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L ISANT la circulaire d'Edgar Faure, sur l'impropriété d'une notation inutilement (et, illusoirement) précise et l'importunité des classements, il me revient que, lorsque j'étais en 11e, au Lycée Henry IV, il y a bien longtemps (en ce temps-là le lycée couvrait tout le primaire et le secondaire: du cours préparatoire aux classes préparatoires), à l'issue de la première composition, la maîtresse nous a fait mettre en rang par ordre de classement. Elle a appelé le ou la première, qui se tenait donc devant la classe encore assise; puis le ou la seconde, qui s'est placée à côté. Elle les a fait tourner d'un quart de tour, puis a appelé le ou la troisième, qui s'est placée derrière les deux précédents; et ainsi de suite jusqu'au dernier. Matérialisant de la sorte pour nous le classement.
J'entends déjà les cris d'orfraie. Mais, j'atteste que cette mise en scène n'a traumatisé apparemment personne à l'époque. Plus tard, au long de notre scolarité, nous avons été répétitivement notés et classés. Autant que je m'en souvienne cette matérialisation n'a eu lieu qu'une fois.
Je me vois ensuite, pas mal d'années après, assistant à une réunion de parents d'élèves à L'École Alsacienne (alors à la pointe de l'innovation pédagogique: c'était l'expérimentation notamment des «maths modernes» dans trois établissements: L'E.A., Vitruve et un troisième). La sous-directrice, Mlle Æschimann nous expliquait que dorénavant, on ne noterait plus. Sur trente élèves, par exemple, le groupe central des 12 moyens serait noté "C" les 6 bons et les 6 passables, de part et d'autre, respectivement "B" et "D" enfin les 3 de tête "A" et les 3 de queue "E". Ainsi, ceux-ci recevaient un sérieux avertissement, mais aucun n'était stigmatisé comme étant LE dernier. Et, elle nous disait «vous savez, à cet âge-là, être le dernier, c'est dur !». (Symétriquement, côté tête, on ne distinguait pas entre l'or, l'argent et le bronze, de sorte que personne ne pouvait s'enorgueillir d'être le meilleur.)
Quelques années plus tard encore, je vois mon petit-fils très attentif à ses notes. Il nous les raconte (surtout les meilleures) et recalcule régulièrement sa moyenne. Comme il n'est ni petit génie ni cancre, il manie ça dans une calme normalité, sans gloriole ni angoisse.
Alors, je me dis qu'être noté et classé doit répondre à une normalité sociale, un usage accepté. Un usage qui, soit répond à un besoin, soit s'actualise en un besoin. Un peu comme de se vêtir pour sortir dans la rue. Sans doute, comme tout usage et comme toute norme, il connaît ses excès et ses perversions. Faut-il, pour les prévenir, supprimer la chose en totalité ? Je me dis aussi que l'effet négatif ou pervers peut résulter d'une application trop abondante ou systématique. La mise en rang de ma 11e m'a frappé: puisque je m'en souviens soixante ans plus tard. Mais je ne crois pas que cette mise en scène se soit reproduite, une seconde fois. Unique, elle a pu avoir sa vertu pédagogique tout en évitant d'indurer la procédure et ses répercussions.
Je me dis enfin que les élèves - et, par delà l'expérience scolaire, les hommes - sont hétérogènes. Il n'y a pas de raisons pour qu'une façon de faire soit appropriée pour tous, ni funeste pour tous. Il doit y avoir des sujets pour qui être noté (et, classé) est bénéfique; d'autres, pour qui c'est néfaste. Pourquoi priver les uns de ce bénéfice au motif que ce serait traumatisant pour les autres ? Pourquoi imposer à ces derniers ce maléfice, au motif que les premiers en profitent ? Faut-il donc imposer un système universel ? ou, le prohiber pour tous ?
On construirait alors ce tableau à 4 cases:
ceux qui réagissent | bonne note | mauvaise note |
positivement | se sentent gratifiés et persistent | sont vexés et veulent se rattraper |
négativement | s'endorment sur leurs lauriers | sont découragés et abandonnent |
Évidemment, cette vision des choses laisse deux difficultés à résoudre:
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