![]() DOSSIER VENDREDI 16 MAI 2003 ![]() (L’université d’été du Parti socialiste, août 2002, à La Rochelle) DEMAIN ? Réuni en congrès à Dijon du 16 au 18 mai, le Parti socialiste est
placé devant de multiples défis. L’échec de Lionel Jospin, le 21 avril 2002, a refermé
le cycle ouvert par François Mitterrand au congrès d’Epinay, trois décennies plus tôt.
Tout est à reconstruire: une base sociale plus large et plus jeune, dans un parti où les moins de 40 ans ne constituent que 14% des effectifs, un projet capable de répondre aux attentes des Français, une nouvelle stratégie de reconquête du pouvoir, le choix d’un(e) présidentiable pour l’avenir. Mais quel avenir ont le socialisme et la social-démocratie ? Le débat fait rage en Europe. En question: leur capacité à réformer la société face à la mondialisation et aux mutations structurelles et sociales. |
<> Meeting du Nouveau Parti socialiste en octobre 2002, à la Sorbonne, à Paris. La motion du courant animé désormais par Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, Julien Dray s’étant depuis rallié à François Hollande, a recueilli 16,7% des mandats. |
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CENT onze pages en petits caractères. Les 5 motions soumises au vote des militants ont succédé à 18 contributions générales et 140 contributions thématiques: sur l’Europe, l’immigration ou le féminisme…
Temps réels, la section des internautes du PS, a fait les comptes: les militants attentifs auront parcouru, en additionnant le tout, une petite encyclopédie de la «pensée socialiste au début du troisième millénaire». Ces internautes ont repéré, dans le corpus des motions, 19 occurrences du mot Internet. Plus que les 15 du mot «ouvrier», qui, notent-ils, «semble disparaître du vocabulaire». Reste «salariés» (144 références). Après tout, écrivent-ils, le choix des mots indique «l’importance qu’accordent les motions à tel ou tel enjeu».
Comment réinventer l’union des gauchesLe désarroi des communistes et l’immaturité des Verts privent les socialistes de partenaires solidesPLUS que jamais depuis trente ans, le Parti socialiste constitue le socle de la gauche. Avec 24,3%des suffrages exprimés au premier tour des élections législatives de juin 2002, il rassemble les deux tiers du vote de gauche. Mais, plus que jamais, il est seul, privé de partenaires solides: le Parti communiste s’est effondré à 5% et les Verts ont plafonné à 4,5%. Hégémonique mais isolé, ainsi peuvent se résumer l’impasse dans laquelle se retrouve le PS et l’obligation où il est, s’il veut reconquérir le pouvoir, de réinventer une stratégie de rassemblement, de repenser une gauche en miettes. Le constat, en effet, n’a pas changé depuis 1971: «Le PS ne peut réussir seul», notait François Hollande au début de l’année. Hormis les élections législatives organisées en 1981 et 1988 dans la foulée de présidentielles gagnées par François Mitterrand, son parti n’a jamais dépassé la barre des 25% au premier tour, y compris en 1997, lorsqu’il l’emporte sur la droite. Les socialistes sont donc contraints de s’inscrire dans des démarches d’alliances. La matrice initiale de l’union de la gauche entre PS, PCF et radicaux de gauche n’a pas résisté longtemps à la concurrence entre les deux principaux partenaires, les communistes rompant l’union, dès l’été 1977, sans parvenir pour autant à conserver leur prééminence aux législatives de 1978. Mais ils rassemblent encore, à l’époque, 20% de l’électorat, et disposent de puissants relais locaux et syndicaux. La dynamique présidentielle de François Mitterrand gommera, en 1981 et plus encore en 1988, l’affaissement des communistes vers la barre des 10% de l’électorat – où ils se maintiendront jusqu’en 1997. Or l’émergence des écologistes au début des années 1990, puis le rapprochement entre les Verts et les socialistes au sein de la «gauche plurielle», sont loin d’avoir compensé l’étiolement communiste. Pis, malgré la victoire de 1997 et une législature de gouvernement en commun, la gauche plurielle a explosé à la présidentielle de 2002, chacune de ses composantes (socialistes, communistes, Verts, radicaux de gauche et chevènementistes) reprenant sa liberté et dispersant les voix de gauche jusqu’à contribuer à l’échec de Lionel Jospin. UNE UMP DE GAUCHETout est donc à reconstruire. Or les bases sont fragiles. L’objectif que se fixe le PS de «fidéliser 30% de l’électorat» est loin d’être à portée de main. Quant à ses partenaires historiques, ils sont dans un triste état. Les congrès récents des Verts à l’automne 2002, puis du PCF au printemps, ont témoigné, de façon pathétique, de l’immaturité des premiers, égarés dans d’incessantes querelles tribales, et du désarroi des seconds, déprimés et en pleine crise d’identité. Jean-Pierre Chevènement a rejoint un improbable Aventin. Quant aux radicaux de gauche, ils sont satellisés depuis belle lurette. Envisager, comme le fait François Hollande, des candidatures communes à toutes les élections, sur la base d’un programme commun en bonne et due forme, préfigure à demi-mots la réunification de l’ensemble des gauches sous la houlette du PS, à l’instar de la droite avec la création de l’UMP. Reste que les clivages idéologiques à gauche, qui plus est sous la pression de l’extrême gauche, demeurent vivaces. Et qu’un tel chamboulement du paysage n’est guère concevable que dans la dynamique d’une victoire. La longue marche de la gauche ne fait que recommencer. Gérard Courtois |
Pour nombre de dirigeants socialistes, Dijon devait être un congrès «pour rien»: aucune élection majeure ne suivait le rendez-vous. Pas de candidat à désigner, donc. Mais le traumatisme du 21 avril 2002, son impact sur les Verts et le PCF, un PS «inaudible» face à une droite active, ont changé la donne. Une campagne interne – remportée par François Hollande – a animé le parti, dont les débats, innombrables, ont tourné autour de la question: où va le socialisme ?
♦ La mondialisation. Elle est citée 150 fois, accompagnée de verbes d’action – «combattre», «refuser», «réguler» –, dans les textes préparatoires. Dans ce domaine particulièrement, les socialistes cherchent un nouveau «logiciel», et Porto Alegre devient la référence obligée. Mais «il ne suffit pas de faire un petit tour devant les caméras et de repartir aussi vite», assène la motion du courant Nouveau Monde (Emmanuelli-Mélenchon). Si les objectifs sont partagés, les recettes, elles, continuent de diverger. Sur les licenciements, là où la motion Hollande reprend une bonne partie des mesures appliquées par le gouvernement Jospin (ou seulement envisagées, comme les pénalités pour les entreprises à forte main-d’œuvre précaire), Nouveau Monde suggère la création d’un «veto social» aux licenciements boursiers et le Nouveau Parti socialiste (NPS) des «sanctions dissuasives» contre les délocalisations.
♦ L’Europe. Elle est devenue l’un des sujets de débat les plus saillants. La guerre d’Irak a ajouté à la division. Il y a pourtant un socle commun: tous les socialistes se disent «fervents européens» et désormais «fédéralistes» – une évolution notable. «En 1994, quand je parlais de fédéralisme, on me traitait de doux rêveur», note Henri Emmanuelli. Lequel pose ses conditions. «Quitte à provoquer une crise» européenne, sa motion propose que «les socialistes fassent d’une réforme des institutions politiques de l’Europe, de l’adoption d’un vrai traité social et de l’accord des peuples concernés les conditions préalables à tout élargissement». Cette position rejoint celle du NPS. Son chef de file, Arnaud Montebourg, qualifie l’élargissement de «projet authentiquement libéral» et réclame un référendum.
François Hollande juge cette attitude «irresponsable». «On ne peut revenir en arrière. Refuser l’élargissement serait perçu comme un geste de défiance envers les pays concernés», ont martelé ses partisans. Leur texte propose d’aller «jusqu’au bout de la logique fédérale» dans une Europe où les décisions à la majorité deviendraient «la règle». Le référendum serait réservé à la ratification, en 2004, de la Constitution.
♦ Les institutions. Presque tous les socialistes sont désormais d’accord pour durcir les règles de non-cumul des mandats, renforcer les pouvoirs du premier ministre et des parlementaires et réformer le Sénat. Mais seuls Nouveau Monde, le NPS et, dans une moindre mesure, Marc Dolez, se sont clairement prononcés pour une VIe République. Arnaud Montebourg, avec ses clubs de la «C6R», a toutefois retiré de son texte la suppression du suffrage universel de l’élection du président de la République.
Le choix des mots indique «l’importance qu’accordent les motions à tel ou tel enjeu» |
♦ Le parti. Où va-t-il ? Et avec qui ? Ces questions se placent dans un contexte où près de 20 000 nouveaux adhérents (sur 129 500) ont rejoint le PS après le 21 avril 2002. Les opposants de François Hollande ont tenté, jusqu’au bout, de jouer la carte «il faut sortir les sortants». La motion Dolez exigeait que les représentants dans les instances nationales soient, pour moitié, désignés par les fédérations, et non plus en fonction du poids proportionnel des courants. Sur ce point, ils ont échoué.
