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![]() | Le Monde - Société - Clonage et nanotechnologies |
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• LE MONDE | 29.01.03 | 13h40Au Sénat, M. Mattei ne souhaite pas définir "ce qu'est" l'embryonLes sénateurs ont commencé, mardi 28 janvier, l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique, qui devait se poursuivre jusqu'à jeudi. Jean-François Mattei, ministre de la santé, et Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche, ont présenté les grandes orientations du texte. Evoquant le statut de l'embryon, M. Mattei a notamment souhaité que le législateur procède "en ne déterminant pas ce qu'est l'embryon mais en disant comment on doit le traiter". Reconnaissant avoir "longtemps espéré" pouvoir faire l'économie de la recherche sur les cellules souches issues de l'embryon, M. Mattei a avoué devant les sénateurs: "La réalité des exigences de la recherche, j'en ai été convaincu, impose qu'on l'autorise". Mais il a ajouté que pour éviter les dérives, on ne pouvait "que tout mettre en œuvre pour faire accéder le fœtus et l'embryon au statut de patients". Auteur de nombreux amendements au projet de loi, le sénateur Gilbert Barbie (RDSE) a relevé le fait que M. Mattei choisissait de ne pas définir de statut pour l'embryon tout en voulant lui accorder le statut de patient. Le ministre a exclu "d'aller au-delà de l'autorisation de recherches à partir d'embryons “orphelins”", la création d'embryons humains à des fins de recherches étant, à ses yeux, contraire à l'article 18 de la convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine signée à Oviedo (Espagne) en 1997. M. Mattei a aussi précisé la manière dont le gouvernement entend sortir d'un sujet qu'il a qualifié de "difficile", la brevetabilité d'éléments du corps humain. "L'esprit et la lettre de la loi française et ceux de la directive européenne 98-44/CE sont incompatibles sur ce point". En effet, a expliqué M. Mattei, "la première vise à exclure la connaissance des gènes de la brevetabilité, la seconde l'y inclut en raison de son assimilation à une molécule chimique inventée". Le gouvernement souhaite donc protéger les séquences géniques en plaidant une interprétation de la directice européenne et en procédant par amendements. Prolongeant le discours de M. Mattei et réclamant "un peu d'audace", Claudie Haigneré a plaidé pour que les sénateurs acceptent d'autoriser la constitution de nouvelles lignées de cellules souches embryonnaires au prix de "la destruction d'un ou plusieurs embryons humain". Pour elle, "l'existence, d'une part, d'embryons surnuméraires ne faisant plus l'objet d'un projet parental et donc voués à la destruction et, d'autre part, les perspectives d'une recherche extrêmement bénéfique pour de nombreux patients, nous invitent à une transgression que nous devons aujourd'hui assumer avec courage". |
Paul Benkimoun • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 30.01.03 |
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• LE MONDE | 30.01.03 | 12h29 |
Paul Benkimoun • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 31.01.03 |
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• LE MONDE | 28.01.03 | 12h50Une majorité de scientifiques sont favorables au clonage thérapeutiqueEn 1994 , l'ambitieux dispositif législatif de bioéthique n'en faisait pas mention. Six ans plus tard, la question est devenue essentielle: faut-il ou non légaliser la pratique du clonage thérapeutique ? Faut-il, en d'autres termes, autoriser les biologistes à mettre en œuvre un procédé qui consiste à créer un embryon (en introduisant le noyau d'une cellule prélevée sur un organisme adulté au sein d'une cellule sexuelle féminine énucléée) à des fins de recherches fondamentales et médicales ? Ces deux dernières années, toutes les institutions médicales, scientifiques et éthiques se sont prononcées en faveur d'une telle autorisation. Interrogés par le gouvernement de Lionel Jospin, les Académies nationales de médecine et des sciences ainsi que le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) ont expliqué les raisons qui justifiaient l'autorisation de travailler dans un domaine déjà permis