Le Monde - Politique -
Congrès du PS à Dijon, mai 2003, avant


– S O M M A I R E –

Cinq motions, 129 500 militants et un PS à refonder
Dans cinq sections parisiennes, les militants socialistes affluent pour voter
Forte mobilisation des militants pour le vote des motions au PS
PS  : M. Montebourg assure que la majorité de M. Hollande n'est "pas menacée"
M. Hollande a lancé dans le Nord un dernier appel aux militants socialistes
Succès acquis pour François Hollande
François Hollande majoritaire dans un parti socialiste divisé
Les militants aux urnes : de Lille à Marseille, voyage dans les sections PS
Les opposants cherchent à s'unir pour conquérir une vingtaine de fédérations
Le succès de la motion Hollande ne clôt pas les discussions avant le congrès socialiste de Dijon
Entretien avec Vincent Peillon, cofondateur de NPS
M. Hollande ne juge pas indispensable de parvenir à une synthèse avec ses opposants au congrès
Dans le Nord, Marc Dolez veut aller "jusqu'au bout

– Congrès 2003 du PS, les autres séries –
Pendant le congrès
Après le congrès
Autour du congrès



Cinq motions, 129 500 militants et un PS à refonder

LE MONDE | 28.04.03 | 13h38
MIS A JOUR LE 28.04.03 | 16h08

A trois semaines du congrès de Dijon, le vote des adhérents s'ouvrait, lundi 28 avril, dans une quinzaine de fédérations socialistes. Quatre textes sont en concurrence avec celui de François Hollande. Les opposants pourraient, au total, recueillir plus de 40 % des suffrages.

La scène a souvent été rejouée. Dans chacune des réunions publiques d'avant-congrès, il s'est trouvé, jusqu'au bout, des militants socialistes pour exprimer leurs doutes. A Nice, le 20 avril, Maurice, adhérent depuis "17 ans" au PS, à Saint-Laurent-du-Var, confiait vouloir un parti qui fasse "peau neuve, sinon on ne s'en sortira pas". Il penche alors pour Montebourg. Mais "si on élimine trop de gens, ce sont les bibliothèques qui s'en vont", nuançait-il. Il n'exclut pas Hollande, donc. Trois jours plus tard, à Nantes, c'est un ancien adhérent, revenu après le 21 avril 2002, salarié des Télécoms, qui écoutait les débats sans en tirer de conclusions. "J'hésite entre Nouveau Parti socialiste et Nouveau Monde", indiquait Cyrill, 46 ans.

Un an après la défaite du candidat socialiste au premier tour de l'élection présidentielle, les militants, encore mal remis de leur échec, vont devoir choisir, pour les trois années à venir, une ligne politique. Le dernier congrès des partis de l'ex-gauche plurielle à se réunir, à Dijon, du 16 au 18 mai, est en effet précédé d'un vaste scrutin interne. Dès lundi 28 avril au soir, le vote commençait dans une quinzaine de fédérations. L'offre est contenue dans cinq motions. Le premier secrétaire, François Hollande, soutenu par 99 % des ministres de Lionel Jospin, et une large majorité d'élus, propose "un grand parti socialiste".

MÊMES OBJECTIFS

Premiers de ses concurrents à s'être déclarés à Argelès-sur-Mer, en septembre 2002, le tandem Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon milite pour "Un nouveau monde". Quinze jours plus tard, le 9 octobre, un autre courant, baptisé Nouveau Parti socialiste (NPS), se formait autour d'Arnaud Montebourg et Vincent Peillon. Le groupe Utopia présente "Un nouveau modèle de société". Puis, le premier secrétaire fédéral du Nord, Marc Dolez, a franchi le pas avec sa "motion des militants".

Tous les textes livrent leurs analyses du 21 avril 2002 et affichent les mêmes objectifs : combattre la droite, atténuer les effets de la mondialisation, faire du PS un "parti fort", un "pilier de la gauche" avec des "pratiques renouvelées". A l'exception d'Utopia, qui a pris position sur le créneau particulier de la place du travail dans la société, beaucoup partagent les mêmes recettes, de la création d'une sécurité sociale professionnelle à la poursuite, corrigée, de la réduction du temps de travail. Au sujet des retraites, alors que la contestation du projet Fillon va éclore en plein milieu du congrès socialiste, les failles existent. Mais, surtout, de profondes divergences sont nées sur des chapitres cruciaux comme l'Europe ou la réforme des institutions françaises.

Si tous les courants s'affichent en effet partisans d'une Europe fédérale, Nouveau Monde, NPS et la motion Dolez mettent désormais des préalables démocratiques et sociaux à l'élargissement. Ensemble, ils revendiquent l'organisation d'un référendum sur la question, alors que la motion Hollande considère impossible de revenir sur quelque chose de "déjà fait". L'autre grand point d'achoppement concerne la disparition, revendiquée par les trois principaux concurrents de la majorité actuelle, d'une Ve République au profit d'une VIe, fondée sur la primauté parlementaire.

Et puis il y a la "rénovation" du parti. Sur ce point aussi, M. Hollande doit se battre dos au mur contre ses adversaires. Pour ces derniers, il ne saurait être question de "prendre les mêmes et de recommencer". Ce thème, plutôt en vogue parmi les militants, constitue d'ailleurs l'essentiel du fonds de commerce de la motion Dolez. "On ne pourra pas réussir par un congrès de simple reconduction", a estimé M. Montebourg, lors d'une réunion NPS, vendredi, dans la Somme. "Il n'y a encore que la direction du PS (...) sorte d'autruche ayant enfoui la tête sous le sable encore brûlant de la défaite (...) pour croire qu'il ne s'est rien passé le 21 avril", a ajouté le député de Saône-et-Loire.

Face à cette offensive, qui a pris les allures d'une vraie campagne électorale interne, les partisans de la majorité sortante ont manifesté leur inquiétude en brandissant l'argument du "vote utile" et les risques d'un "émiettement". Ils ont aussi multiplié les appels à la mobilisation, par crainte d'une abstension dont ils pensent qu'elle leur serait défavorable - à une réserve près : nul ne sait pour qui prendront parti les quelque 20 000 nouveaux adhérents de l'après-21 avril 2002. Menacé par l'émergence d'une opposition qui pourrait recueillir plus de 40 % des suffrages, un niveau inédit au PS, M. Hollande a appelé, lundi, les militants à donner "une majorité au PS". "S'il n'y a pas de majorité, ce seront des conciliabules, des compromis, des arrangements de coulisse", a-t-il déclaré sur France 2.

La motion arrivée en tête est censée tenter d'opérer une "synthèse" avec les autres au congrès. Mais, visiblement, le premier secrétaire du PS souhaiterait ne pas en passer par cette étape. Pour M. Mélenchon, qui l'a redit au cours d'une réunion dans l'Essonne le 24 avril, une "seconde synthèse" est possible, pour faire émerger une majorité alternative. Prudents, les chefs de file de NPS préfèrent entretenir le suspense, en attendant de mesurer le rapport de forces, pour se prononcer. Il existe, en effet, un second tour : celui qui, le 22 mai, permettra d'élire le premier secrétaire du PS. A ce jour, M. Hollande reste le seul candidat déclaré.


Du vote sur les textes à l'élection du premier secrétaire

Vote des militants (28 avril-6 mai). Dans chaque section, les adhérents à jour de cotisation au 31 décembre 2002 sont appelés à voter pour l'une des cinq motions. Ils se prononcent aussi sur le rapport d'activité politique et financier du PS, sur celui de leur fédération et sur les modifications statutaires.

Congrès fédéraux (7-10 mai). Les délégués des sections, réunis en assemblées de motions, procèdent au classement de leurs candidats aux organismes fédéraux. Ils désignent leurs délégués au congrès national.

Les congrès fédéraux élisent les deux tiers des membres du conseil fédéral. Le tiers restant, composé des représentants des sections, élus par le collège des secrétaires de section, sera désigné le lundi 26 mai. Les candidats au poste de premier secrétaire fédéral se présentent.

Congrès national (16-18 mai). La motion arrivée en tête sert de base de discussion. Proportionnellement aux résultats des motions, les délégués désignent les 204 membres élus du conseil national. Election du premier secrétaire (22 mai). Dans toutes les sections, les adhérents élisent le premier secrétaire, les premiers "fédéraux" et les secrétaires de section. Les 102 premiers secrétaires fédéraux sont membres du conseil national.

Isabelle Mandraud
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 29.04.03


LE MONDE | 29.04.03 | 13h30

Dans cinq sections parisiennes, les militants socialistes affluent pour voter

Sur les trottoirs , dans les cafés alentour, les militants des premières sections parisiennes du PS appelées à voter, lundi 28 avril, pour le congrès de Dijon, ont créé d'étranges attroupements. Téléphones portables collés à l'oreille, les chefs locaux des motions en concurrence battent le rappel pour exhorter leurs partisans à se déplacer.

