[A C C U E I L]

France plurielle, République fraternelle — Programme de Christiane Taubira

[C O N T A C T]
[I M P O R T S] [S O M M A I R E]


[Sommaire] LES GRANDS CHANTIERS DE REFORME FISCALE

 L e système français de prélèvements obligatoires doit être profondément réformé. Portant la marque d’un modèle politique et social privilégiant l’Etat-Nation, il néglige la dimension internationale des activités économiques, ne prend pas suffisamment en compte l’appartenance de la France à l’Union Européenne, ne laisse pas de place au développement des politiques territoriales. Imprégné d’une histoire sociale dans laquelle la protection contre les risques sociaux a été conquise au terme de conflits opposant patrons et ouvriers, il fait peser une part excessive du financement de cette protection, qu’elle soit à la charge des employeurs ou des employés, sur le travail salarié, au risque de pénaliser l’emploi. Eloignée des principes qui en fondent la légitimité, complexe dans son architecture, désuète dans ses modalités de mise en œuvre, la fiscalité des revenus est le reflet le plus manifeste de l’état de crise qui caractérise le système fiscal français.

La vaste réforme fiscale nécessaire à l’adaptation de la France aux défis du nouveau siècle doit comporter les quatre grands chantiers suivants:

Le financement de la protection sociale: poursuite de la fiscalisation

La France est souvent regardée comme un pays à forte fiscalité. Cette opinion n’est fondée que si l’on prend en compte, à côté des impôts proprement dits, les cotisations sociales ou autres prélèvements destinés au financement de la protection sociale, qui sont les plus élevés du monde, et les seuls et vrais responsables d’un niveau général de pression fiscale situant la France au-dessus de la moyenne européenne. Un effort de rationalisation dans la gestion de notre système de financement de la protection sociale est indispensable. Des choix doivent être faits, par ailleurs, en vue de ne pas alourdir les charges du budget social de la Nation. Il est préférable de financer l’activité, génératrice de recettes, que l’inactivité, génératrice de coûts. La politique de réduction du temps de travail ne doit pas être une charge supplémentaire pour les budgets sociaux.

Le mode actuel de financement de la protection sociale doit être en outre révisé. Il fait encore peser une charge excessive sur le travail, et pénalise l’emploi, en incitant les entreprises à privilégier l’investissement technique.

Le mouvement de fiscalisation du financement de la protection sociale engagé avec la création de la CSG, substituée aux cotisations d’assurance maladie doit être prolongé. D’abord, pour la part du financement revenant aux particuliers, salariés ou travailleurs indépendants; ensuite, pour la part du même financement revenant aux entreprises. L’assiette des cotisations sociales patronales doit être constituée, non plus par la masse salariale versée, mais par la valeur ajoutée comptable de l’entreprise, de façon à alléger la pression fiscale sur le facteur de production que constitue le travail salarié.

La fiscalité directe des ménages: pour un grand impôt personnel sur le revenu

L’imposition des revenus est aujourd’hui formée de l’assemblage hétéroclite d’un impôt progressif, l’impôt sur le revenu, qui a perdu toute cohérence interne, et de prélèvements proportionnels (CSG, CDRS, contributions sociales), auxquels il convient d’ajouter des cotisations sociales qui compomtent un élément de dégressivité.

Ce système doit être simplifié et modernisé. Il doit retrouver cohérence et légitimité. Ces objectifs passent par la suppression de l’IR, de la CSG, de la CDRS, des contributions sociales, et de certaines cotisations sociales obligatoires, et leur remplacement par un grand impôt personnel unique et progressif.