à leurs homologues britanniques. Dans le même temps, le Conseil d'Etat prononçait un avis différent. A une voix de différence: celle, comptant double, de son vice-président. Il y eut ensuite, à compter de la fin 2001, les atermoiements d'un Lionel Jospin inquiet de l'impact politique qu'aurait, sur l'opinion, un projet socialiste préconisant la légalisation de cette technique. Voté à une très large majorité, en janvier 2002, par l'Assemblée nationale, le texte aujourd'hui présenté aux sénateurs ne laisse aucun espoir aux partisans de la légalisation du clonage thérapeutique à laquelle sont opposés, pour des raisons éthiques, le président de la République ainsi que les représentants de l'Eglise catholique et quelques rares scientifiques, comme le généticien Axel Kahn et le biologiste Jacques Testart. UN RETARD CONSIDÉRABLECette situation a conduit de nombreux chercheurs à prendre publiquement position. "En tant que membre du CCNE, j'étais favorable à l'autorisation d'expérimenter – sous contrôle indépendant – cette technique afin de faire progresser des travaux pouvant déboucher à terme sur des applications médicales de premier intérêt, a déclaré au Monde Bernard Pau, directeur du département des sciences de la vie au CNRS. Cet avis n'a pas changé. Il est notamment motivé, sur un plan technique, par l'avantage potentiel que représente cette approche vis-à-vis de la compatibilité tissulaire avec le receveur – qui se trouverait être aussi le donneur – réduisant la problématique du rejet". Pour Daniel Aberdam, directeur de recherche (unité 385 de l'Inserm), la situation actuelle est grave. "Nous avons pris en France un retard considérable en empêchant l'importation de lignées de cellules embryonnaires, disponibles de par le monde, explique-t-il. Des équipes françaises associant des chercheurs et des chirurgiens de renom sont prêtes à s'investir, avec leurs compétences reconnues, dans la recherche d'alternatives thérapeutiques aux maladies cardio-vasculaires et neurodégénératives telles que les maladies de Parkinson et d'Alzheimer. Depuis trois ans, de nombreux laboratoires européens et autres progressent et déposent des brevets. Face à cette situation, de nombreux chercheurs partent à l'étranger, ce qui, naturellement, est préjudiciable pour l'avenir de la recherche française". C'est dans ce contexte que la puissante Association française contre les myopathies a, lundi 27 janvier, pris position en publiant les recommandations d'un "jury de citoyens" composé de malades ou de parents de malades et qui estime qu'"il n'est pas légitime d'interdire le clonage thérapeutique". |
Jean-Yves Nau • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 29.01.03 |
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• LE MONDE | 28.01.03 | 12h50La justice valide l'importation de cellules souches embryonnairesDans une décision datée 21 janvier et rendue publique le 27, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de l'Alliance pour les droits de la vie, proche de la députée (UMP) Christine Boutin, qui contestait l'autorisation, accordée en 2002 au CNRS, par le ministère de la recherche, d'importer deux lignées de cellules souches embryonnaires humaines. Parce qu'elles ont pour propriété de pouvoir recomposer les différents tissus qui composent l'organisme, ces cellules soulèvent depuis peu de nouveaux espoirs thérapeutiques contre des maladies aujourd'hui incurables. A la veille de l'examen par le Sénat des lois de bioéthique de 1994, ce jugement marque une étape importante dans la mesure où il autorise de facto les biologistes français à mener des recherches avant même la promulgation des futures lois, qui prévoient l'obtention de ce type de cellules à partir d'embryons humains conservés par congélation. L'affaire date du 25 mars 2002, lorsque Roger-Gérard Schwartzenberg, alors ministre de la recherche, annonçait que le gouvernement Jospin s'apprêtait à autoriser l'importation de cellules souches embryonnaires humaines. M. Schwartzenberg expliquait alors que l'application de la loi (que les députés venaient d'adopter en première lecture) n'interviendrait pas avant le second semestre 2003 et que ce ne serait qu'à partir de cette date que