Dans le petit local de la rue du Cambodge, dans le 20e arrondissement, le parcours de l'électeur a été balisé. Au fond de la salle, une urne transparente trône sur une planche à tréteaux. Deux isoloirs ont été installés dans un recoin. A côté, une table accueille les entrants, vérifie leur inscription sur la liste validée par la fédération et délivre un petit ticket vert, le laissez-passer pour voter. L'atmosphère est un peu fébrile. "Il y en a sept de chez nous qui ne sont pas sur les listes. Comment on va les péter, les plombs !", s'émeut Katia, membre du courant Nouveau Parti socialiste (NPS). Dans cette section, où la victoire de la motion Hollande ne fait guère de doute, David Assouline, l'un des adjoints de Bertrand Delanoë et chef de file du NPS à Paris, est tendu. "Il joue sa peau sur cette affaire. Il a fait venir deux fois Montebourg dans la section. Il a intérêt à faire un score", commente, amusé, Frédérick, animateur de Nouveau Monde. Envoyé en "casque bleu", le représentant de la fédération est sans cesse sollicité. Par NPS. Par Nouveau Monde. Par les amis de Michel Charzat, le maire du 20e et partisan de la motion Hollande, en rivalité avec ceux de François Kalfon, secrétaire de section et également soutien de la motion Hollande. "Ici, c'est un peu compliqué", soupire, philosophe, une élue. A 22 heures, une longue file de votants s'étend encore dehors. A minuit, le scrutin est dépouillé, sans trop de drames : 315 personnes sur les 490 inscrites se sont déplacées. Douze voient cependant leur vote réservé en attente de validation. La motion Hollande a réuni 57,7 % des suffrages ; NPS, 21,4 % ; Nouveau Monde, 19,1 %, et Utopia 0,8 %.

"COMMENT ÇA MARCHE ?"

Dans la section François-Mitterrand du 15e arrondissement, le match oppose les partisans de la motion Hollande et ceux de Nouveau Monde. A 20 h 20, plus de la moitié des adhérents a déjà suivi le parcours : contrôle à l'entrée, bref passage par l'isoloir bricolé au fond du local, et remise du bulletin dans une urne en carton. "Comment ça marche ?", s'enquièrent les militants de l'après-21 avril. Le trésorier fait le plein de chèques. "Tu n'es pas à jour. Combien tu peux donner ? 100 euros ? Ça va te faire cher. Tu peux écrêter." Censés être à jour de cotisations au 31 décembre 2002, beaucoup règlent en fait leur dû sur place. On leur demande aussi "une carte, une pièce d'identité, n'importe quoi". Anne Hidalgo, première adjointe du maire de Paris, a contesté l'inscription de 43 nouveaux adhérents. Finalement, 22 ont été répertoriés sur une liste à part et devront voter, "sous double enveloppe", dans une urne à part. Le délégué national du groupe Utopia, Michel Mazars, qui ne récoltera que sa propre voix, s'agace : "Nouveau Monde a bourré les urnes." A 21 h 35, le ton monte. Cette fois, c'est un couple, partisan de Mme Hidalgo, qui se voit refuser le vote. Le représentant dépêché par la fédération appelle sur son portable. "Non, non, non, dit-il, je ne peux rien faire, j'ai vérifié, je n'ai aucune trace écrite de leur inscription." Autre problème, une sociologue produit une attestation provisoire indiquant qu'elle s'est inscrite directement au siège du PS, rue de Solferino. Son enveloppe atterrit, elle aussi, dans la seconde urne, rejoignant, in fine, 13 "bulletins réservés" sur 142 votants. Goguenards, deux représentants de NPS, qui se distinguent par une rose rouge accrochée à leur boutonnière, commentent : "C'est un référendum sur Hidalgo !" L'ambiance se fige au dépouillement. Nouveau Monde récolte 47,6 % des voix, la motion Hollande 42,9 %, NPS 7 %, Dolez et Utopia chacune 0,7 %. "Il n'y a pas de majorité ce soir, se réjouit Mme Hidalgo, je n'ai pas perdu !" Ce n'est pas l'avis du secrétaire de section, Gaspard-Hubert Lonsi Koko, un ancien fabiusien, qui compte bien voir se creuser la différence avec les bulletins réservés. A la fin du vote de toutes les sections, ces derniers feront l'objet d'un "troc". La seconde urne, scellée à la cire, part à la fédération de Paris. M. Lonsi Koko, lui, a gardé la clef.

Dans les trois autres sections parisiennes qui votaient lundi, le 12e a été gagné par la motion Hollande, la section Javel-Grenelle du 15e par Nouveau Monde et la section culture par NPS.

Isabelle Mandraud et Caroline Monnot
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 30.04.03


LE MONDE | 30.04.03 | 13h29

Forte mobilisation des militants pour le vote des motions au PS

Selon les premières estimations, cette tendance profiterait à M. Hollande

Les premiers résultats, partiels, du vote des militants socialistes appelés à choisir entre cinq motions pour le congrès de Dijon, témoignent d'une mobilisation plus élevée que prévu. Au deuxième jour du scrutin, sur quelque 18 000 votants, soit 14 % environ des effectifs du PS, le taux de participation atteindrait près de 70 %, selon François Rebsamen, responsable des fédérations et partisan de la motion Hollande. Ce taux, s'il devait se confirmer, ajoute-t-il, constituerait un "record historique". Pour François Hollande, cela constitue une "fierté collective".

Cette tendance profite au premier secrétaire du parti. Dans l'Yonne et la Haute-Loire, où toutes les sections ont voté, la motion de François Hollande, arrive en tête avec près de 70 % des suffrages dans le premier cas et 52,2 % dans le second, selon le décompte de la direction. Dans la "fédé" de l'Essonne, fief de l'ex-Gauche socialiste (GS), qui votait en "bloc" mardi soir 29 avril, la motion Hollande recueille 46,9 % des voix contre 33,4 % pour Nouveau Monde d'Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon, 16,9 % pour Nouveau parti socialiste (NPS), 2,4 % pour la motion Dolez et 0,5 % pour Utopia. Ici, une lutte fratricide opposait les cofondateurs de la Gauche socialiste, Julien Dray, aujourd'hui rallié à la majorité sortante, et Jean-Luc Mélenchon.

LA BATAILLE N'EST PAS FINIE

Or, si ce dernier a fait le plein de voix dans sa section de Massy (85,7 % des suffrages), la motion Hollande a réalisé son meilleur score dans la circonscription de M. Dray. Celle-ci arrive aussi en tête à Evry, dans le secteur de Manuel Valls, ancien conseiller de Lionel Jospin. NPS a pour sa part fait le plein à Ris-Orangis, dont le représentant, Thierry Mandon, est le maire. Mais la bataille n'est pas tout à fait finie : un contentieux porte encore sur le sort de 130 voix litigieuses à Grigny, sur les terres de M. Dray et dans la section d'Epinay-sous-Sénart, qui devra être tranché plus tard. Et il n'est pas exclu que les opposants fassent alliance. Là aussi, le taux de participation a atteint 73 %.

Ailleurs, les résultats sont encore disparates. A Lens (900 adhérents), dans le Pas-de-Calais, première fédération du PS, un tiers des votants seulement se sont déplacés malgré l'ouverture du bureau de vote toute la journée. La motion Hollande a récolté 220 voix, celle du premier secrétaire du Nord, Marc Dolez, 32. Très attendu dans la région, le score de ce dernier apparaît très faible partout ailleurs. Cela prouverait que le choix s'est focalisé sur les trois principales motions. Or, localement, les scores de NPS et Nouveau Monde se contredisent parfois, ce qui rend difficile la bascule de certaines fédérations dans l'opposition. "Le Vaucluse, par exemple, ne sera pas perdu, c'est une bonne surprise", se réjouit M. Rebsamen. Réservés, Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, chefs de file de NPS reconnaissent que "la majorité résiste" mais estiment que leur motion est en passe de "réaliser l'émergence du seul courant neuf". Tous deux en appellent à "un dernier coup de main" des militants. La deuxième vague des votes, notamment dans les grosses fédérations, est prévue les 5 et 6 mai.

Clarisse Fabre et Isabelle Mandraud
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 02.05.03


LE MONDE | 02.05.03 | 13h11

PS  : M. Montebourg assure que la majorité de M. Hollande n'est "pas menacée"

Changement de ton - et de tactique. Alors que les premiers résultats du vote des militants, appelés à choisir entre cinq motions concurrentes pour le congrès du PS, qui se tiendra à Dijon du 16 au 18 mai, donnent l'avantage à François Hollande, Arnaud Montebourg estime désormais que la majorité sortante "n'est pas du tout menacée". Invité de France Inter, mercredi 30 avril, le cofondateur du courant Nouveau parti socialiste (NPS) a pris acte de cette "tendance" en affirmant n'avoir "jamais considéré - et cela n'était pas notre objectif - qu'un renversement" du premier secrétaire "pouvait être à l'ordre du jour".

