[A C C U E I L]

France plurielle, République fraternelle — Programme de Christiane Taubira

[C O N T A C T]
[I M P O R T S] [S O M M A I R E]


[Sommaire] LA FRANCE, L’EUROPE ET LE MONDE


[Sommaire] L’Europe fédérale

 L a République moderne, ce n’est pas le repli sur lui-même d’un vieil Etat persuadé qu’il peut encore, à lui seul, infléchir la marche du monde, peser sur les grandes tendances de l’économie, contrebalancer la puissance américaine. Pour tout cela, la France a besoin de l’Europe, a besoin d’être dans l’Europe et, s’y trouvant, peut et doit agir pour faire de l’Europe un nouvel échelon de la conquête républicaine.

Entre l’Europe et les Etats qui la composent, les rapports doivent être clarifiés. Une Constitution fédérale européenne doit dire qui fait quoi, doit répartir clairement les compétences entre l’Union et les Etats membres, étant posé en principe que doit relever de la compétence des Etats ou, à l’intérieur de chacun d’eux (mais c’est l’affaire de chacun) de tel ou tel niveau de collectivités territoriales, tout ce qui peut y être traité avec efficacité, sans faire obstacle à l’action commune.

L’Europe doit être, beaucoup plus qu’aujourd’hui, l’affaire de ses citoyens. La Constitution européenne devra préciser les éléments de la citoyenneté européenne, énoncer les droits de l’homme que l’Union aura notamment pour mission de garantir, renforcer la place de la représentation des citoyens dans le processus de décision commune. L’organisation européenne des pouvoirs publics devra respecter les principes de la démocratie représentative. Le rôle du Parlement européen devra être renforcé.

L’Europe, sauf à n’être rien de significatif, ne peut être seulement un marché. Elle doit être, plus encore qu’aujourd’hui, un espace de cohésion sociale et territoriale, où la recherche de l’intérêt général doit venir constamment réguler le jeu des mécanismes du marché. La notion de service public doit retrouver un nouvel élan à l’échelle du continent, orienter par exemple le règlement de problèmes aussi sérieux que celui de la fourniture d’eau potable. De nouveaux progrès doivent être accomplis en vue de la définition et du déploiement d’une politique étrangère et de sécurité commune de l’Union Européenne, trop absente de scènes tragiques telles que celles des Balkans ou du Proche-Orient.

Un nouvel élargissement de l’Union est nécessaire, pour assurer la coïncidence entre l’Europe des institutions et l’Europe de l’histoire et de la géographie, pour favoriser l’émergence d’une véritable conscience européenne, pour faire de l’Europe le grand espace d’échanges et de solidarité nécessaire à l’équilibre de la planète. Cet élargissement devra s’accompagner d’un renforcement des ressources communes, de façon à préserver les moyens des politiques de cohésion, en particulier au profit des régions défavorisées des pays déjà membres de l’Union.


[Sommaire] La République Monde

Une mondialisation civique

La mondialisation ne peut être seulement économique, se résumer à la création d’un marché mondial dont les instruments de régulation (OMC,FMI, etc.) ont pour seul objet la libre concurrence, et la suppression des moyens publics de correction des déséquilibres engendrés par le jeu libre et sans bornes du marché (politiques douanières, politiques de promotion des investissements, accords de Lomé, etc..).

La mondialisation économique doit être nécessairement assortie d’une mondialisation politique, visant à mettre les forces économiques au service de l’homme, permettant d’assujettir le marché aux exigences de la cohésion, de la solidarité, du respect des droits de l’homme, de la protection de l’environnement.

La mondialisation politique, c’est le projet d’une République-monde, c’est-à-dire de la création, au niveau mondial, d’instances représentatives de tous les citoyens du monde, à la manière de ce qui a été entrepris, et doit être poursuivi, en Europe, lorsqu’il s’est agi de faire de celle-ci autre chose qu’un simple espace économique.

Une mondialisation solidaire

La paix mondiale passe par la réduction des inégalités. Les phénomènes de migrations qui inquiètent une partie de l’opinion trouvent leur cause essentielle dans le retard de développement de certains pays. Il faut donner un nouvel élan à la solidarité internationale.

Cela passe notamment par deux mesures simples:

Une mondialisation équitable

Les activités économiques des groupes multinationaux représentent désormais une part majeure du commerce mondial, largement supérieure à 50% de celui-ci. Les bénéfices dégagés de ces activités représentent une assiette taxable considérable, qui est aujourd’hui répartie dans des conditions gravement dommageables pour les pays en développement. Une partie de la base taxable échappe à l’impôt car elle apparaît dans les paradis fiscaux. L’autre partie est pour l’essentiel captée par les grands pays industrialisés, qui disposent des informations et des moyens administratifs et techniques nécessaires au contrôle des opérations des groupes internationaux. Les trésors publics des pays en développement ne récupèrent qu’une part infime de ce potentiel fiscal, alors qu’une part importante de la valeur ajoutée produite par les multinationales trouve souvent sa source sur leurs territoires.

Les profits des groupes multinationaux doivent être plus équitablement répartis, en particulier pour la part qui en est prélevée par l’impôt. Il faut, pour cela, changer les mécanismes qui président au partage de ce potentiel fiscal: le bénéfice mondial réalisé par chaque groupe multinational doit être réparti entre les différents pays dans lesquels ce groupe est présent sur la base d’une formule internationalement convenue, associant plusieurs critères objectifs: chiffre d’affaires dans le pays par rapport au chiffre d’affaires total, valeur des actifs dans le pays par rapport à la valeur mondiale des actifs, nombre de salariés dans le pays par rapport au nombre total de salariés employés dans le monde.

