujours à plus tard la promesse d'un bonheur impossible".Il a plaidé pour "la voie nouvelle d'un socialisme de l'engagement" qui "entend s'appuyer sur les groupes sociaux qui l'aideront à bousculer l'ordre injuste du monde".Autre fondateur du NPS, Vincent Peillon a estimé que les socialistes devaient "retrouver la force de convaincre nos concitoyens et de vaincre la droite"."Nous avons ces dernières années servi notre pays dignement (...) mais nous n'avons pas su unir les Françaises et les Français autour d'un projet partagé", "nous n'avons pas construit un destin commun", a regretté l'ancien porte-parole du PS.S'adressant à François Hollande dans la perspective d'une éventuelle synthèse, qui devait être discutée samedi soir, M. Peillon a dit: "François, demain il faudra rassembler les gauches, essayons ce soir de rassembler tout le Parti socialiste, nous y sommes prêts", l'objectif étant de "battre la droite demain dans la rue et après-demain dans les urnes".



Dernière heure
AFP | 18.05.03 | 00h29

Pas de synthèse générale au congrès PS, pas de candidat contre Hollande

Les motions concurrentes au congrès socialiste de Dijon ne sont pas parvenues à une synthèse générale samedi soir mais il ne devrait pas y avoir de candidat concurrent de François Hollande au poste de premier secrétaire, a-t-on appris auprès de participants.La motion majoritaire du premier secrétaire sortant a conclu un accord avec le petit groupe Utopia, qui pesait 1% des votes, mais n'est pas parvenue à un compromis avec les courants Nouveau Monde d'Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon, Nouveau PS de Vincent Peillon et Arnaud Montebourg et le patron de la fédération du Nord, Marc Dolez."Nos camarades sont arrivés clairement avec l'idée de ne pas faire la synthèse générale", a déclaré Eric Besson, porte-parole du PS et proche de M. Hollande. Selon M. Besson, le premier secrétaire sortant "a insisté pour dire que la synthèse était un souhait et pas une obligation"."Ce n'est pas un drame", a simplement ajouté François Hollande, qui doit prononcer dimanche matin le discours de clôture du congrès.Vincent Peillon a indiqué que "François Hollande avait acté les différences" existant notamment sur la question de la VIème République en faveur de laquelle le Nouveau PS a défendu un amendement, refusé par la majorité.L'éventualité d'une candidature face à M. Hollande pour l'élection du premier secrétaire qui doit avoir lieu le 22 mai, a toutefois été écartée par M. Peillon. "Ca ne nous semble pas avoir une grande signification. Nous ne sommes pas dans une question de pouvoir".



LE MONDE | 15.05.03 | 13h14

M. Hollande rencontre les chefs des courants minoritaires pour préparer le congrès du PS

Henri Emmanuelli prévient: "Ou il y a synthèse avec tout le monde, ou il n'y en a avec personne".

La rencontre entre François Hollande et Henri Emmanuelli, mercredi 14 mai, n'a pas duré plus de vingt minutes. Le premier secrétaire du PS et le cofondateur du courant Nouveau Monde sont au moins tombés d'accord sur un point: l'objectif du congrès de Dijon - qui s'ouvre vendredi 16 mai - doit d'abord être celui d'une riposte à la droite. Pour le reste, les deux hommes ont convenu que la recherche d'une synthèse entre la majorité et les courants minoritaires n'apparaît pas cruciale. "J'ai été bref, raconte M. Emmanuelli. Pour moi, ou il y a synthèse avec tout le monde, ou il n'y en a avec personne."

Après la déception née du résultat du vote des militants, qui ont choisi majoritairement la motion Hollande, l'aile gauche du parti se sent requinquée par le retour de la question sociale sur la scène politique. "Notre position rencontre plus d'écho à l'extérieur du PS qu'à l'intérieur", estime M. Emmanuelli. Pour Nouveau Monde, la question est donc de savoir s'il faut continuer à présenter un visage "polyphonique" du PS, susceptible de séduire un large électorat de gauche, ou si "l'utilité", face à la droite, commande un rassemblement "monolithique". En résumé: vaut-il mieux, pour les partisans de la motion Emmanuelli-Mélenchon, être "dedans"(la majorité) pour peser ou "dehors"(la minorité) pour aiguiller ?

L'équipe nationale de Nouveau Monde s'est réunie toute l'après-midi dans une salle de l'Assemblée nationale, mercredi, pour en débattre. Non sans analyser, une nouvelle fois, le choix des militants de conforter la majorité sortante. "Nous avons complètement sous-estimé le traumatisme interne du parti et sa crainte de voir la discussion tourner à la zizanie, juge M. Emmanuelli. Ça a beaucoup "verrouillé" les militants et précipité le légitimisme." L'hypothèse d'une synthèse sera tranchée in fine par les délégués du courant, réunis en assemblée générale au premier soir du congrès.

ACCORD AVEC LE GROUPE UTOPIA

Jeudi matin, c'était au tour des chefs de file de Nouveau Parti socialiste (NPS), Vincent Peillon et Arnaud Montebourg, qui devaient être accompagnés de Christian Paul et de Benoît Hamon, de rencontrer M. Hollande. "Nous allons au congrès pour se parler, il faut qu'il y ait une discussion entre socialistes, indiquait peu avant la réunion, M. Peillon. Mais nous ne jouerons pas les prolongations pour le plaisir. " Chez NPS aussi, l'actualité sociale et plus encore le débat sur les retraites, mercredi, au bureau national du PS, ont dopé les énergies. "Chaque fois qu'on parle du fond, François Hollande nous donne raison, alors continuons !", ironise M. Peillon. Cependant, dans le cas où une synthèse des positions s'avérerait impossible, NPS n'exclut pas, sinon de présenter un candidat au poste de premier secrétaire, au moins d'appeler à l'abstention au moment de la réélection de M. Hollande par les militants, le 22 mai.

