Les sciences

 V ous l'aurez constaté ou le constaterez en parcourant ce site, je m'intéresse à tout. Notamment aux sciences. J'essaie d'être un «honnête humain» («honnête homme», c'est limitatif). Pour cela, quel autre moyen que de s'informer de tout ce qui concerne les humains ? Et les découvertes de la science en tous ses aspects (humaine ou physique — «naturelle» ou non[1], «dure» ou «molle», exacte ou non[2]) intéressent hautement l'humanité. J'ai des préjugés sur cette grande masse de réputés scientifiques, qui sont pour la plupart des techniciens ou des ingénieurs faisant de la techno-science, c'est-à-dire de la technique s'appuyant sur les apports les plus récents de la science, ou des scientifiques académiques, qui visent surtout à perfectionner le savoir sur les connaissances existantes sans y apporter rien, par contre, j'ai grand respect et grande admiration des vrais scientifiques, c'est-à-dire des personnes qui, avec l'instrument de leur science (de leur capacité de discernement) travaillent à étendre le champ des connaissances humaines. Puis, les vrais scientifiques ont deux traits en commun: ils aiment communiquer leur savoir, et ils le font bien, parce que «ce qui se conçoit bien s'énonce clairement». Une (sic !) «communication» d'un techno-scientifique, c'est le plus souvent illisible pour au moins deux raisons: il ne sait lui-même pas vraiment ce qu'il fait, et surtout, il a «des secrets à cacher», manière de dire: il n'a pas vraiment envie que vous vous haussiez à son niveau pour pouvoir reproduire ses petites manipulations. Le scientifique n'a rien à cacher et son but quand il partage son savoir est justement de vous permettre de vous hausser à son niveau. Voilà la présentation, passons au choses sérieuses…


Cherchant quelque chose rapprochant Jean-Marc Lévy-Leblond et Isabelle Stengers, j'ai découvert le site d'“Alliage”, revue (à-peu-près) trimestrielle qui se définit comme «une revue tridimensionnelle (culture-science-technique)». Très intéressant. Je vous conseille notamment la lecture du numéro double 35-36, consacré aux controverses en cours (le numéro date de 1998, et discute de polémiques ayant eu lieu entre 1996 et 1998 pour l'essentiel), s'articule autour de «l'affaire Sokal» devenue «Affaire Sokal-Bricmont» par la suite, et démontre au moins trois choses: quoi qu'en pensaient les auteurs eux-mêmes, cette controverse part plus sur une question de préséance et de prééminence académiques que sur une critique vraiment consistante des “cultural studies” et de certains penseurs français; une critique consistante doit être une critique interne, or ce à quoi se livraient Sokal et Bricmont, loin de la scientificité proclamée, consiste en une critique des sciences humaines à partir de critiques valables pour les sciences exactes[3]: démontrer qu'un psychanalyste n'utilise pas telle ou telle métaphore ou proposition en physique «en cohérence avec la mécanique quantique» est du domaine de l'évidence première et ne démontre pas l'inanité de la pensée de Lacan, mais la non convénience de la physique et de la psychanalyse; enfin, on peut avec bien plus de sérieux et beaucoup moins d'esprit polémique faire la critique de l'utilisation abusive de certaines métaphores dans les sciences, mais cela vaut tant pour les sciences réputées exactes que pour celles qui le sont moins… Donc, ce numéro en particulier, mais jetez un œil ou deux aux autres numéros mis en ligne.


Je vais me faire propagandiste et prêcher pour ma chapelle, en ce cas une association dont je suis adhérent: faites un tour sur le site de Pénombre, une association salvatrice, qui s'interroge sur ce le traitement des nombres dans le débat public. Une approche intéressante en ceci que les membres de Pénombre, d'origines diverses (statisticiens, sociologues, légistes, mathématiciens, dont Clara Halbschatten, l'ombre tutélaire), recadrent, avec pertinence et généralement avec humour, cette question du traitement des statistiques, chiffres, nombres, sondages, soumis par les médias ou les politiciens à «l'opinion», en soumettant les propos des gens de médias à une analyse critique et scientifique. Si vous trouvez que le travail de Pénombre est intéressant, faites comme moi, adhérez, ça fait 23 € soit à peine, si vous comptez en ancienne monnaie 150,8708 FF, ou 1/1OOO° du revenu moyen annuel d'un Français tout aussi moyen de 2001… Quoi qu'il en soit, allez sur le site de Pénombre, c'est mon conseil.


Un site FOR-MI-DABLE, celui mis à disposition par le canadien Pierre-André Bourque, qui enseigne à l'Université Laval, au Département de géologie et de génie géologique (incidemment, les sites canadiens fourmillent de pages intéressantes). Ce site, intitulé Planète Terre, ne démérite pas de son nom. Tel qu'il le présente lui-même, c'est «un cours axé sur la formation générale et la culture scientifique, offrant une introduction à la géologie […] et disponible sur internet». Une introduction à la géologie, c'est peu de le dire: en fait, il couvre tous les domaines des «sciences de la Terre», géologie, paléomagnétisme, paléontologie, etc. Et il les couvre d'une manière intelligente, documentée et claire. Ce qui ne gâche rien, le site en question est extrêmement bien conçu. Plus qu'une introduction, c'est une approche complète et riche des «sciences de la Terre» pour un public de non spécialistes.