La progressivité, conforme aux principes d’une fiscalité républicaine, est indispensable à l’égalisation du sacrifice fiscal. Elle ne doit pas pour autant décourager l’effort et l’initiative, et doit donc s’accompagner de la fixation de taux modérés, y compris le taux marginal supérieur. L’élargissement de l’assiette taxable, par suppression de dépenses fiscales inutiles, par alignement des conditions de taxation des revevus du travail et des revenus du capital, par incorporation dans le barème des réfactions forfaitaires, peut permettre un abaissement des taux, et la fixation de ceux-ci à un niveau satisfaisant, sur le terrain des comparaisons internationales.

L’impôt personnel doit atteindre l’enrichissement net annuel du contribuable, toutes sources de revevus confondues, et toutes compensations entre gains et pertes opérées. Bien entendu, le poids de l’impôt personnel doit être ajusté en fonction des charges de famille.

L’impôt personnel appliqué aux revenus salariaux doit être retenu à la source, ainsi qu’il est pratiqué dans tous les pays du monde, sauf la France.

La fiscalité des entreprises: pour un impôt mondial sur les sociétés

Archaïsme caractéristique de notre fiscalité, les sociétés françaises sont imposées à l’impôt sur les sociétés sur la base du vieux principe territorial: les bénéfices extérieurs ne sont pas imposables; les charges ou pertes des implantations hors de France ne ssont pas déductibles. A l’heure du marché intérieur européen et de la mondialisation, ce régime n’est plus acceptable. L’impôt français sur les sociétés doit atteindre leur résultat mondial, résultats positifs et négatifs internes et externes compensés.

Dans le cas des groupes de sociétés, l’impôt sur les sociétés doit atteindre le bénéfice mondial et consolidé du groupe, par prise en compte des résultats des filiales.

Dans une étape ultérieure de réformes fiscales, impliquant une avancée dans la coopération internationale, la répartition de la base taxable des groupes internationaux entre les juridictions fiscales, dont la France, devra s'opérer sur la base de critères objectifs, et non plus par recours à l’artifice d’une évaluation des résultats des opérations intra-groupes fondée sur le principe de pleine concurrence.

L’harmonisation des règles d’assiette de l’imposition des bénéfices des sociétés au sein de l'Union Européenne doit être vivement encouragée.

La fiscalité des collectivités territoriales: l’adaptation par le transfert de compéténce

Le dispositif actuel de fiscalité locale, hérité du modèle jacobin d’imposition directe, ne permet pas l’indispensable épanouissement des politiques de développement territorial. Il convient d’en étudier l’adaptation, en liaison avec une réforme d’ensemble de l’Etat, restituant aux collectivités territoriales, dans certains domaines, des marges de libre détermination des règles applicables au sein de leur espace particulier.

L’objectif de développement territorial justifie la mise à disposition des collectivités régionales et locales d’une proportion de ressources propres, notamment fiscales, plus important. Il pourra également justifier le transfert par le législateur national aux organes élus des collectivités territoriales d’une compétence normative en matière fiscale, permettant la définition, comme c’est la pratique dans de nombreux pays membres de l’Union Européenne, de régimes fiscaux locaux adaptés aux besoins de développement propres à chaque territoire. Ainsi, l’application uniforme, partout en France, sous le seul correctif des taux, d’un impôt tel que la taxe professionnelle n’est pas une réponse satisfaisante à l’exigence de compétitivité des territoires.

Une vaste conférence pour la réforme fiscale locale doit rassembler tous les acteurs concernés, et préparer la voie à une nouvelle répartition des compétences fiscales entre l’Etat, les régions, les départements et les communes ou regroupements de communes.

L’indispensable réforme de la fiscalité locale, cependant, doit être abordée dans le souci de la dynamique territoriale, impliquant la définition de politiques fiscales locales, mais aussi dans celui de la solidarité entre les collectivités, y compris au sein d’une même région ou d’un même département. Un principe général de péréquation doit être retenu, permettant l’exercice de la solidarité, par l’affectation aux collectivités les moins favorisées, sur la base de critères objectifs et dans une proportion de l’ordre de 110/90, d’une part des recettes prélevées par les plus favorisées.