"Nous n'avons jamais dit que nous pouvions être capables, seuls, de remettre en question 99 % des anciens ministres rassemblés autour de François Hollande", a ajouté le député de Saône-et-Loire. A travers ce discours aux accents défaitistes, le responsable de NPS tente d'inverser la vapeur.

DU POIDS AUX OPPOSANTS

Principale cible des déclarations alarmistes des partisans de M. Hollande, appelant à la mobilisation pour éviter un "nouveau 21 avril dans le parti", M. Montebourg suggère désormais une alternative : puisque la majorité actuelle, regroupée autour de M. Hollande, n'est "pas menacée", les militants peuvent encore choisir de donner du poids à l'opposition. Dans son esprit, il reste donc un espoir : la plupart des adhérents du PS, notamment dans les grosses fédérations, doivent voter les 5 et 6 mai. Pour l'heure, seuls 20 % des effectifs du PS se sont exprimés.

"Nous savons que le parti a une majorité ; maintenant, la question est de savoir si la rénovation que nous portons sera puissante", a lancé M. Montebourg. La veille déjà, avec Vincent Peillon, il avait appelé les militants à donner "un dernier coup de main"à NPS (Le Mondedu 2 mai). Sur Europe 1, vendredi matin, Julien Dray, qui avait participé au lancement de NPS avant de rallier la motion Hollande, a aussitôt contré cette tactique en affirmant que le choix des militants n'était pas le fruit "d'un vote de la peur". "C'est mon rôle de bien expliquer que les militants qui ont voté pour François Hollande n'ont pas voté pour le conservatisme mais pour le changement", a-t-il déclaré, moquant les dirigeants de NPS qui ont, selon lui, échoué "dans leur révolution de palais".

Le "message des militants, ce n'est pas : "Vive le social-libéralisme"", a ajouté le député de l'Essonne, allusion à la présence de Laurent Fabius et de Dominique Strauss-Kahn parmi les soutiens de M. Hollande. "Une nouvelle équipe est en train de s'affirmer", a-t-il assuré.

Au même moment, le premier fédéral du Nord, Marc Dolez, chef de file d'une autre motion, déplorait, sur LCI, que le congrès ne soit pas l'occasion "d'exercer l'indispensable droit d'inventaire" des années Jospin. "La rénovation du parti est primordiale", a-t-il insisté, dénonçant "ceux qui défendent leur pré carré".

Isabelle Mandraud
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 03.05.03


LE MONDE | 05.05.03 | 13h32

M. Hollande a lancé dans le Nord un dernier appel aux militants socialistes

Sur les terres de Marc Dolez, qui présente sa propre motion, le premier secrétaire a promis une large rénovation du parti après le congrès.

Lille, dunkerque correspondance

C'est à Hellemmes, près de Lille, que François Hollande a tenu sa dernière réunion publique, samedi 3 mai, avant la dernière vague du vote des adhérents socialistes, lundi et mardi. Les sections les plus importantes du PS ont jusqu'à mardi soir pour choisir entre les cinq motions en lice avant le congrès de Dijon, qui s'ouvrira le 16 mai. Devant les militants de ce fief socialiste, comme devant ceux de Petite-Synthe, qu'il avait rencontrés dans l'après-midi, le premier secrétaire s'est voulu modeste face aux pronostics qui l'annoncent majoritaire (Le Monde du 2 mai) et a réclamé un vote massif.

"J'entends des chiffres et je ne m'en plains pas, a-t-il dit. Mais ils ne reposent que sur une minorité de votants. Ce qui compte, c'est le vote. Je suis venu pour préparer un résultat que je veux connaître, pas pour commenter un résultat que je ne connais pas." M. Hollande ne craint plus l'abstention. Mais il sait que des prévisions favorables peuvent avoir un effet pervers. Une bonne part des militants, certains de se retrouver derrière lui après le congrès, pourrait être tentée de voter pour l'une des motions concurrentes.

LA COLÈRE DE PIERRE MAUROY

Ce dernier détour par le Nord ne doit donc rien au hasard. Deuxième fédération par le nombre de militants, la "fédé" connaît une situation particulière depuis que son premier secrétaire, Marc Dolez, a présenté sa propre motion en réclamant la rénovation du parti. Les premières sections nordistes qui ont voté lui ont apporté 46 % de leurs voix, contre 30 % à la motion Hollande.

Au siège de la fédération, Pierre Mauroy a laissé éclater sa colère. Retournant ses propres termes contre M. Dolez, il a tonné : "Il faudra qu'on dresse l'inventaire ; pourquoi Marc Dolez n'a-t-il pas voulu venir sur la motion A -Hollande- ? Voilà quelqu'un qui a cherché la division et qui réussit dans un beau quartier, celui du Nord ! Nous espérons qu'il fera son mea-culpa sur la façon dont il a égaré les militants."

La maire de Lille, Martine Aubry, a certes tenté de tempérer ces propos. "Je suis persuadée que tous les militants sont sur la même ligne, a-t-elle dit. On fait croire que nos problèmes internes sont plus importants que ceux du pays." En écho, M. Hollande s'est engagé pour le lendemain du congrès : "Nous irons le plus loin possible dans la rénovation et le renouvellement des équipes sans écarter qui que ce soit."De Dunkerque à Hellemmes, il en a appelé à la responsabilité des militants. "Nous ne sommes pas comptables de notre seul avenir, a-t-il martelé. Ce qui va se jouer, à travers le congrès du PS, c'est le sort de toute la gauche. Vous êtes dépositaires de la recomposition de la gauche tout entière."

Le premier secrétaire a, quant à lui, entendu les appels des autres, pour impliquer syndicats et associations dans les actions du PS. Pour autant, en dépit de l'ovation qui a suivi son intervention, tous n'ont pas été convaincus par un discours parfois jugé trop "soft". De son côté, M. Dolez se dit blessé par les propos de M. Mauroy. Surtout, il s'inscrit en faux contre les affirmations de M. Hollande, qui minimise les différences entre leurs textes. "Ma motion fait de la rénovation un préalable", souligne-t-il. Une réconciliation d'après-congrès est-elle possible ? "Une motion, c'est un acte, menace M. Hollande. Il ne faut pas sous estimer les actes que l'on a commis. Ce serait trop facile."

Philippe Allienne
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 06.05.03


LEMONDE.FR | 07.05.03 | 08h25
MIS A JOUR LE 07.05.03 | 08h58

Succès acquis pour François Hollande

Le premier secrétaire du PS, François Hollande, est arrivé largement en tête des votes des militants pour le congrès de Dijon des 16-18 mai, avec une majorité de 62 %.

Selon ces résultats, pas encore définitifs, communiqués dans la nuit de mardi à mercredi par le secrétaire national aux fédérations François Rebsamen, la motion défendue par M. Hollande devancerait celle du courant Nouveau Monde d'Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon (16,59 %), talonnée par celle du Nouveau PS de Vincent Peillon et Arnaud Montebourg (16,26 %), loin devant le patron de la fédération du Nord, Marc Dolez (4,12 %), et le petit groupe Utopia (1,04 %). Le vote des militants permettrait donc au secrétaire du Parti socialiste de gouverner seul.

Ces résultats, portant sur plus de 83 000 votants, ne prennent pas en compte tous les votes qui se sont déroulés jusqu'à mardi soir, a précisé M. Rebsamen, qui a indiqué par exemple que les suffrages venant de l'outre-mer n'étaient pas encore comptabilisés.

François Hollande et François Rebsamen devaient rendre publics, mercredi matin, des résultats "quasi définitifs". M. Rebsamen, maire de Dijon et proche de François Hollande, a déclaré que les partisans du premier secrétaire sortant, réunis au siège du PS à Paris, "ont sablé le champagne" pour fêter "un beau succès de la motion et aussi du PS à travers la mobilisation et la volonté des militants de rendre ce congrès utile". M. Rebsamen s'attendait que la participation de 64 %, selon les résultats partiels, grimpe encore.

"CLARTÉ, COHÉRENCE ET FORCE"

Avec 62 % des voix, la motion Hollande n'atteint pas le score du dernier congrès de 2000 (72 %) mais garde une majorité confortable face à ses concurrents. Cela devrait permettre à François Hollande d'aborder le congrès en position de force et d'envisager une réélection sans problème au poste de premier secrétaire.

