Le Monde - Politique -
Congrès du PS à Dijon, mai 2003, autour


– S O M M A I R E –

L'appel du PS à "une mobilisation massive" pour le 1er  mai
Huis clos médiatique pour le vote du militant socialiste Lionel Jospin
La gauche veut s'appuyer sur le mouvement pour se remettre en selle
M. Hollande réclame le retrait des projets Fillon et Ferry
Le PS appelle ses militants à défiler "sans ostentation" le 25 mai
Gênés par la démarche de Mme Voynet, les Verts cherchent à se rapprocher du PS sans être absorbés
Entretien avec Patrick Braouezec, député et maire (PCF) de Saint-Denis

– En annexe de la série «autour» –
Un dossier du “Monde”
à l'occasion de ce congrès de Dijon, sur la manière un peu spéciale dont mon quotidien préféré «raconte» et «commente» le PS…
– Congrès 2003 du PS, les autres séries –
Avant le congrès
Pendant le congrès
Après le congrès



LE MONDE | 30.04.03 | 13h20
MIS A JOUR LE 30.04.03 | 13h27

L'appel du PS à "une mobilisation massive" pour le 1er  mai

Après le "réquisitoire" dressé par François Hollande contre le bilan du gouvernement Raffarin, un an après son arrivée au pouvoir (Le Monde du 24 avril), les socialistes ont consacré leur bureau national, mardi 29 avril, aux projets de réformes économiques et sociales de leur adversaire. Le plan famille, qualifié de "supercherie", a fait l'objet de vives critiques.

"La soi-disant nouvelle prestation n'est qu'une fusion de primes qui existaient déjà", affirme le PS dans un communiqué."C'est une duperie, sans le début d'un financement", insiste Eric Besson, porte-parole, qui dénonce la "volonté du gouvernement d'introduire une sorte de brouillard social au moment où les projets du gouvernement sur les retraites ou les médicaments suscitent des réactions". La réforme "pas banale" du code des marchés publics a également provoqué une "réaction unanime" de rejet des participants à la réunion, selon M. Besson.

Le PS estime ainsi qu'il y a un risque d'" -exclusion- du jeu d'une immense majorité de PME" et que "se profile le retour aux dérives des METP -marchés d'entreprises de travaux publics-, rendus tristement célèbres par les affaires qu'ils ont engendrées". Tout comme il apporte son "soutien" aux manifestations des enseignants prévues le 6 mai, le PS souhaite donc une "mobilisation massive" aux défilés du 1er mai pour "contester les choix du gouvernement" en matière de retraites, mais aussi d'emploi, de services publics et d'assurance-maladie.

Dans la soirée, M. Hollande participait à une table ronde au PS sur la compétitivité de la France. "C'est devenu un objet de débat politique, il n'y a pas de déclin constaté, mais la droite a essayé d'imposer ce thème pendant l'élection présidentielle, assure M. Besson, secrétaire national à l'emploi, qui devait intervenir. "Nous devons être à l'offensive, développer et vendre notre propre modèle de cohésion sociale", ajoute-t-il.

Isabelle Mandraud
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 02.05.03


Huis clos médiatique pour le vote du militant socialiste Lionel Jospin LE MONDE | 06.05.03 | 13h34

Comme désormais à chacune de ses apparitions dans sa section du 18e arrondissement de Paris, le militant socialiste Lionel Jospin est arrivé accompagné de son ami, le maire, Daniel Vaillant. "Vous êtes tous membres du PS ?", ironise l'ancien premier ministre, en pénétrant à 18 h 37, sourire aux lèvres, dans la salle organisée en bureau de vote. Il fait un petit tour entre les isoloirs prêtés par la municipalité pour saluer les militants et embrasser les militantes. Mais très vite, l'affluence des caméras et des journalistes l'agace : "On n'est pas dans un vote de village, de ville ou de quartier, c'est un vote interne." Daniel Vaillant s'éponge le front en répétant : "Merci de votre compréhension."

