De quelques disparités en matière économique et démographique.

En guise d'introduction

Cette discussion s'appuie principalement sur les données publiées dans le numéro du second semestre 2002 de la revue bisanuelle Bilan du Monde,; d'année en année ces données se modifient, mais au moins sur une dizaine d'année, ce qui est écrit ci-après restera valide – les choses n'évoluent pas vite, contrairement à ce que tentent de nous faire croire (et croient peut-être eux-mêmes) certains défenseurs du Progrès et de la Croissance. Elles resteront valides probablement plus longtemps. Pour exemple, depuis le milieu de la décennies 1990 la Chine a une croissance annuelle de son PIB alentour de 8% alors que les nations les plus riches (dans mes tableaux, le Japon et les États d'Europe occidentale et l'Amérique du nord, Mexique excepté) ont une progression alentour de 2%; résultat, entre mes données et celles de 2005, la Chine est passée, en PIB, du septième au quatrième rang, mais c'est un simple effet de masse, sa population étant d'un tiers supérieure à la population de l'ensemble des pays cités; mais si on ramène ça au PIB/h, au rythme actuel il faudrait 60 ans pour que la Chine se hausse au niveau des pays les plus riches, et comme le maintien du rythme actuel est improbable…

Les données du Bilan du Monde proviennent pour l'essentiel de l'INED, pour le reste de la Banque mondiale. Par après, vous aurez des liens vers des tableaux que j'ai constitués à partir de ces données. J'y ai divisé le monde en «régions» et «sous-régions» qui ne correspondent pas toujours aux classements habituels. Mes divisions ont je pense plus de cohérence que celles les plus usuelles, qui s'appuient sur des situations géopolitiques assez ou très ancienne, et procèdent à des regroupement pas toujours cohérents; par exemple, j'ai classé la Turquie en Europe centrale plutôt qu'au Moyen Orient pour la raison évidente qu'à tous points de vue elle est intégrée à l'Europe (au sens large, et non à celui restreint de l'UE); ou encore, j'ai inventé l'entité «Europe russienne» qui regroupe Russie, Biélorussie, Géorgie et Ukraine. Ma répartition n'est ni plus ni moins «vraie» qu'une autre, mais me semble donc avoir, en cette première décennie du XXI° siècle, une certaine justesse. Voilà. Et maintenant, la discussion.

I. Écarts.

1. Généralités.

 L e moindre écart entre continents est celui des superficies, l'écart maximal étant d'environ 1 pour 2; le majeur est la progression - ou régression - de population, légèrement négative (-0,003%) en Europe et assez positive (+2,6%) en Afrique; en valeur relative ce continent tient l'avantage, en valeur absolue l'Asie gagne annuellement plus de 50 M/h contre un peu moins de 20 M/h en Afrique: l'Europe régresse donc, et de 25.000 h, mais très inégalement, le Centre-Ouest gagnant 1,35 M/h, l'Europe "Russienne"[1] en perdant autant, 1,37 M/h. Mais même le Centre-Ouest est mal loti, sa progression représente 1/6° de la moyenne, celle de l'Afrique étant presque double de cette moyenne, l'écart entre les deux étant de 1 pour 12.

N'ayant pas dans mes tableaux les données de progression du PIB, celle de la population est la seule où j'aie des valeurs incommensurables, puisque parfois négatives; disons que l'Europe est dans un rapport de régression de 600 pour 1 relativement à la moyenne, contre une progression de 2 pour 1 pour l'Afrique. Du train où vont les choses, la population de l'Afrique aura doublé dans 35 à 40 ans, et celle de l'Europe aura disparu dans quelque 30.000 ans — bien sûr, la première hypothèse est plus vraisemblable que la seconde. Quoiqu'on ne sache jamais…

Autre donnée très disparate, le PIB ( voir tableau général): au total, entre Océanie et Amériques, le rapport est de près de 1 pour 23, en moyenne, entre Afrique et Amériques, de 1 pour 29,5. Entre régions et surtout entre parties les écarts sont encore plus notables:

  • entre Amérique Boréale et Afrique Médiane, le rapport est de 63 pour 1 au total, de 92 pour 1 en moyenne;
  • entre Amérique du Nord et Afrique du Centre-Est les écarts sont de 193,5 pour 1 et de 903,5 pour 1 !

Le produit mondial brut ou PMB est très mal distribué: trois continents s'en partagent à-peu-près équitablement la plus grande part, en tout 96,8%, n'en laissant que 3,2% aux deux autres - rogatons tout aussi mal répartis, l'Océanie représentant 0,5% de la population mondiale pour 1,3% du PMB, l'Afrique 12,7% pour 1,9%. Pour les parties, les richesses se concentrent dans trois d'entre elles:

  • Amérique du Nord, 32,6% du PMB et 6,7% de la population,
  • Europe Occidentale, 29,8% et 6,7%,
  • Extrême-Orient, 20,2% et 25,9%,

soit 82,5% du PMB pour 39,1% de la population. Les données détaillées montrent que l'essentiel du PRB — ou produit régional brut — de l'Extrême-Orient est dû à un seul pays, le Japon: à lui seul il forme 14,1% du PMB pour à peine 2,1% de la population. On le retrouve d'ailleurs au 4° rang pour le PIB/h. Entre l'Europe Occidentale, l'Amérique du Nord et le Japon, on a 76,5% du PMB pour 15,3% de la population, d'où il ressort que 84,7% de la population détient seulement 23,5% du PMB.