Du côté des opposants, un dirigeant du Nouveau PS, Benoît Hamon, a affiché la "satisfaction" de ce nouveau courant "parti de rien". M. Hamon s'est félicité notamment que "le débat du congrès (se soit) organisé autour des thèmes portés par le NPS", l'Europe et la démocratie notamment. Il a souhaité que la majorité démontre son "esprit d'ouverture" et ne cherche pas à "imposer aux minorités l'orientation majoritaire". "François Hollande sera le premier secrétaire de tous les socialistes, mais le chef d'un clan qui pèse seulement 60 % du parti", a-t-il jugé.

Michel Mazars, porte-parole d'Utopia, a reconnu que François Hollande sortait "conforté" de ce vote, estimant qu'"il lui appartient de dire dans quelle mesure il laissera une place aux différentes sensibilités".

Marc Dolez, patron de la fédération du Nord, a indiqué pour sa part que sa motion était "au coude-à-coude" avec celle de François Hollande dans ce département, avec 40 % des voix chacune. Il a déclaré qu'il était candidat à sa succession à la tête de la deuxième fédération de France.

Le premier secrétaire du PS a déclaré, mercredi, que les militants socialistes avaient fait "un vote exigeant, un vote pour renouveler, rénover et avancer". Sur RTL, François Hollande s'est félicité de "la participation" à ce scrutin interne. "Près de 70 % des militants, peut-être davantage, ont voté à ce scrutin. C'est du jamais vu dans aucune formation politique. Cela prouve que le PS veut à la fois de la clarté, de la cohérence, et de la force", a-t-il dit.

Avec AFP


LE MONDE | 07.05.03 | 13h05
MIS A JOUR LE 07.05.03 | 15h52

François Hollande majoritaire dans un parti socialiste divisé

Le vote des militants du parti scialiste s'est achevé mardi 6 mai. Selon les résultats, provisoires, communiqués par les partisans de François Hollande la motion défendue par le premier secrétaire du PS et l'ensemble de la direction du parti, a recueilli 62% des suffrages. Elle devance les motions Emmanuelli-Mélenchon (près de 17%), Montebourg-Peillon (16,7%), Dolez (moins de 5%) et Utopia (1,28%).
Infographie : Les scores des cinq motions par departement

Le scrutin est clos. Les derniers militants, qui avaient le choix entre cinq motions différentes, ont déposé leur bulletin mardi 6 mai. A l'issue d'un vote étalé sur quinze jours dans quelque 3500 sections socialistes, ils ont confirmé la tendance enregistrée ces dernières heures : le texte défendu par François Hollande est nettement majoritaire.

Selon des résultats provisoires communiqués mercredi matin par François Rebsamen, secrétaire national aux fédérations, il emporterait 61,07 % (54 071) des suffrages, franchissant ainsi un seuil psychologique. Sa motion devance toutes ses concurrentes. Celle de Nouveau Monde, d'Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon, recueillerait 16,56 % (14 658) des suffrages selon M. Rebsamen. Celle du courant Nouveau Parti socialiste (NPS), fondé par Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, se situerait juste au dessus, avec 16,70 % (14 789) des suffrages. Celle du premier secrétaire fédéral du Nord, Marc Dolez, ne dépasse pas le seuil des 5 % nécessaires pour pouvoir être représentée dans les instances nationales. Quant au groupe Utopia, il totaliserait 1,04 %.

Ces chiffres se rapportent au vote de 89 278 militants sur 129 500, précise M. Rebsamen. Toutefois, la collecte des résultats s'étant avérée bien plus laborieuse que prévu. Seulement 56 fédérations sur 102 avaient fourni, au matin, le score de chacune des motions. Ailleurs, il manquait toujours l'ajout d'une ou deux sections. Et aucun des 2800 inscrits en Martinique, en Guadeloupe, à la Réunion comme en Guyane n'avait été pris en compte. Surtout, ces résultats, provisoires, ne seront validés que lors du congrès du parti prévu à Dijon, du 16 au 18 mai. Avant même cette étape, chaque fédération va également devoir organiser, principalement le 9 et le 10 mai, son propre congrès pour discuter des litiges et enregistrer les candidatures de leurs premiers secrétaires.

UNE LÉGITIMITÉ NOUVELLE

Ce parcours statutaire ne devrait cependant pas changer grand-chose au fond. Le premier secrétaire du PS peut enfin envisager l'ouverture du congrès de Dijon avec plus de sérénité qu'il y a quelques semaines encore, lorsque son discours, et celui de ses partisans, inquiets, mettaient l'accent sur le rassemblement et les risques d'une reproduction d'un 21 avril 2002 interne.

La première réaction de M.Hollande, mercredi matin, a été de se réjouir de la mobilisation des militants "après les épreuves qu'ils ont traversées il y a un an". "Aujourd'hui, j'ai les moyens de travailler", a-t-il déclaré au Monde, en se félicitant d'un "résultat plus large que certains avaient imaginé et qui me permet d'être plus libre pour rénover le parti et rassembler la gauche". "Les autres motions ont pu mener leurs débats", a-t-il ajouté, en se félicitant de pouvoir additionner à une "majorité de cadres", signataires de son texte, cette fois, une "majorité de suffrages".

Sa motion a le plein des voix parmi les cadres, particulièrement actifs sur leurs territoires, mais aussi de la quasi totalité des élus, des éléphants et des anciens ministres socialistes. "Le poids des élus a beaucoup joué", estime ainsi Jean Glavany. Pourtant, à l'exception notable du congrès de Metz de 1979 et celui, atypique, de Rennes en 1990, la majorité sortante réalise son plus bas score depuis le rassemblement des socialistes à Epinay en 1971. Mais il est vrai qu'un an après le choc de la défaite électorale du 21 avril 2002, la partie était loin d'être facile pour le protégé de Lionel Jospin. La mobilisation, très forte, des militants, lui offre aujourd'hui une légitimité nouvelle.

"Nous atteindrons peut-être 90000 votants avec les dernières fédés, ce serait alors un record historique", proclamait, dans la soirée, M.Rebsamen, en comparant ce vote avec celui qui, en février1995, avait permis de départager Lionel Jospin et Henri Emmanuelli pour la candidature socialiste à l'élection présidentielle. En réalité, le nombre de militants étant alors un peu plus faible, le taux de participation de cette époque reste plus élevé : 72,98 %. Mais la mobilisation 2003 présente, à bien des égards, un aspect spectaculaire.

Des pics inconnus jusqu'ici ont été enregistrés en maints endroits. Dans l'Ardèche et le Lot, par exemple, le taux de participation a atteint plus de 92 %, 99,67 % dans l'Yonne et 100% dans le Calvados ! A la faveur d'adhésions nouvelles qui n'avaient pas été intégrées dans les fichiers, la Mayenne s'offre même le luxe de présenter un taux de… 101,40%, le nombre de votants dépassant celui des inscrits… "Finalement, la conflictualité des cinq motions a créé la participation", constate le député parisien Jean-Christophe Cambadélis. Comme lui, beaucoup de partisans de François Hollande tirent un deuxième enseignement du scrutin : les nouveaux adhérents de l'après 21-avril, peu familiers de l'appareil et de ses règles, ont choisi de conforter la majorité sortante et non de la "bousculer". "C'est une erreur d'appréciation de Montebourg et Peillon que d'avoir cru qu'ils seraient sensibles à la crise, estime M. Cambadélis. La lecture de la division du 21 avril a été plus forte que celle de la rénovation".

Même si plusieurs fédérations pourraient, demain, basculer en étant dirigées par des opposants, les partisans de la motion Hollande affichent leur soulagement. "On s'est fait un peu peur", reconnaît M.Glavany. "Il y a quelques jours encore, ici, on se donnait perdants", témoigne de son côté le député Gaëtan Gorce qui devance de quelques voix seulement, dans son département de la Nièvre, le représentant de NPS, Christian Paul, ancien secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer. Selon M.Gorce, la "courte victoire [de la motion Hollande] est le résultat d'une campagne de dernière minute". "Ce qui a bien marché, précise-t-il, c'est le thème de l'unité".

Même son de cloche auprès du premier secrétaire de Charente-Maritime. "Je m'estimais vraiment menacé, déclare Roland Beix, candidat à sa propre succession. Mais finalement la mayonnaise NPS n'a pris que dans quelques foyers".

Isabelle Mandraud


LE MONDE | 07.05.03 | 13h05
MIS A JOUR LE 07.05.03 | 15h53

Les militants aux urnes : de Lille à Marseille, voyage dans les sections PS

Comment les militants socialistes ont-ils voté? Dans quelle ambiance? Et pour qui? Enquête sur dix journées pas comme les autres au sein des sections du PS.