"JE NE VOUS VOIS PAS"

Les deux hommes tournent en rond. Il y a la queue devant l'urne de la section Chapelle-Goutte d'Or, tout comme devant celles de Jean-Baptiste Clément et de Grandes Carrières. Les trois sections PS de l'arrondissement, qui comptent parmi ses adhérents la "bande du 18e", dont le maire de Paris, Bertrand Delanoë, le sénateur Claude Estier, mais aussi les députés Christophe Caresche et Annick Lepetit, se sont regroupées au même endroit pour voter. Ce lundi 5 mai, le scénario est identique : ici comme ailleurs, dans de nombreuses fédérations PS, les militants viennent choisir entre l'une des cinq motions en lice pour le congrès de Dijon. Le bulletin de Lionel Jospin n'a rien de secret. Il s'est déjà exprimé pour marquer son soutien à François Hollande. Il y a peu, lors d'un débat dans sa section, il avait vivement critiqué la démarche concurrente du Nouveau Parti socialiste (NPS) d'Arnaud Montebourg et Vincent Peillon et celle de Nouveau Monde d'Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon (Le Monde du 4 avril). Mais les caméras, qui traquent son image dans l'isoloir, un an après un autre vote, douloureux celui-là, l'importunent. "C'est un poil grotesque", soupire Gunter, un nouvel adhérent de la section Jean-Baptiste Clément, partisan de Nouveau Monde. Planté à deux pas de l'ancien candidat à l'élection présidentielle, dont l'affiche de campagne "Présider autrement" est toujours accrochée au mur, un militant tient entre ses mains un petit appareil photo dont il ne se sert pas. "J'ai attendu d'avoir 65 ans pour adhérer au PS, après le 21 avril 2002, explique-il. J'ai hésité mais finalement j'ai choisi NPS. Pour moi, la page Jospin est tournée. D'ailleurs, c'est lui qui l'a dit".

Il ne s'est pas écoulé beaucoup de temps avant que des adjoints municipaux ne décident de faire évacuer la presse de la salle. Lionel Jospin pousse lui-même vers la sortie une journaliste, "allez, allez". A la sortie, quelques minutes plus tard, sur le chemin qu'il fait à pied jusqu'à la mairie du 18e, toute proche, il se refuse à tout commentaire. "Je ne vous vois pas !", lâche-t-il aux journalistes qui le pressent de questions.

A 20 h 09, Bertrand Delanoë arrive à son tour et bénéficie du même protocole. La salle, qui était redevenue accessible à la presse, est de nouveau évacuée. Interrogé sur le perron sur son soutien à François Hollande, le maire de Paris trouve la "question blessante". "J'ai toujours été clair, loyal et fidèle", dit-il.

A 23 heures, tout est terminé. Les trois sections ont choisi majoritairement la motion Hollande. A 83 % dans celle de M. Jospin.


Hollande en tête, plusieurs "fédés" disputées

A la veille de la clôture du vote dans toutes les sections PS, le scrutin s'est achevé, lundi 5 mai, dans plusieurs fédérations. Selon des résultats provisoires, la motion Hollande est nettement majoritaire dans l'Ariège (73,97 % des suffrages exprimés), en Loire-Atlantique (65,23 %) et en Charente-Maritime (60 %). La Haute-Garonne, l'Oise et la Haute-Saône seraient également acquises au premier secrétaire du PS avec un peu plus de 60 % des voix, ainsi que la Meuse (56,6 %). En revanche, si elle fait alliance comme cela semble probable, l'"opposition" conquiert l'Ardèche (35,7 % pour NPS et 22,1 % pour Nouveau Monde), le Jura (où NPS est arrivé en tête), le Lot et l'Aisne. Dans l'Allier, Nouveau Monde dispose de la majorité relative, NPS arrivant en seconde position. La majorité sortante devrait perdre le Bas-Rhin : sur 82 % de votants, NPS l'emporte. Dans le Haut-Rhin, NPS et Nouveau Monde seraient en mesure de faire la bascule. Le match s'annonce également très serré dans la Nièvre et l'Ain. Dans le Nord, les résultats partiels témoignent d'une rude bataille entre la motion Hollande et celle du premier fédéral Marc Dolez avec, semble-t-il, un léger avantage pour ce dernier.

Isabelle Mandraud
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 07.05.03


LE MONDE | 14.05.03 | 13h29

La gauche veut s'appuyer sur le mouvement pour se remettre en selle

La droite invite le gouvernement à la fermeté.