Dans le même contexte se situe le débat sur la recomposition de la gauche. François Hollande et ses partisans ont défendu un rassemblement dont le PS serait le pivot, «sans complexes» vis-à-vis de l’extrême gauche. Ses opposants ont plaidé pour une vision élargie à la «gauche mouvementiste». Jean-Luc Mélenchon brocardait encore, le 10 mai, la peur vis-à-vis d’«Olivier Besancenot et de sa bicyclette». Par leur vote, les militants ont, là encore, tranché. Le premier secrétaire s’est engagé à faire du PS un parti «plus ouvert», plus représentatif de «toutes les couleurs de la France». Sans chasser ni les ministres de Jospin ni les éléphants…
Le PS depuis Epinay, les données de base du socialisme en France et en Europe.1971-1975: l’unitéTrente-deux ans après, même les mythes ont du mal à survivre. Il en est ainsi du «congrès de l’unité des socialistes», réuni, en juin 1971 à Epinay-sur-Seine, pour célèbrer l’unification de la famille socialiste. «Ce congrès mythique fut en réalité très confus», se souvient Pierre Mauroy. Refondateur, il marquait la fin d’une longue marche vers l’unité. Créée au moment de la candidature de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1965, la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), groupant SFIO, radicaux, Convention des institutions républicaines (CIR) et divers clubs, est emportée par la tempête de 1968. Le 4 mai 1969, la SFIO de Guy Mollet se transforme, avec le renfort de l’Union des clubs pour le renouveau de la gauche (UCRG) d’Alain Savary, en Nouveau Parti socialiste. Gaston Defferre, candidat à l’élection présidentielle. n’obtient que 5,01%. Un désastre. MITTERRAND «IMPERATOR»
Pourtant, la marche vers l’unité reprend. Du 11 au 13 juillet 1969, au congrès d’Alfortville, ce sont les amis de Jean Poperen, ancien du PCF et du PSU, l’Union des groupes et clubs socialistes (UGCS), qui rejoignent le PS. Avec la complicité de Guy Mollet, Alain Savary est élu premier secrétaire, battant d’une voix Pierre Mauroy. Il ne manque que les conventionnels (10 000) de François Mitterrand, l’ancien président de la FGDS. Face à 70 000 socialistes, le député de la Nièvre arrive minoritaire, il en sort majoritaire, imperator. Officiellement, l’unité étant acquise, l’enjeu du congrès d’Epinay, qui se tient du 11 au 13 juin 1971 devant 957 délégués – 800 socialistes, 97 anciens de la CIR et 60 inorganisés –, porte sur l’union de la gauche. Cinq motions sont en lice, mais la fracture essentielle est entre Savary et Mitterrand. Le premier, soutenu par Guy Mollet et Jean Poperen, fait de la poursuite d’un dialogue idéologique avec le PC et des garanties qu’il doit donner sur le respect de l’alternance, un préalable à un accord de gouvernement. Le second, allié avec Gaston Defferre, et sa fédération des Bouches-du-Rhône, et le Ceres de Jean-Pierre Chevènement, veut négocier un programme commun. Les divergences sont minces, Roger Quilliot et Gaston Defferre prêchent la fusion. En vain. En réalité, l’enjeu est le pouvoir. François Mitterrand veut tourner la page Guy Mollet. Il multiplie les gages sur sa conversion au socialisme en proclamant que «celui qui ne consent pas à la rupture avec la société capitaliste (…) ne peut être adhérent au PS». Avec 51,26%, l’avocat de la «réforme de nature révolutionnaire» l’emporte sur Savary. Il pousse Pierre Mauroy à la tête du PS. Mais celui-ci juge que «le premier des socialistes dans le pays doit prendre la responsabilité d’être le premier dans le parti». Le 16 juin, Mitterrand est élu premier secrétaire par le comité directeur. Ancien conventionnel, Henri Emmanuelli rejoint le PS. Par le truchement d’un autre conventionnel, Pierre Joxe, Lionel Jospin, venu du trotskisme lambertiste où il milite encore, en fait autant à la fin de l’été. «CHANGER LA VIE»
Tout s’enchaîne très vite. Le 11 mars 1972, le PS adopte son programme «Changer la vie». Le 27 juin 1972, il signe un programme commun de gouvernement avec le PCF de Georges Marchais auquel se joignent les radicaux de gauche (MRG) de Robert Fabre. Le surlendemain, à Vienne, devant l’Internationale socialiste, François Mitterrand reprend un propos esquissé à Epinay: «Notre objectif fondamental c’est de refaire un grand Parti socialiste sur le terrain occupé par le PCF lui-même afin de faire la démonstration que sur les 5 millions d’électeurs communistes, 3 millions peuvent voter socialiste». Après le congrès de Grenoble, en juin 1973, où Savary rejoint la majorité, Mitterrand est mis en minorité sur l’Europe et, suivi par Jospin, doit menacer de démissionner pour obtenir gain de cause. Candidat unique de la gauche à la présidentielle de mai 1974, Mitterrand est battu par Valéry Giscard d’Estaing. Au lendemain de cette défaite, un jeune énarque, Laurent Fabius, adhère au PS. Un nouveau pas vers l’unité est franchi les 12 et 13 octobre 1974 avec les Assises nationales du socialisme. Il s’agit de faire venir au PS la mouvance autogestionnaire et chrétienne. Deux anciens secrétaires nationaux du PSU, Michel Rocard, déjà présent dans l’état-major de campagne, et Robert Chapuis, des dirigeants de la CFDT (Jacques Chérèque et Jacques Julliard), des chrétiens (Jacques Delors) s’y engagent. La déclaration finale prône la création d’un «parti des socialistes», elle reste sans suite. Rocard entre au PS. Au congrès de Pau (février 1975), le Ceres (25%) est exclu de la majorité. Gilles Martinet s’en sépare et présente un amendement avec les rocardiens qui obtient 15%. Au sein de la majorité mitterrandiste, le courant Rocard est né. |
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1976-1979: la ruptureFrançois Mitterrand règne en maître sur le Parti socialiste. Il est premier secrétaire mais on l’appelle toujours «président». A sa garde rapprochée, composée d’ex-conventionnels, comme Pierre Joxe, Georges Fillioud, Claude Estier et Charles Hernu, et d’ex-PSU, tel Pierre Bérégovoy, s’agrègent des nouveaux. Laurent Fabius dirige son cabinet. Lionel Jospin, entré au secrétariat national dès 1973, s’occupe de la «dialectique de confrontation» avec le PCF, en gardant dans sa main le «talisman de l’unité». «C’est le seul, dira Mitterrand, dont je suis sûr qu’il ne se cachera pas sous la table si les communistes tapent dessus».
En ce début de 1976, à la tête d’une majorité qui va de Jean Poperen à Michel Rocard, François Mitterrand est le gardien de la ligne d’Epinay. Il parle de «rupture avec le capitalisme» et désigne le «véritable ennemi», le monopole, à savoir «toutes les puissances de l’argent, l’argent qui corrompt, l’argent qui achète, l’argent qui écrase, l’argent qui tue, l’argent qui ruine, et l’argent qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes». LE DIVORCE AVEC LE PCFAu congrès de Nantes, les 17 et 18 juin 1977, la motion Mitterrand triomphe avec 75%. Mais au sein de la majorité, Michel Rocard fait entendre sa petite musique sur les «deux cultures» qui traversent le PS. Se référant au débat du début du siècle entre Jean Jaurès et Jules Guesde, il oppose une culture «jacobine et centralisatrice» et une culture «décentralisatrice, autogestionnaire et libertaire». La deuxième gauche, tolérée plus qu’acceptée après les Assises du socialisme de 1974, pointe son nez. Et les communistes s’inquiètent. Mitterrand évite de parler du «rééquilibrage de la gauche», tout simplement parce qu’il juge qu’il est entré dans les faits. Aux élections cantonales de 1976 et, plus encore, aux élections municipales de 1977, le PS s’impose comme le premier parti de la gauche. Le PCF grogne, soupçonne son allié de lorgner vers le centre et se lance dans des surenchères à l’approche des négociations avec le PS et les radicaux de gauche sur l’actualisation du programme commun. Le 23 septembre 1977, celles-ci échouent sur le champ des nationalisations. Le divorce est consommé. Le PS et le PCF abordent les élections législatives de mars 1978 en ordre dispersé. La défaite est évidemment au bout du chemin. Au soir du second tour, Michel Rocard prend date: «La gauche vient de manquer un nouveau rendez-vous avec l’histoire. Une autre stratégie, après tout, pourrait apporter la victoire». La confrontation pour l’élection présidentielle de 1981 se profile. La réplique vient, en juin 1978, avec un texte intitulé «contribution des Trente», signé par plusieurs proches de François Mitterrand, comme Pierre Joxe et Louis Mermaz, et suggérant que si le PC s’est éloigné c’est aussi parce que le PS ne se positionne pas assez à gauche. LE CHOIX DE METZ
L’affrontement entre les «deux cultures» et les deux présidentiables intervient au congrès de Metz du 6 au 8 avril 1979. Hasard du calendrier, la CFDT tient son congrès un mois plus tard à Brest. Proche de Rocard, Edmond Maire veut y faire entériner le «recentrage», ou encore la dépolitisation, de son organisation. A l’ouverture du congrès, François Mitterrand n’a recueilli que 40,1% sur sa motion et il est confronté à quatre autres textes, ceux de Michel Rocard (21,26%), de Pierre Mauroy (16,01%), du Ceres de Jean-Pierre Chevènement (14,4%) et de Gaston Defferre (6,89%). D’emblée, le premier secrétaire place la barre haut et défend de nouveau le «front de classe» et la rupture avec le capitalisme. «Tout passe d’abord par la transformation du régime économique, ce qui pose en termes clairs le problème de la propriété», s’enflamme-t-il. Michel Rocard met en garde contre les dangers de l’unanimisme et du sectarisme et invite le PS à ne pas être «un rassemblement hétéroclite de mécontents». «Sans marché, la liberté n’est plus enracinée dans l’ordre économique et elle est dès lors menacée», proclame le député des Yvelines. Sur un registre voisin, le maire de Lille prévient que «la rupture est une chimère dangereuse» et que «sans une approche clairement social-démocrate, nous ne parviendrons pas à faire passer nos réformes». François Mitterrand fait monter au créneau son trio de «sabras»: Lionel Jospin, Paul Quilès et Laurent Fabius. Le député de Seine-Maritime lance qu’«entre le marché et le rationnement, il y a le socialisme». A l’issue du congrès, Mitterrand l’emporte (46,99%), en fusionnant avec la motion Defferre. Quelques semaines plus tard, le Ceres rallie la majorité. Rocard et Mauroy sont rejetés dans la minorité. Jospin devient numéro deux du PS et le député des Yvelines promet qu’il ne sera pas candidat à l’Elysée contre le premier secrétaire. |
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Pierre Rosanvallon. Dans l’histoire du socialisme français, il faut distinguer trois éléments. D’abord, depuis 1920, la séparation entre socialisme et communisme. Cette polémique fondamentale constitue une première singularité. La deuxième est que le socialisme français s’inscrit dans une sociologie. Communistes et socialistes avaient en commun de représenter et d’être enracinés dans des classes populaires, avec, pour le socialisme, un lien entre avec les fonctionnaires ou les classes moyennes. Le troisième point tient au contenu: fondamentalement, le projet socialiste se définissait négativement, dans une distance critique avec le programme communiste, et non, prioritairement, dans une autonomie. La chute du communisme a bouleversé complètement toute l’économie sociologique, historique et programmatique du Parti socialiste.
Marc Lazar. Je suis d’accord, avec deux nuances. Une lutte fratricide a existé,
mais le socialisme n’a pas toujours été, surtout après 1945, sur la défensive par rapport
au communisme. Il a aussi eu un projet positif. Avec, à partir des années 1930, en Suède,
puis en Angleterre après-guerre, puis en Allemagne, une volonté de transformer
profondément l’Europe autour de certaines questions, en particulier l’Etat social.
Ensuite est venue la construction européenne, laissée dans un premier temps aux
démocrates-chrétiens. Ce sont des éléments importants pour comprendre les tourments
actuels du socialisme.
La social-démocratie a été une des forces
qui ont façonné la physionomie de l’Europe occidentale. Les historiens tendent
aujourd’hui à ne retenir du XXe siècle que le communisme et le nazisme. Ce n’est qu’une
réalité partielle. Pour reprendre la formule d’Enrico Berlinguer [dirigeant réformateur
historique du communisme italien], avec la démocratie chrétienne, la social-démocratie a
constitué une «force propulsive». Nous assistons aujourd’hui à l’épuisement de la force
propulsive du socialisme.
Jacques Généreux. Je suis d’accord sur l’idée du projet social-démocrate comme
contrepoint ou réaction au communisme. Dès l’origine, selon moi, le socialisme prend un
autre chemin que le marxisme. Le socialisme authentique – celui d’un Pierre Leroux, en
France, en 1833, par exemple, ou des premiers mouvements ouvriers anglais – est un projet
d’égalité et de justice sociale, mais réalisé par la démocratie, par le consentement
mutuel des individus, par la libre association de citoyens, donc dans la liberté.
Contrairement à l’utopie marxiste qui
entend réaliser cette égalité par la mobilisation planifiée, autoritaire, des forces
productives, sous la direction d’une élite qui sait mieux que le peuple comment créer la
société d’abondance. Ce qui a fait la force du projet socialiste au XXe siècle fait
aujourd’hui sa faiblesse. Durant l’âge d’or social-démocrate des «trente glorieuses», ce
projet est en phase avec les conditions technologiques et économiques, qui poussent au
compromis social.
La rupture dans les modes de production,
à la charnière des années 1970 et 1980, a bouleversé la situation. Avec le retour de la
«guerre des classes», avec l’individualisation, l’éclatement des
intérêts, bref, les conflits, le compromis n’est plus naturel. A quoi tient la panne du
socialisme et de la social-démocratie en Europe ? Au fait que depuis vingt ans,
lorsque le compromis est devenu plus difficile, il y a eu un grand renoncement. L’un
parle de bouleversement, l’autre d’épuisement, le troisième de panne.
Pierre Rosanvallon. Il n’y a pas simplement panne. Le socialisme a été un
idéal, avec une gamme de moyens de réalisation. Or nous avons vécu une décomposition
successive de ses incarnations. Le socialisme marxiste s’est effondré. Le socialisme
social-étatique des nationalisations, du programme commun des années 1980, également. Le
socialisme social-démocrate, qui présupposait un compromis institutionnel entre les
grandes forces sociales, s’est aussi épuisé. La nouveauté, c’est que la figure du
socialisme libéral, de la «deuxième gauche», s’est également épuisée.