Du côté du Nord, aucune fumée blanche ne sort pour le moment. Marc Dolez, premier secrétaire de la fédération, semble toujours camper sur ses positions. En revanche, avec le groupe Utopia, les choses sont calées. A 69%, ses militants se sont prononcés en faveur de la recherche d'une synthèse avec la motion Hollande. "C'est en bonne voie, assure son délégué national, Franck Pupunat, nous travaillons sur quelques amendements, à hauteur de ce que nous représentons, c'est-à-dire 1%." Ces amendements porteraient sur la notion de "richesse" et sur l'Europe. C'est donc avec la motion qu'il présentait comme la "seule alternative" réelle à son texte, reposant sur un autre projet de société, que M. Hollande a, pour l'heure, trouvé un accord. Dans un entretien à l'Express du 14 mai, le premier secrétaire du PS indique que, dans son propre camp, sa ligne devra être "respectée". "Ce qui suppose, précise-t-il, la disparition de tous les brics et les brocs des précédents congrès". Entendre: les vieux courants.

Isabelle Mandraud
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 16.05.03


LEMONDE.FR | 15.05.03 | 18h32

Le PS espère que Dijon sera le congrès de son renouveau

L'opposition interne au Parti socialiste, qui pèse près de 40%, compte faire entendre sa singularité à la tribune du congrès.

Grâce à la large majorité (61%) que lui ont donnée les votes militants, le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), François Hollande, estime avoir les "coudées franches" pour faire de Dijon "un congrès de la reconquête" de l'opinion publique et du pouvoir. Souhaitant un congrès tourné "vers l'extérieur", M. Hollande compte s'appuyer sur le climat social, sérieusement alourdi par la contestation du projet gouvernemental sur les retraites, pour essayer de se poser en "alternative crédible à la droite".

La journée de mobilisation du 13 mai a marqué d'ailleurs "le retour des socialistes dans l'action", a estimé le premier secrétaire du PS, qui envisage de présenter lors du congrès une "déclaration commune" des socialistes, toutes tendances confondues, sur l'action du gouvernement Raffarin, particulièrement sur les retraites.

D'autres initiatives devraient être prises avec le lancement de débats sur l'éducation et la protection sociale - deux dossiers auxquels le gouvernement est confronté -, d'une campagne d'adhésions ou encore la tenue à l'automne de "forums décentralisés de la gauche", chargés de poser les jalons de l'après-majorité plurielle.

Dans un entretien à L'Express, François Hollande assure que son "objectif est de mettre la gauche en capacité de l'emporter en 2007". Il estime disposer des conditions pour mettre son parti en ordre de marche en ayant réuni une majorité sur sa motion d'orientation, face aux textes concurrents de Nouveau Parti Socialiste de Vincent Peillon et Arnaud Montebourg, de Nouveau Monde d'Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon, du patron de la fédération du Nord Marc Dolez et du petit groupe Utopia.

SYNTHÈSE PEU PROBABLE

Mais l'opposition interne, qui pèse près de 40%, compte faire entendre sa singularité à la tribune du congrès. La soirée de samedi sera consacrée à la traditionnelle "commission des résolutions", chargée de rechercher une synthèse entre l'orientation majoritaire et celles des opposants. L'hypothèse est peu probable, les clivages de fond paraissant difficilement surmontables sur des sujets comme l'Europe, le rapport au capitalisme ou les institutions.

François Hollande et ses proches ont clairement laissé entendre qu'ils voulaient bien rassembler mais pas au point de dénaturer les orientations votées par la majorité des militants. A Nouveau Monde, on s'incline devant le choix majoritaire mais on veut continuer à défendre un point de vue de "rupture" avec le "social-libéralisme". A Nouveau PS, Vincent Peillon juge tout de même important de "se parler car il y a quatre militants sur dix qui n'ont pas voté le texte majoritaire".

Le premier secrétaire devra aussi composer avec sa propre majorité, qui comprend l'essentiel des poids lourds socialistes, pour engager le "renouvellement" et le "rajeunissement" qu'il a promis à la tête du parti. Le nombre de places dans les instances dirigeantes étant limité, cela implique que pas mal de sortants cèdent leur place. Le congrès permettra donc de mesurer le degré d'autorité dont François Hollande dispose sur les siens.

Quelque 4 000 personnes, dont 350 journalistes et les représentants des partis socialistes de 110 pays, sont attendues au congrès, qui va mobiliser 340 bénévoles pour un budget de 1,6 million d'euros.