Les tableaux 12-1 à 12-4 le montrent, les 8 premiers pays détiennent 69,7% du PMB; très évidemment, chaque extrait suivant en formera une part assez à très négligeable: les 16 derniers en forment une part non significative dans mes tableaux (0,0063%), dans un rapport de près de 1 pour 9600 avec les 8 premiers. Les tableaux 5-1 à 5-3 montrent plus nettement la disparité entre États:

  • les 40 premiers forment 94,4% du PMB, dont 87,1% pour les 21 pays au-dessus de 200 Mds $,
  • les 40 intermédiaires forment à peine 1% de ce même PMB,
  • les 40 derniers en forment moins de 0,1% (0,05%), dans un rapport de 1 pour 1927 avec les 40 premiers.
Si les deux premiers pays sont les États-Unis et le Japon, la partie la plus représentée dans les 40 supérieurs est l'Europe Occidentale, avec 15 pays sur 40, formant 29,4% du PMB, avec un PIB/h assez élevé, 19.263 $, contre un PIB/h de 4.803 $, soit le quart, pour les 25 pays restants et de 6.290 $, le tiers, pour l'ensemble de ces 40 pays.

Parmi ces 40, les 8 plus hauts (le fameux "G7" plus la Chine) forment donc 69,7% du PMB, laissant aux 184 autres, 65,3% de la population, 30.3% du PMB. La Chine figure dans ce tableau non par le poids de son PIB/h, 780 $, mais par le celui de sa population, 1,26 Mds/h, 20,9% du total pour 3,4% du PMB; le seul G7 forme 66,3% du PMB pour 13,8% de la population, le reste, 33,7% pour 86,2%. Le PIB/h moyen du G7 est de 23.138,4 $ contre 1.878,0 $ au reste du monde, soit un rapport respectif à la moyenne de 4,8 pour 1 contre 1 pour 2,6, et un rapport des uns aux autres de 12,3 pour 1. Quant au PIB moyen, celui du G7 est dans un rapport de 18 pour 1 à la moyenne mondiale, celui des autres, de 1 pour 3, et le rapport des uns aux autres, de 52 pour 1.

Parlant du PIB/h, on voit aussi des disparités importantes, de 704 $ pour l'Afrique à 13.361 $ pour l'Océanie, un rapport de 1 à 19, l'Europe et l'Amérique étant proches de l'Océanie, l'Asie intermédiaire entre l'Afrique et le PIB/h mondial: le PIB/h moyen des trois premiers est de 12.735 $, celui des deux derniers, de 1.837 $. En matière de population et PIB, les deux groupes sont dans un rapport inverse 3/4-1/4: les 27% d'humains les plus riches détiennent 72% du PMB, les 73% les plus pauvres, 28%. Considérant Afrique et Océanie, ainsi que dit, ils ont des PRB comparables (1,3% et 1,9%) mais divergent fort en population (0,5% et 13,2%).

Au niveau des régions les disparités sont encore plus accentuées, allant de 20.258 $ en Amérique Boréale à 297 $ en Afrique Médiane, un rapport de 68 pour 1; ici aussi il y a un "trou" entre un groupe au-dessus de 13.000 $ et un groupe à ou en dessous de 4.000 $, avec des disparités à l'intérieur de ces groupes, les régions riches se séparant entre Amérique Boréale, au-dessus de 20.000 $, et Europe Centre-Ouest et Océanie, alentour de 14.000 $; de même, parmi le deuxième groupe, on peut discerner trois sous-groupes, Asie Orientale et Amérique du Sud, au-dessus de 3.000$, Afrique du Nord et Australe, Asie Occidentale et Europe Russienne, entre 1.300 $ et 2.100 $, et Afrique Médiane et Asie du Sud, en dessous de 500 $.

Dans les parties les écarts se creusent: intégrée à l'Amérique Boréale, la petite Amérique Centrale faisait bonne figure, seule, elle s'écarte considérablement de sa riche voisine du Nord, dont le plus pauvre pays a un PIB/h trois fois supérieur à sa moyenne. L'écart entre ces parties est de 15 pour 1. C'est entre Amérique du Nord et Afrique du Centre-Est que le contraste est le plus important, un écart de 112 pour 1.