L’histoire du socialisme s’est
caractérisée par l’opposition entre un socialisme déclinant et un autre en croissance. Un
moment, le déclinant était le communisme, et l’ascendant le social-démocrate; à un autre,
le social-étatisme était déclinant, le social-libéralisme ascendant. Aujourd’hui,
l’ensemble des figures est en décomposition. Nous sommes à la fin d’un cycle général de
l’idée socialiste; pas simplement la fin d’un élément de la culture socialiste. Il y a
toute une histoire à refaire, des traditions occultées à redécouvrir. Tout le projet
d’émancipation est à refonder.
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Jacques Généreux. Je ne suis pas du tout d’accord avec l’idée d’épuisement de
toutes les branches du socialisme. Nous sommes dans l’épuisement des compromis qu’ont
imposé les deux dernières décennies quand, face à l’attaque frontale du capital contre
des acquis sociaux-démocrates, les socialistes ont été incapables de répondre autrement
que par le renoncement ou par une trahison intellectuelle rebaptisée «troisième voie».
Mais l’idée socialiste de départ – qui consistait à «faire société», à bien vivre
ensemble, dans l’égalité et la justice, et d’y parvenir par la démocratie –, cette idée
est étonnamment d’actualité, face à une société déréglée et néolibérale qui pousse à la
compétition et à la guerre.
Ce monde ne souffre pas d’un déficit
d’autorité, mais d’un déficit de démocratie, un déficit de pouvoir citoyen. Nous sommes
donc dans l’épuisement d’une parenthèse d’immobilisme, de tétanie devant l’offensive du
nouveau capitalisme, qui se clôt. Le renouveau est là. Le socialisme des valeurs
universelles a besoin d’être refondé, mais pas réinventé.
Pierre Rosanvallon. Il suffirait donc de sortir d’une parenthèse de renoncement, de dérapage du socialisme ?
Jacques Généreux. Absolument. Il n’y a pas d’autre issue que de revenir au volontarisme politique, qui a toujours été le propre de la gauche. Le politique a vocation à transformer la société. Mais revenir aux sources de l’inspiration n’est pas forcément revenir aux instruments d’action antérieurs. La social-démocratie des «trente glorieuses» a gravi une série de marches vers une société plus juste, plus coopérative. Nous avons redescendu des marches. Il faut remonter, mais pas par le même escalier: les conditions ont changé.
Marc Lazar. Il ne faut pas faire une rationalisation a posteriori. La question
du compromis a divisé historiquement les sociaux-démocrates. Et s’il y a un parti qui
s’est opposé au compromis social-démocratie, c’est bien le PS ! Au point que cette
hostilité plombe encore ses évolutions. Par ailleurs, le compromis entre le capital et le
travail est modifié, les rapports entre l’Etat et le marché redéfinis, l’équilibre de la
configuration entre efficacité économique et justice sociale est plus difficile. On se
retrouve dans un paradoxe historique très fort pour le socialisme: né de la question
sociale au XIXe siècle, il est rattrapé par elle au début du XXIe.
Or toutes les variantes doctrinales
basées sur l’idée d’une appropriation collective des moyens de production et de l’action
collective pour la redistribution des richesses ont fait long feu. Reste posée la
question du réformisme. Quel type de réformisme peut-on faire ? Avec quelles
forces ? Autour de quelles valeurs à définir ? Avec une nouvelle vision de
l’égalité et de la justice sociale, une reconnaissance de l’efficacité économique
capitaliste et la volonté de réduire les inégalités. Le front qui se dessine va au-delà
des frontières classiques du socialisme. Il y a la «troisième voie» anglaise. Il y a
aussi eu un texte célèbre de Massimo D’Alema et de Giuliano Amato sur l’idée d’une
«maison commune» des réformistes en Europe.
Marc Lazar. Quel est l’électeur socialiste type aujourd’hui ? C’est plutôt une femme, salariée, et en général dans le secteur public, d’environ 55 ans, vivant en ville, ayant un haut niveau d’éducation, tolérante en matière de mode de vie. Il est de moins en moins issu des catégories populaires. Ce n’est pas simplement le 21 avril, en France, qui l’a démontré. C’est le cas pour la plupart des partis socialistes et sociaux-démocrates européens. La base sociale historique du socialisme vacille partout, avec une immense percée du côté des classes moyennes et une déperdition dans les catégories populaires. Parallèlement, les nouvelles inégalités sociales et exclusions soulèvent un problème fondamental. Comment les réformistes lisent-ils la société, répondent-ils à ses attentes ? La social-démocratie classique n’y parvient plus.
Pierre Rosanvallon. Dans la société, il y a toujours de la domination, de
l’exploitation. Le projet de refonder l’émancipation, la protection, de refaire une
communauté politique, est donc fondamental. Nous devons prendre en compte l’épuisement
d’une certaine conception du réformisme. 1981 a permis un double apprentissage: on est
passé – c’était un progrès considérable – d’une culture d’opposition à une culture de
gouvernement. En même temps on a considéré que le réformisme se limitait à
l’apprentissage de la culture du gouvernement. C’est insuffisant.
Le réformisme n’est pas simplement le
communisme moins 20%, ou le libéralisme plus 20%. Il se définit comme une méthode
politique, mais aussi comme un contenu. J’appelle en quelque sorte à un peu plus de
marxisme: refaisons une analyse de la société réelle et du mode de production. Il n’y
aura pas de nouveau réformisme s’il n’y a pas de nouvelles analyses des transformations
sociales et de l’économie. Le mode de production s’est totalement modifié: il est plus
segmenté, plus individualisé. Il a développé de nouvelles possibilités de développement
personnel et mis en place, en même temps, des formes nouvelles d’aliénation et de
souffrance au travail. L’idée d’émancipation doit repartir de là.
Le réformisme se définit encore beaucoup
trop souvent de façon uniquement négative, par rapport au libéralisme, au populisme
d’extrême droite ou au radicalisme d’extrême gauche. Le réformisme comme contenu est à
redéfinir. Ce qui m’inquiète, aujourd’hui, c’est que le PS, dans tous ses courants, en
reste à un réformisme de méthode.
Jacques Généreux. Il ne faudrait pas embrouiller le débat en assimilant
implicitement socialisme et communisme. Si le «socialisme réel» des pays communistes
est fini, cela ne signifie pas que le socialisme est terminé. Nous sommes dans la
troisième manche de l’histoire: l’effondrement du socialisme réel a placé en position
de force le modèle néolibéral. Mais il est aussi destructeur que le communisme et repose
sur la même utopie du progrès par l’abondance de la production matérielle. Le temps est
donc venu d’un retour aux sources et aux valeurs du socialisme démocratique.
Sur le réformisme, je suis en accord
avec Pierre Rosanvallon: face aux réalités nouvelles de la société, aux mutations
technologiques et sociologiques, il y a eu une panne de la réflexion réformatrice. Mais
qui ne voit que c’est la logique de la domination de profits privés sur le bien commun
qui nous pousse à l’impasse écologique de notre modèle économique, à la dislocation de
la cohésion sociale, à l’aggravation des inégalités.
Dans la continuité d’une idée forte du
socialisme, il faut donc réaffirmer qu’il n’y a pas de réforme de ce système sans rupture
nécessaire avec cette domination du profit privé et la restauration d’une logique de
l’intérêt général. Comment ? Par la démocratie. La réflexion sur la démocratie
constitue le déficit majeur de la pensée socialiste au XXe siècle. Les socialistes se
sont coulés dans les institutions et les règles du jeu de la démocratie représentative
parce qu’ils y ont vu un instrument pour conquérir le pouvoir et faire passer
pacifiquement certaines réformes sociales.
Mais ce mouvement dominant a conduit à
abandonner une critique fondamentale, présente à l’origine du socialisme, d’une
démocratie bourgeoise, oligarchique, qui, sous couvert de démocratie, assure en réalité
la reproduction d’une élite qui gouverne la société. Aujourd’hui, le problème n’est pas
que l’économie n’est plus placée sous le contrôle du politique, comme disent beaucoup
d’altermondialistes. C’est que le politique n’est plus sous le contrôle des citoyens.
La première révolution culturelle du
socialisme, c’est mener à son terme cette réflexion critique sur la démocratie. Se
poser la question: comment remettre le politique sous le contrôle du citoyen – ce que
j’appellerai la démocratie effective. Une autre révolution est nécessaire: celle du
rapport à la production et à la croissance. Il y a une longue tradition productiviste
du progrès dans la gauche, le marxisme et le socialisme. Il faut rompre avec cette
tradition, non pour bannir l’idée de croissance, mais pour réaffirmer que production
et croissance sont des instruments au service du développement humain et du progrès
social, et pas des fins en soi.