La majorité des Français juge le PS sans projet

Une large majorité de Français (62%) estime que le Parti socialiste n'a pas de "véritable projet pour les années qui viennent", selon un sondage Louis-Harris pour AOL et Libération. Les personnes interrogées sont 27% à estimer que le PS a un projet, 11% ne se prononcent pas.
Le même scepticisme apparaît concernant la "capacité" du PS "à fédérer la gauche autour de lui" : 59% en doutent, 34% y croient, 7% ne se prononcent pas. 56% ne croient pas qu'il soit "une véritable force d'opposition au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin", 39% pensant le contraire et 5% ne se prononcent pas. 53% estiment que le PS n'a pas "tiré les leçons de l'échec de Lionel Jospin à la présidentielle", 40% sont d'un avis contraire et 7% sont sans opinion. Une courte majorité (51%) doute enfin que le PS ait "les atouts pour revenir au pouvoir dans les années qui viennent", 42% étant d'un avis opposé et 7% sans opinion.
Les personnalités socialistes jugées les plus aptes à "faire un bon candidat à la prochaine élection présidentielle" se tiennent dans un mouchoir de poche : Dominique Strauss-Kahn (28%) devance François Hollande et Bernard Kouchner (27% chacun), Bertrand Delanoë (26%), Martine Aubry et Laurent Fabius (25% chacun). Viennent ensuite Jack Lang (20%), Ségolène Royal et Elisabeth Guigou (12% chacune), Henri Emmanuelli (9%) et Arnaud Montebourg (7%). Chez les sympathisants du PS, François Hollande arrive en tête (39%), devant Martine Aubry et Bertrand Delanoë (36%), ainsi que Dominique Strauss-Kahn (35%). (Avec AFP.)

Avec AFP et Reuters


LE MONDE | 17.05.03 | 13h17

François Hollande pose les jalons de la rénovation du PS

Au premier jour du 17e congrès du PS, vendredi 16 mai à Dijon, le premier secrétaire, François Hollande a esquissé, devant les partisans de sa motion, la future rénovation du parti : "Rajeunir, féminiser, mettre à l'affiche des camarades de toutes les couleurs". Ainsi, Malek Boutih, jusque-là président de SOS-Racisme, devrait être promu au secrétariat national. Laurent fabius devait prononcer, samedi, un discours définissant "trois grandes tâches" pour le PS : s'opposer au gouvernement ; rénover le PS et rassembler la gauche ; défendre la laïcité. Le Monde publie la troisième partie de ce texte, consacrée à ce thème. Plus de trente ans après le congrès d'Epinay, en 1971, qui avait scellé la victoire de la stratégie mitterrandienne d'union de la gauche, le congrès de Dijon ouvre l'ère de l'après-Jospin. Dijon de nos envoyées spéciales

Le badge "Ni putes ni soumises" accroché au revers de la veste d'Elisabeth Guigou donnait le ton. Le stand de la marche des femmes des cités, juste à côté de la Fondation Jean-Jaurès, aussi. Cela fait partie du nouveau visage du PS que François Hollande veut promouvoir. "Rajeunir, féminiser, mettre à l'affiche des camarades de toutes les couleurs": au premier jour du congrès du Parti socialiste à Dijon, vendredi 16 mai, son premier secrétaire a dévoilé devant les partisans de sa motion, en début de soirée, les quelques "surprises" de la rénovation promise. Première étape : la composition du conseil national (CN), le "parlement" du parti, composé à la proportionnelle des courants. Le président de SOS-Racisme, Malek Boutih, y fait son entrée, après avoir démissionné quelques heures plus tôt, à Paris, de l'association. Sa trajectoire ne s'arrête pas là puisqu'il devrait rapidement être promu au secrétariat national.

Avec lui, entrent aussi au CN Cybeth N'Daye, militante parisienne de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF); Mustapha Aksi, secrétaire de section à Albi (Tarn); Alexie Riera, syndicaliste chez Renault, dans les Hauts-de-Seine ou encore Bariza Khiari, élue dans le 16e arrondissement de Paris.

Sur le quota de 133 membres dévolu à sa motion (sur un total de 204), M. Hollande annonce "entre 15 et 20%" de personnes d'origine étrangère, "beaucoup de jeunes"et "48%" de femmes contre "27%" dans le conseil sortant issu du congrès de Grenoble en 2000.

"BIEN JOUÉ, JULIEN !"

Après plusieurs mois de batailles internes, M. Hollande, aujourd'hui conforté par le vote des militants qui lui ont donné une majorité, devait répondre à ses opposants qui l'accusaient de vouloir reconduire les sortants. Un an après le "choc" du 21 avril 2002, ses propres partisans lui ont conseillé de ne pas négliger ce terrain. "Sinon on est morts", affirmait François Rebsamen, secrétaire national aux fédérations et maire de Dijon. Qui plus est, le PS ne pouvait rester les bras croisés devant l'opération séduction de la droite sur l'électorat beur.

"Bien joué, Julien !", lançaient à la sortie de la salle des élus qui ont reconnu la "patte" de Julien Dray, fondateur de SOS-Racisme. "C'est pas mal vu", approuve Jean-Marc Ayrault, le patron des députés socialistes. Certains, pourtant, émettent des réserves en critiquant "un retour années 1980", un peu "show-bizz", au temps de l'ex-président de SOS, Harlem Désir, devenu député (PS) européen. "Ce n'est pas le même cheminement, justifie M. Dray. Malek est d'abord une figure morale. Il a le profil du parti tel qu'on veut qu'il se profile."

Le nouveau casting du PS n'a pourtant pas été simple à établir. Tout l'après-midi, les tractations sont allées bon train entre les "hollandais", les fabiusiens, les strauss-kahniens et les aubryistes.

Sans compter que M. Hollande devait renouveler d'un tiers, comme promis, les membres du CN dans un "volume" plus restreint, en nombre de places. Mais au total, "pas un ne peut apparaître battu", assure le fabiusien Claude Bartolone. Sauf, peut-être, les dirigeants écartés ou "sacrifiés" par leur courant, pour faire de la place aux nouveaux.