les chercheurs français pourraient commencer à travailler sur les cellules souches embryonnaires humaines. Il était alors conforté dans sa démarche par l'appel lancé par des chercheurs français, parmi lesquels quatre Prix Nobel: les professeurs Georges Charpak, Jean Dausset, François Jacob et Jean-Marie Lehn. Le ministre de la recherche était par ailleurs saisi d'une demande du docteur Jacques Hatzfeldt, directeur du laboratoire de biologie des cellules souches au CNRS (hôpital Paul-Brousse, Villejuif), qui souhaitait procéder à l'importation de cellules souches embryonnaires humaines de l'Institut Monasch de Melbourne, en Australie. Fin avril 2002, M. Schwartzenberg annonçait qu'il venait de donner son accord à l'importation de ces cellules, qui sont aujourd'hui stockées à Villejuif. La décision ministérielle avait été prise sur la base d'un article de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille et du contrôle sanitaires de produits destinés à l'homme. "Je n'avais pas encore utilisé cette possibilité, jugeant nécessaire d'obtenir auparavant un consensus à l'Assemblée nationale sur le principe même des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines, expliquait M. Schwartzenberg. Le projet de loi qui prévoit d'autoriser ces recherches ayant recueilli 325 voix pour et 21 contre, j'ai estimé, sans attendre l'aboutissement de la procédure législative, pouvoir autoriser cette première importation. Il appartiendra à mon successeur de confirmer ou de retirer cette autorisation". UNE DÉCISION TRÈS ATTENDUENi Luc Ferry, ministre de l'éducation nationale et de la recherche, ni Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, ne furent autorisés par Matignon à prendre la parole sur un thème dévolu à Jean-François Mattei, ministre de la santé et spécialiste des questions de bioéthique. L'espace vacant fut alors rapidement occupé par Christine Boutin qui, via l'association Alliance pour les droits de la vie, a demandé, fin mai 2002, à la justice d'annuler l'autorisation d'importation accordée par le gouvernement Jospin au CNRS. Le Conseil d'Etat avait, dans un premier temps, suspendu l'utilisation de ces cellules en renvoyant le jugement sur le fond devant le tribunal administratif de Paris, qui vient de débouter l'association. Rappelant que les cellules souches "ne peuvent être regardées comme des embryons", ce dernier fonde sa décision sur l'article L. 1245-4 du code de la santé publique qui régit les importations des tissus et cellules issus du corps humain. Cette décision était très attendue dans les milieux français de la recherche en biologie. En pratique, elle permettra à l'équipe de M. Hatzfeldt de reprendre ses recherches dans le domaine de la médecine régénératrice cardio-vasculaire. Elle autorisera, par ailleurs, d'autres équipes de biologistes français à formuler de nouvelles demandes d'importation. |
Jean-Yves Nau • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 29.01.03 |
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• LE MONDE | 28.01.03 | 13h18Les nanotechnologies ont besoin d'un véritable soutien de l'EtatElles vont provoquer "une révolution", vont "irriguer tous les objets de la vie quotidienne" et représentent un "poids croissant" dans l'économie mondiale. Pour autant, les nanotechnologies ne sont pas suffisamment soutenues par les pouvoirs publics. Telles sont, en substance, les conclusions d'un rapport rendu public le 21 janvier par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). "Par rapport aux Etats-Unis, notamment, la France ne souffre pas d'un retard technologique majeur, tempère toutefois Claude Saunier, sénateur (PS) des Côtes-d'Armor et rapporteur du texte. Mais l'effort de recherche y est largement inférieur dans ce domaine et l'écart pourrait s'accroître". Les technologies nanométriques couvrent un large champ d'application, dont, prévient le rapport, les retombées ne sont sensibles qu'au terme de très longs cycles: environ dix à quinze ans. L'étude de la réponse de certaines molécules à des sollicitations mécaniques ou électriques pourrait ainsi, à terme, permettre d'utiliser celles-ci à la place des composants électroniques actuels. Le développement de nouveaux