1980-1984: pouvoir
Tout au long de l’année 1980, alors que le Parti socialiste est sous le feu roulant des attaques du PC, François Mitterrand laisse entendre qu’il ne souhaite pas, une troisième fois, être candidat à l’Elysée. Porte-parole des «modernes» face aux «archaïques», Michel Rocard avance ses pions. Le 19 octobre 1980, depuis sa mairie de Conflans-Sainte-Honorine, le député des Yvelines annonce aux Français, avec solennité, qu’il est candidat à la candidature. Il prend soin de répéter qu’il se retirera si, finalement, le premier secrétaire se déclare. Aussitôt, Jean-Pierre Chevènement, architecte du projet socialiste, adopté en janvier 1980 à Alfortville par 96% des suffrages, se met sur les rangs. Cette double valse durera deux semaines. Le 8 novembre 1980, répondant à l’appel de 75 fédérations du PS, François Mitterrand se déclare. Les autres se retirent. Fermez le ban. LA VICTOIRE TRANQUILLELe 24 janvier 1981, à Créteil (Val-de-Marne), un congrès extraordinaire du PS investit à 83,66% des votes celui qui, explique Lionel Jospin, «a rencontré le Parti socialiste, l’a conquis et a été conquis par lui au point de l’incarner». Jusqu’alors secrétaire national chargé des relations internationales, Lionel Jospin est élu, à l’unanimité, premier secrétaire. Ce n’est pas un «intérim», précise le député de la Nièvre, résolu, à partir de la thématique de rupture du congrès de Metz, à «battre Giscard d’Estaing et, avec lui, la droite, le camp des privilèges et le grand capital». Dans la salle, un jeune auditeur à la Cour des comptes, François Hollande, participe à l’enthousiasme. Il vient de prendre sa carte. Sans renier le Projet socialiste, François Mitterrand fait campagne sur ses 110 propositions. Il choisit comme slogan «la force tranquille» mais n’est pas, cette fois, le candidat unique de la gauche. Georges Marchais défend les couleurs du PCF. Les minoritaires de Metz trouvent une petite place dans son équipe de campagne, dirigée par Paul Quilès: Pierre Mauroy est porte-parole et Michel Rocard siège au conseil politique. Dès novembre 1980, le candidat avait proposé au maire de Lille d’être son premier ministre en cas de victoire. Dix ans après Epinay, le 10 mai 1981, avec 51,75% des voix, François Mitterrand est élu président de la République. Aux élections législatives qui suivent la dissolution, en juin, le PS, avec 285 élus, conquiert la majorité avec le seul appoint des radicaux. La «chambre rose» ne compte que 44 communistes. Lionel Jospin, qui avait été le seul socialiste à affronter, le 20 avril 1980, Georges Marchais à la télévision, est chargé de négocier l’entrée du PC au gouvernement. Avec quatre ministres, les communistes participent au deuxième cabinet de Pierre Mauroy. Le premier ministre d’union de la gauche veut, à travers des réformes flamboyantes (39 heures, 5e semaine de congés payés, nationalisations, abolition de la peine de mort, etc.), instaurer le «socle du changement». Lionel Jospin participe aux déjeuners hebdomadaires des «éléphants» à l’Elysée. Il y retrouve Pierre Joxe à la tête des députés socialistes. DES RÉFORMES À LA RIGUEUR
D’abord légitimiste, le PS applaudit la politique du gouvernement, sauf quand il s’agit d’amnistier les généraux félons de l’Algérie française, ferraille avec la droite et le Conseil constitutionnel. Au congrès de Valence, du 23 au 25 octobre 1981, des accents de radicalisation se font entendre. «Il faut frapper vite et fort contre le sabotage de notre économie», lance Louis Mermaz. Mais la motion unique, adoptée à l’unanimité, parle de «transformer graduellement le système économique». «Nous ne cherchons pas la guerre. Nous souhaitons l’accommodement, le compromis», renchérit Jean Poperen, numéro deux du PS. Jospin défend son «ni-ni»: ni «Etat PS» ni «parti godillot». Et Laurent Fabius énonce son syllogisme: «Chaque militant c’est le PS, le PS c’est le gouvernement, chaque militant c’est le gouvernement». A l’été 1982, un exclu de la Ligue communiste révolutionnaire qui a fait ses classes à l’UNEF-ID, Julien Dray, rejoint le PS avant de fonder SOS-Racisme. Mais la politique économique échoue. En juin 1982, Pierre Mauroy bloque les salaires et, en mars 1983, après avoir empêché une sortie de la France du système monétaire européen, il instaure la rigueur. Pour faire avaler cette pilule amère, Lionel Jospin invente la «parenthèse»: «une façon de supporter un changement avec l’espoir raisonnable de revenir au bout de deux ou trois ans à notre politique». Dès février 1984, Jospin, au grand dam de Poperen, suggère de retirer le projet de «grand service public unifié et laïque de l’éducation nationale». Mais la grogne enfle. En juillet 1984, Mauroy démissionne. Laurent Fabius, 37 ans, lui succède... sans le PC. Le 16 décembre 1984, François Hollande et ses amis invitent le PS à «en appeler au réel bien plus qu’aux mythes». Les «transcourants» sortent de l’ombre. |
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PIERRE ROSANVALLON (à gauche), l’un des principaux concepteurs de
la «deuxième gauche» dans les années 1970-1980, est professeur au Collège de France. Il a
récemment publié Le Peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en
France (Gallimard, 1998) et La Démocratie inachevée. Histoire de la souveraineté
du peuple en France (Gallimard, 2000). JACQUES GÉNÉREUX (au centre) est professeur à l’IEP de Paris. Il est membre du courant Nouveau Monde du PS. Il est l’auteur de Quel renouveau socialiste ? (Textuel, 2003) et des Vraies Lois de l’économie (Seuil, 2002). MARC LAZAR (à droite) est professeur à l’IEP de Paris, directeur de l’Ecole doctorale de sciences politiques. Il est le coordinateur de La Gauche en Europe depuis 1945 (PUF, 1996) et a publié, récemment, Le Communisme, une passion française (Perrin, 2002). |
Marc Lazar. Le grand changement qui se dessine, y compris dans l’intervention
de Jacques Généreux, c’est désormais un consensus très large sur le réformisme. Même dans
les courants les plus à gauche du PS, où la tentation reste forte d’un changement
radical, il y a l’idée réformiste. C’est un changement culturel profond. Des désaccords
subsistent sur le contenu, mais l’acceptation largement partagée du réformisme comme
méthode marque la renonciation à la révolution, à la rupture radicale, même si cette
renonciation est contestée de l’extérieur, par l’extrême gauche.
Reste que la social-démocratie est moins
innovante aujourd’hui que dans les années 1950 et 1970. Mais elle conserve d’importantes
capacités d’adaptation. De nouvelles thématiques, sur l’environnement, le développement
durable, le féminisme, ont été très vite reprises par les partis sociaux-démocrates.
André Philip, un socialiste un peu oublié, disait que le socialisme «était souple
dans la doctrine, précis dans le programme et irréductible dans les valeurs».
Etendre cette vision au réformisme donnerait quatre pistes de réflexion.
Pierre Rosanvallon. Nous ne pouvons en rester à la réaffirmation de nos
valeurs. Le débat doit porter sur des réformes précises. Faut-il donner aux associations
un rôle de représentation auprès des municipalités ? Faut-il refonder l’idée de la
communauté ? Qu’est-ce qu’une société d’égaux et de semblables ? Le débat
actuel sur les retraites, par exemple, élude les problèmes considérables des
redistributions cachées et des espérances de vie différenciées. Les socialistes n’en
disent rien. De même, la montée en flèche des très hautes rémunérations change
complètement la vision d’une société de semblables. Où sont les propositions du PS sur
ces sujets essentiels ? On ne peut critiquer le libéralisme et refuser de parler des
questions concrètes.
Sur l’émancipation, il y a au moins un
point positif dans la «troisième voie» blairiste; c’est l’idée que les réformes sont
aussi l’extension du capital social des individus, pas seulement un changement des règles
générales. La capacité d’éducation, l’indemnisation du chômage, la réinsertion, tout ce
qui est lié aux problèmes spécifiques des individus, est devenu cardinal. On est dans un
retour aux sources: l’émancipation, c’est équiper l’individu pour qu’il puisse faire sa
vie. Ce qui me frappe, entre les différentes familles du socialisme jusqu’à l’extrême
gauche, c’est une capacité très forte à la discussion idéologique et une capacité si
faible à la discussion, concrète, sur le programme des réformes.
Jacques Généreux. Le réformisme est une méthode ? D’accord ! Mais il ne peut être que radical, traiter des problèmes à la racine. Il n’est pas une posture, se contentant de réformettes, mais un projet de transformation profonde de la société.
Jacques Généreux. Le PS ne dit effectivement rien de concret sur la nouvelle
redistribution du capital social. Mais, dans le PS et le mouvement social, certains
avancent des propositions sur la démocratie effective, une vraie culture et des
institutions du contrôle citoyen; la transformation des règles du jeu politiques.
Prenons l’entreprise. L’irruption de
l’idée démocratique dans l’économie, c’est que l’équilibre des pouvoirs entre partenaires
est aussi une condition de l’efficacité économique. La financiarisation du capitalisme et
la déréglementation désordonnée des marchés ont donné un pouvoir exorbitant aux détenteurs
du capital et aux actionnaires, qui induit une concurrence par la compression des coûts
salariaux, l’intensification du travail, des économies sur les conditions de sécurité ou
environnementales. Si on introduit des formes de cogestion élargies, de participation
stratégique, qui équilibrent les pouvoirs des actionnaires par ceux des managers, des
salariés ou des collectivités territoriales, on a des entreprises qui, dans une économie
de marché, se feront concurrence sur la qualité et la pertinence de leurs produits.
Marc Lazar. A la liste que dresse Pierre Rosanvallon des réformes à entreprendre, il faut ajouter le douloureux chantier des services publics. Comment les transformer aujourd’hui ? Comment n’être pas simplement dans une position conservatrice, les maintenir sur un certain nombre de biens, mais accepter le principe de leur émulation et de l’efficacité pour les usagers ? Si le réformisme ne prend pas cette question en charge, d’autres, la droite en l’occurrence, le font.
Pierre Rosanvallon. Tout à fait. Le débat sur le service public ne doit pas
simplement porter sur leur mode de gestion, mais aussi sur leur définition même. Il y a
des produits collectifs, comme l’eau ou l’électricité, qui en ont moins besoin, alors
qu’il faut inventer de nouveaux services publics, pour la formation, le logement, la
ville, par exemple. Quant à la refondation du socialisme et à l’affirmation qu’il faut
davantage de politique dans notre société, qu’est-ce que ça veut dire ? L’appel à
davantage de volontarisme est trop court. La politique n’est pas simplement un théâtre
de l’incantation. C’est l’art de rendre visible la réalité des rapports sociaux, des
inégalités et des compromis. Il faut retrouver une plus grande lucidité sur les rapports
de forces et les relations sociales réelles.
En outre, refonder le socialisme, c’est
émanciper l’individu. La question clé de l’économie moderne, c’est comment donner plus de
capital social aux individus pour les rendre plus créatifs, plus autonomes, donc plus
productifs. Mais l’histoire du capitalisme contemporain, c’est qu’à travers la créativité
et l’autonomie se jouent aussi de nouvelles formes d’aliénation. Il faut, à la fois,
donner ce capital social et lutter contre les formes d’aliénation nouvelles et les
nouvelles souffrances dans le travail qu’il développe.
Le socialisme ne peut se limiter au
retour de la politique au poste de commandement, il doit aussi repenser la souffrance
sociale. Et y repenser à partir du plus concret, pas du baratin général. Lorsque le
langage politique est trop idéologique, ne correspond pas à la réalité sensible et vécue,
alors la parole populiste apparaît plus incarnée, plus proche des réalités. C’est un
problème fondamental pour les partis démocratiques.
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Marc Lazar. Malgré ses difficultés et le traumatisme de 2002, le PS est le
grand parti pivot de la gauche. Il a trois problèmes devant lui. D’abord surmonter la
tentation de s’en remettre au jeu de balancier automatique qui, depuis 1981, fait
que tout gouvernement sortant perd les élections et qu’il suffirait à la gauche
d’attendre l’échec ou le rejet de la droite. Ce serait une lourde erreur.
Deuxième question: compte tenu de la
disparition du PCF et de l’incapacité des Verts à construire un parti, le PS pourra-t-il
étendre suffisamment son rayon d’action. Devra-t-il faire de nouvelles alliances, et
avec qui ?
Dernière question, essentielle: le PS
est-il à la hauteur des enjeux actuels de la société française, de ce nécessaire retour
au politique, de cette exigence de politique que nous avons évoqués ? Sur ce point,
je suis très inquiet, d’autant qu’un nouveau cycle de radicalisation apparaît dans la
jeunesse, portée par la quête de nouveaux idéaux, et parfois en train de basculer dans
des chimères idéologiques.
Jacques Généreux. Ou bien l’on se contente de croire que l’échec de la gauche
et le 21 avril ne sont qu’un problème de communication avec la société, que le pouvoir
rend sourd et que les classes populaires ne comprennent plus la modernité. Ou bien –
c’est ce qu’ont exprimé quatre militants socialistes sur dix avant leur congrès – on
admet que le 21 avril est le signe d’un déphasage avec la demande sociale et d’erreurs
politiques fondamentales commises par les socialistes au pouvoir.
Dans ce cas, il faut le reconnaître, dire
lesquelles et réfléchir aux vrais changements, notamment sur la question sociale. Si le
PS ne change pas la ligne, peut-être reviendra-t-il au pouvoir. Pour quoi faire ? La
même politique que MM. Aznar ou Berlusconi sur certains points ? La politique qui a
conduit à cet échec ? Si c’est ça, le réformisme de gauche, ça nous promet du
populisme, de l’extrême droite.
Pierre Rosanvallon. La question centrale qui se pose au PS est de passer d’un réformisme de méthode, désormais acquis, à un réformisme de contenu, qui reste à construire. Le deuxième point, plus inquiétant, c’est que le PS est un parti d’élus, de cadres, de profs et de fonctionnaires. Sa base sociale est aujourd’hui trop étroite pour en faire une puissance réformatrice. Il faut qu’il trouve le moyen d’aller à la rencontre de la société française, qu’il ouvre et anime des états généraux de la société française.