Un autre site assez intéressant, moins pour ce qu'il contient que pour la très riche page de liens sur les statistiques déjà spécifiée dans la page d'accueil de la rubrique «liens», le site d'Éric Ranguin intitulé Histoire, Géographie et Education Civique. Outre cette page de liens qui m'intéressait au moment où j'ai découvert le site, il y en a d'autres sur les trois domaines en question, plus générales ou tout aussi spécialisées.


Il ne s'agit pas vraiment, ou pas principalement, là non plus, de sciences au sens où j'en parle dans l'introduction à cette page, mais comme pour Pénombres, vous lirez sur le site de Laurent Mucchielli beaucoup de choses intéressantes sur la sociologie, son histoire, et la manière souvent étrange — pour un sociologue — dont les médias s'en servent. Plus, ce qui ne gâte rien, quelques pages polémiques, notamment une page «Tribunes, presse, débats d'actualité» où notre auteur modère les ardeurs «sécuritaristes» de réputés «spécialistes» du genre Alain Bauer et Xavier Rauffer, desquels Laurent Mucchielli fait la recension du livre Violences et insécurité urbaine, dont il dit lui-même que c'est «un compte rendu très critique». Mais il ne faut pas se contenter de ces pages, allez voir un peu tout, surtout les rapports et articles sur ses travaux de recherche en sociologie (péri)urbaine.

Il y a malgré tout quelque problèmes techniques — mais qui devraient être bientôt résolus —: certaines pages ne sont pas accessibles. Notamment, et c'est assez regrettable, le sommaire de la rubrique concernant justement la critique des livres sur la délinquance, ou aussi le lien permettant d'ouvrir ou de télécharger le bulletin n° 1 du groupe Claris (un document au format PDF). Vous pouvez du moins y accéder provisoirement via ces deux liens, en attendant que l'auteur du site ait remédié à la chose.

Toujours dans les sciences humaines, le site personnel de Timothy Mason (voir aussi http://tmason.club.fr/WebPages/Pics/Transfer.htm), un gars aux compétences multiples et aux centres d'intérêts divers. Ses principales activités sont la sociologie, l'enseignement des langues, spécifiquement l'anglais, la traduction; il s'intéresse aussi à la linguistique et a écrit beaucoup de choses en et sur l'anthropologie, notamment il semble très intrigué par la violence, le crime, la généalogie (les «liens du sang»). Vaut le détour, si vous lisez l'anglais, mais on trouve aussi quelques textes écrits en français. Il y a aussi quelques récits et «choses vues».


Le site dans son ensemble a des chances d'être intéressant, comme le sont beaucoup de sites universitaires du Canada, spécialement du Québec, mais la partie qui m'intéresse sur le site de l'UQAC (L'Université de Québec à Chicoutimi) est celle consacrée aux «classiques des sciences sociales», qui actuellement (juillet 2007) référence près de 3.000 ouvrages de près de 1.000 auteurs, de toutes les sciences humaines et sociales et même de quelques non sciences (philosophie, psychanalyse, économie, arts…), pour l'essentiel des auteurs d'entre le milieu du XVIII° siècle et le milieu du XX°, bien qu'on y trouve des auteurs plus anciens; il y a aussi un partie «sciences sociales contemporaines» comportant des textes d'auteurs en général francophones, le plus souvent québécois (et en revanche rarement français…). Bref, une mine pour qui s'intéresse à ce domaine.


[1] Le mot φυσισ, phusis, signifie «nature» en grec. La «physique» d'Aristote correspondait en fait à ce qu'on appelait encore, jusqu'au milieu de la décennie 1970, «sciences naturelles».
[2] Depuis longtemps, je trouve ce terme de «sciences exactes» dévalorisant pour les autres, dont on pourrait considérer qu'elles seraient «inexactes» — ce qu'avaient probablement à l'esprit les propagateurs de ce nom —; on devrait plutôt dire, je ne sais pas, «sciences métriques», en ce sens que les sciences dites exactes diffèrent des autres par le fait qu'elles travaillent sur des objets mesurables: elles ne sont pas plus «exactes» que, disons, la médecine, la biologie ou la sociologie, mais elles font des mesures exactes, absolues, tandis que les sciences «non exactes» réalisent des mesures relatives.
[3] «Critique interne» ne signifie pas «critique du sérail par le sérail», mais critique menée sur un domaine donné à partir des présupposés de ce domaine même; or, Sokal et Bricmont critiquent la sociologie et la philosophie à partir de critères valables pour la physique et les mathématiques…