Au soir de la journée de grève et de manifestations qui ont rassemblé plus d'un million de personnes dans les rues, le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, s'est félicité du "retour des socialistes dans l'action". Le député de la Corrèze s'était lui-même joint à un cortège d'environ 7 000 personnes à Tulle. "Notre travail d'opposant ne se limite pas à contester, précise M. Hollande. Il est aussi de proposer une alternative, une véritable réforme." Le PS n'en a toutefois, jusqu'à présent, laissé filtrer que les grandes lignes (Le Monde du 9 mai), en expliquant qu'il ne rendrait publiques ses propositions qu'après que le gouvernement aura déposé son projet. Il est vrai, par ailleurs, que les responsables de la majorité qui s'est dégagée autour de la motion défendue par M. Hollande ne tiennent pas à ce que le sujet des retraites interfère avec le congrès du PS, qui se tiendra à Dijon du 15 au 18 mai.

C'est la "France d'en bas"qui s'est mobilisée contre la réforme de Jean-Pierre Raffarin, estime de son côté le président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, demandant au premier ministre qu'il "revoie sa copie". Mercredi matin, sur France-Inter, Ségolène Royal a affirmé que "la mobilisation de mardi a montré le refus d'une réforme unilatérale qui prend en compte purement et simplement les propositions du Medef, qui ne met à contribution que les salariés et les retraités, pas les entreprises ni les patrons". "Il faut retirer ce plan Fillon-Raffarin, a ajouté la députée des Deux-Sèvres. Il faut repartir de zéro et remettre tout sur la table."

"Plus la mobilisation est forte, plus cela donne de moyens aux parlementaires pour s'opposer au projet", souligne Marie-George Buffet. Le PCF diffusait, dans les manifestations du 13 mai, un document de quatre pages énonçant ses propositions. La secrétaire nationale a également annoncé le lancement d'une pétition demandant le "retrait du projet" présenté par le gouvernement.

Les Verts, eux, distribuaient à Paris un tract défendant "une réforme écologiste des retraites". Leur secrétaire national, Gilles Lemaire, estime que "ce mois de mai est un mois décisif" : "La capacité à réagir va déterminer le climat social dans les mois et les années à venir", ajoute-t-il.

Un espoir largement entretenu à l'extrême gauche. La porte-parole de Lutte ouvrière, Arlette Laguiller, formule le vœu que cette journée "ne soit pas simplement une action symbolique mais le début d'une grande mobilisation". Dans un communiqué publié en fin d'après-midi, LO déclare qu'elle "s'associe à toutes les organisations du monde du travail et à tous ceux qui appellent à continuer grèves et manifestations dans les jours qui viennent car il est possible de faire céder le gouvernement".

"PLUS IMPORTANT QU'EN 1995"

Pour Alain Krivine, porte-parole de la LCR, "le mouvement est déjà plus important qu'en 1995". Le député européen estime que "la grève générale reconductible est une nécessité". Le candidat de la LCR à l'élection présidentielle de 2002, Olivier Besancenot, se prononce également "pour que le mouvement soit reconduit dès demain afin de faire céder le pouvoir en place" : "Le monde du travail, qui vient de démontrer sa force et sa combativité, sait maintenant que c'est possible", ajoute M. Besancenot.

La droite, quant à elle, s'efforce d'afficher sa sérénité à l'issue de cette journée de mobilisation. Le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, Jacques Barrot, estime qu'"on ne peut pas comparer la situation de mai 2003 à celle de décembre 1995". Le vice-président du groupe, Bernard Accoyer, reconnaît toutefois que "les très nombreuses manifestations -de mardi- témoignent d'une inquiétude". Le président de l'UMP, Alain Juppé, voit dans cette journée "un reste d'incompréhension". Se disant persuadé que "cette réforme est absolument nécessaire", l'ancien premier ministre se déclare prêt à "poursuivre le travail d'explication et aider le gouvernement à le faire".

De son côté, le président du groupe UDF de l'Assemblée nationale, Hervé Morin, se dit persuadé que le gouvernement devrait "intégrer plus de justice" dans sa réforme. "Mais,ajoute le député de l'Eure, il ne doit pas céder sur l'essentiel."