Parmi les sortants, figurent ainsi Michel Rocard, Louis Mexandeau, Charles Josselin, Claude Estier, Louis Mermaz et bon nombre de parlementaires - ces derniers bénéficiant cependant d'une "séance de rattrapage" avec la création d'un nouveau statut de "membres de droit". Encore ne s'agit-il là que de l'instance délibérative du parti. La composition de l'exécutif, secrétariat et bureau nationaux, elle, reste encore à faire.

"PAS DE SYNTHÈSE-PROTHÈSE"

Les opposants ont eux aussi bâti leur propre liste, à hauteur de leur score. Enfermés chacun dans une salle avec leurs troupes, les chefs de file de Nouveau Monde, du Nouveau Parti socialiste (NPS) et de la "motion des militants" de Marc Dolez, ont, par ailleurs, débattu de la stratégie à adopter face à la majorité. Vendredi soir, personne ne croyait à la perspective d'une synthèse. "Tant que Fabius et DSK pèseront dans le parti, cela ne sera pas possible", souligne l'ancien député Yann Galut, partisan de Nouveau Monde. "On va jouer le jeu mais nous ne voulons pas d'une synthèse-prothèse", indique pour sa part Benoît Hamon (NPS).

En revanche, tous travaillent à la rédaction d'une résolution commune sur les retraites et contre la politique sociale et économique du gouvernement. Chaque courant a donc dans sa mallette un "projet de texte" à amender. M. Hollande rêvait d'une "adresse aux Françaises et aux Français". "C'est ridicule ! Une déclaration des socialistes, ça suffit", lance Thierry Madon, maire (NPS) de Ris-Orangis (Essonne) en apostrophant Gaëtan Gorce, député de la Nièvre.

Mais sur le fond, chacun tient à ce message unitaire pour s'opposer à la droite et ne pas se couper davantage des manifestants. "Qu'est-ce qu'on fait maintenant que la CFDT s'est ralliée à la réforme des retraites ?", s'interroge-t-on dans les couloirs. Certains s'irritent du comportement de la centrale de François Chérèque - invité au congrès, celui-ci s'est finalement désisté - et parient sur une "ovation" pour Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, qui devait arriver samedi.

Conscient de la tournure des événements, le patron du PS a déjà dépêché des missi dominicidans les salles pour porter ce message: "On juge la réforme, on ne juge pas les syndicats !" Mais pour la gauche du PS, cela ne suffit pas. Ses militants attendent le premier secrétaire sur la question sociale.

"Bonne chance !" s'est exclamé le britannique Robin Cook, président du Parti socialiste européen, en concluant, à la tribune, cette première journée.


4.300 congressistes, 631 délégués

Délégués et invités.

Environ 4.300 personnes étaient attendues au Palais des congrès de Dijon, du vendredi 16 au dimanche 18 mai, dont 631 délégués du PS et des représentants de partis socialistes de 70 pays. Plusieurs personnalités - dont le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, et la secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet - ont été invitées.

Médias.

350 journalistes français et étrangers couvrent l'événement. La chaîne Public Sénat (câble et satellite) retransmet les débats samedi (11h30-13 heures et 16 heures- 19 heures) et dimanche (9h30-13h30).

Budget.

Au total, le congrès coûtera 1,6 million d'euros au PS.

Clarisse Fabre et Isabelle Mandraud
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 18.05.03


LE MONDE | 17.05.03 | 13h17

La modestie affichée des "éléphants", "c'est très tendance"

Dijon se doit d'être le congrès de la rénovation, pas celui des ambitions affichées.

Dijon de notre envoyée spéciale

Ne pas se tromper de calendrier. Dijon se doit d'être le congrès de la rénovation, pas celui des ambitions affichées. Les déclarations de Dominique Strauss-Kahn sur sa volonté de s'atteler, "seul ou avec d'autres, à un nouveau dessein pour la gauche et pour la France" (Le Monde du 16 mai) ont donc été minimisées. "Ça reste soft, ça ne me gêne pas", assurait, dans les travées du Palais des congrès, François Hollande. "Que certains aient envie de faire valoir leur spécificité, pourquoi pas ? Le jour venu, les socialistes choisiront le meilleur d'entre eux", ajoutait-il. "Ça n'a pas d'importance", tranchait, de son côté, Martine Aubry.

Ailleurs, les partisans de tel ou tel préféraient jouer la sérénité, avec une pointe de dédain. "Laurent Fabius est, par définition, toujours en situation d'être présidentiable", affirmait le sénateur de Seine-Maritime, Henri Weber. "Bertrand Delanoë n'a pas besoin de se rappeler régulièrement au souvenir des militants et des Français. Sa position institutionnelle le place de toute façon dans le paysage", soulignait Patrick Bloche, premier secrétaire de la fédération de Paris. Vendredi soir, à l'issue de la réunion de la motion Hollande, le maire de Paris a été le seul à intervenir pour "résumer" la position du premier secrétaire du PS. La préoccupation de tous consistait, d'abord, à apparaître soi-même détaché de la distribution de postes - ce qui n'a pas empêché les uns et les autres de négocier âprement la place de leurs fidèles dans les instances dirigeantes. Après M. Delanoë et M. Strauss-Kahn, Mme Aubry devait donc annoncer sa volonté de ne pas figurer dans l'équipe des secrétaires nationaux. "C'est très tendance", s'amusait un député.