composants capables de s'intégrer au vivant, annonce, quant à lui, l'arrivée de techniques de diagnostic in vivo, ou encore de nouveaux organes artificiels. Dans ce secteur prometteur, face aux 50 millions d'euros investis chaque année en France par les pouvoirs publics, les Etats-Unis consentent un effort de plus de 2 milliards de dollars. Ce soutien du gouvernement fédéral à la recherche académique est, outre-Atlantique, appuyé par les crédits militaires, qui, au sein de l'Agence des projets avancés de la défense (Darpa), représentent environ 1 milliard de dollars supplémentaires. Sans compter les initiatives locales des Etats. AU 1ER RANG JUSQU'EN 2000Le Japon n'est pas en reste. Devant l'érosion de sa position dans le secteur, explique M. Saunier, "le gouvernement japonais a décidé, en 2001, la création d'un Conseil supérieur de la recherche scientifique et technologique, directement placé sous l'autorité du premier ministre". Une initiative dont la France devrait s'inspirer, estime le rapporteur. Malgré ces constats, la recherche française ne semble pas à la traîne. La revue Nanotechnology place ainsi la France, dans sa dernière édition, au premier rang des pays à l'origine des brevets relatifs aux nanotechnologies déposés aux Etats-Unis entre 1975 et 2000. Ce classement ne tient toutefois pas compte des effets de la National Nanotechnology Initiative lancée en 1999 et dont le budget est passé de 270 millions de dollars en 2000 à 700 millions de dollars en 2003. Néanmoins, du dépôt de brevet aux développements industriels, le cap à franchir est de taille et repose sur des investissements lourds. Le rapport insiste ainsi sur la nécessité d'encourager la recherche industrielle par le biais de mesures fiscales comme la "mise en place d'un crédit d'impôt-recherche significatif", et l'"adaptation de la taxe professionnelle aux très grands établissements de production de haute technologie". Les pouvoirs publics sont, de plus, invités à "reconsidérer les possibilités offertes par les fondations" - des structures privées dont l'objet social est public -, à l'image de celles qui œuvrent outre-Atlantique, notamment. La mise à l'étude de fondations spécifiquement affectées au soutien à la recherche et au développement pourrait ainsi être réalisée "dans le cadre d'une révision de l'impôt sur la fortune ou des droits de succession", poursuit le rapport. Ces recommandations sont diversement appréciées dans la communauté de la recherche. "Le texte se penche plus sur les problèmes de compétitivité rencontrés par les industriels français que sur ceux rencontrés par la recherche académique", juge ainsi un chercheur du CNRS, spécialiste des nanotechnologies. Le Syndicat des industries de tubes électroniques et semi- conducteurs (Sitelesc) a, par ailleurs, largement contribué à l'orientation du débat. "Il ne s'agit pas de favoriser tel ou tel secteur, précise M. Saunier, mais de prendre conscience que les nanotechnologies devraient stimuler la croissance économique mondiale dans les dix à quinze prochaines années et que la France ne doit pas être exclue de cette révolution à venir". Toutefois, compte tenu de la mondialisation des échanges et des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), il devient délicat, relève le rapport, "de mener une politique industrielle au sens traditionnel du terme". S'il soulève l'importance du rôle de l'OMC, qui encadre les aides publiques aux entreprises, le texte ne dit rien de la "fuite" possible de ces technologies stratégiques. Une fois développées et commercialisées, celles-ci n'échappent pas aux lois du marché qui régissent les entreprises privées. Le français Gemplus, par exemple, leader mondial de la carte à puce, a bénéficié de transferts de technologies développées au sein d'organismes publics et, pendant une dizaine d'années, de crédits d'impôt-recherche. Détenteur d'une technologie stratégique, le groupe est aujourd'hui tombé dans l'escarcelle d'un fonds d'investissement américain; sans susciter, en apparence au moins, l'émotion des pouvoirs publics. "Cela fait partie des incohérences du système, répond M. Saunier. Et c'est aujourd'hui à l'Europe de trouver les réponses à ces questions".