Patrick Roger
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 15.05.03


LE MONDE | 19.05.03 | 13h22
MIS A JOUR LE 19.05.03 | 16h42

M. Hollande réclame le retrait des projets Fillon et Ferry

Prononçant la clôture du congrès de Dijon, dont il sort renforcé, le premier secrétaire du PS a annoncé "le retour des socialistes" et leur engagement sur le front social. Laurent Fabius a évoqué un référendum sur les retraites.

 Dijon de nos envoyées spéciales

"Bella ciao " à la sono et drapeaux rouges frappés de la rose et du poing dans les tribunes. François Hollande vient de clôturer le congrès du PS à Dijon et d'annoncer le "retour des socialistes", dans un discours aux accents très mobilisateurs. Il est 13 heures, dimanche 18 mai, et la salle se vide dans un joyeux brouhaha. Les journalistes du Corriere della Serra n'arrivent pas à décoller de leurs chaises, "choqués", disent-ils, d'entendre l'hymne des partisans italiens. "C'est une allusion à une boîte de nuit à Calvi", plaisante Henri Emmanuelli, cofondateur de Nouveau Monde. Pourquoi "Bella Ciao" ? "C'est entraînant", dira simplement le premier secrétaire du PS, quelques minutes plus tard, dans le train qui le ramène à Paris. C'est, en tous cas, très "tendance": les Motivé-e-s français en avaient fait une reprise conquérante dans un disque édité pour la LCR, en 1997.

Cette touche musicale résume la tonalité de la grand-messe socialiste, marquée par le mouvement social et l'entrée triomphale, samedi, du secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. "C'est la lutte finale !", entonnent alors les militants du Pas-de-Calais, qui ont voté en masse pour le courant majoritaire de M. Hollande, où cohabitent Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn, les anciens chefs de file de la Gauche socialiste, Marie-Noëlle Lienemann et Julien Dray, ou encore Martine Aubry.

Le social, rien que le social. Faute de synthèse entre les partisans du premier secrétaire et ses opposants du Nouveau Parti socialiste, de Nouveau Monde et de la "motion des militants" du premier fédéral du Nord, Marc Dolez, les ténors du PS ont ciblé leur discours sur les retraites, l'emploi et l'éducation. Leur plus petit dénominateur commun.

Porté par l'ambiance très "mouvement social" de la salle, M. Hollande a attaqué la droite. Quelques jours après les manifestations qui ont fait descendre dans la rue plus d'un million de personnes, il s'est félicité de ce que l'ensemble des délégués du congrès aient adopté, à l'unanimité moins une voix, une résolution commune. Ces quelques lignes, calquées sur le modèle d'un communiqué du bureau national, manifestent l'"entier soutien aux mouvements sociaux en cours", exigent le "retrait des mesures Ferry" et du "projet Raffarin-Fillon sur les retraites". Sous les applaudissements, M. Hollande a assuré que les socialistes seraient "très nombreux" à la manifestation nationale du 25 mai, à Paris. Comme les autres, Jack Lang approuve chaleureusement. L'ancien ministre de l'éducation nationale a profité du congrès pour faire un petit tour à l'université de Dijon et pronostique un "Devaquet-bis" - allusion aux grandes manifestations qui, en 1986, avaient contraint le ministre délégué à l'enseignement supérieur à retirer son projet. "Je n'ai pas allumé la mèche, elle l'est déjà", dit M. Lang, en se défendant d'avoir joué les agitateurs.

Son ami Laurent Fabius est au diapason. L'ancien premier ministre a surpris l'auditoire par sa véhémence. Samedi, il a tapé du poing sur la tribune et dénoncé, à s'en casser la voix, le "projet scandaleux" du gouvernement sur les retraites. "Nous ne devons pas nous interdire de demander un référendum", a-t-il lancé en saluant les organisations syndicales, du moins "celles qui jusqu'au bout ont été fidèles au mandat unitaire qu'elles avaient pris ensemble". Il a opposé les deux Ferry : Jules, "le fondateur", et Luc, "le fossoyeur", s'attirant une véritable ovation et convoquant aussitôt après une conférence de presse. A l'applaudimètre, c'est vrai, il a fait jeu égal avec... Jean-Luc Mélenchon.