1985-1989: TENSIONLaurent Fabius a beau être le «plus jeune premier ministre» que François Mitterrand ait donné à la France, la mayonnaise entre le gouvernement et le PS ne prend pas toujours. La rigueur tient lieu de politique. Fabius parle de «modernisation» tous azimuts sur fond de sévères restructurations industrielles et de grogne syndicale, attisée par la CGT et par le PC. Le président de la République réhabilite le profit et l’esprit d’entreprise. La page de la rupture avec le capitalisme est définitivement tournée. Face à une droite qui n’a pas baissé la garde et prépare sa revanche aux élections législatives de 1986, les socialistes peinent à se mettre en ordre de marche, paralysés par la querelle entre le premier ministre et le premier secrétaire. FABIUS CONTRE JOSPINLe 14 juin 1985, Laurent Fabius revendique le leadership: «Le premier ministre n’a pas à diriger le Parti socialiste, en revanche, je suis le chef du gouvernement et de la majorité». Aussitôt, Lionel Jospin prend la mouche. Le 6 juillet, il prévient le comité directeur: «Mon mandat de premier secrétaire est entre vos mains. (...) Le PS doit-il rester un parti indépendant conduit par ses dirigeants élus ou doit-il être coiffé par le premier responsable gouvernemental, en particulier pour la campagne électorale et donc être dirigé de l’extérieur ?» De l’extérieur ? Le premier ministre, déjà embarqué dans une série de meetings, relève l’affront. François Mitterrand est obligé d’arbitrer. Il le fait en faveur de Jospin: «L’armature politique de la majorité étant le PS, il revient naturellement au responsable de ce parti de conduire la campagne que les socialistes entendent mener à leur guise». Mais la querelle laissera des traces au sein du courant mitterrandiste. Fabius charge son lieutenant Claude Bartolone de créer son courant, le club Tradition et modernité. Jospin refuse de faire de même. «Mon seul courant, c’est le PS», répéte-t-il. Le congrès de Toulouse, du 11 au 13 octobre 1985, ne se ressent pas de cette rivalité naissante. Lionel Jospin obtient sur sa motion 71,5%. Il évoque le «déclin irrémédiable» du PC et fait un pas, sans prononcer le mot, vers la reconnaissance du caractère social-démocrate du PS. «Le pays a besoin d’une grande force progressiste à caractère socialiste», proclame-t-il. Michel Rocard, qui a démissionné six mois plus tôt du gouvernement pour protester contre l’instauration de la proportionnelle aux élections législatives, fait de la résistance. L’ancien ministre de l’agriculture défend l’économie mixte et le rôle du marché et définit l’Etat non comme producteur mais comme régulateur. Candidat quasiment déclaré à l’élection présidentielle de 1988, sa motion recueille 28,5%. Avec un bilan en demi-teinte et un échec contre le chômage, l’affaire Greenpeace polluant un peu plus le climat, le gouvernement ne part pas favori. Grâce à la proportionnelle, le PS limite les dégâts et avec 32% parle de «défaite victorieuse» aux législatives. Mais il doit céder le pouvoir. Jacques Chirac devient premier ministre. La première cohabitation commence...
COHABITATIONS PLURIELLESAlors que le PS fourbit ses armes pour «résister» au retour de la droite et gêner autant que possible la cohabitation, 400 ex-trotskistes, venus du Parti communiste internationaliste (PCI, lambertiste), emmenés par Jean-Christophe Cambadélis, ancien président de l’UNEF-ID, entrent, en juin 1986, «sans conditions» au PS. D’abord tentés par Fabius, ils rejoindront Jospin. Le premier secrétaire profite du congrès de Lille, du 3 au 5 avril 1987, où tous les courants se retrouvent sur la même motion, pour évincer son numéro deux, Jean Poperen. Les éléphants, de Laurent Fabius à Pierre Mauroy, en passant par Edith Cresson, Pierre Bérégovoy et Henri Emmanuelli investissent en masse le
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STOCKHOLM,
de notre correspondant
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Mai 2003, réunion du Parti social-démocrate (SAP).Le nombre d’adhérents baisse, mais le modèle suédois fonctionne toujours. |
Scrutin après scrutin, décennie après décennie, la social-démocratie suédoise assure sa pérennité avec une constance désarmante, qu’envient bon nombre de partis frères en Europe. Se poser en adversaire de cette machine à gouverner, c’est s’exposer à de longues traversées du désert. Les partis dits de tendance conservatrice, libérale, chrétienne-démocrate ou centriste, en savent quelque chose:depuis 1945 et la fin de la coalition nationale mise sur pied pendant la guerre, ils n’ont confisqué le pouvoir au Parti social-démocrate (SAP) qu’à deux reprises, de 1976 à 1982, puis de 1991 à 1994.
Certes, la période où 45% des voix tombaient dans l’escarcelle rose semble révolue. Le nombre de membres du SAP a chuté de 100 000 en dix ans, à 152 000. Mais, plus que centenaire, cette formation a encore du répondant. En septembre 2002, quatre ans après avoir enregistré son plus mauvais score depuis 1922 (36,4%), elle parvint à frôler les 40% des suffrages alors qu’on lui promettait une inexorable décote, à l’image de ses sœurs danoise, finlandaise et norvégienne.
A force d’être dirigés par le même parti – le premier gouvernement social-démocrate remonte à 1932 – une majorité de Suédois ont fini par l’identifier à la société qu’il a façonnée. «Le SAP est en harmonie avec ce qu’attendent les électeurs, ou bien l’inverse», affirme Britt Bohlin, la présidente du groupe au Parlement. Des responsables du parti ont expliqué l’amélioration de son score électoral par le fait qu’il avait su mieux «écouter et comprendre» les électeurs, après avoir dû mener une politique d’austérité.
Et que souhaite une majorité des neuf millions d’habitants du pays ? Un système égalitaire de prise en charge de l’éducation, de la santé et de la retraite qui fonctionne et une économie saine, à en croire différentes études. Autant d’éléments du «modèle suédois», dont la réputation a contribué à l’image du pays à l’étranger depuis les années 1960. «Contrairement aux Partis socialistes du reste du continent, déclarait à cette époque Olof Palme, alors jeune premier ministre, le mouvement ouvrier suédois ne s’est guère intéressé aux subtilités théoriques, mais beaucoup plus à la construction concrète de la société». S’est établi alors un contrat implicite entre les électeurs et le SAP: «Nous payons beaucoup d’impôts contre le droit à disposer de bons services pour le bien-être, la santé et l’école», résume Per Olof Edin, ancien chef économiste de la puissante confédération syndicale LO. Un contrat qui tient toujours. Lorsqu’on demande aux Suédois s’ils sont prêts à payer plus d’impôts – déjà les plus lourds d’Europe – ils répondent par l’affirmative si on leur garantit des prestations sociales encore plus généreuses…
A quelques exceptions près, le SAP a, dès le début du XXe siècle, mené une politique pragmatique, développant son audience au-delà du monde ouvrier, jusque dans les campagnes où il pouvait compter sur le soutien de ligues de tempérance. «Le parti n’a jamais eu pour but de nationaliser l’économie du pays», note Thomas Hempel, vieux routier du journalisme politique. Plus tard, les sociaux-démocrates firent preuve de souplesse idéologique en ne revenant pas sur le démantèlement des monopoles d’Etat dans les télécommunications et la poste, décidé par le gouvernement de centre droite au début des années 1990. D’une manière générale, le pragmatisme du SAP s’explique aussi par le fait qu’il n’a jamais eu la majorité absolue au Parlement:il lui fallait trouver des compromis au centre ou à sa gauche, comme c’est le cas depuis 1998 avec les anciens communistes et les Verts.
«Le mouvement ouvrier suédois ne s’est guère intéressé aux subtilités théoriques, mais beaucoup plus à la construction concrète de la société» |
L’absence d’un PC fort en Suède a d’ailleurs favorisé la prédominance sociale-démocrate. Les communistes ne parvinrent jamais à se présenter comme une alternative. «Ils étaient perçus comme une menace à l’encontre de la politique de bien-être», se souvient Britt Bohlin. Au point qu’après 1945, et jusqu’aux années 1980, une alliance tacite se forma entre la direction sociale-démocrate, le syndicat LO et le patronat, pour limiter l’influence communiste dans les entreprises par des méthodes peu orthodoxes (fichiers secrets, sanctions contre les militants «rouges»)…
La coopération entre le SAP et la confédération syndicale, forte de deux millions de travailleurs, est l’un des principaux facteurs de la réussite sociale-démocrate suédoise. «Le parti a toujours pris en considération les souhaits de LO qui lui a assuré son soutien entier en période électorale, pointe Thomas Hempel. Lorsque d’aventure le parti et LO s’éloignent, comme en 1991, les sociaux-démocrates enregistrent de mauvais résultats». Ces liens se sont distendus récemment. Alors qu’il y a trente ans, 80% des membres de LO votaient social-démocrate, ils n’étaient plus que 59% en 2002. En revanche, le SAP attire davantage les catégories socioprofessionnelles plus élevées – résultat, selon certains experts, du glissement de sa politique vers le centre.
Formation à l’organisation horizontale, le SAP n’est pas traversé par les guerres de courants qui minent les socialistes français. Si le débat a lieu en son sein, la culture du compromis est telle en Scandinavie que les congrès du SAP n’avalisent, généralement, que des décisions jouissant d’un large soutien à sa base. En revanche, note Thomas Hempel, «le parti réussit à se mettre en opposition contre lui-même au moment des campagnes électorales, pour reprendre à son compte le mécontentement populaire que l’opposition bourgeoise ne parvient pas à capter»…
POUR les sociaux-démocrates allemands, l’épreuve a tout du périlleux exercice d’équilibre. Comment, sans perdre leur âme, réformer leur système de protection sociale, l’une des plus solides justifications de leur existence politique ? Sur ce problème, responsables, syndicalistes, militants et experts du SPD se déchirent depuis des mois. Entre ceux qui, tels les syndicats, craignent de voir les changements mettre en cause les acquis, et ceux qui, tel le gouvernement, pris à la gorge par l’état des finances publiques, ne voient d’autre issue que de tailler dans la masse, le parti tangue, à la recherche d’un inaccessible compromis.
Certains députés évoquent une cure d’opposition pour ressourcer une formation qui aurait perdu ses repères. Des syndicalistes parlent de trancher les liens qui les attachent à la social-démocratie. La direction du SPD aligne les chiffres, faisant appel à la responsabilité de tous. Sans doute, lors du prochain congrès extraordinaire du 1er juin, Gerhard Schröder imposera-t-il finalement sa vision. Mais à quel prix ? Lors des réunions régionales, en avril-mai, pour préparer le congrès, des délégués, moroses, prophétisaient que, si l’appareil serait tenu, la base, elle, s’éloignerait doucement.
Que faire ? En vérité, personne ne le sait avec certitude. Ni Gerhard Schröder, qui comprend qu’il doit réformer mais qui, ne disposant pas d’une majorité incontestée pour le faire, sera obligé d’accepter des compromis qui diminueront d’autant la pertinence de ses solutions; ni ses adversaires, qui, tel Michael Sommer, le patron de la Confédération des syndicats allemands (DGB), ne proposent qu’une classique politique de relance par la consommation et l’endettement, sans être autrement impressionnés par la profondeur des déficits actuels.
Au pouvoir depuis cinq ans, Gerhard Schröder paie le prix de la crise à multiples facettes qui frappe la société allemande, soulignant sa rigidité à se réformer. La social-démocratie a bâti sa force sur ses capacités redistributives. Des salariés bien payés reversaient sous forme d’impôts une partie de leurs revenus, redistribués sous forme de prestations sociales. Tant que l’économie allemande était en expansion, la machine tournait.
Avec l’intensification de la concurrence internationale et les crises de conjoncture, l’économie allemande a perdu de sa compétitivité. Le patronat a combattu le coût du travail par des gains de productivité, délocalisant ou supprimant des centaines de milliers d’emplois, dont les titulaires non seulement ne produisaient plus de prestations sociales, mais en devenaient consommateurs. Le coût de la réunification, qui transfère vers l’Est des milliards d’euros chaque année, et le vieillissement de la population, qui accroît le coût général des retraites et de la couverture de la santé, ont fait le reste, rendant étroite la marge de manœuvre de tout gouvernement.