Dans la catégorie des ministres "qui ont de la bouteille", certains devraient être concernés par le système de "missions" censé se mettre en place. Sur leur rôle à venir, quelques-uns répondaient en mettant en avant leur domaine de prédilection. "L'Europe. Ou bien la sécurité sociale professionnelle", avançait ainsi Elisabeth Guigou.

Restait à régler le cas des ténors. "François Hollande doit choisir une équipe de gens disponibles, d'un certain calibre tout de même. C'est ce qu'avait fait Mitterrand", expertisait Paul Quilès, "demandeur de rien", mais s'attribuant éventuellement "un rôle de conseil". "J'en ai fait beaucoup dans ce parti", déclarait gentiment Claude Estier, "parfaitement satisfait" de sa position actuelle de président du groupe au Sénat. "On trouvera bien une façon ou une autre d'associer les éléphants", ajoutait-il, certains allant même jusqu'à évoquer un "conseil de sages". "Ils ne sont pas bannis", s'est empressé de préciser M. Hollande. Ainsi, écarté de la liste du conseil national, le mitterrandien Louis Mermaz devrait être nommé président de la commission des conflits. Enfin, il y a tous ceux qui entrent, désormais, dans la catégorie des "membres de droit" du conseil national.

Isabelle Mandraud
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 18.05.03


LE MONDE | 17.05.03 | 13h17

D'Epinay à Dijon, les débats d'idées et les batailles de personnes qui ont marqué l'histoire des congrès socialistes

En 1971, François Mitterrand imposait sa stratégie d'union de la gauche. Ses héritiers ont dû adapter la ligne aux réalités de la gestion gouvernementale, parfois au prix de véritables psychodrames.

La tribune est drapée de rouge, comme les tables des délégués, rangées par ordre alphabétique. Les chants de la Commune composent le fond musical. Alain Savary, premier secrétaire du "nouveau Parti socialiste" depuis 1969, rejoint la délégation du Vaucluse, François Mitterrand, député (non inscrit), celle de la Nièvre. Guy Mollet s'assied dans la rangée du Pas-de-Calais. Ce 11 juin 1971, les acteurs du congrès d'Epinay sont en place. Débattues depuis des mois, leurs divergences, assez minces, portent sur la façon de parvenir à l'"unité de la gauche".

Il faut aborder la question sans complexe, plaide Mitterrand, "pour reconquérir le terrain perdu sur les communistes". "Notre base, dit-il, c'est le front de classe (...). Celui qui accepte la rupture avec l'ordre établi, avec le capitalisme, celui-là peut être adhérent au Parti socialiste." Une coalition hétéroclite Mitterrand-Mauroy-Defferre, à laquelle s'adjoint le Ceres de Jean-Pierre Chevènement, l'emporte - de justesse - sur le tandem Savary-Mollet. Le 17 juin, François Mitterrand est élu premier secrétaire. Neuf mois plus tard, il signe un programme de gouvernement avec le PCF et avec les radicaux de gauche.

La ligne d'Epinay est réaffirmée, un an plus tard, au congrès de Grenoble. Les salariés de Lip vendent leurs montres à l'entrée. Mitterrand n'a pas grand souci à se faire: sa motion, à laquelle s'est rallié Savary, recueille 92%. Le Ceres, lui, a des fourmis dans les jambes. A la tribune, le premier secrétaire moque, en visant Chevènement, ceux qui "songent à faire un faux Parti communiste avec de vrais petits-bourgeois". "Qui vous permet de dire, lui lance-t-il, que l'électoralisme, c'est nous, et que les idées, c'est vous ?"

Lorsque Michel Rocard fait son entrée, à Pau, en janvier 1975, le Programme commun de la gauche donne des signes de faiblesse. Chevènement, qui va quitter le bloc majoritaire, salue son arrivée en raillant: "Il n'y a pas de rivalité entre nous et Michel Rocard, pas plus qu'il n'y en a entre Renault et Bugatti."

Mitterrand et Chevènement continuent de ferrailler. Le second fustige "l'ornière de la social-démocratie molle" dans laquelle il assure que l'arrivée de M. Rocard risque de "faire retomber" le PS. "L'alliance avec le centre ? Il faudrait que nous soyons trop bêtes !, lui répond le premier secrétaire. Faites au moins cette concession."

Printemps 1979, congrès de Metz. L'actualisation du Programme commun a échoué sur les nationalisations, mais l'alliance PS-PCF reste la question centrale. La gauche a perdu les législatives de 1978; la présidentielle de 1981 se profile. François Mitterrand conforte, une nouvelle fois, sa majorité grâce au Ceres. Partisan d'une culture "décentralisatrice et autogestionnaire", Michel Rocard, rejeté dans la minorité, sort amer du congrès: "Une seule ligne affirmée à Epinay anime le parti, déclare-t-il. Mais Epinay n'avait pas tout prévu. Epinay n'avait pas prévu la crise, le chômage, le désordre monétaire..."

La victoire de François Mitterrand, le 10 mai 1981, ouvre une période plus calme. Pour la première fois dans l'histoire du PS, une motion unanime est présentée au congrès de Valence, en octobre 1981. Deux ans plus tard, malgré le "tournant de la rigueur", le congrès de Bourg-en-Bresse, en octobre 1983, se termine par une synthèse générale et par le "soutien résolu" du PS à "la politique du gouvernement". "Nous avons dominé, maîtrisé, élucidé nos différences", assure Lionel Jospin, premier secrétaire depuis 1981.

