LE MONDE | 19.05.03 | 13h22
MIS A JOUR LE 19.05.03 | 16h42
M. Hollande réclame le retrait des projets Fillon et Ferry
Prononçant la clôture du congrès de Dijon, dont il sort renforcé, le premier secrétaire du PS a annoncé "le retour des socialistes" et leur engagement sur le front social. Laurent Fabius a évoqué un référendum sur les retraites.
Dijon de nos envoyées spéciales
"Bella ciao " à la sono et drapeaux rouges frappés de la rose et du poing dans les tribunes. François Hollande vient de clôturer le congrès du PS à Dijon et d'annoncer le "retour des socialistes", dans un discours aux accents très mobilisateurs. Il est 13 heures, dimanche 18 mai, et la salle se vide dans un joyeux brouhaha. Les journalistes du Corriere della Serra n'arrivent pas à décoller de leurs chaises, "choqués", disent-ils, d'entendre l'hymne des partisans italiens. "C'est une allusion à une boîte de nuit à Calvi", plaisante Henri Emmanuelli, cofondateur de Nouveau Monde. Pourquoi "Bella Ciao" ? "C'est entraînant", dira simplement le premier secrétaire du PS, quelques minutes plus tard, dans le train qui le ramène à Paris. C'est, en tous cas, très "tendance": les Motivé-e-s français en avaient fait une reprise conquérante dans un disque édité pour la LCR, en 1997.
Cette touche musicale résume la tonalité de la grand-messe socialiste, marquée par le mouvement social et l'entrée triomphale, samedi, du secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. "C'est la lutte finale !", entonnent alors les militants du Pas-de-Calais, qui ont voté en masse pour le courant majoritaire de M. Hollande, où cohabitent Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn, les anciens chefs de file de la Gauche socialiste, Marie-Noëlle Lienemann et Julien Dray, ou encore Martine Aubry.
Le social, rien que le social. Faute de synthèse entre les partisans du premier secrétaire et ses opposants du Nouveau Parti socialiste, de Nouveau Monde et de la "motion des militants" du premier fédéral du Nord, Marc Dolez, les ténors du PS ont ciblé leur discours sur les retraites, l'emploi et l'éducation. Leur plus petit dénominateur commun.
Porté par l'ambiance très "mouvement social" de la salle, M. Hollande a attaqué la droite. Quelques jours après les manifestations qui ont fait descendre dans la rue plus d'un million de personnes, il s'est félicité de ce que l'ensemble des délégués du congrès aient adopté, à l'unanimité moins une voix, une résolution commune. Ces quelques lignes, calquées sur le modèle d'un communiqué du bureau national, manifestent l'"entier soutien aux mouvements sociaux en cours", exigent le "retrait des mesures Ferry" et du "projet Raffarin-Fillon sur les retraites". Sous les applaudissements, M. Hollande a assuré que les socialistes seraient "très nombreux" à la manifestation nationale du 25 mai, à Paris. Comme les autres, Jack Lang approuve chaleureusement. L'ancien ministre de l'éducation nationale a profité du congrès pour faire un petit tour à l'université de Dijon et pronostique un "Devaquet-bis" - allusion aux grandes manifestations qui, en 1986, avaient contraint le ministre délégué à l'enseignement supérieur à retirer son projet. "Je n'ai pas allumé la mèche, elle l'est déjà", dit M. Lang, en se défendant d'avoir joué les agitateurs.
Son ami Laurent Fabius est au diapason. L'ancien premier ministre a surpris l'auditoire par sa véhémence. Samedi, il a tapé du poing sur la tribune et dénoncé, à s'en casser la voix, le "projet scandaleux" du gouvernement sur les retraites. "Nous ne devons pas nous interdire de demander un référendum", a-t-il lancé en saluant les organisations syndicales, du moins "celles qui jusqu'au bout ont été fidèles au mandat unitaire qu'elles avaient pris ensemble". Il a opposé les deux Ferry : Jules, "le fondateur", et Luc, "le fossoyeur", s'attirant une véritable ovation et convoquant aussitôt après une conférence de presse. A l'applaudimètre, c'est vrai, il a fait jeu égal avec... Jean-Luc Mélenchon.
Le cofondateur du courant Nouveau Monde s'est attiré un vif succès en appelant le PS à faire "synthèse avec la rue". Une harangue-revanche, après le vote des militants qui ont sanctionné l'aile gauche du PS. "Notre objectif de faire bouger le curseur est atteint", s'est félicité dans les travées le député des Landes, Alain Vidalies. "C'est sympa, la salle applaudit tout et son contraire", commente Ségolène Royal, à l'heure du pot avec les associations et les syndicats. "C'est un bon public !", résume Daniel Vaillant.
La compétition à la tribune entre les ténors s'est poursuivie toute la journée de samedi. Malheureux, Jean-Christophe Cambadélis, proche de Dominique Strauss-Kahn, a dû s'interrompre à l'arrivée de Bernard Thibault. "C'est le grand paradoxe de ce congrès, déplore-t-il en regagnant sa place. C'est au moment où nous prenons le tournant réformiste que la CGT est acclamée." Son mentor, DSK, n'a pas trouvé le ton pour enthousiasmer les congressistes. Pas plus qu'Arnaud Montebourg, chef de file du NPS, dont c'était le premier discours de congrès. De l'avis même de ses proches, le député de Saône-et-Loire s'en est tenu au contenu de sa motion. "Marre de faire l'amuseur", justifie-t-il quelques minutes plus tard.
Bertrand Delanoë, Martine Aubry et Jean Glavany insistent tous trois sur l'"unité". Et tout le monde applaudit aux résultats définitifs du vote des militants, communiqués au micro : 61,37 % pour la motion Hollande ; 1,05 % pour Utopia ; 16,88 % pour NPS ; 4,38 % pour Marc Dolez et 16,33 % pour Nouveau Monde.
Assis au premier rang à côté de M. Hollande, Malek Boutih, nouvelle figure de proue du PS, explique son entrée à la direction du parti. "On n'est pas potes à mort, dit-il en désignant le patron du PS, mais c'est quelqu'un qui trace son chemin et qui n'étouffe pas tout le monde." Il assure qu'il a sa carte du PS "depuis 1986"mais qu'il se tenait jusqu'ici "en réserve". Très sérieusement, il confie avoir prévenu Jacques Chirac, la veille, par téléphone. "Il m'a souhaité bon vent", dit l'ex-président de SOS-Racisme. Pendant ce temps, l'UNEF distribue un tract dénonçant la "récupération" du syndicat étudiant, après la nomination de Cybeh N'Dyaye au conseil national.
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