Le cofondateur du courant Nouveau Monde s'est attiré un vif succès en appelant le PS à faire "synthèse avec la rue". Une harangue-revanche, après le vote des militants qui ont sanctionné l'aile gauche du PS. "Notre objectif de faire bouger le curseur est atteint", s'est félicité dans les travées le député des Landes, Alain Vidalies. "C'est sympa, la salle applaudit tout et son contraire", commente Ségolène Royal, à l'heure du pot avec les associations et les syndicats. "C'est un bon public !", résume Daniel Vaillant.

La compétition à la tribune entre les ténors s'est poursuivie toute la journée de samedi. Malheureux, Jean-Christophe Cambadélis, proche de Dominique Strauss-Kahn, a dû s'interrompre à l'arrivée de Bernard Thibault. "C'est le grand paradoxe de ce congrès, déplore-t-il en regagnant sa place. C'est au moment où nous prenons le tournant réformiste que la CGT est acclamée." Son mentor, DSK, n'a pas trouvé le ton pour enthousiasmer les congressistes. Pas plus qu'Arnaud Montebourg, chef de file du NPS, dont c'était le premier discours de congrès. De l'avis même de ses proches, le député de Saône-et-Loire s'en est tenu au contenu de sa motion. "Marre de faire l'amuseur", justifie-t-il quelques minutes plus tard.

Bertrand Delanoë, Martine Aubry et Jean Glavany insistent tous trois sur l'"unité". Et tout le monde applaudit aux résultats définitifs du vote des militants, communiqués au micro : 61,37 % pour la motion Hollande ; 1,05 % pour Utopia ; 16,88 % pour NPS ; 4,38 % pour Marc Dolez et 16,33 % pour Nouveau Monde.

Assis au premier rang à côté de M. Hollande, Malek Boutih, nouvelle figure de proue du PS, explique son entrée à la direction du parti. "On n'est pas potes à mort, dit-il en désignant le patron du PS, mais c'est quelqu'un qui trace son chemin et qui n'étouffe pas tout le monde." Il assure qu'il a sa carte du PS "depuis 1986"mais qu'il se tenait jusqu'ici "en réserve". Très sérieusement, il confie avoir prévenu Jacques Chirac, la veille, par téléphone. "Il m'a souhaité bon vent", dit l'ex-président de SOS-Racisme. Pendant ce temps, l'UNEF distribue un tract dénonçant la "récupération" du syndicat étudiant, après la nomination de Cybeh N'Dyaye au conseil national.


M. Kouchner : "Du côté de l'immobilisme"

L'ancien ministre de la santé, Bernard Kouchner, a qualifié, dimanche 18 mai sur Radio J, les propositions de la gauche sur la réforme des retraites de "poudre aux yeux" et a commenté en ces termes l'ovation reçue, samedi à Dijon, par le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault : "Ce n'est pas la personne de Thibault qui me gêne, mais c'est l'illusion que cela procure." "J'ai le sentiment que nous sommes du côté de l'immobilisme, a-t-il ajouté. C'est ce que représentaient la venue et les applaudissements adressés à Bernard Thibault (...). Le PS approuvait une tendance réformiste représentée par François Chérèque -secrétaire général de la CFDT-, et là on applaudit son contraire." Selon l'ancien ministre - qui n'est pas membre du PS -, "le système de retraites n'a pas d'avenir comme tel et il faut le changer". Donnant acte au premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, de "s'y -être- attaqué", il a toutefois estimé que "la droite a de mauvaises méthodes", concluant : "Il y a des avantages acquis dans notre pays qui se transforment en inégalités."

Clarisse Fabre et Isabelle Mandraud
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 20.05.03


LE MONDE | 20.05.03 | 13h10

Le PS appelle ses militants à défiler "sans ostentation" le 25 mai

Tous contre le "projet Raffarin-Fillon" ! Les socialistes l'ont annoncé : ils devraient participer en nombre à la manifestation nationale du 25 mai. Dès son retour à Paris, lundi 19 mai, au lendemain du congrès de Dijon, François Hollande a pris contact avec les syndicats pour déterminer la "forme" de la participation du PS dans les défilés. Question sensible depuis les déboires de trois anciens ministres, Elisabeth Guigou, Ségolène Royal et Daniel Vaillant, dans une manifestation des salariés du public (Le Monde du 28 novembre 2002).