Michel Rocard rentre dans le rang à Toulouse, en octobre 1985. Le "jeune premier ministre"(dixit Mitterrand) Laurent Fabius est adoubé par les militants. Star du congrès, il tutoie beaucoup et appelle à l'union "Lionel, Pierre -Mauroy-, Jean-Pierre et Michel". Quatre mois plus tôt, le premier ministre Fabius et le premier secrétaire Jospin ont commencé à s'affronter sur la conduite de la prochaine campagne des législatives. Leur rivalité sera durable; elle éclatera en 1990, au congrès de Rennes.

Congrès dévastateur. Sept motions sont présentées au vote des militants. Jospin (28,9%) est au coude-à-coude avec Fabius (28,8%). Rocard (24,2%), premier ministre, est en position d'arbitre. Le drame se joue dans les coulisses et à coups de communiqués. L'axe formé par Mauroy - premier secrétaire depuis 1988 -, Jospin et Rocard s'oppose à Fabius, alors président de l'Assemblée nationale que Mitterrand souhaite voir à la tête du parti pour le contrôler. Les alliances se font et se défont dans une extrême confusion. Les jospino-mauroyistes négocient un accord avec Chevènement. Fabius cherche à s'allier Jean Poperen, l'un des chefs de file de l'aile gauche du PS. Rocard s'efforce de rester au-dessus de la mêlée.

Suspecté de "dérive droitière", Fabius prononce, le samedi, un discours "à gauche toute", qui évoque la Révolution, la Commune, Jean Jaurès et le Front populaire. Mauroy bout, Emmanuelli bougonne, Rocard fait la grimace, et Jospin regarde ailleurs.

A 6 heures du matin, le dimanche, les socialistes s'étripent toujours sur la répartition des postes et des fédérations. Mauroy voit l'édifice d'Epinay s'effondrer. Jospin récuse sa tentative de compromis avec Fabius. Le congrès s'achève dans un désordre général. Défait, le maire de Lille tente d'expliquer qu'il y a tout de même "beaucoup de points communs entre les socialistes"... Dans la semaine qui suit, une synthèse est trouvée, dictée par François Mitterrand, et Pierre Mauroy conserve son poste.

Il faudra trois ans aux militants pour ressouder la famille. Au Bourget, en octobre 1993, l'emploi du mot "courant" déchaîne les sifflets. Rendu aux délices de l'opposition, après la défaite de la gauche aux législatives de mars 1993, le congrès s'enflamme à propos de la "laïcité" et de la "justice sociale". L'Internationale et les chants de la Commune ont été remisés depuis longtemps, et les délégués se séparent, après avoir élu Rocard premier secrétaire, sur une chanson du groupe Téléphone: Un autre monde. Le dimanche, Chevènement, qui vient de rompre avec le PS, ironise: "Le Bourget est le seul aéroport où il ne s'est rien passé cette semaine."

Liévin, chef-lieu socialiste du Pas-de-Calais. Sur fond de terrils et de corons, c'est là que se tient, en novembre 1994, le congrès du PS. Cinq mois plus tôt, Emmanuelli a succédé à Rocard à la tête du parti. Une maxime jaurésienne orne les affiches: "Aller vers l'idéal, comprendre le réel." Le "réel" c'est alors, pour les socialistes, la candidature attendue de Jacques Delors à la présidentielle. Ils ne savent pas encore qu'elle ne sera, en fait, qu'un idéal. Emmanuelli et la motion majoritaire recueillent 92% des voix. Delors ne se montre pas, mais le congrès se déplace pour accompagner Mitterrand, venu commémorer la catastrophe du puits numéro 3 (42 morts), en décembre 1974. On rechante L'Internationale.

Novembre 1997. François Hollande est heureux. Depuis les législatives de juin, la gauche est revenue au pouvoir. Le premier secrétaire délégué savoure les fruits de la victoire de Jospin, à qui il va succéder à la tête du PS. Le climat qui entoure le congrès de Brest est idéal: la reprise économique est en vue, la droite est sonnée par l'échec de la dissolution. Fabius salue le "sans-faute" du gouvernement. Les ministres défilent à la tribune. Claude Allègre reçoit une ovation. C'est "le congrès de la fierté socialiste", lance Hollande. Jospin, lui, plaide pour le "retour à l'union de la gauche, perdue depuis 1984".

L'exercice gouvernemental abîmera la belle unanimité. Quand s'ouvre le congrès de Grenoble, en novembre 2000, la tension s'est accrue entre les écuries ministérielles. Hollande ne rassemble plus que 73% des voix sur sa motion (au lieu de 84% à Brest). Les minoritaires progressent: Emmanuelli et la Gauche socialiste totalisent 27% des voix. Mais l'heure n'est pas encore à l'alliance. En désaccord avec la politique de l'emploi du gouvernement, l'ex-premier secrétaire refuse aussi de rejoindre la majorité. Ministre du travail, Elisabeth Guigou est furieuse: "Je ne me laisse pas dicter ma politique par le PS", lâche-t-elle. Vincent Peillon trouve qu'Emmanuelli exagère. Marc Dolez, premier fédéral du Nord, aussi. "C'est l'honneur de chacun de considérer qu'une différence bien identifiée vaut mieux qu'un accord confus", se console François Hollande. Il est réélu avec près de 97% des suffrages. Il ne sait pas de quoi demain sera fait.