A ce niveau, les répartitions changent, on a un groupe très haut, Amérique du Nord et Europe Occidentale, au-dessus de 22.000 $, un deuxième, limité à l'Océanie, au-dessus de 13.000 $, un troisième entre 2.800 $ et 4.100 $ avec l'Amérique du Sud, l'Extrême et le Proche-Orient, et l'Europe Centrale, un quatrième entre 1.000 $ et 2.000 $, avec Europe Russienne, Amérique Centrale, Afrique du Nord et Australe et Asie du Sud-Est et Centrale, enfin, en-dessous de 500 $, Afrique Centre-Est et Centre-Ouest et Asie du Sud. Leurs participations à la population et au PMB sont, du premier au cinquième, de 13,2% et 62,4%, puis 0,5% et 1,3%, puis 36,6% et 28,2%, puis 19,7% et 5,6%, enfin 30,1% et 2,5%. Cette répartition mondiale ressemble fort à celle de nombre de sociétés: une classe riche restreinte détenant une large part des ressources, une très mince portion de cadres supérieurs très aisés, une classe moyenne large et relativement aisée, une classe intermédiaire moyenne - "agents de maîtrise" - au faible pouvoir d'achat, une classe pauvre large - et pauvre.

Avec des variantes - on imagine bien qu'un pauvre d'Europe Occidentale est en moyenne beaucoup moins pauvre qu'un pauvre d'Amérique du Sud - ce modèle est valable pour environ les 2/3 de l'humanité, y compris la Chine, dont l'apparente pauvreté (un PIB/h de 780 $) est en partie illusoire, sa participation restreinte, jusqu'ici, au commerce international, ne permet pas une évaluation réelle de sa richesse. Ceci est - moindrement - vrai pour l'Inde, dont la richesse réelle n'est pas rendue par son PIB/h de 450 $. On peut estimer le PIB/h "réel" de ces deux pays au triple de celui "effectif" (mesurable internationalement). Passons. Donc, au niveau mondial on a une répartition "normale" de la richesse. Enfin, plus ou moins. En classant les pays par tranches de population de 10% hauts, 20% moyens hauts, 30% moyens bas et 40% bas, on a ce petit tableau:

Tableau A
Répartition du PMB
Tranche. PTB(*). Nbe pays.
10,20%61,70%16
20,20%29,10%70
30,00%5,80%37
39,70%3,40%69
«produit par tranches brut»
   Par tranche de populations.

Donc, la richesse est mal répartie. La moyenne de PIB/h par tranche est de 29.195 $, puis 7.172 $, puis 924 $, puis 417 $. En moyenne, un habitant des 16 premiers pays dispose, par jour, de 80 $ (600 FF), un des 70 suivants, de 20 $ (150 FF), des 37 suivants, de 2,5 $ (19 FF), des 69 derniers, de 1,15 $ (8,5 FF). Pour le relativement plus pauvre de chaque tranche, le PIB/h est de 23.480 $, puis 1.960 $, puis 773,7 $, puis 86,6 $; leur PIB/h quotidien est respectivement de 64 $ (482 FF), de 5,5 $ (40 FF), de 2,1 $ (16 FF) et de 0,24 $ (1,8 FF). Même le plus pauvre des riches est très riche, par contre le plus pauvre des pauvres est vraiment très pauvre…

Autres tableaux, qui détient les 25% de PTB supérieur, moyen haut et bas, inférieur ? Cela d'abord par volume, puis par PIB/h. Il me faut un peu gauchir ces tableaux, l'un des pays (les États-Unis) représentant à lui seul 29% du PMB. Voici:

Tableau B
Classement par PIB
Nbe pays % PMB % Pop. % PIB/h
1 29,00% 4,60% 637,20%
2 21,30% 3,50% 614,80%
8 24,90% 44,40% 56,10%
181 24,80% 47,50% 52,20%
Tableau C
Classement par PIB/h
Nbe pays % PMB % Pop. % PIB/h
1 29,00% 4,60% 637,20%
9 24,50% 3,90% 620,50%
16 22,50% 5,20% 429,00%
166 24,00% 86,30% 27,90%

Dans l'un et l'autre cas, les deux premiers groupes forment moins de 10% de la population pour plus de 50% du PMB.

Ces deux tableaux sont intéressants pour montrer comment, avec les mêmes chiffres, on peut tirer des conclusions opposées: si l'on considère le classement par PIB, on peut dire que, somme toute, la richesse n'est pas si mal répartie, que certes 3 pays représentant 8% de la population en détient 50%, mais vous pouvez voir que les pauvres ne sont pas si pauvres, puisque que leur PIB/h est tout de même de l'ordre de 55% du PIB/h moyen; la version catastrophiste s'attachera au seul classement en PIB/h, constatant que plus de 85% des humains détient moins de 25% du PIB, avec un revenu d'à peine plus du quart du PIB/h moyen. La vérité, je ne sais pas où elle est, mais elle doit bien se trouver quelque part entre ces deux tableaux. Par exemple, le troisième groupe du premier tableau est formé de deux sous-ensembles contrastés, d'un côté l'Inde et la Chine, 37,5% de la population mondiale pour 5% du PIB, un PIB/h moyen de 634 $, les 6 autres étant des pays européens et américains formant 7% de la population pour 20% du PMB et un PIB/h de 13.866 $: "en moyenne", le PIB/h est de 2.792 $, considérant que chaque sous-groupe diverge fortement de la moyenne.