Mais il y a eu Dijon, la symbiose affichée avec le mouvement social et l'accueil triomphal réservé à Bernard Thibault. Lors d'un déjeuner, samedi, avec le secrétaire général de la CGT et son homologue de la FSU, Gérard Aschieri, M. Hollande a pris ses renseignements. Les deux responsables syndicaux lui ont fait part de leur conviction d'une mobilisation grandissante.

Rue de Solférino, on envisage donc, sinon un cortège PS, du moins "un point de rendez-vous" dans le défilé parisien. Pas question de figurer dans le carré de tête : les socialistes devront "se fondre", "sans attitude ostentatoire" avec des "autocollants"de la rose et du poing. "Nous allons mobiliser nos élus et les militants", assure Stéphane Le Foll, directeur de cabinet du premier secrétaire. La consigne vaut pour la province.

Dimanche, à Dijon, M. Hollande a donné la liste des "refus majeurs" qui motivent l'attitude des socialistes sur les retraites. Il a commencé par dénoncer la "philosophie" du projet Fillon "qui consiste à demander aux salariés de travailler plus pour gagner moins". "L'allongement de la durée de cotisation – 40, 41, 42 ans et davantage encore si nécessaire – était la position du Medef, c'est la solution du gouvernement", a-t-il déclaré. Le projet, aux yeux du PS, "ignore la pénibilité des métiers, les différences dans les espérances de vie, les temps de formation, la situation très inégalitaire des femmes".

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Mais c'est surtout sur le financement que les critiques fusent. "Faute de ressources, assure M. Hollande, les régimes de répartition seront progressivement affaiblis et vidés, ce qui laissera libre cours aux formules d'épargne individuelle et aux fonds de pension."

Pour autant, le rôle du PS, a-t-il expliqué, "n'est pas de refuser l'idée de réforme mais d'en proposer une autre". Du moins, dans les grandes lignes. Le premier secrétaire a mentionné l'emploi, car "dans un système de répartition, c'est la clé de tout". Il a évoqué une "négociation sur les temps de cotisation, en fonction de la pénibilité, des durées de formation, des revenus et des efforts contributifs qui doivent être harmonisés". Il a, enfin, souligné la nécessité de trouver de nouvelles recettes au prix de "l'effort de tous" : "des actifs comme des inactifs, des ménages comme des entreprises, des revenus du travail comme du capital". Sous les applaudissements, le député de Corrèze a alors cité "les cotisations sociales (...), une part de CSG et une ressource tirée de la richesse produite". "Ce n'est pas la réforme la moins courageuse", a-t-il conclu.

Isabelle Mandraud
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 21.05.03


LE MONDE | 21.05.03 | 13h30

Gênés par la démarche de Mme Voynet, les Verts cherchent à se rapprocher du PS sans être absorbés

L'ancienne ministre de l'environnement, toujours membre du parti écologiste, lancera, le 21 juin au Mans, un forum de la gauche auquel participeront plusieurs dirigeants du PS

L'après-congrès socialiste a commencé aussi pour les Verts. Sans enthousiasme et dans une relative confusion. En signe d'ouverture, à Dijon, le parti écologiste avait, pour une fois, dépêché une délégation de sept membres, dont le secrétaire national, Gilles Lemaire, et l'adjoint au maire de Paris, Yves Contassot. Mais l'apparent regain de vigueur du PS et l'union affichée avec le mouvement social ont pris de court un parti Vert mal remis de son congrès raté de janvier.

La nouvelle direction des Verts, qui peine à s'imposer dans le paysage de la gauche, est en attente de reconnaissance de la part de l'aîné socialiste mais ne veut pas se faire brusquer. Avant de se rendre à Dijon, M. Lemaire avait rappelé quelles limites il entendait imposer. Le 11 mai, il avait répondu vivement à l'"appel à la construction du parti commun de la gauche", lancé par le député socialiste Jean-Christophe Cambadélis. "Les Verts ont réaffirmé leur volonté d'être une formation politique indépendante", lui avait-il rétorqué sur Sud-Radio. En précisant : "C'est une position définitive."