Christine Garin
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 18.05.03


LEMONDE.FR | 18.05.03 | 07h31

Pas de synthèse générale au congrès du PS

Les motions concurrentes au congrès socialiste de Dijon ne sont pas parvenues à une synthèse générale samedi soir mais il ne devrait pas y avoir de candidat concurrent de François Hollande au poste de premier secrétaire, a-t-on appris auprès de participants.

La motion majoritaire (61%) du premier secrétaire sortant a conclu un accord avec le petit groupe Utopia, qui pesait 1% des votes militants, mais n'est pas parvenu à un compromis avec les courants Nouveau Monde d'Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon, Nouveau PS de Vincent Peillon et Arnaud Montebourg et le patron de la fédération du Nord Marc Dolez.

"Nos camarades sont arrivés clairement avec l'idée de ne pas faire la synthèse générale", a affirmé Eric Besson, porte-parole du PS et proche de M. Hollande. Selon M. Besson, le premier secrétaire sortant "a insisté pour dire que la synthèse était un souhait et pas une obligation". "Ce n'est pas un drame", a simplement ajouté François Hollande. La commission des résolutions, chargée de trouver une synthèse, a siégé environ deux heures, ce qui a fait dire à Marc Dolez qu'il s'agissait d'"une des plus courtes de l'histoire du parti". Vincent Peillon a indiqué que "François Hollande avait acté les différences" existant notamment sur la question de la VIème République en faveur de laquelle le Nouveau PS a défendu un amendement, refusé par la majorité.

PAS DE CANDIDATURE CONCURRENTE

L'éventualité d'une candidature face à M. Hollande pour l'élection du premier secrétaire qui doit avoir lieu le 22 mai, a toutefois été écartée par M. Peillon. "Ca ne nous semble pas avoir une grande signification. Nous ne sommes pas dans une question de pouvoir". "Nous avons souhaité une vraie discussion. Notre identité est claire, on connaît nos idées. Nous serons présents dans tous les débats, nous allons continuer à aider le parti à avoir une doctrine", a expliqué M. Peillon qui a souhaité "ne pas polluer l'image du NPS avec ce qui pourrait apparaître comme une opération politique".

De son côté, le courant Nouveau Monde avait fait savoir dès le début de la soirée de samedi qu'il ne présenterait pas de candidat face à François Hollande, qui devrait donc être réélu sans problème par les militants socialistes.

Les candidats au poste de premier secrétaire ont jusqu'à dimanche matin pour se faire connaître.

Les différents courants du PS sont tombés d'accord en commission des résolutions pour adopter une déclaration demandant le retrait des projets du gouvernement Raffarin sur les retraites et l'éducation et apportant le soutien des socialistes à la mobilisation syndicale. "Nous nous inscrivons dans une alternative au plan Fillon" sur les retraites, a expliqué l'ancien ministre Jean Glavany.

La déclaration devrait être rendue publique dimanche en conclusion du congrès, avant le discours final de François Hollande.

Avec AFP


LE MONDE | 17.03.03 | 11h55

La laborieuse reconstruction du Parti socialiste

Un an après la cinglante défaite du 21 avril 2002, le prochain congrès du Parti socialiste, du 16 au 18 mai à Dijon, s'annonce comme un rendez-vous crucial pour la gauche. A défaut d'entreprendre le véritable aggiornamento que le double échec présidentiel et législatif pouvait laisser espérer, le PS est placé devant un redoutable défi : soit il redevient un pôle de stabilité, capable de poursuivre une rénovation juste amorcée et de reconstruire des alliances à gauche, soit il se perd dans des querelles intestines, sans régler durablement ses problèmes de leadership, de stratégie et de doctrine.

Cinq ou six motions, soumises au vote des militants, devraient sortir du conseil national du 15 mars et vont être débattues sur fond de bruits de bottes en Irak et de crise internationale.

Vu sous cet angle, Dijon ne ressemblera pas au congrès de Rennes, en 1990, quand, autour de sept motions portées par tous les éléphants du PS, les socialistes, faisant voler en plusieurs morceaux l'axe majoritaire qui les avait jusqu'alors rassemblés, s'étaient déchirés déjà sur l'après-Mitterrand.

Cette fois, seul un morceau de l'axe majoritaire, rassemblé depuis 1997 autour de Lionel Jospin, puis de François Hollande, a fait sécession, pour constituer, avec Vincent Peillon, Arnaud Montebourg et Christian Paul, ancien secrétaire d'Etat, le Nouveau Parti socialiste (NPS).

Dijon devrait se situer à mi-chemin entre le congrès d'Epinay (1971), avec une esquisse de refondation et l'amorce d'un rappro-chement organique avec le Parti radical de gauche (PRG), et celui de Metz (1979), quand le PS, divisé entre François Mitterrand et Michel Rocard, avait dû trancher sur sa ligne.

D'abord ondoyant et pusillanime, M. Hollande a habilement joué depuis le dépôt, le 18 janvier, de sa contribution. Sur le modèle de Mitterrand à Epinay, qui avait bâti un axe majoritaire allant de Gaston Defferre à Jean-Pierre Chevènement, le premier secrétaire du PS rassemble large, de Laurent Fabius à Julien Dray, en passant par Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, Daniel Vaillant, Jean Glavany, Bertrand Delanoë, Jack Lang et Pierre Mauroy. Tous les anciens premiers ministres de Mitterrand et tous les (principaux) présidentiables sont derrière lui.