Dans le tableau C, Chine et Inde figurent dans la tranche 4, et sans elles, cette tranche forme 19% du PMB et 49% de la population, soit un PIB/h de 39% de la moyenne. J'ai parlé de la relativité du PIB/h effectif des deux grands pays du monde (37,5% de la population mondiale), d'où, malgré les apparences, les plus pauvres ne sont pas si pauvres. Quoi que…

Quoi que, pour plusieurs pays, le PIB officiel ne corresponde pas au PIB réel, au produit intérieur brut: pour le Gabon, par exemple, le PIB/h est de 4.266 $, or une autre donnée, l'espérance de vie de 52 ans, le fait figurer dans un tout autre groupe, au PIB/h moyen de 308 $, ce qui est significativement différent. A l'inverse, le cas déjà vu de l'Arménie, qui par son espérance de vie figure parmi un groupe au PIB/h moyen de 8.676 $, par son PIB/h parmi un groupe à l'espérance de vie moyenne de 60 ans.

Plusieurs choses expliquent ces cas particuliers: pour les deux pays, le PIB réel ne correspond pas au PIB visible, une part non-négligeable de celui du Gabon, environ la moitié, ne participe en rien de la richesse du pays mais à celle de TotalFinaElf ou de Texaco; sur la part restant, plus des 3/4 sont captés par une frange très limitée de la population, moins de 10%, qui loin d'en faire profiter le pays les investissent sur les places financières internationales, où elles renforcent encore le PIB des pays riches; reste donc, au mieux, un niveau de PIB/h de 590 $ pour les 90% de la population qui participent réellement au PIB; a contrario, la faible insertion de l'Arménie dans le commerce international masque une bonne part de son PIB, qui se fait par des échanges, qui ont tout du troc, avec les républiques de l'ancienne URSS; le Gabon est un "nouveau riche" dont le revenu s'est formé essentiellement, et peu à peu, dans les trois dernières décennies, avec l'exploitation de son pétrole: structurellement il ne diffère guère de ses voisins, Congo, Guinée équatoriale et Cameroun, au PIB/h moyen de… 590 $, et à l'espérance de vie de 54 ans; les voisins de l'Arménie, qui elle est un "nouveau pauvre" - son PIB s'est affaissé consécutivement à l'écroulement du bloc soviétique -, la Turquie, la Géorgie, l'Azerbaïdjan et l'Iran, ont un PIB/h moyen de 2.164 $ pour une espérance de vie de 69 ans - à remarquer que celui qui lui est structurellement et historiquement le plus proche, l'Azerbaïdjan, a des données tout aussi déviantes, avec un PIB/h estimé de 550 $ pour une espérance de vie de 72 ans -; dernier point, le Gabon a une très faible densité, 4,4 h/km², ce qui n'est pas gage d'une faible espérance de vie, sauf quand cette donnée est réelle (j'évoque ci-après les cas de fausses basses densités, où en réalité la grande part de la population est rassemblée sur une faible portion de territoire), dans ce cas, il est assez difficile de créer les infrastructures nécessaires à une amélioration notable de la santé - baisse de la mortalité infantile, augmentation de la durée de vie moyenne -; l'Arménie tout au contraire se classe, avec 127,5 h/km², au 56° rang, avec une densité près de trois fois supérieure à la moyenne, au niveau de l'Europe du Centre-Ouest, le Gabon au 182° rang, parmi le Tchad, le Centrafrique, le Guyana, le Botswana, la Mauritanie et la Namibie, qui ont un PIB/h moyen de 683 $ et une espérance de vie de 48,5 ans: quelle que soit la manière dont on l'envisage, les statistiques de PIB et PIB/h de l'Arménie et du Gabon sont fausses, et les autres données, de densité, mortalité et moyennes régionales, le confirment.

Le "plus pauvre des riches" du G7, c'est la France. Les taxes, impôts et charges divers y représentant 47% du PIB, le revenu mensuel moyen y est de 1.022 $ (7.666 FF), soit 2.555 $ (19.165 FF) par actif - les autres revenus (retraites, RMI, allocations) étant prélevés sur la part de PIB dévolue aux charges et perceptions. En France, comme dans quelques autres pays (Pays-Bas, Suède, Luxembourg, Belgique…), la part de la population ayant un revenu mensuel réel par habitant inférieur à ce qui est fixé comme "minimum vital"[2] - en réalité, on peut vivre avec moins… - est marginal, inférieur à 0,2%, parce qu'il existe des mécanismes permettant à chacun de percevoir des allocations complémentaires pour atteindre ce qui a donc été fixé comme le minimum nécessaire.