A la veille du congrès du PS, le 15 mai, M. Lemaire avait renchéri devant le collège exécutif de son parti, prônant une "conduite à tenir", notamment devant la presse, si la question du "parti unique" revenait un peu trop fort, à Dijon. Il avait même préparé un texte rappelant que toute forme de "confédération" ou "toute forme précise de coordination" des partis de gauche était exclue. A la demande de ses proches, il ne l'a pas diffusé. L'épisode illustre l'attitude défensive avec laquelle les Verts ont abordé le congrès de leur ancien partenaire. En soufflant le chaud et le froid sur leurs "amis Verts" – selon la formule de François Hollande –, les socialistes ne leur ont pas facilité la tâche.

Samedi 17 mai, le secrétaire national chargé des relations extérieures, Daniel Vaillant, proposait la création "d'une délégation permanente des partis de gauche" et la préparation "d'accords électoraux" – le tout validé "par un référendum militant" au sein de chaque formation.

Pas de panique, nuançait, le lendemain, M. Hollande. "Evitons, tempérait-il, les spéculations à n'en plus finir sur les structures. Il n'y a pas besoin de se marier, parfois, pour vivre heureux. Concentrons-nous sur la démarche." Le premier secrétaire du PS soulignait : "C'est d'abord le projet, le contrat, l'engagement, et ensuite la stratégie électorale" ; avant de proposer, dans la foulée... "l'union, dès le premier tour, pour les élections régionales" de 2004.

Conscients de leur faiblesse, les Verts veulent se protéger d'un risque de mise en coupe réglée. La manière dont M. Hollande leur a rappelé, "en toute amitié", que le PS partageait "aussi" les valeurs de l'écologie n'a sans doute pas été pour les rassurer.

M. Contassot, porte-parole national des Verts et proche de M. Lemaire, a, du coup, essayé de reprendre l'initiative en proposant au PS – mais aussi au PCF – une déclaration commune sur les retraites. Ce texte, "que nous soumettrons cette semaine à François Hollande, a-t-il précisé, mardi 20 mai, lors du point de presse hebdomadaire des Verts, rappellera nos orientations et les principes auxquels nous sommes attachés". Quant aux "forums décentralisés de la gauche", prévus par le PS à l'automne, M. Contassot réclame qu'ils soient "coorganisés" par l'ensemble des participants.

Face au PS, la marge de manœuvre du parti écologiste apparaît donc étroite. Mais le coup le plus dur pourrait venir de l'intérieur. L'ancienne ministre de l'environnement, Dominique Voynet, toujours membre des Verts même si elle a nettement pris ses distances avec le parti, est à l'origine d'une sorte de "forum des gauches" dont le lancement aura lieu au Mans, le 21 juin, devant plusieurs centaines de responsables politiques, associatifs et syndicaux (Le Monde du 20 mai). "Il me semble que le congrès du PS a pris la mesure du travail qui reste à accomplir, à gauche, a déclaré au Monde, mardi 20 mai, Mme Voynet. Il s'est, en outre, gardé de toute surenchère protestataire et François Hollande, qui n'a pas cherché à réaliser à tout prix une synthèse artificielle, a plutôt, il me semble, les coudées franches." Son jugement sur son propre parti est plus sévère : "Quand on fait 5 % des voix, a-t-elle déclaré dans un entretien publié par Libération, mercredi 21 mai, il est normal de ne pas imposer son point de vue à la majorité et de rechercher le dialogue."

François Hollande, Martine Aubry, Bertrand Delanoë et Laurent Fabius l'ont assurée de leur présence au Mans. Patrick Braouezec (PCF) s'est lui aussi montré intéressé. Chez les Verts, l'ancien secrétaire d'Etat à l'économie solidaire, Guy Hascoët, est aux côtés de Mme Voynet mais celle-ci compte bien inviter officiellement, la semaine prochaine, son successeur, M. Lemaire.