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Stéphane Foucart • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 29.01.03 |
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• LE MONDE | 28.01.03 | 13h18La course aux scalpels de lumière"Smaller, cheaper, faster": tel est le credo, repris des dirigeants de la NASA pour le spatial, des chercheurs et des industriels, qui réclament de nouveaux lasers pour mieux qualifier les matériaux, établir leurs propriétés, sonder le vivant ou graver des puces contenant toujours plus de transistors (environ 55 millions pour le Pentium 4). Tous sont dans l'attente de dispositifs peu encombrants. Il ne s'agit pas de remplacer les scalpels de lumière d'imposantes machines à rayonnement synchrotron mais de les compléter utilement. Plus facilement manipulables du fait de leur taille, ces machines sont plus facilement disponibles car elles ne réclament pas qu'on s'inscrive à l'avance dans un planning d'utilisateurs bien souvent surchargé. Les lasers femtosecondes émettant dans l'ultraviolet, ou lasers VUV (Vacuum UltraViolet), sont de ceux-là. Parce qu'ils délivrent des impulsions brèves (millionième de milliardième de seconde) et puissantes (de l'ordre du mégawatt), et ce dans une bande du spectre qui leur permet d'observer le monde microscopique, où les objets font quelques microns (millionièmes de mètre), et nanoscopique (milliardième de mètre). INTÉRESSANTS RÉSULTATSDe nombreux laboratoires travaillent sur ce thème. Début janvier, la revue Nature a rapporté les résultats d'une équipe américaine dirigée par Henry Kapteyn et Margaret Murnane (JILA, université du Colorado, National Institute of Standards and Technology), qui a obtenu d'intéressants résultats selon une méthode originale avec des lasers EUV (Extreme UltraViolet). Des performances que d'autres équipes européennes et françaises ont obtenues selon un procédé différent, comme la Plate-forme d'applications des lasers en Aquitaine (PALA), qui, en relation avec l'université et un industriel (Amplitude-Technologies), a développé un laser VUV très perfomant et envisage d'en développer d'autres. L'objectif: le micro-usinage, le micromarquage pour éviter les contrefaçons, la fabrication des micro-outils, les tests non destructifs, l'imagerie en 3D, la structure des protéines, etc. Toutes disciplines qui commencent à pointer en attendant que d'autres émergent avec des lasers plus pointus encore, dits atosecondes, que des équipes autrichienne (Vienne) et française (Saclay) commencent à maîtriser. |
Jean-François Augerau • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 29.01.03 |
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• LE MONDE | 28.01.03 | 13h18A la découverte du nanomondeL'idée folle de faire tenir les 24 volumes de l'Encyclopædia Britannica sur une tête d'épingle a été lancée par Richard Feynman, Prix Nobel de physique, dès 1959, rappelle Jean-Louis Pautrat dans son ouvrage Demain le nanomonde, Voyage au cœur du minuscule (éditions Fayard). La fascination pour l'infiniment petit et l'espoir de le maîtriser un jour ne date donc pas d'hier. Spécialiste des semi-conducteurs au CEA de Grenoble, l'auteur explore le nouveau continent ouvert aux scientifiques par la miniaturisation et les techniques d'observation de l'infiniment petit. Ouverte pour une bonne part par la microélectronique et les techniques de gravure développées pour la fabrication des puces, la voie du nanomètre touche aujourd'hui au but. Il devient possible de manipuler atomes et molécules, composants essentiels des objets inertes aussi bien que des êtres vivants. La maîtrise du nanomètre, soit le milliardième de mètre, ouvre de multiples portes. Jean-Louis Pautrat décrit les différentes applications concrètes des nanotechnologies, depuis le transistor constitué d'une seule molécule jusqu'aux nanorobots capables de soigner chaque cellule du corps humain, en passant par la rétine artificielle en silicium, le nez électronique ou les protéines dressées pour reconnaître un matériau. Ce voyage au centre de la matière séduit autant qu'il inquiète. Jean-Louis Pautrat n'élude pas les questions que pose la nouvelle possibilité de fabriquer des objets à l'échelle de la nature. S'agit-il de créer une nouvelle nature plus docile, ou de modifier celle qui existe au profit de l'homme ? L'auteur, qui en appelle à la "prudence, la modestie et la curiosité", évoque la cyberfilature, la reproduction autonome des robots, la protection de la vie privée ou la médecine prédictive exploitant les biopuces. Il souligne aussi le fossé technologique qui se créera entre les plus pauvres et ceux qui pourront s'offrir les prothèses palliant les handicaps ou les effets de la vieillesse. Pour garantir la vigilance du public, Jean-Louis Pautrat l'exhorte à ne pas s'intéresser qu'aux origines de l'Univers, mais également au nanomonde qui, "lui aussi, peut être source de magie et de rêve". |
Michel Alberganti • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 29.01.03 |