«Notre difficulté actuelle provient des changements démographiques profonds que nous n’avons pas vus ou voulu voir», explique Angelika Swhall-Düren, députée SPD de Rhénanie-du-Nord-Wesphalie. Selon elle, le parti doit cheminer le long de deux axes: les restrictions, pour réduire les coûts des prestations sociales, et la recherche de financements nouveaux, pour assurer le paiement des prestations encore en place. «Un équilibre délicat à maîtriser», admet la députée, qui craint autant de trop grandes restrictions qu’un laisser-aller électoralement dévastateur.
Dans quels secteurs écrémer, selon quelle logique et pour préserver quels acquis jugés plus importants que d’autres ? Cette discussion, pour l’instant, paraît négligée. Personne n’ignore que l’Allemagne devra y songer, réfléchir sur son système de formation trop rigide comme sur son absence de politique démographique.
Mais, poussé par l’ampleur des déficits, handicapé par une opposition qui ne lui fait pas de cadeaux, et gêné par son aile gauche, le gouvernement de Gerhard Schröder paraît gouverner à courte vue, soucieux d’assurer la survie du système par quelques mesures conservatoires.
1990-1994: DRAMESA peine François Mitterrand a-t-il commencé son second septennat que les socialistes pensent à l’après-mitterrandisme. A Matignon, Michel Rocard, qui ne dispose que d’une majorité relative à l’Assemblée et est flanqué de centristes dans son gouvernement, inaugure une nouvelle forme de cohabitation avec le président de la République. Pierre Mauroy vit son arrivée à la tête du PS comme une «épreuve». Il cherche le consensus et, à défaut de numéro deux, s’entoure d’une direction collégiale avec quatre jospinistes (Henri Emmanuelli, Daniel Vaillant, Gérard Le Gall et Jean-Jack Queyranne), un fabiusien (Marcel Debarge) et un rocardien (Gérard Lindeperg). Ministre d’Etat et ministre de l’éducation nationale, Lionel Jospin s’est résigné à organiser son courant. Il y a ses complices de la «bande du XVIIIe» (arrondissement de Paris), où il a été député en 1981, comme Bertrand Delanoë, Daniel Vaillant et Claude Estier, mais aussi ses amis Dominique Strauss-Kahn et Claude Allègre. A la présidence de l’Assemblée nationale, Laurent Fabius reçoit beaucoup. C’est le «socialisme hôtelier», ironisent ses détracteurs.
NAUFRAGE À RENNESQuand s’ouvre, le 15 mars 1990, le congrès de Rennes, tout est en place pour un drame. Laurent Fabius est soupçonné de vouloir, avec l’appui de l’Elysée, prendre sa revanche sur Mauroy. Lionel Jospin est suspecté de chercher à s’allier avec Rocard pour l’en empêcher. François Mitterrand s’inquiète: «Cette bande de petits fonctionnaires mettra trois jours à défaire ce que j’ai fait en vingt ans». Rêvant de consensus interne, le premier secrétaire avait fait adopter, le 13 janvier à l’unanimité du comité directeur, une nouvelle «déclaration de principes». Succédant à celles de 1905, 1946 et 1968, elle proclame que le PS, favorable à «une société d’économie mixte», «met le réformisme au service des espérances révolutionnaires». Sa ratification à Rennes passe inaperçue. La pièce se joue à travers les sept motions qui s’affrontent: Jospin-Mauroy-Mermaz (28,95%); Poperen (7,2%); Rocard (24,2%); Jean-Luc Mélenchon (1,35%); Fabius (28,84%); Marie-Noëlle Lienemann (0,6%); Chevènement (8,5%). Les tractations se passent la nuit. D’emblée, Jospin et Mauroy s’allient avec Socialisme et République, le nouveau courant de Chevènement, pour dégager «un nouvel axe politique». Fabius, qui tente de faire de même avec Poperen, dénonce une «logique d’écartement». Le premier ministre, Michel Rocard, fait semblant de ne pas voir les fissures: «Jamais, depuis 1905, les socialistes n’ont été aussi unis sur le fond. Qui donc pourrait imaginer que pour gagner les échéances qui nous attendent, on ne trouve pas ensemble les trois premiers ministres socialistes de François Mitterrand et les deux premiers secrétaires qui lui ont succédé à la tête du parti ?» Peine perdue. DÉFAITES EN SÉRIESPierre Mauroy parle de divisions «artificielles» et cherche, contre l’avis de Jospin, un accord avec un Fabius qui proclame qu’il faut «ancrer très résolument l’action de notre gouvernement à gauche». Le président de l’Assemblée veut un poste de numéro deux et de surcroît la Fédération des élus socialistes, exigence que l’Elysée juge excessive. Peine perdue. Au matin du 18 mars, après une nuit de conciliabules houleux, il n’y a pas de synthèse. Les militants huent les éléphants et Mauroy pose au final seul à la tribune avec une rose abîmée… Trois jours plus tard, sur injonction de Mitterrand, une synthèse rassemble tous les courants sur un texte, «Rassembler à gauche». Pierre Mauroy est réélu à l’unanimité. Réunis dans une même opposition à la participation française à la guerre du Golfe, Julien Dray et Jean-Luc Mélenchon fondent, en septembre 1991, la Gauche socialiste.
Du 13 au 15 décembre 1991, le PS tient un congrès extraordinaire à l’Arche de la Défense, un essai de Bad-Godesberg à la française. Michel Charzat présente «un nouvel horizon pour la France» qui propose un «rapport critique avec le capitalisme». Le 9 janvier 1992, Mauroy abandonne la direction du PS à Fabius, à partir d’un partage du pouvoir qui fait de Rocard le «candidat virtuel» à l’Elysée. En avril 1992, Pierre Bérégovoy succède à Edith Cresson à Matignon. La cinglante défaite législative du PS en mars 1993 oblige, le 3 avril, Fabius à jeter l’éponge. Le 25 avril, Jean-Pierre Chevènement, qui avait fondé à l’automne 1992 le Mouvement des citoyens (MDC), rompt avec le PS. Président provisoire du PS, Michel Rocard organise les états généraux des socialistes en juillet 1993 à Lyon. En octobre, le congrès du Bourget l’élit premier secrétaire. Le fiasco de sa liste aux européennes de 1994 (14,5%) entraîne sa chute à la suite d’un «putsch» le 19 juin 1994. Henri Emmanuelli lui succède. Au congrès de Liévin, du 18 au 20 novembre 1994, où il est réélu à 87%, il imprime une ligne «à gauche toute» et invite Jacques Delors à «faire son devoir» en se présentant à l’Elysée. |
Nous allons tous essayer de nous concentrer sur le futur, pas sur le passé. On va
profiter de l’occasion pour voir comment réussir le processus de paix en Irak, pour
discuter du Proche-Orient, de la globalisation, du processus de Lisbonne. La défense sera
une autre question. La France, l’Allemagne, la Belgique et le Luxembourg ont pris une
initiative. Au-delà, il faut savoir si nous sommes d’accord entre socialistes sur la
nécessité de renforcer la dimension de défense de l’Union européenne, pour être capable
d’être plus actif quand on en arrive à une situation de conflit, après que tous les
autres moyens ont été utilisés pour trouver une solution. Il ne s’agit pas de faire de
l’Europe une puissance militaire. Mais l’UE doit avoir des capacités importantes. C’est
pénible pour tout le monde de devoir faire appel à l’assistance américaine pour transporter
des soldats en Macédoine.
Les partis socialistes en Europe sont au début d’une nouvelle époque. Au XXe siècle,
après deux guerres mondiales, la construction de l’Etat-providence a été le grand
objectif politique pour protéger l’être humain, instaurer la sécurité et assurer un
meilleur futur pour l’individu. Au XXIe, c’est la poursuite de ce combat, mais dans
d’autres termes et d’autres structures. Nous vivons dans un monde globalisé, avec une
interdépendance que nous n’avons jamais connue. La gauche doit trouver une réponse.
Dans les deux rapports au Parti des
socialistes européens (PSE) que nous achevons, sur la mondialisation et sur le processus
de modernisation lancé au sommet européen de Lisbonne, en 2001, nous voulons faire
émerger une nouvelle vision politique. Dans le passé, notre tâche était de procurer des
emplois, une meilleure éducation, des logements. La réponse a été l’Etat-providence. Le
résultat de cette politique a été l’émergence de l’individu, de l’individualisme. Un
mouvement socialiste moderne doit comprendre que l’individu d’aujourd’hui veut décider
par luimême plus que dans le passé; cela dans un monde en changement permanent.
Il y a deux voies pour l’Europe: la première est la réponse nationaliste et populiste, qui propose aux gens de se concentrer sur leur quotidien et de fermer la porte au reste du monde; la deuxième, que doivent emprunter les socialistes, est de rechercher comment intégrer la mondialisation et l’Europe dans ce processus. Avant, on a mis l’Etat au sommet de l’édifice, pour équilibrer l’individu et le marché; au XXIe siècle, au sommet du triangle, il y a l’individu; l’Etat est toujours là, mais dans un autre rôle, pour encadrer le marché, et, avec l’Europe, pour développer une stratégie commune face à la globalisation. Il faut refonder l’Etat, refonder l’Europe, créer une gouvernance globale pour surmonter le sentiment d’insécurité des gens et trouver de nouvelles réponses politiques.
Les différents pays n’ont pas été touchés au même moment, ni dans les mêmes circonstances, par la globalisation. Mais la nouvelle situation oblige à regarder d’un œil nouveau nos différences historiques: nos partis se trouvent dans la même situation face à la globalisation et à l’Europe. Cela n’était pas le cas avant. Pour des raisons pratiques, mais aussi politiques et idéologiques, les chances de se rapprocher les uns des autres sont plus grandes qu’elles l’ont été depuis des années.
Sur le plan de la politique extérieure et de défense, l’Irak a servi de catalyseur pour montrer l’ambiguïté des discours tenus jusqu’ici sur la nécessité d’une politique commune. En ce sens, cela a été utile pour clarifier ce que l’on veut faire. Sur les autres questions – comment combattre le chômage, s’attaquer aux réformes, quelle réponse européenne à la mondialisation ? – la réponse est de renforcer le processus de Lisbonne. Il permet d’avancer avec ceux qui ne peuvent pas accepter une harmonisation totale des politiques sociales, d’éducation, mais qui sont prêts à accepter que l’UE aide à mieux coordonner les politiques. Probablement un jour viendra où il sera possible de légiférer ensemble dans ces domaines. Mais on ne peut pas attendre jusque-là.
Il faut proposer un nouvel équilibre, un nouveau projet global commun |
Pendant les neuf ans où j’ai dirigé le gouvernement danois, j’ai eu beaucoup de discussions avec les syndicats. J’ai réalisé que beaucoup de gens pensent aux réformes comme si on allait leur prendre quelque chose. Or la réforme a pris un sens nouveau: c’est un deal, donnant-donnant. Oui, nous réformons en reprenant quelque chose, mais nous redonnons autre chose qui permet aux gens d’être mieux armés pour les temps modernes. Exemple: avant, on pouvait compter sur la durée pour assurer aux travailleurs la sécurité économique et sociale. Aujourd’hui, dans une période de changements permanents, on ne peut plus assurer aux travailleurs un travail pour toute la vie, mais il faut leur donner les moyens de s’adapter de manière permanente au changement. Il faut réformer nos sociétés, mettre en place un système égalitaire où chacun aura accès à la formation nécessaire, bref: une politique active du marché du travail. Ce processus de réforme doit être initié au niveau européen et national. Les partis socialistes en France, en Italie et en Allemagne commencent à bouger. Il faut proposer un nouvel équilibre, un nouveau projet global commun, dans lequel les gens retrouvent leur compte. Si nous ne le faisons pas, nous risquons d’être les perdants.