C'est logique. Dans un pays où le PIB/h mensuel moyen est de 1.956,7 $ (14.675,0 FF), soit 4.891,7 $ (36.687,5 FF) par actif, considérant qu'environ 30% du PIB est absorbé par les frais d'infrastructures du pays, la richesse moyenne par habitant est de 1.370 $ (10.270 FF) mensuels; considérant encore qu'environ 40% de plus sont indisponibles - charges fixes -, il reste par mois et par habitant un revenu de 822 $ (6.165 FF). Si même la partie de la population "défavorisée" représentait 20% du total - ce qui doit être le cas -, le "seuil de pauvreté" étant fixé à environ 3.000 FF en France, les 80% de Français disposant en moyenne de 7.400 FF au-dessus des perceptions et coûts incompressibles ne devraient distraire que 1.450 FF pour les nécessiteux, ce qui leur laisserait en moyenne 5.950 FF. Ils peuvent se le permettre.

Maintenant, pour tous les pays en-dessous de 500 $ - 49 pays au PIB/h moyen de 379 $, soit 8% du PIB/h moyen, formant 33,3% de la population du monde pour 2,6% de son PIB - c'est autre chose. Quand le PIB/h quotidien moyen est d'à peine plus que 1 $, il est difficile d'aider les nécessiteux, car ils forment le gros de la population. D'un sens, ça pourrait être assez chrétien: aide-toi…

Les humains sont inéquitablement répartis: ils résident à près de 60% en Asie, moins de 25% de la superficie, d'où une densité 2,5 au-dessus de la moyenne; à l'opposé, l'Océanie apparaît un vaste désert comptant 0,5% de la population pour 6,4% de la superficie et une densité 14 fois inférieure à la moyenne. Les autres continents forment deux groupes, l'Europe à 100 h/km², l'Afrique et les Amériques à 20,6 h/km² et 26,6 h/km². Le bloc Eurasiatique forme donc un ensemble important et dense, 41% de la superficie, 73% de la population et une densité 1,8 fois supérieure à la moyenne; les Amériques et l'Afrique forment deux ensembles assez comparables, avec respectivement, pour leurs superficie, population et densité, 29,9%, 13,5% et 1 pour 2,2 à la moyenne, et 22,6%, 13,2% et 1 pour 1,7 à la moyenne, l'Océanie étant loin derrière.

Au plan régional - et à celui des parties - l'Océanie reste loin derrière, mais des disparités apparaissent à l'intérieur des continents: en Afrique, la partie médiane surclasse les deux autres, dans un rapport de 1 pour 1,2 à la moyenne, contre respectivement 1 pour 2,3 et 1 pour 2,7 pour les Afriques Australe et du Nord. Néanmoins, c'est en Europe et surtout en Asie qu'apparaissent les plus forts contrastes: pour l'Europe, le rapport à la moyenne est de 1 pour 1,4, mais avec d'une part la - relativement - petite Europe du Centre-Ouest, 4,4% de la superficie, de l'autre la vaste Europe Russienne, 13,5%, la première étant dans un rapport de 2,2 pour 1, la seconde, de 1 pour 4 à la densité moyenne; quant à l'Asie, cela va de celle du Sud, 6,5 fois la densité moyenne, à celle Occidentale, dans un rapport de 1 pour 1,7, soit un rapport de l'une à l'autre de 11 pour 1, en passant par celle Orientale, 2,7 pour 1. Seules l'Amérique Boréale et du Sud sont équilibrées, dans un rapport respectif à la moyenne de 1 pour 2,1 et 2,3.

Par contre, pour les parties, la petite Amérique Centrale, 1,1% de la population, 0,6% de la superficie, une densité de 2 fois la moyenne, est à l'opposé du Sud et du Nord avec 1 pour 2,3 et 1 pour 2,4. En Europe, les choses restent en l'état, avec les Europes Centrale et Occidentale alentour de 2 pour 1 contre les 1 pour 4 de celle Russienne. De même en Asie. En revanche, les deux parties de l'Afrique médiane sont assez contrastées, celle Centre-Est étant dans un rapport de 1 pour 1,4, celle Centre-Ouest, de 1,6 pour 1 à la moyenne, et de l'une à l'autre, de 1 pour 2,2. Il existe de très petits États, et de très vastes: l'Amérique centrale forme 0,6% de la superficie totale et compte 19 pays, alors que l'Amérique du Nord, avec 3 pays, en forme 16%. Les rapports de superficie totale et moyenne entre les deux est respectivement de 1 pour 29 et de 1 pour 183. Les 40 premiers pays en la matière forment déjà 83,3% de la superficie, n'en laissant que 16,7% aux 152 autres. On ne s'étonnera donc pas que les 40 nations intermédiaires en forment à peine 4,3%, les 40 dernières, 0,7%. Mais déjà les 8 premières, celles, sauf le Soudan, au-dessus de 2,5 M/km², composent plus de la moitié de la superficie, 51,4%. Les 16 dernières, pour une bonne part les micro-États d'Europe Occidentale, d'Amérique Centrale et d'Océanie, en forment une part marginale, 0,025%.

Bien évidemment, on retrouve nombre des mêmes états parmi ceux aux plus faibles superficie, PIB et population, exactement, 7. A l'opposé, et dans une même proportion, 3 pays cumulent la prééminence dans les trois catégories, les "mauvais élèves" étant le Canada et l'Australie qui, malgré un PIB/h assez haut de 19.320 $ et 17.436 $, ne figurent que pour leur superficie, étant donnée leur très faible densité, 3,1 h/km² et 2,4 h/km².