BESANÇON, LE 29 AVRIL

"La cuisine électorale" L'isoloir est dans la cuisine. Bulletins et enveloppes sont posés près du micro-ondes et du réfrigérateur. "La cuisine électorale", s'amuse un militant. Le bureau de vote de la section de Besançon (Doubs), 259 électeurs inscrits, est présidé par son secrétaire, Bruno Medjaldi - favorable à François Hollande. Il est entouré de deux représentants des motions NPS et Nouveau Monde. "L'enjeu est important, mais ce n'est pas la guerre, explique M.Medjaldi. C'est comme pour les scènes de ménage : on s'engueule mais on reste ensemble… pour les enfants." Sur le trottoir, de petits groupes se forment. La police municipale écume la rue voisine, distribuant les PV aux voitures de militants mal garées. Le stationnement est payant jusqu'à 19 heures, et que le maire soit socialiste n'y change rien : il n'est que 18 h48. Ancienne adhérente de la section, Suzanne Florel, "née en 14" et surnommée "la Blumette" n'a jamais failli au PS. Les jeunes eux, ne font que passer. "Ce soir, dit l'un d'eux, on a organisé une réunion entre jeunes du MJS, des Verts et du PC pour débattre du 21 avril et de ses conséquences." Le maire, Jean-Louis Fousseret, arrive à son tour, serre les mains des hommes, embrasse les femmes, engloutit une part de pizza, débat avec les uns et les autres, reprend de la pizza, s'en va, discute sur le trottoir, revient, et disparaît… en oubliant de voter!

MARSEILLE, LE 29 AVRIL

Les consignesde Tony Tony Lorenzi, secrétaire de la section, petit homme à voix grave et au crâne dégarni, connaît son monde. Par exemple, ces quatre petites dames assises, dans le centre culturel de la Rose, là où la très populaire 13 e section a organisé le scrutin. Elles parlent du prochain voyage en Corse, du thé dansant, de leurs enfants et petits-enfants. Elles ne disent pas pour qui elles ont voté, mais on comprend qu'elles ont écouté Tony. Lui, qui dit être "un homme de terrain, pas un intellectuel", explique son vote pour la motion Hollande : "Il faut un parti fort." Après quatre heures d'attente, l'heure du dépouillement arrive : 255 votants, un bulletin nul, 2 voix pour NPS, 23 pour Nouveau Monde et 229 pour Hollande - soit 89%. Le résultat n'étonne personne : tous les élus de Marseille se sont engagés derrière le premier secrétaire. La motion Hollande a aussi séduit de nouveaux militants. Un jeune informaticien antillais, adhérent de l'après 21-avril, témoigne : "Je ne veux pas que le PS vire complètement à gauche. Les jeunes sont dans le monde. On ne peut pas penser comme il y a vingtans." L'éclatement de la gauche locale a fait le reste. Georges, par exemple, dit qu'il a voté Hollande "sans conviction", bien qu'il rêve d'un "nouvel Epinay". Horizon lointain : "Il faudra encore beaucoup de défaites." Il hésite et ajoute : "Mais alors ce serait très, très, très difficile à vivre."

LENS, LE 29 AVRIL

"Ils veulent tous être chefs" Cohabitation, le retour. La salle municipale Jean-Nohain où se tient le scrutin est aussi celle où Jean-Paul Delevoye a installé les instances régionales de l'UMP. "On prête la salle à toutes les formations politiques", explique le maire (PS), Guy Delcourt. C'est encore la municipalité qui a prêté les quatre isoloirs et l'urne. Le bureau est resté ouvert toute la journée pour permettre aux militants de venir voter avant, pendant ou après le travail. Mais les militants ne se bousculent pas. "Quand on a l'opportunité de s'exprimer, il faut la saisir", explique Céline, une jeune militante convaincue. D'autres, comme Charles, ex-mineur de fond et syndicaliste, sont déroutés par le nombre de motions : "On devrait tous être d'accord, pour moi, ce sont des ‘‘cacheux de places'', comme on dit en patois… ils veulent tous être chefs!" La motion Hollande l'emporte nettement. "Ce n'est pas un blanc-seing, nuance M.Cecak, le secrétaire de section. Il doit compter avec l'avis de la base!"

MASSY, LE 29 AVRIL

 La colère de "Juju" "E ; E ; E…" : vers 22 heures, à l'heure du dépouillement, le secrétaire de section de Massy, fief de Jean-Luc Mélenchon, fait sourire ses camarades en répétant la lettre qui désigne la motion Emmanuelli-Mélenchon. Sans surprise, Nouveau Monde fait un carton dans cette section où l'ex-Gauche socialiste avait recueilli 85% des voix au congrès de Grenoble, en 1998. Il y a bien un isoloir au fond de la salle, mais presque personne ne l'utilise.On coche le "E" et on plonge l'enveloppe dans l'urne. "C'est pas très démocratique, mais bon… Demain, il faudra bien qu'on travaille tous ensemble", relativise le "Hollandais" de service, Pierre-Henri Lienemann, frère de Marie-Noëlle. "Si je fais six voix, c'est bien!", dit-il, bon perdant.

Changement de ton à la "fédé" d'Évry, une heure plus tard : au niveau départemental, c'est ici que se joue le match entre Julien Dray et son ex-compère Jean-Luc Mélenchon. Vers 23 heures, on chuchote que la motion A (Hollande) est majoritaire. Quelques minutes plus tard, on ne sait plus. Entre-temps, d'autres résultats sont tombés. Un contentieux à Grigny, sur les terres de "Juju", empêche de donner les résultats définitifs. Il sera tranché au congrès. Mais Julien Dray veut s'affirmer en nouveau patron. "C'est ma section! lance-t-il, rageur. Ça fait un an qu'on me traite comme un chien, ici!" Et d'ajouter, en aparté : "C'est sûr, il y a eu manip…"

LIBOURNE, LE 30 AVRIL

 Le caniche et la rose. Ici, on ne fait pas de manières : une table en formica, dans un angle de la pièce, fait office d'isoloir. Pas de rideau, juste un stylo noir et un document du PS détaillant le contenu des motions. Le maire de la commune, Gilbert Mitterrand, est l'un des premiers votants. Il dit avoir voté pour la motion Hollande "sans enchantement". Son refus de signer l'un des cinq textes en concurrence a déboussolé des militants. Catherine, l'une des 35 adhérents du 21 avril, a envisagé de voter pour Nouveau Monde. "Mais il faut un leader, dit-elle, et tous ces responsables de mouvements vont bien finir par s'entendre." Françoise, 70 ans, admiratrice de François Mitterrand, n'a pas hésité : quand elle est arrivée, vers 21 h30, à la Bourse du travail, tenant son caniche d'une main et de l'autre une rose fraîchement coupée, elle a tout de suite choisi la motion Emmanuelli : "Qu'il y ait une ou cinq motions, ça ne change rien pour moi, lâche cette petite femme alerte. Je pense que le parti doit représenter le peuple et qu'il devrait être plus à gauche."

LOUHANS, LE 5 MAI

Montebourg, bien sûr ! A 18 heures, au siège du PS local, on se salue, on évoque la retraite, le match de foot du petit dernier. Rémi Chaintron, secrétaire de la section et conseiller général du cru, entonne le rituel "A voté!". On l'apostrophe : "Rémi, où est la motion d'Arnaud?" Arnaud qui? Un quadragénaire imposant trouve la question saugrenue : "On s'est assez battus pour le faire élire, alors on vote pour Montebourg!" A 18 h35, le député arrive enfin. Son pronostic au niveau national : 18% pour la motion de NPS. Un peu après lui, la moitié des militants a déjà voté. Rémi Chaintron rêve d'un score "soviétique" à Louhans : pourquoi pas 100% pour Montebourg? Son rêve est manqué, mais de peu : sur 51 votants, 48 ont choisi NPS.

LILLE, LE 5 MAI

Dolez extrapole La section dite "du centre" fait les choses sérieusement. A 17 heures, tout est en place au deuxième étage de la petite mairie de quartier. Sur la table d'émargement traîne un exemplaire jauni de Ma part de vérité, de François Mitterrand, en édition de poche. Pierre Mauroy et Martine Aubry, tous deux inscrits ici, se font attendre. Marc Dolez, le premier secrétaire rebelle de la fédération du Nord, compte peu de partisans affichés. "Pourquoi Marc a-t-il fait cela? Ça diminue l'unité du parti", déplore Charles, 83 ans, ancien comptable. Martine Aubry arrive, fait la bise à tout le monde et se réjouit : "On disait que je serais minoritaire à Lille ; ce ne sera pas le cas." Mais la motion Dolez pourrait bien arriver en tête dans le département. "Mais il ne fera pas 50%, c'est bien ça qui le rend fou", glisse-t-elle. Mais elle ne veut insulter ni l'avenir ni l'adversaire : "Marc est un copain, assure-t-elle. Il a très bien fait bouger la fédération et nos lignes politiques ne sont pas fondamentalement différentes." Pierre Mauroy se montre plus abrupt : "C'est Dolez qui a créé la division ; c'est à lui de parler. Il a simplement à dire : "Je veux une synthèse"." A 23 heures, ni Mme Aubry ni M.Mauroy ne sont là quand les résultats tombent. La motion Hollande est largement en tête à Lille-centre, avec près de 70% des voix, mais 20% se sont portées sur Marc Dolez. "Dans cette section, c'est un petit séisme", affirme Jean-Louis, qui se revendique haut et fort de la motion Montebourg-Peillon et qui envisage déjà une alliance avec le premier fédéral. Ce dernier est enfermé, depuis le début de soirée, à quelques centaines de mètres de là, au siège du PS nordiste. "C'est historique : la motion Hollande est défaite dans le Nord", assure-t-il promptement, en extrapolant les résultats à venir -et en annonçant qu'il sera à nouveau candidat pour diriger la fédération.