Dépourvu jusqu'alors de forces propres, M. Hollande veut "tuer" les anciens courants, qu'il s'agisse des fabiusiens ou... des jospinistes, et créer autour de lui, avec une nouvelle génération et en renouvelant d'un tiers les instances dirigeantes du PS, un "nouveau courant". Le but est de constituer une "majorité large et forcément diverse, bâtie sur des pôles représentatifs", qu'on pourrait appeler Fabius, Aubry ou Strauss-Kahn...

Dans cette phase où le PS apparaît encore en peine de reconstruction, la difficulté pour M. Hollande, celle qui rendra jusqu'au bout le dénouement incertain, est que ses adversaires, qui ont l'ambition de prendre le contrôle du parti, ont joué aussi habilement, évitant les fautes qui disqualifient. Le NPS, hormis des dérapages verbaux d'Arnaud Montebourg après le retour à la "maison hollandaise" de Julien Dray, a su surfer sur la demande militante de rénovation et de renouvellement, tout en ayant du mal à présenter sur chaque sujet une alternative à la direction. Dans un PS où, sur les 129 000 électeurs annoncés, 17 000 sont arrivés – ou revenus – après le 21 avril, l'effet peut se révéler attractif.

Le Nouveau Monde d'Henri Emmanuelli et de Jean-Luc Mélenchon, lui aussi ancien ministre de M. Jospin, a pris un départ guerrier, dessinant lors de sa fondation, à Argelès-sur-Mer, fin septembre 2002, un "pôle de radicalité", en rupture avec le "socialisme d'accompagnement" qui était supposé avoir perdu le 21 avril. Depuis, MM. Emmanuelli et Mélenchon ont habilement rectifié le tir.

Glissant subrepticement du rouge au rose vif, ils ont déjoué les procès qui leur étaient faits, non sans raison au départ, de s'éloigner de la "culture de gouvernement" ou d'emprunter au discours de l'extrême gauche. Obnubilés par un "social-libéralisme", à leurs yeux omniprésent dans les orientations du PS, ils ont esquissé une ligne alternative.

De ce combat, où Marc Dolez, premier secrétaire de la fédération du Nord et défenseur autoproclamé des "militants", joue les trouble-fête, en voulant des organes de direction composés à parité des courants et des fédérations, l'issue est aujourd'hui encore incertaine.

Dès le 17 mars, chaque camp va dramatiser les enjeux et aiguiser les coups. La probable guerre en Irak va-t-elle provoquer un réflexe "patriotique" de cohésion autour de la direction ? Les débats s'en ressentiront, mais tout dépendra, en définitive, lors des votes, du 28 avril au 6 mai, du niveau de participation et du degré de mobilisation des partisans de chaque motion. Si l'abstention est à l'image du 21 avril...

"GROUPE CHARNIÈRE"

Trois scénarios sont imaginables. Le premier scénario est celui d'une "majorité minoritaire", avec un axe Hollande largement en tête obtenant, par exemple, le même score (46,99%) que François Mitterrand à Metz. C'est le pari de M. Mélenchon, qui situe son propre courant "entre 25% et 35%" et qui, dans cette hypothèse, recherchera une synthèse avec le NPS et M. Dolez en comptant même sur des ralliements de l'axe majoritaire. Un basculement de majorité reposerait sur M. Dolez, à la tête d'un "groupe charnière", en qui certains verraient un candidat au poste de premier secrétaire.

Dans le second scénario, M. Hollande aurait une courte majorité, de 51% à 55%, avec 18% à 22% pour le Nouveau Monde, 15% à 20% pour le NPS et 5% à 8% pour M. Dolez. C'est plutôt le pari de M. Peillon, pour qui, dans cette hypothèse, M. Hollande serait obligé d'"ouvrir le dialogue avec tout le monde" pour consolider sa majorité. Le premier secrétaire voit les choses autrement, jugeant que, "à 51%, une majorité est assurée". Il entend alors jouer la carte de "la clarté", en demandant aux uns et aux autres de se déterminer et de dire avec quel premier secrétaire ils veulent travailler. Jusqu'à Dijon, M. Hollande sera le seul candidat déclaré à sa succession...

Le troisième scénario est le plus rose pour M. Hollande. C'est celui des "pointeurs" de la direction, qui jugent le rapport de forces assez figé, avec de 17% à 20% pour le Nouveau Monde, de 15% à 19% pour le NPS et de 3% à 5% pour M. Dolez. L'axe majoritaire se situerait autour de 60%, et M. Hollande aurait gagné son pari et reconquis sa légitimité. A ses yeux, la question du leadership serait réglée, aucun présidentiable – y compris lui-même ? – ne pouvant être investi sans le soutien du nouvel axe majoritaire. Dans ce scénario rose, le PS assumerait alors son "réformisme de gauche", se montrerait plus européen, en ayant opté pour le fédéralisme, plus moderne, plus ouvert sur la société et le mouvement social.

Si, dans cette dernière hypothèse, le PS sera doté d'une direction stabilisée et se trouvera mieux armé pour jouer son rôle de première force d'opposition et reconstruire ses alliances à gauche, il ne sera pas, pour autant, au bout de son chemin. Sa rénovation idéologique ne sera qu'amorcée. Et la question du leadership risque de n'être qu'à moitié tranchée tant il est vrai que chaque présidentiable rêvera toujours de bâtir, d'ici à 2006, un Parti socialiste... à son image.

Michel Noblecourt