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FRANCE PS: Parti socialiste Fondé en 1905: SFIO en 1971: PS Dans l'opposition depuis 2002 ALLEMAGNE SPD: Sozialdemokratische Partei Deutschlands Fondé en 1863 Parti social-démocrate d'Allemagne Au pouvoir depuis 1997 ROYAUME-UNI Labour party Parti travailliste Fondé en 1900 Au pouvoir depuis 1997 ESPAGNE PSOE: Partido Socialista Obrero Espanol Fondé en 1879 Parti socialiste ouvrier espagnol Dans l'opposition depuis 1996 ITALIE SDI: Socialisti Democratici Italiani Fondé en 1998 Socio-démocrates italiens Dans l'opposition depuis 2001 DS: Democrati di Sinistra Fondé en 1991 Démocrates de gauche Dans l'opposition depuis 2001 |
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SUÈDE SAP: Sveriges Socialdemokratiska Arbetareparti Fondé en 1889 Parti social-démocrate Au pouvoir depuis 70 ans Liens étroits avec le syndicat LO (Landsorganisationen) |
AUTRICHE SPÖ: Sozialdemokratische Partei Österreichs Parti social-démocrate d'Autriche Fondé en 1888 Dans l'opposition depuis 1999 |
BELGIQUE PS (francophone) Fondé en 1979 Parti socialiste Au pouvoir dans des coalitions SPA: Socialistiche Partij Fondé en 1889 Parti socialiste autrement Au pouvoir dans des coalitions |
AU QG de campagne du député Arnaud Montebourg, la question s’est posée dès octobre 2002: adopter le nom de Nouveau Parti socialiste (NPS) pour donner naissance à un nouveau courant, tout en tirant sur le «vieux parti», n’était-ce pas prendre le risque de faire un peu trop «New Labour» ?
Le doute a été balayé, mais il est révélateur du rôle d’épouvantail que jouent Tony Blair et sa fameuse «troisième voie» auprès des socialistes français. Encore que ! Lors des débats préparatoires du congrès de Dijon, François Hollande et ses partisans ont souvent opposé à leurs adversaires l’exemple anglais pour défendre leur «réformisme de gauche». Opter pour une voie plus radicale, expliquaient-ils, c’est prendre le risque de se retrouver dans l’opposition pour vingt ans, à l’image des travaillistes britanniques, dont la traversée du désert a commencé en 1979, après un congrès déchirant, justement, pour s’achever en mai 1997.
Mais voilà qu’après la rivalité Jospin-Blair pour incarner une gauche «réelle», la seconde guerre d’Irak a porté une nouvelle et sérieuse estafilade dans les relations compliquées qu’entretiennent les socialistes des deux côtes de la Manche. D’épouvantail étiqueté libéral de gauche, le «soldat Tony Blair» – dixit Henri Emmanuelli – a endossé, à cette occasion, la panoplie du «traître», voire de l’«ennemi». Alors que le débat sur la mondialisation et la construction européenne battait son plein, dans les discussions d’avant-congrès au PS, la querelle s’est intensifiée.
«L’unilatéralisme américain et la mondialisation libérale procèdent d’une même logique», écrivent ainsi Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon dans leur motion. «C’est parmi les défenseurs sociaux-démocrates les plus enthousiastes de la mondialisation que l’on rencontre les plus grands atlantistes», dénoncent-ils, évoquant «l’ampleur du désaccord» avec ceux, dont Tony Blair, qui ont apporté leur soutien à George W. Bush. Dans ce contexte, François Hollande, vice-président du Parti des socialistes européens (PSE), a accueilli comme une bouffée d’oxygène la démission du gouvernement britannique de Robin Cook, président du PSE.
Mais, parmi ses partisans, il se trouve pourtant des personnalités pour assumer ouvertement une proximité de pensée avec Tony Blair. «Pour moi, il n’est pas Thatcher, affirme Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d’Ile-de-France. Ses thèses sur la troisième voie ont évolué, il est revenu à gauche, notamment sur la question des services publics, ajoute ce proche de Dominique Strauss-Kahn. Entre Blair et Schröder, je ne sais pas aujourd’hui lequel est plus à droite.»
Alors, «en partie, oui», le premier ministre britannique reste un «modèle» pour Michel Rocard. Ce dernier l’affirmait «sans blaguer» le 4 mai: Blair est «un modèle dans ce sens qu’il a complètement accepté que la société contemporaine a des contraintes terribles et que c’est une société où joue pleinement la compétition. (…) C’est un vrai social-démocrate sur une ligne courageuse. En ce moment, ajoutait-il, Blair augmente dramatiquement ses impôts pour sauver ses services publics. En France, ça ne serait déjà pas si mal, ça !».
1995-2003: SÉISMESAu début de l’année 1995, le Parti socialiste est un «champ de ruines», selon la formule de Michel Rocard. Lourdement défait aux législatives de 1993, il n’a plus que 54 députés. Son incapacité à enrayer la montée du chômage jointe aux affaires, notamment l’affaire Urba sur son financement politique, a conduit à une Bérézina électorale. Malade, François Mitterrand entame une seconde cohabitation avec, cette fois, Edouard Balladur à Matignon. Pis, après la défection de Jacques Delors, le PS n’a plus de candidat naturel ou virtuel à l’Elysée. Retiré sur l’ Aventin depuis sa mise à l’écart du gouvernement de Pierre Bérégovoy, Lionel Jospin hésite sur son avenir politique. Déjà, en 1992, il s’était tenu en dehors du partage du pouvoir esquissé par Pierre Mauroy quand il avait confié les clefs du PS à Laurent Fabius en faisant de Michel Rocard le candidat virtuel à l’Elysée. Les trois succès de JospinAux législatives de 1993, Jospin est battu en Haute-Garonne. Le 3 avril, il annonce son retrait: «J’ai été battu, nous avons été battus. Il faut en tirer les conséquences. Moi, j’ai décidé de m’éloigner de l’action politique et je pense que ça devrait inspirer certaines démarches». Dès le congrès du Bourget, en octobre, il est de retour, faisant dire à ses adversaires qu’il a fait sa «traversée du bac à sable»...
Lorsque Michel Rocard est renversé, le 19 juin 1994, Jospin reste neutre et laisse son propre courant exploser. Deux des ses amis, Dominique Strauss-Kahn et Henri Emmanuelli, incarnant l’un la modernité l’autre la tradition socialistes, briguent la succession. Le député des Landes l’emporte sans que Jospin s’en mêle. Pourtant, l’ancien ministre réunit de nouveau ses fidèles, quitte à les surprendre, le 4 janvier 1995, en annonçant à un bureau national du PS ébahi, sa candidature à la candidature. La primaire qui suit l’oppose au premier secrétaire en place. Avec 65,83% des voix des militants, il l’emporte largement sur Henri Emmanuelli, soutenu par Fabius. Lionel Jospin mène campagne sans la mobilisation de l’appareil socialiste, sans le soutien – non sollicité – de François Mitterrand et crée de nouveau la surprise en arrivant en tête au premier tour, avec 23,3%. Le candidat, qui avait commencé dans son livre L’Invention du possible, en 1992, à dresser le bilan contrasté du mitterrandisme, invente, le 9 avril 1995 au parc floral de Vincennes, le «droit d’inventaire». La vieille garde socialiste grimace. Au second tour, Jospin obtient 47,36%. Fort de ce premier succès électoral, Lionel Jospin part à la reconquête du PS. Avec panache, Henri Emmanuelli, qui vit douloureusement sa mise en examen dans l’affaire Urba, avec le sentiment de payer seul pour tout le parti, se retire. Le 14 octobre 1995, Jospin est triomphalement élu au vote direct des militants premier secrétaire du PS. Il s’appuie sur trois piliers: le premier, le plus robuste, est composé des rénovateurs proches de Martine Aubry, des rocardiens, des mauroyistes et des... jospinistes; le second, plus sensible aux aléas de l’histoire, est composé des fabiusiens; le troisième, friable et résigné, comprend l’aile gauche.
LES DEUX 21 AVRILAvec une équipe resserrée et œcuménique, Lionel Jospin remet le PS au travail. L’année 1996 est jalonnée par trois conventions sur l’Europe et la mondialisation, la démocratie et la politique économique. Le PS tente de se réarmer doctrinalement et de préparer les législatives de 1998. Mais, le 21 avril 1997, le président de la République, Jacques Chirac, prononce la dissolution de l’Assemblée nationale. De ce séisme politique, Jospin va faire son troisième succès, après la présidentielle de 1995 et le retour au PS. Quand la dissolution survient, les socialistes sont prêts. Ils ont déjà investi leurs candidats, avec 30% de femmes, conclu un accord électoral avec les Verts et n’ont plus qu’à boucler, à la va-vite, celui avec le PCF de Robert Hue. Dans le prolongement des Assises de la transformation sociale, lancées fin 1993 par Michel Rocard avec le concours de Jean-Christophe Cambadèlis, Jospin met sur pied la «gauche plurielle» avant même qu’elle ne devienne majoritaire, le 1er juin 1997. Lionel Jospin est nommé premier ministre. Il prend la tête d’une équipe de gauche plurielle, avec le PC, les Verts, les radicaux de gauche et le Mouvement des citoyens de Jean-Pierre Chevènement, seul à ne pas aller jusqu’au bout de l’aventure en raison d’un désaccord sur la Corse. Jospin confie le PS à l’ancien transcourant François Hollande, élu en novembre 1997, réélu en novembre 2000. Fort de son bilan, des 35 heures à la réduction du chômage, Lionel Jospin se porte candidat à l’Elysée. Mais, le 21 avril 2002, il est éliminé au premier tour. Un séisme que le PS va tenter de surmonter. Michel Noblecourt |
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D’OÙ vient la social-démocratie ? Dans le bouillonnement des courants socialistes naissants de la fin du XIXe siècle, deux grandes orientations se dégagent, incarnées par deux puissants orateurs, élus députés en 1893, le premier, Jules Guesde, chez les ouvriers du textile de Roubaix, le second, Jean Jaurès, chez les mineurs de Carmaux. Tous deux développent une analyse impeccablement marxiste du capitalisme et de l’émancipation du prolétariat par la lutte des classes et la révolution.
Mais Guesde et ses partisans en font une lecture intransigeante, excluant toute alliance entre le prolétariat et la bourgeoisie progressiste. Plus souple et acharné à construire l’unité des socialistes – réalisée en 1905 –, Jaurès, au contraire, prend fait et cause pour le capitaine Dreyfus, soutient la première participation gouvernementale d’un socialiste, Alexandre Millerand, en 1899, défend l’action parlementaire, plaide enfin pour des réformes améliorant le sort des ouvriers et constituant, à ses yeux, non pas un renoncement mais le prélude à la révolution. Les deux hommes s’affrontent le 26 novembre 1900, lors d’un grand débat organisé à l’hippodrome de Lille, devant 8000 militants. Voici des extraits de leurs interventions.
Jean Jaurès. Au nom de la lutte des classes, nous pouvons nous reconnaître entre nous pour les directions générales de la bataille à livrer. Mais il ne vous est pas possible, par la seule idée de la lutte des classes, de décider si le prolétariat doit prendre part à la lutte électorale et dans quelles conditions; s’il peut ou s’il doit et dans quelles conditions s’intéresser aux luttes des différentes fractions bourgeoises.
Dans chaque cas particulier, il faudra que vous examiniez l’intérêt particulier du prolétariat. La société d’aujourd’hui est divisée entre capitalistes et prolétaires. Mais en même temps, elle est menacée par le retour offensif de toutes les forces du passé, de la barbarie féodale, de la toute-puissance de l’Eglise. Et quand la liberté républicaine est en jeu, quand la liberté de conscience est menacée, quand les vieux préjugés qui ressuscitent les haines de races et les atroces querelles religieuses des siècles passés paraissent renaître, c’est le devoir du prolétariat socialiste de marcher avec celle des fractions bourgeoises qui ne veut pas revenir en arrière.