PARIS, LE 6 MAI

Les internautes votent en vrai. La bouteille de Pauillac 1980 est presque vide, mais les militants de la section des internautes, "Temps réels", continuent de discuter dans le salon. Certains se rencontrent pour la première fois en chair et en os. D'habitude, ils devisent par mails. Ingénieurs, webmasters, journalistes du net… une trentaine d'adhérents (sur 59 inscrits) sont venus voter dans l'appartement d'une prof d'informatique, rue de Turenne, dans le quartier du Marais. Parquet, moulures, tableaux abstraits sur les murs. Grâce à l'outil informatique, le secrétaire de section a calculé que le mot "internet" apparaissait 19 fois au total dans les cinq motions -contre 15 occurrences pour le terme "ouvrier". "Je ne sais pas quoi voter", avoue ce consultant, qui avait animé des sites satiriques sur Jacques Chirac, en 2002, comme "Chiracvoyages". Il finit par glisser son bulletin dans la boîte noire, posée sur le guéridon. François Hollande sort vainqueur avec 14 voix -sur 28 exprimées- devant NPS (10), Utopia (3) et Marc Dolez (1) ; Nouveau Monde n'obtient aucun suffrage.

VILLEURBANNE, LE 6 MAI

"Une case et une seule" Reine, ouvrière à la retraite, vingt ans au PS, a pris son poste à 18 heures derrière l'urne transparente où les enveloppes orange siglées "République française" -un prêt de la mairie- vont tomber une à une. Dans la salle des fêtes du centre culturel, la plus grosse section du Rhône (535 adhérents) vote. Dans une atmosphère cordiale mais concentrée, chacun veille. Le maire, Jean-Paul Bret, ancien adjoint de Charles Hernu accueille les militants un peu comme ses invités. Il explique aux perplexes qu'il faut cocher "une case et une seule". Ici, explique un homme âgé, "on vote d'abord pour le maire, pour les gens qu'on connaît". Sont affichés bien en vue, au-dessus de la pile d'enveloppes et de bulletins, la liste des candidats au bureau de la section pour chacune des motions. Le représentant de Nouveau Monde -qui n'obtiendra que 4 voix-, Manan Atchkzaï, Afghan d'origine, français depuis 1994 et chef d'entreprise, s'assume "ultraminoritaire". Le jeune représentant d'Utopia lui, veut curieusement rester anonyme.

C'est entre la motion Hollande et NPS que se joue le scrutin. Avec une particularité : si le maire soutient la direction sortante, le secrétaire de la section, Lilian Zanchi, son adjoint à la mairie, a "signé pour Montebourg", entraînant derrière lui 9 des 17 membres du bureau. Du jamais vu à Villeurbanne. Avant le congrès de Grenoble, en novembre 2000, la motion Hollande avait recueilli 82%. "Quoi qu'il advienne, prédit un militant, ça va tanguer dans la section." A 22 heures, on dépouille. La motion Hollande obtient 65% ; NPS, 32%. "C'est bien", déclare le maire. "C'est mieux que ce qu'on espérait", juge le secrétaire de section.

Séquence France (avec nos correspondants)


LEMONDE.FR | 07.05.03 | 13h05

Les opposants cherchent à s'unir pour conquérir une vingtaine de fédérations

La perspective d'une majorité alternative s'est évanouie. Mais la bataille dans les fédérations - où le premier secrétaire du PS n'est pas majoritaire - commence. Au fur et à mesure que "tombent" les résultats, les opposants de François Hollande - NPS, Nouveau Monde et le courant de Marc Dolez - étudient les possibilités de faire alliance, au cas par cas, dans l'espoir d'arracher quelques départements à la majorité sortante.

Dès le mercredi 7 mai, en fin de matinée, chaque camp devait se réunir pour analyser plus finement les résultats et mettre au point sa stratégie. Les dirigeants de NPS devaient se concerter avec ceux de Nouveau Monde. Des discussions devaient également avoir lieu avec le premier fédéral du Nord, Marc Dolez. Le temps presse : les 9 et 10 mai, chaque fédération organise son propre congrès, au cours duquel seront présentés les candidats au poste de premier fédéral. Les premiers jeux d'alliance se matérialiseront alors. Marc Dolez entend solliciter à nouveau le suffrage des militants du Nord.

Le député de Douai, qui a désormais la "certitude" de ne pas franchir la barre des 5%, tant son audience en dehors de son bastion du Nord s'est révélée faible, s'avoue "déçu" de son score. "Mais cela ne veut pas dire que le combat ne continue pas", s'empresse-t-il d'ajouter.

un vote de la "peur" Arnaud Montebourg a fait ses comptes. Arrivé en tête sur son propre territoire, le député de Saône-et-Loire mise sur les fédérationsen ballottage qu'il qualifie déjà de "perdues" pour le camp de M.Hollande. Il évalue leur nombre à vingt-deux en comptabilisant aussi bien les scores de NPS que ceux de Nouveau Monde. Il cite, notamment, le Nord, les deux départements de l'Alsace - le Bas-Rhin et le Haut-Rhin -, la Somme, la Nièvre, l'Aisne, le Jura, l'Ain, l'Ardèche, le Lot, la Manche, ou encore le Calvados. "C'est un extraordinaire levier, l'acteII de la rénovation du parti", poursuit-il.

"Nous ne sommes pas dans la situation de nous dissoudre dans un grand ensemble ou de partir seuls sabre au clair. Notre objectif est de consolider notre périmètre d'influence et d'enraciner notre courant", renchérit son compère, Benoît Hamon. Partis de rien, les fondateurs de NPS considèrent avoir réalisé un beau parcours et bien résisté face à un vote "monolithique". Un vote de la "peur" : peur de la division, peur de perdre son poste, etc.

Nouveau Monde partage cette dernière analyse : vu l'atmosphère qui régnait dans les assemblées générales, Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon s'attendaient, certes, à peser davantage face à la direction sortante, et se disent surpris du "décalage". "Entre ceux qui se sont déplacés dans les réunions de motion, et ceux qui sont venus voter, c'est comme si ce n'était plus le même électorat, et qu'on nous l'avait changé", note Pascale Le Néouannic, de Nouveau Monde.

Que va faire le groupe Utopia - qui milite pour l'approfondissement de la réduction du temps de travail - de son (petit) score? Son porte-parole, Michel Mazars, reconnaît que François Hollande sort "conforté" de ce vote, et qu'il "lui appartient de dire dans quelle mesure il laissera une place aux différentes sensibilités". Mercredi matin, Utopia devait rencontrer l'équipe majoritaire, rue de Solferino. D'ici à l'ouverture du congrès, les militants décideront, par un vote, s'ils rejoignent ou non le camp de M.Hollande.

Clarisse Fabre et Isabelle Mandraud


LE MONDE | 08.05.03 | 13h11

Le succès de la motion Hollande ne clôt pas les discussions avant le congrès socialiste de Dijon

Les opposants au premier secrétaire s'organisent pour arracher des fédérations à la majorité. Dans le Nord, Pierre Mauroy et Martine Aubry proposent des "retrouvailles" à Marc Dolez.

à peine le vote des militants s'est-il achevé que les discussions, au PS, mercredi 7 mai, ont repris de plus belle. Au siège du parti, rue de Solférino, en commentant des résultats "quasi définitifs", François Hollande s'est félicité de la "légitimité nouvelle" que lui a conféré le scrutin. La collecte des scores des cinq motions en concurrence s'est en réalité poursuivie toute la journée, produisant une drôle de course à l'échalote. Elus et responsables locaux se sont disputés, en scrutant le tableau qui se remplissait au fil des heures, la palme du plébiscite pour la motion Hollande. "Chez nous, elle a fait 85,71 %. C'est le meilleur résultat, non ?", s'interrogeait Alain Bertrand, premier secrétaire fédéral de la Lozère. La participation, qui dépasse 70 %, a fait également l'objet d'une compétition. Au total, la motion Hollande a recueilli 61,12 % des voix, devant NPS (16,88 %), Nouveau Monde (16,51 %), la motion Dolez (4,45 %) et le groupe Utopia (1,04 %).