A propos de densité, il est amusant de constater que les 16 derniers pays y figurent pour des raisons diamétralement opposées, par insuffisance ou excès de vie, les uns, tels la Libye, l'Australie, la Mongolie, le Canada, étant des déserts ou quasi-déserts, les autres, tels le Gabon et le Surinam, étant recouverts largement par une forêt équatoriale dense. Si les pays peu denses sont des États moyens et arborés ou de vastes déserts vides - leur superficie moyenne est 2,7 fois au-dessus de la moyenne - ceux très peuplés sont de petits États où l'on s'entasse, leur superficie moyenne étant 30,5 fois inférieure à la moyenne; les seuls pays denses qui se distinguent sont le Bengladesh, 144.000 km², et Taïwan, déjà assez loin avec 36.200 km²; dès le troisième, Bahrein, on passe à 695 km². Parmi les 15 premiers États en densité, 11 sont en-dessous de 1.000 km², et même le plus grand, le Bengladesh donc, est dans un rapport de 1 pour 5 à la moyenne mondiale.

La comparaison entre les 40 premiers et derniers fait donc considérer que les pays denses sont, en moyenne, de petits États surpeuplés, ceux clairsemés, de grands déserts ou de vastes forêts équatoriales vides:

  • parmi les 40 supérieurs, seuls 11 atteignent où dépassent 40.000 km², les autres étant sous 36.000 km², 20 à ou en-dessous de 5.000 km², dont 16 en-dessous de 1.000 km²;
  • au contraire, parmi les 40 inférieurs, si 5 sont sous 100.000 km² et 4 sous 250.000 km², 21 sont au-dessus de 500.000 km², dont 16 au-dessus de 1 M/km², ceux-là formant 43,2% de la superficie mondiale pour… 6,4% de la population, soit une densité de 6,8 h/km², 1/7° de la moyenne.
Considérant la densité moyenne, 45,5 h/km², on retrouvera un phénomène comparable à celui observé pour le PIB et le PIB/h, soit, une très inégale répartition par rapport à ce point moyen: le gros de l'humanité se resserre sur une portion limitée de la planète, laissant de vastes espaces à une minorité, et, comme pour le PIB/h - sinon que dans ce cas j'opposais les continents en-dessous et au-dessus du PIB/h moyen, et non l'ensemble des pays classés par densité -, dans une proportion inverse 3/4-1/4, ainsi que le montre ce tableau:

Tableau D
Contrastes de peuplement (rapport superficie/densité)
Nbe pays % Dens % Sup. % Pop. Dens. Superficie Population
119 299,40% 25,80% 77,20% 136 h/km² 34227 km² 4666588 h.
73 30,70% 74,20% 22,80% 14 h/km² 98535 km² 1379552 h.
192 100,00% 100,00% 100,00% 45 h/km² 132763 km² 6046140 h.

On peut aussi faire le constat que les continents s'opposent en deux ou trois groupes distincts, l'ensemble Eurasiatique connaît des disparités - la Mongolie est le pays le moins dense du monde - mais est très au-dessus des trois autres continents; relativement à la densité de ce bloc, 81 h/km², les autres continents se regroupent dans une même faible densité; relativement à la densité moyenne, l'Océanie se détache plus de l'Afrique et des Amériques.

2. Disparités locales.

Je vous laisse à loisir explorer mes tableaux - imparfaits - et faire comme moi des hypothèses, pour m'intéresser plus aux disparités dans les parties et régions du monde. Je le disais, c'est paradoxalement dans le continent le plus dense, et même dans la partie en second pour la densité, qu'on trouve le pays le moins dense, la Mongolie; sans elle, la zone passe de 129,4 h/km², soit 284,1% de la moyenne, à 148,4 h/km² et 325,8% de la moyenne. De même, si l'Océanie est de très loin le moins dense des continents, c'est dû à ce vaste désert que forme l'Australie: sans elle, bien que n'étant pas faramineuse, la densité de la zone remonte à 12,5 h/km². En fait, il y a des zones plutôt homogènes, d'autres plutôt ou très hétérogènes.

La seule partie - plutôt petite - assez homogène est l'Europe Centrale; elle le serait encore plus si, cédant à ma première inspiration, j'avais classé les trois pays baltes en Europe Occidentale ou Russienne: sans les considérer, le plus important écart de densité dans cette zone est inférieur à 1 pour 2; même en les considérant, il n'est que de 1 pour 4; en Europe Occidentale, même sans considérer le Vatican, qui n'est qu'un quartier de Rome, Monaco qui n'est qu'une ville des Alpes-Maritimes, San Marin qui n'est qu'une commune d'Italie et Malte et l'Islande, rochers perdus en mer, l'écart du moindre au majeur est tout de même de 1 pour 27,5; en réintégrant l'Islande et Malte, il est de 1 pour 407, et avec Monaco, de 1 pour 5575. L'écart en Europe Russienne est de 1 pour 9,5; il serait plus important encore si les républiques de la Fédération de Russie figuraient chacune pour elle, les Républiques de Touva et de Bouriatie ayant probablement une densité comparable à celle de la Mongolie, celle de Sakha, à l'est de la Sibérie, moindre, sans doute en-dessous de 1 h/km², les républiques les plus occidentales et méridionales ayant une densité "européenne", supérieure à 30 h/km².