Une telle taxation équitable permettra d’assurer aux budgets des pays en développement la juste part leur revenant de la base imposable des firmes multinationales. Elle leur permettra de disposer, hors même un quelconque geste de solidarité internationale, de moyens réguliers de financement de leurs budgets publics.

Une mondialisation pour un développement durable et humaniste

Atteindre cet objectif suppose que l’on subordonne l’octroi d’aides économiques ou financières internationales, à la réunion d’un certain nombre de critères s’ajoutant aux traditionnels critères de la «bonne gouvernance» économique et financière. Il devra s’agir de critères éthiques, sociaux et environnementaux, permettant d’assurer, partout dans le monde, le respect des droits de l’homme, la garantie des droits sociaux et syndicaux, la protection de l’environnement.


[Sommaire] Le rôle international de la France

A raison de son histoire, de la place qu’elle occupe dans l’imaginaire des peuples, dans le domaine de la culture comme dans celui de la conquête des libertés, des responsabilités que lui confère son appartenance au groupe restreint des pays les plus développés, du caractère exemplaire de son système de protection sociale, la France a le devoir de jouer sur la scène internationale un rôle qu’elle est seule à pouvoir tenir. L’action internationale de la France peut être déterminante pour assurer la paix dans le monde, pour promouvoir un nouveau partage international des richesses et des moyens du développement, pour permettre la survie de toutes les cultures qui sont l’expression la plus authentique de l’humanité dans sa capacité à inventer, à créer, à faire, de mille et une façons, vivre la vie.

Œuvrer à la paix dans le monde

L’action diplomatique de la France en faveur de la paix dans le monde ne peut être, désormais, isolée de l’action plus large, et plus efficace, que peut mener, pour peu qu’elle s’en donne les moyens, l’Union européenne. Ainsi la France, avec l’Europe, en avant-garde de l’Europe s’il le faut, doit tout faire pour qu’enfin cesse le conflit destructeur des corps et des intelligences qui obscurcit depuis tant d’années l’avenir du Proche-Orient; ainsi doit-elle être au premier rang d’une politique d’apaisement des tensions dans les Balkans. La France, toutefois, ne peut éluder les responsabilités particulières qui sont les siennes. Elle n’a pas le droit, en particulier, de rester indifférente à toute dégradation des rapports régionaux ou inter-régionaux qui, en Afrique en particulier, pourrait trouver une origine dans la présence et les décisions qui y furent les siennes et, dès lors, a le devoir d’apporter, en faveur de la préservation de la paix, les concours qui, dans le cadre d’une concertation de préférence régionale ou internationale, lui seraient demandés.

Assurer un meilleur partage des moyens du développement humain,

c’est d’abord, on l’a vu, être au premier rang de l’action en faveur de la coopération économique internationale. Comme en matière d’action pour la paix, la France doit être plus particulièrement généreuse, dynamique, innovante, là où sa présence passée a pu contribuer à la création de certains déséquilibres. Ainsi ne pourrait être accepté le désengagement économique français à l’égard de l’Afrique, du Maghreb, des Caraïbes ou du Pacifique. La France doit promouvoir une grande entreprise de coopération entre l’Europe et l’Afrique, pour un développement humaniste et durable de ce continent.

Elle doit aussi accomplir certains gestes particuliers; par exemple engager une action décisive pour aider la République d’Haïti à sortir du marasme économique. Le 200° anniversaire de l’indépendance de ce pays fournit à la France l’occasion d’annoncer le remboursement des contributions injustement versées au Trésor français par Haïti comme «prix» de sa libération. Le partage des moyens du développement humain, ce sont aussi des actions de coopération beaucoup plus résolues en matière de politiques d’éducation et de santé. Dans ces deux domaines, les savoirs et les savoir-faire français doivent être généreusement partagés.

Favoriser l’épanouissement de toutes les cultures du monde

Il y a une exception culturelle française. Il faut qu’il y en ait beaucoup d’autres. Ce doit être l’un des rôles majeurs de l’action internationale de la France que de défendre toutes les cultures du monde, menacées d’être emportées par le flot dévastateur et réducteur d’une logique du profit incompatible avec la préservation du génie créatif de l’homme. Parce qu’elles sont nécessairement le reflet d’un lieu particulier, d’une histoire singulière, d’un itinéraire à nul autre pareil, les cultures, même lorsque leurs expressions touchent à l’universel, sont par nature plurielles. Elles doivent être à mises à l’abri de tout ce qui peut contraindre à l’uniformité. Elles sont le lieu où l’intervention publique, à tous les échelons, doit être non seulement autorisée, mais préconisée et encouragée. Une régulation particulièrement contraignante doit s’appliquer à l’activité des entreprises multinationales dites culturelles, auxquelles des quotas de production et de diffusion doivent être imposés.

Parce qu’elle est un élément de la défense solidaire de toutes les cultures du monde, l’action de la France en faveur de la francophonie doit être conduite avec une détermination renforcée.

Parce qu’ils contribuent activement au partage des cultures et des savoirs, aux échanges économiques nécessaires au développement, et à l’action que la France conduit en ces domaines dans l’intérêt général, les Français de l’étranger doivent faire l’objet d’une meilleure attention de la part de l’autorité publique, justifiant, en leur faveur, la définition d’un corps de dispositions protectrices et encourageantes.