UN PACTE DÉFENSIF

Le choix des militants et leur forte mobilisation, a estimé M. Hollande, "sont aussi une mauvaise nouvelle pour le gouvernement et pour la droite". "Le meilleur service qu'on aurait pu -leur- rendre, c'est d'avoir un Parti socialiste divisé, une gauche émiettée", a-t-il déclaré avant de réunir, dans son bureau son équipe de campagne. La discussion, à laquelle participaient notamment Pierre Mauroy, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius, a porté sur la préparation du congrès qui se tiendra à Dijon du 16 au 18 mai, la situation dans le Nord, et l'attitude à adopter face aux courants minoritaires. La recherche d'une synthèse, à Dijon, ne devrait pas aller beaucoup plus loin que l'affichage d'une mobilisation des socialistes contre la droite.

Au même moment, les partisans du Nouveau Parti socialiste (NPS) d'Arnaud Montebourg et Vincent Peillon avaient réuni, dans un bureau de l'Assemblée nationale, leurs partisans pour analyser les résultats et préparer les congrès fédéraux. Ces congrès, dont plusieurs ont déjà eu lieu dans la soirée, doivent enregistrer les candidatures des premiers secrétaires fédéraux. A midi, les deux chefs de file de NPS, accompagnés de Benoît Hamon avaient ensuite rendez-vous dans le bureau d'Henri Emmanuelli. Le député des Landes, cofondateur du courant Nouveau Monde les y attendait avec Jean-Luc Mélenchon et Alain Vidalies. Après avoir dressé un panorama de la situation, les opposants de François Hollande ont convenu qu'il n'y aurait pas, entre eux, d'accord politique national mais plutôt un pacte défensif.

Leurs représentants devraient nouer des alliances locales pour tenter de faire basculer une vingtaine de fédérations où la motion de M. Hollande n'a pas obtenu la majorité. Encore surpris par la forte mobilisation des militants au vote sur les motions, les six hommes se sont interrogés sur la provenance de ces voix. "Vous avez entendu parler de ce militant en Ariège qui est venu voter avec des perfusions encore dans le bras ?"Mais ils sont tombés d'accord pour ne pas mener une contestation sur les résultats.

A 17 heures, à Lille, une autre réunion des partisans de M. Hollande avec Pierre Mauroy, Martine Aubry, Bernard Roman, Michel Delebarre, a commencé pour étudier le "cas" du premier secrétaire de la fédération, Marc Dolez. Ce dernier, dont la motion devance de 8 voix, dans le département nordiste, celle de M. Hollande compte bien se représenter, samedi 10 mai, à la tête de sa fédération et il bénéficie des offres de service de NPS. Faute de candidat à lui opposer, M. Mauroy, qui s'est à plusieurs reprises opposé à M. Dolez, a fini par se laisser convaincre de chercher une issue pacifique à la "crise" du Nord. A la condition que M. Dolez renonce à se proclamer localement vainqueur, il lui est proposé des "retrouvailles". "Il est exclu que la ligne politique du Nord soit différente de celle qui l'a emporté au plan national", souligne un participant. "Les deux motions, qui n'ont jamais eu de clivage politique, sont bord à bord. Elles font 80 % des voix". Ce message a été laissé sur le répondeur de M. Dolez. Mais dans la soirée, celui-ci n'avait toujours pas répondu.

Vers 20 heures, M. Hollande a contacté ses opposants pour leur proposer une rencontre mardi 13 mai.


Jean-Luc Mélenchon "s'incline"

Cofondateur, avec Henri Emmanuelli, du courant Nouveau Monde, Jean-Luc Mélenchon estime qu'en donnant une nette majorité à François Hollande, les militants ont fait le choix de "garder la même équipe". "Un an de discussion et nous concluons de la manière suivante : il est bon de garder la même équipe et la même orientation parce qu'elle nous promet pour l'avenir de grands succès", a ironisé sur France-Info, mercredi 7 mai, l'ancien ministre délégué à la formation professionnelle. Les militants "trouvent que ce qui a été fait est bien, qu'il faut continuer à le faire et avec les mêmes, je m'incline, a-t-il déclaré. Ça ne m'empêchera pas de défendre mon point de vue".

Pour M. Mélenchon, le PS a tranché en faveur d'une "ligne d'accompagnement social". "C'est la première fois que, massivement, les socialistes disent que les ruptures, ça n'est pas possible", a-t-il déploré.

Isabelle Mandraud
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 09.05.03


LE MONDE | 08.05.03 | 13h11
MIS A JOUR LE 08.05.03 | 15h43

Entretien avec Vincent Peillon, cofondateur de NPS

Le texte de cet entretien a été relu et amendé par M. Peillon.

Comment réagissez-vous aux résultats du vote des militants ?

Nous sommes heureux d'avoir constitué, en six mois, une force qui a permis d'animer le débat sur le fond et de donner de l'espoir, à l'intérieur comme à l'extérieur du PS. Nous sommes sans doute aujourd'hui le premier courant du parti et le plus tourné vers l'avenir...

Vous ne contestez donc pas les résultats ?

Globalement non. Comme dans tous les congrès, il y a eu ici et là, par exemple dans la Haute-Vienne, le Pas-de-Calais ou l'Hérault, des pratiques qui ne correspondent pas à notre besoin de démocratie. J'espère qu'elles seront sanctionnées.

La motion Hollande, que vous avez combattue, est nettement majoritaire...

Par rapport au dernier congrès de 2000, à Grenoble, la motion majoritaire perd plus de 10 points alors qu'elle réunit presque tous les anciens ministres, 90 % des premiers secrétaires fédéraux et 90 % des parlementaires. Le pouvoir n'étant pas en soi-même un projet, il lui reste maintenant à remplir quelques objectifs élémentaires. Il faut qu'elle dise d'abord quelle est sa ligne politique, car cette majorité reste très composite. Il faut qu'elle nous explique ensuite comment elle entend mener la rénovation. Il faut qu'elle retrouve enfin l'énergie et la conviction indispensable pour s'opposer à la droite, combattre l'extrême droite et être attentive aux Français.

Comment analysez-vous la forte mobilisation des militants, et le vote des nouveaux adhérents, dont le premier secrétaire semble avoir bénéficié ?

Il y a eu plusieurs phénomènes : la peur devant le changement, le sentiment qu'il ne faut pas en rajouter à la division de la gauche et - ceci est plus contestable - une exceptionnelle mobilisation d'un appareil menacé.

Quelle sera votre attitude au congrès ?

Chacun sait quelles sont nos idées sur l'Europe, la VIe République et la question sociale. Alors que quatre militants sur dix n'ont pas approuvé son texte, il revient au premier secrétaire de proposer la discussion.

Pour vous, cela ne fait pas de doute que votre courant tout neuf subsistera demain ?

L'ardeur de celles et de ceux qui sont engagés dans NPS, la volonté de poursuivre un travail de rénovation, le sentiment d'un besoin profond de changement pour que la gauche retrouve sa prééminence politique, tout cela crée la nécessité et le désir de poursuivre dans la durée.

Vous allez voter pour le renouvellement de François Hollande au poste de premier secrétaire le 22 mai ?

C'est une décision que nous prendrons collectivement avec l'ensemble de nos délégués et militants.

Où en êtes-vous de vos recherches d'alliance avec Nouveau Monde ?

Au niveau des départements, les représentants de NPS et de Nouveau Monde discutent. Cela concerne une vingtaine de fédérations. Un accord national n'aurait pas de sens. Nous avons des convergences, mais nous ne cherchons pas, dans ce congrès, des accords d'appareil.

Demain vous pensez que la cohabitation se passera bien, au sein du PS, avec la majorité ?

Nous ferons tout notre possible pour concourir à la vitalité du Parti socialiste, dans un esprit de fraternité mais avec vigilance et persévérance.

Propos recueillis par I. M.
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 09.05.03


LE MONDE | 12.05.03 | 13h24

M. Hollande ne juge pas indispensable de parvenir à une synthèse avec ses opposants au congrès

"Si le rassemblement n'est pas possible, déclare-t-il au "Monde", ce ne sera pas un drame, car la majorité est forte." Les congrès fédéraux donnent lieu à des affrontements entre motions.

La motion de François Hollande, approuvée par une majorité de militants, peut-elle encore être compatible avec celles de ses opposants ? La recherche d'une synthèse, inscrite dans les statuts du PS, oblige à de nouvelles négociations. Par le passé, quelques congrès s'étaient bien conclus dans l'unanimité. Mais la commission des résolutions, convoquée samedi 16 mai, pendant le congrès de Dijon, ne paraît pas emprunter cette voie.