Pour l'Asie, le Sud-Est, hors Singapour, a un écart relativement réduit, de 1 pour 11, et avec Singapour, de 1 pour 303,5; l'Asie Centrale, la plus homogène partie, a un écart de 1 pour 18,5; dans le sous-continent indien, il est de 1 pour 43; sans Bahrein, l'écart au Proche-Orient est de 1 pour 52,3, avec lui, de 1 pour 128,5; c'est l'Extrême-Orient qui connaît le plus fort contraste pour des pays significatifs en superficie et population, soit 1 pour 387.

En Amérique, les écarts vont de 1 pour 62,5 au Centre à 1 pour 13 au Sud, en passant par 1 pour 16,5 au Nord. En Afrique, le Nord a un écart de 1 pour 26, le Centre-Ouest, hors Saõ Tome, de 1 pour 30,5, avec, de 1 pour 45,5, le Centre-Est, hors Comores, de 1 pour 48,5, avec, de 1 pour 57,5, le Sud, hors Maurice, de 1 pour 40, avec, de 1 pour 214. Dans l'Océanie, l'écart entre pays significatifs, au-dessus de 10.000 km², est relativement faible, soit 1 pour 18, et entre tous les États, 1 pour 204.

Après l'Europe Occidentale, c'est dans une rare partie sans micro-État, l'Extrême-Orient, qu'on trouve le plus fort contraste, près de 1 pour 400. A un niveau continental, les écarts sont de 1 pour 269,5 en Afrique, 1 pour 193,5 aux Amériques, 1 pour 4.182.5 en Asie, 1 pour 5575 en Europe et, on l'a vu, 1 pour 204 en Océanie, l'écart important significatif étant celui asiatique - celui européen s'établit entre Monaco et l'Islande.

Les données ne disent pas grand chose, parfois. Considérez la Russie, le Canada et l'Australie: apparemment, ce sont des pays peu denses. D'un sens c'est vrai, d'un autre, non. Des pays comme la Mongolie ou la Mauritanie ont effectivement une faible densité globale, tandis que les trois plus grands pays du monde sont dans le "système 3/4-1/4" en plus accentué: 90% de la population réside dans 10% du territoire, et inversement, la grande partie du pays étant un vaste désert de glace, de roche ou de sable, une steppe déshéritée ou une savane clairsemée:

  • Pour l'Australie, ce doit même être plus proche de 95%/5%: pour exemple, les seules 11 villes les plus importantes, toutes côtières à l'exception de la capitale, Canberra, comptent quelques 16 M/h, plus de 92% de la population.
  • Au Canada, les 12 premières villes forment près de 30% de la population, et avec leurs agglomérations, 65%; en regardanr une carte de ce pays, on voit très nettement comment la population se répartit:
    • au sud, le long de la frontière avec les Etats-Unis, un dense réseau routier et de nombreux points signalant les villes;
    • en allant vers le nord, de moins en moins de routes, et des points toujours plus épars;
    • sur à-peu-près la moitié au nord, plus de routes et pratiquement aucun point.
    Non que ce soit réellement désert, mais assez faiblement peuplé pour que les villes ne soient pas significatives.
Et l'on retrouvera cela pour la Russie, l'Argentine, le Brésil, bref, tous ces grands pays peu ou assez peu denses.

Même les Etats-Unis n'échappent pas à la règle, bien que leur population soit un peu plus éparpillée: l'essentiel de la population est dans 16 États (la Nouvelle-Angleterre, les États des Grands Lacs, le Texas, la Floride et la Californie) qui comptent 30% de la superficie du pays pour 50% de la population, et une densité plus honorable de 49,3 h/km². De même, le Brésil concentre près de 25% de sa population dans ses 10 principales villes, soit une portion négligeable du territoire, et 60% de ses habitants vivent dans les 12 États de la côte Atlantique, qui forment 25% du territoire, amenant cette partie à une densité de 48 h/km² contre 11 h/km² pour le reste du pays.