Jules Guesde. Nous ne reconnaissons pas la lutte des classes, nous, pour l’abandonner une fois proclamée. C’est le terrain exclusif sur lequel nous nous plaçons. Malheur à nous si nous nous laissons arrêter le long de la route, attendant comme une aumône les prétendues réformes que l’intérêt même de la bourgeoisie est quelquefois de jeter à l’appétit de la foule, et qui ne sont et ne peuvent être que des trompe-la-faim. Nous ne pouvons être qu’un parti de révolution, parce que notre émancipation et l’émancipation de l’humanité ne peuvent s’opérer que révolutionnairement.
Nous détourner de cette lutte, camarades, c’est trahir, c’est déserter, c’est faire le jeu des bourgeois d’aujourd’hui. Le jour où le prolétariat organisé pratiquerait la lutte des classes sous la forme du partage du pouvoir politique avec la classe capitaliste, ce jour-là il n’y aurait plus de socialisme.
Jean Jaurès. Il y a des heures où il est de l’intérêt du prolétariat d’empêcher une trop violente dégradation intellectuelle et morale de la bourgeoisie elle-même. Voilà pourquoi lorsque, à propos d’un crime militaire, une petite minorité bourgeoise, contre l’ensemble de toutes les forces du mensonge déchaînées, a essayé de crier justice et de faire entendre la vérité, c’était le devoir du prolétariat de ne pas rester neutre, d’aller du côté où la vérité souffrait, où l’humanité criait. Peut-être les révolutionnaires ont-ils trouvé que nous dépensions trop de notre force et de la force du peuple dans ce combat. Mais, oui, il fallait poursuivre tous les faussaires, tous les menteurs, tous les bourreaux, tous les traîtres. Il fallait les poursuivre à la pointe de la vérité, comme à la pointe du glaive. Et c’est parce que, dans cette bataille, le prolétariat a rempli son devoir envers luimême, envers la civilisation et l’humanité qu’il est devenu le tuteur des libertés bourgeoises que la bourgeoisie était incapable de défendre. C’est parce que prolétariat a joué un rôle décisif dans ce grand drame social que la participation directe d’un socialiste [Alexandre Millerand] à un ministère bourgeois a été rendue possible, signe éclatant de la croissance, de la puissance du Parti socialiste.
Jules Guesde. On nous a dit: la lutte des classes ne défendait pas, elle commandait au contraire au prolétariat, le jour où une condamnation inique était venue atteindre un membre de la classe dirigeante, elle faisait un devoir, une loi aux travailleurs d’oublier les iniquités dont ils sont tous les jours victimes. Le jour où un capitaine d’état-major, le jour où un dirigeant de la bourgeoisie se trouvait frappé par sa propre justice de classe, ce jour-là, le prolétariat devait tout abandonner, il devait se précipiter comme réparateur de l’injustice commise.
Il a suffi qu’une première fois le Parti socialiste quittât fragmentairement son terrain de classe; il a suffi qu’un jour il nouât une première alliance avec une fraction de la bourgeoisie pour que, sur cette pente glissante, il menace de rouler jusqu’au bout. Pour une œuvre de justice et de réparation individuelle, il s’est mêlé à la classe ennemie, et le voilà maintenant entraîné à faire gouvernement commun avec cette classe.
Jean Jaurès. Est-il juste, est-il sage, est-il conforme au principe, qu’un socialiste participe au gouvernement de la bourgeoisie ? Nous savons très bien que la société capitaliste est la terre de l’iniquité et que nous ne sortirons de l’iniquité qu’en sortant du capitalisme. Mais nous savons aussi qu’il y a des ennemis plus forcenés dans la société bourgeoise, des adversaires plus haineux et plus violents les uns que les autres; et lorsque nous soutenons un ministère, ce n’est pas pour ce ministère, c’est contre les autres plus mauvais qui voudraient le remplacer. L’heure viendra où le Parti socialiste unifié, organisé, donnera l’ordre à l’un des siens, ou à plusieurs des siens, d’aller s’asseoir dans les gouvernements de la bourgeoisie pour contrôler le mécanisme de la société bourgeoise, pour collaborer le plus possible aux œuvres de réforme. À mesure que grandit le pouvoir du Parti socialiste, grandit sa responsabilité. Mais de cette responsabilité, nous n’avons pas peur. Pour faire œuvre de réforme et, dans la réforme, œuvre commençante de révolution.
Jules Guesde. Il a fallu l’abandon de son terrain de classe par une partie du prolétariat pour qu’à un moment donné on ait pu présenter comme une victoire la pénétration dans un ministère d’un socialiste qui ne pouvait pas y faire la loi, d’un socialiste qui devait y être prisonnier, d’un socialiste qui n’était qu’un otage. C’est parce que le socialisme est devenu une force et un danger pour la bourgeoisie que celle-ci à songé à s’introduire dans le prolétariat organisé pour le diviser et l’annihiler. Mais ce n’est pas la conquête des pouvoirs publics par le socialisme, c’est la conquête d’un socialiste et de ses suivants par les pouvoirs publics de la bourgeoisie.
Nous nous trouvons devant deux politiques: les uns préconisant la prise du pouvoir politique en combattant, les autres poursuivant cette prise du pouvoir partiellement, fragmentairement, homme par homme, portefeuille par portefeuille, en négociant. Nous ne sommes pas pour le négoce: la lutte des classes interdit le commerce de classe.
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[Incessant, ce débat est, à nouveau, au centre du congrès de la SFIO à Toulouse, en 1908. Paul Lafargue, gendre de Marx, exprime les positions de Jules Guesde, malade et absent.]
Paul Lafargue. Je suis de ceux qui ont soutenu que le parlementarisme était la forme de gouvernement propre à la classe bourgeoise, celle qui met entre les mains de la bourgeoisie les ressources budgétaires et les forces militaires, judiciaires et politiques de la nation. Les socialistes ne sont pas des parlementaires, ils sont au contraire des antiparlementaires qui veulent renverser le gouvernement parlementaire, le régime du mensonge et de l’incohérence. Le député qui prétend être le représentant de ses électeurs ment, parce que son corps électoral est composé de bourgeois et d’ouvriers. Il ne peut représenter les uns et les autres.
Jean Jaurès. Il ne s’agit pas pour nous d’une sorte de mécanisme réformiste. Je ne crois pas plus à la fatalité de la réforme qu’à la fatalité de la révolution. Ce que j’ai dit c’est que chaque réforme donnait à la classe ouvrière plus de force pour en revendiquer et en réaliser d’autres. S’il y a une loi qui, malgré ses lacunes, malgré ses vices, soit considérée par l’ensemble des ouvriers comme une loi bienfaisante, c’est la loi d’assurance sur les accidents du travail, loi à coup sûr perfectible, mais de l’aveu de tous les travailleurs soumis aux vicissitudes de la vie des ateliers, infiniment supérieure au régime antérieur. (…)
Jean Jaurès. (…) Pour les retraites ouvrières, c’est la même chose. C’est le prolétariat européen qui, partout en Europe, directement ou indirectement, a imposé à tous les pouvoirs, avant-hier en Allemagne, hier en France, aujourd’hui en Angleterre, des projets variés de retraites ouvrières. Le nôtre, celui que les socialistes ont réussi à perfectionner sérieusement devant la Chambre, je sais tous les reproches qu’on peut y faire. Je comprends que nous discutions sur les modalités de ce projet, que nous critiquions certaines de ces modalités, que nous cherchions le moyen de l’améliorer, je comprends par exemple que plusieurs d’entre vous réclament qu’une part plus large soit faite à la répartition et que la capitalisation, sans être supprimée, soit réduite à des proportions moindres. Mais ce que je ne comprends pas c’est que le comité de la CGT dise aux ouvriers: «Prenez garde, ce qu’on veut faire avec cette loi, c’est voler l’argent des ouvriers». Cet enfantillage, ce sont des socialistes qui, les premiers, l’ont propagé et accrédité.
Demain, si nous ne rectifions pas notre état d’esprit, si nous ne nous habituons pas à être sérieux, à regarder toujours la réalité des choses, à mettre toujours nos pensées en harmonie avec les actes et les faits, demain s’élargira de cercle en cercle, contre les lois nécessaires, une suspicion, une défiance que nous aurons créées nous-mêmes. C’est contre ce péril que je veux mettre en garde le Parti socialiste.
livres récents, sites internet et de rechercheEN LIBRAIRIEUN AN APRÈSde Pierre MoscoviciCodirecteur de la campagne de Lionel Jospin en 2002, proche de Dominique Strauss-Kahn
depuis, Pierre Moscovici revisite les échecs ou les autismes d’une gauche qui n’a «pas
su changer de logiciel». Il s’efforce d’inventer l’étape suivante. COMMENT PEUT-ON ENCORE ÊTRE SOCIALISTE ?de Julien DrayAu-delà de l’échec électoral de la présidentielle, le député (PS) de l’Essonne, qui a
rompu avec Nouveau Parti socialiste pour rejoindre François Hollande, déplore la
«faiblesse culturelle» d’une gauche en panne d’idées. LE BEL AVENIR DE LA GAUCHEde Henri WeberLe sénateur fabiusien de Seine-Maritime récuse les oraisons funèbres de la gauche et
ne veut pas désespérer des «capacités de rebond» de la social-démocratie européenne,
même si le salariat est, plus que jamais, sur la défensive». L’ANNÉE ZÉRO DE LA GAUCHEde Laurent Baumel et Laurent BouvetRécusant l’idée que le 21 avril 2002 ait été un accident, ces deux jeunes
intellectuels du PS dénonce son «immobilisme doctrinal» et prônent un réformisme
enfin assumé et ambitieux. LE VOTE DE TOUS LES REFUSsous la direction de Pascal Perrineau et Colette YsmalLes traditionnelles chroniques électorales du Cevipof analysent minutieusement les
causes, notamment sociologiques, de l’échec de Lionel Jospin en 2002, le lent déclin du
clivage gauche-droite et la restructuration de l’espace idéologique. L’ENCYCLOPÉDIE DU SOCIALISMEsous la direction de Denis LefebvreCette nouvelle collection entend publier des essais sur l’histoire du socialisme ou des textes de référence, souvent introuvables. Les quatre premiers volumes portent sur l’histoire du PS entre 1965 et 1971, la biographie de Christian Pineau, le socialisme à la fin du XIXe siècle et le discours de Léon Blum au congrès de Tours.. Chaque vol. 128 p., 7,5 €, diff. Dilisco. SUR INTERNETFondation Jean-Jaurès (pdt: Pierre Mauroy):http://193.45.254.92/affiche_site.pp Cercle Galilée (Christian Paul, Vincent Peillon): http://www.cercle-galilee.org Socialisme et démocratie (Dominique Strauss-Kahn): www.socialisme-et-democratie.net/ En temps réel (Zaki Laïdi): http://en.temps.reel.free.fr/ETR_Semin_fr.htm Convention pour la VIe République (C6R, Arnaud Montebourg): http://www.c6r-fr.org/rubrique.php3?id_rubrique=7 Nouvelle Gauche (Benoît Hamon): www.nouvellegauche.com/index.php CENTRE DE RECHERCHECréé en 1969 par Guy Mollet, l’Office universitaire de recherche socialiste, l’OURS,
est un centre de recherche théoriques et historiques sur le mouvement socialiste.
Actuellement présidé par Alain Bergounioux, ce centre dispose d’une bibliothèque de
15 000 volumes et d’un remarquable ensemble d’archives, en particulier sur la SFIO. |