"Je suis pour le rassemblement, déclare au Monde M. Hollande, à condition que ce soit sur une ligne claire."Le premier secrétaire du PS, à qui incombe de mener la discussion, évoque "des ajouts et des amendements", notamment sur "les retraites". Mais, ajoute-t-il, "il faut respecter le vote et je ne souhaite pas trouver des formules alambiquées sur l'Europe ou les institutions". "Si le rassemblement n'est pas possible, poursuit M. Hollande, ce ne sera pas un drame car la majorité est forte." De leur côté, les chefs de file des courants Nouveau Monde et Nouveau Parti socialiste (NPS) paraissent ne rien vouloir céder sur leur ligne.

De fait, les congrès fédéraux au cours desquels, les 7, 9 ou 10 mai, les candidats aux postes de premiers secrétaires fédéraux se sont déclarés, constituent, pour M. Hollande, une indication : "La recherche d'une synthèse ne s'est pas vérifiée", déduit-il. En plusieurs endroits, Nouveau Monde et NPS ont noué des accords pour faire élire leurs candidats par les militants, le 22 mai - en même temps que le premier secrétaire. Pour la motion Hollande, il a fallu parfois des primaires, comme dans le Val-de-Marne, pour éviter deux candidats du même bord. A l'inverse, la majorité n'a présenté personne dans plusieurs des 11 fédérations où les opposants sont quasiment assurés de l'emporter - soit parce qu'elles étaient déjà acquises à Henri Emmanuelli, soit parce qu'elles ont été conquises. C'est le cas en Saône-et-Loire et dans la Somme, où les cofondateurs de NPS, Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, seront sans adversaire.

Dans une dizaine d'autres départements, sans préjuger d'éventuels désistements, la bataille s'annonce serrée. Pour l'heure, le Calvados bat le record avec quatre candidats, dont l'un est soutenu par l'ancien ministre Louis Mexandeau, pour le compte de la motion de Marc Dolez. Premier secrétaire du Nord, ce dernier joue, sur ses terres, une partie non moins disputée.

Ailleurs, on assiste parfois à des alliances contradictoires, en fonction d'inimitiés locales ou des prochains enjeux électoraux. Dans le Bas-Rhin, M. Hollande pense pouvoir compter sur le soutien de Nouveau Monde. Pour reprendre le Cher au courant Emmanuelli-Mélenchon, il aura cette fois besoin du soutien de la motion d'Utopia, qui a recueilli ici 13 % des voix.

"GUERRES PUNIQUES"

Dans l'Essonne, fief d'une Gauche socialiste (GS) traditionnellement dans l'opposition mais aujourd'hui éclatée, la situation est encore plus complexe. Après un vote à main levée, la majorité des militants de NPS - à l'exception de la sénatrice Claire-Lise Campion - a apporté son soutien à Marianne Louis, candidate de Nouveau Monde parrainée par Jean-Luc Mélenchon. Celle-ci sera opposée à Claire Robillard, suppléante du député Julien Dray, qui est rallié, lui, à la motion Hollande. Les deux femmes sont présentées comme la "relève" des anciens fondateurs de la GS. Mais, samedi, dans la salle polyvalente du parc des Célestins de Marcoussis, il était difficile de deviner l'issue du match. Les partisans de M. Hollande gambergeaient sur les difficultés qu'éprouveraient certains "anciens rocardiens"passés à NPS, à soutenir M. Mélenchon après des "années de guerres puniques" locales.

"C'est vrai que pendant vingt ans, je me suis opposé à la GS, argumentait Yves Tavernier, maire de Dourdan. Mais pourquoi, alors qu'elle a éclaté, aurais-je plus d'états d'âme avec Mélenchon qu'avec Dray ?" Pour ce dernier, seules comptent, désormais, les cinq années du gouvernement Jospin : alors vice-président de la commission des finances de l'Assemblée, il dit s'être "constamment heurté aux ministres Strauss-Kahn et Fabius". A la tribune, M. Mélenchon a lancé un appel : "Aidez-nous à maintenir cette fédération comme une fédé de combat, ce qu'elle est depuis 1970 !" A quoi "Juju", son ancien complice, répondait en apparté : "Il n'a pas le monopole de la gauche."

La rencontre, finalement prévue mercredi 14 mai, entre M. Hollande et ses opposants, ne devrait pas changer grand-chose. "Ce n'est pas la peine de faire semblant", tranche François Rebsamen, secrétaire national aux fédérations.

Isabelle Mandraud
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 13.05.03


LE MONDE | 12.05.03 | 13h24

Dans le Nord, Marc Dolez veut aller "jusqu'au bout"

Lille de notre envoyée spéciale

D'habitude, la salle municipale accueille la compagnie Kad'danse. Samedi 10 mai, vingt-deux ans jour pour jour après l'élection de François Mitterrand à l'Elysée, elle abrite les éléphants qui soutiennent la motion A de François Hollande. Entre midi et deux, ils se sont réunis pour faire le point. Le grand miroir qui couvre le mur du fond reflète deux visages : ceux de Pierre Mauroy et de Martine Aubry. Assis à une table, tandis que les militants s'apprêtent à aller déjeuner, le président de la communauté urbaine de Lille et la maire de Lille préparent leur discours en silence.

Il est 14 heures et, dans quelques minutes, devant les militants du Nord réunis en congrès à Ronchin, dans la banlieue lilloise, M. Mauroy va annoncer la candidature de Bernard Roman au poste de premier fédéral, contre le sortant, Marc Dolez, le député de Douai auteur de la motion D visant à rénover le PS. Arrivée en tête dans le département, avec près de 40 % des voix, juste devant le camp de M. Hollande, la motion des "militants" n'a recueilli que 4,5 % au niveau national. Un score inférieur au seuil de 5 % requis pour être représentée dans les instances nationales. Mais suffisamment important, dans le Nord, pour mener la danse dans une fédération de quelque 8 000 adhérents.

Depuis quelques jours, les "hollandais" ont tenté de convaincre M. Dolez de rallier la motion A."Tu nous rejoins et, en contrepartie, on te laisse la fédé", lui a-t-on fait comprendre. M. Hollande a même décroché son téléphone, vendredi. En vain. "Ils me veulent la corde au cou. Je refuse ce diktat", confie M. Dolez. Traduction à la tribune, samedi matin, à Ronchin : "Le congrès de Dijon aurait pu être historique, il aurait dû l'être. Je crains que, finalement, il n'aboutisse qu'à la confirmation de l'équipe sortante, au mois de juin." Fort du soutien de Nouveau Parti socialiste et de celui, plus nuancé, de Nouveau Monde, qui totalisent avec lui 60 % des voix dans le Nord, M. Dolez annonce qu'il sera "jusqu'au-boutiste". Il promet toutefois d'appliquer, s'il est réélu, la "ligne qui sortira" du congrès.

"LA SEULE FAÇON DE RAISONNER MARC..."

Les partisans de M. Hollande en ont pris acte et confirmé la décision, prise la veille, de présenter M. Roman contre M. Dolez, pariant que les militants qui ont voté "D comme Dolez"souhaitent, au-delà, la synthèse. Premier adjoint de Mme Aubry, et éternel adversaire de la maire de Lille, M. Roman sait que "le combat ne sera pas facile" même s'il a déjà été premier fédéral, de 1985 à 1997. "C'est la seule façon de raisonner Marc", justifie Mme Aubry, avant la reprise des débats, vers 15 heures. Mais la psychologie l'emporte. Dans la salle, il y a les "D" et les "A". Les premiers sifflent M. Mauroy quand il monte à la tribune, les seconds lui font une ovation. L'ancien premier ministre le répète : "Il n'y a pas une vérité à Paris et une contre-vérité à Lille. (...) Marc, la grande question, c'est de savoir si tu es majoritaire ou minoritaire ? Si tu restes sur ta position, tu ne seras pas un premier secrétaire très politique", poursuit-il. Des "Ouh, ouh..."fusent. "C'est lamentable !", lance l'ancienne députée Monique Denise, battue en 2002. "Je souhaite que Bernard Roman devienne le premier secrétaire de cette fédération, conclut M. Mauroy. Si vous en décidez autrement, je combattrai cette majorité."

Quand vient son tour, Mme Aubry joue la diplomatie : "On ne demande pas à Marc de passer sous la table." Mais la "rénovation" ne doit pas passer "avant la clarification politique". Alors que M. Dolez a promis le "rassemblement de tous les socialistes du Nord", elle émet des réserves : "Je ne suis pas d'accord avec NPS sur l'Europe." Et ouvre des fenêtres : "La motion A ne va pas assez loin sur le cumul et la parité. François Hollande t'a fait des propositions, vendredi", dit-elle en se tournant vers M. Dolez. L'intéressé dément d'un signe de tête. Tête dure jusqu'au bout.

Clarisse Fabre
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 13.05.03