Christine Garin
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 22.05.03


LE MONDE | 23.05.03 | 13h09
Patrick Braouezec : "A côté de la social-démocratie, il faut une force alternative"

Entretien avec Patrick Braouezec, député et maire (PCF) de Saint-Denis

Que pensez-vous de l'initiative de dominique voynet, qui souhaite réunir, le 21 juin au mans, l'ensemble des forces de gauche ?

Je ne veux pas recommencer comme en 1993. Après l'échec de la gauche, on ne peut pas repartir comme si rien ne s'était passé. Que la gauche revienne au pouvoir, ça ne m'intéresse pas si elle ne s'interroge pas sur le type de société qu'elle propose. Peut-être, à un moment donné, faudra-t-il que convergent tous ceux qui se réclament de la gauche. Mais pour le moment, je préfère privilégier le contact et le travail avec les mouvements sociaux, les syndicats. C'est à eux de réveiller la gauche. Ce n'est ni à Dominique Voynet, ni à François Hollande, ni à moi-même !
Le forum du 21 juin, c'est encore une démarche d'appareils, pas une démarche qui s'appuie sur ceux qui ont le plus envie du changement. Un "manifeste pour réveiller la gauche"à l'initiative des partis politiques, c'est quand même très paradoxal ! Ce sont eux qui se sont endormis.

Le congrès du PS n'a-t-il pas tiré les leçons du 21 avril ?

Non. Le mouvement social actuel le prouve : la gauche a fait l'impasse sur les raisons profondes de son échec. Elle a mis de côté les couches populaires, les salariés les plus divers, et elle n'a pas réussi à les associer à une perspective de transformation. Je ne vois guère de différence entre les propos de Jean-Pierre Raffarin - "Ce n'est pas la rue qui gouverne" - et ceux de Lionel Jospin en janvier 1998 -"les gens peuvent défiler, moi j'ai la légitimité des urnes". Il y a là la même négation de ceux qui font que cette société tient, ceux qui sont, au quotidien, auprès des mômes, avec les jeunes. Je peux le comprendre d'un gouvernement de droite, mais j'ai du mal à l'accepter d'un PS qui se dit porteur de transformation.
C'est de cela qu'il va falloir discuter. Par ailleurs, je ne suis pas totalement naïf. Ces initiatives ne sont-elles pas une manière déguisée de nous amener au grand parti de la gauche ? Le bipolarisme est la pire des choses qui pourrait nous arriver aujourd'hui.

La proximité des élections de 2004 ne va-t-elle pas accélérer les recompositions ?

Nous devons bâtir un réseau, un mouvement, autour d'un contenu alternatif qui pourra trouver une traduction dès les prochaines élections régionales et européennes. Mais l'échéance peut être aussi à plus long terme, et c'est vrai, 2004 c'est très bientôt. Cela dit, il y a des gens, y compris au PS, qui s'interrogent, notamment à Nouveau Monde -le courant d'Henri Emmanuelli et de Jean-Luc Mélenchon-. Il faut, à côté d'une social-démocratie qui est ce qu'elle est, une force alternative - révolutionnaire dans le sens où l'on a besoin de ruptures de société -, qui compte et qui pèse.

Qui pourrait composer cette force ?

Les refondateurs, plus généralement les communistes, peut-être, aussi des gens qui sont aujourd'hui à la LCR et qui se disent : "C'est bien gentil d'être toujours dans la résistance, dans le combat contre, mais on serait plus utile en construisant une véritable alternative politique". Certains Verts peuvent être intéressés. Les contacts que j'ai eus avec Gilles Lemaire montrent qu'il est plus attentif à cette façon de voir les choses que ne l'est Dominique Voynet.

On parle justement d'une initiative commune, courant juin, réunissant Gilles Lemaire pour les Verts, les refondateurs et les Alternatifs. En êtes-vous ?

J'en suis.

Cela prendra quelle forme ?

 Un appel ou plutôt un texte fondateur. Je ne peux pas me satisfaire d'une situation où il y a, d'un côté, une social-démocratie, quand même inscrite dans le social-libéralisme, et de l'autre, une extrême gauche qui refuse de mettre les mains dans le cambouis.

Propos recueillis par Christine Garin et Caroline Monnot
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 24.05.03