Ce qui est vrai pour les grands pays l'est pour les petits, ce qui est vrai pour ceux peu peuplés, l'est pour ceux denses: l'Islande, par exemple, est bien plus densément peuplée qu'il n'apparaît, car plus de 90% de son territoire est inhabitable, et la population se concentre sur les côtes, et il en est de même pour le Japon ou Malte, pourtant déjà denses: ces trois pays ont une configuration à-peu-près équivalente, avec des côtes (relativement) hospitalières bordant, pour Malte un volcan, pour l'Islande des formations volcaniques couvertes, en outre, de glaciers, pour le Japon des chaînes de montagnes peu ou pas accessibles; on peut aisément multiplier la densité réelle de Malte par 3, celle du Japon par 5, et donc celle de l'Islande par 10. Et ici, contrairement au Brésil ou aux États-Unis, il ne s'agit pas de zones diversement peuplées mais bien de deux zones tranchées, l'une occupée, l'autre non: c'est à l'intérieur de la zone habitée qu'on retrouvera des disparités, mais pour l'autre, nul contraste, il n'y a personne. Par exemple, en Islande la capitale Reykjavik rassemble 1/3, et avec son agglomération plus de la moitié de la population; à Malte, pour ajouter la densité à la densité, l'agglomération de la Valette, la capitale, rassemble 30% des habitants, ce qui doit atteindre une concentration proche de celle de Monaco.

Je décris là chose courante: tous les pays industrialisés et nombre des autres connaissent ces concentrations successives, avec des régions plus denses que d'autres, dans ces régions, des districts rassemblant plus de population et in fine, dans ces districts des agglomérations agrégeant nombre d'habitants.

En France par exemple, 4 des 22 régions métropolitaines comptent 42,2% de la population pour seulement 18% de la superficie, soit une densité de 253 h/km², 2,3 fois la moyenne nationale et 3,3 fois la moyenne des autres régions. A l'autre bout, les quatre régions les moins denses, avec 12,3% de la superficie et 5,7% de la population, ont une densité de 50 h/km², soit un rapport de 1 pour 2,2 à la moyenne nationale et de 1 pour 2,3 aux autres régions.

La France. Ma foi, il y a des contrastes. Sur 22 régions, 16 sont en-dessous, 6 au-dessus de la densité moyenne, les premières avec 70,5 h/km², 1,5 fois sous la moyenne, les secondes avec 238,4 h/km², 2,2 au-dessus de la moyenne. La petite Ile-de-France, 2,2% du territoire mais 18,7% de la population, est très au-dessus de la moyenne pour la densité avec 909 h/km². La Corse, autre extrême, avec 0,4% de la population pour 1,6% du territoire et une densité de 29,5 h/km², 3,6 fois moins que la moyenne, est tout aussi divergente. Pour revenir une dernière fois sur l'Ile-de-France, au dernier niveau, l'agglomération dense, Paris, avec 105 km² et 2,15 M/h, écrase Monaco: 20.456 h/km². Au "heures de pointe", entre 10h et 16h, la densité effective, entre habitants et travailleurs, doit atteindre 40.000 h/km²…

3. Fausses valeurs, fausses idées, fausses impressions.

Tous les chiffres ne sont pas également fiables. La superficie ne pose pas trop de problèmes, quoi que… Par exemple, selon que l'on inclue ou non ce que les Marocains appellent la province du sud et les nostalgiques du colonialisme le Sahara espagnol, les dimensions de ce pays varient considérablement; la Guyane française est tantôt ajoutée, tantôt non à la superficie de la France, ce qui fait tout de même une différence de 90.000 km², soit 16% de sa taille. Puis, il y a des bandes de territoire disputées, comme entre le Tchad et la Libye, qui ne sont pas comptées ou sont comptées deux fois. Mais ça ne fait pas grande différence.

Par contre, les données humaines et économiques sont parfois très douteuses. Pour les pays industrialisés très insérés dans le commerce international et avec des statistiques nationales fiables, tels la France, les Pays-Bas et globalement tous les pays d'Europe Occidentale, d'Amérique du Nord, une bonne partie de ceux d'Europe Centrale, d'Amérique Centrale et du Sud, les "dragons" asiatiques, la majorité des pays du Moyen-Orient, les informations de PIB, population, natalité, mortalité, espérance de vie peuvent être considérées exactes; dès qu'on s'éloigne de ces pays, les choses deviennent douteuses, pour diverses raisons.

J'avais pris l'exemple de la Chine et de l'Inde, pour lesquelles les critères internationaux d'évaluation du PIB ne sont pas fonctionnels parce qu'une part non négligeable des échanges est invisible selon ces critères. Par contre, leurs statistiques humaines sont probablement fiables. Mais plus les États divergent dans leur fonctionnement des pays industrialisés riches, plus y règne le droit du plus fort et la corruption, plus la situation y est instable, moins les données sont assurées. Quatre cas au hasard - enfin, pas vraiment au hasard -: l'Afghanistan, la République démocratique du Congo (RDC), la Sierra Leone et la Colombie.

L'Afghanistan est dans l'actualité - j'écris en novembre 2001. Triste actualité. Selon les sources dont je dispose, la population est évaluée à 21, 23 ou 26 M/h - ce n'est pas rien, du moindre au meilleur ça ferait la population du Danemark (au 24° rang pour le PIB, au 5° pour le PIB/h, comme quoi, 5 M/h ça peut y faire…). J'ai même entendu à la radio une évaluation à 15 M/h, soit une variation du niveau de la population de Cuba ou du Mali. J'ai donné, à titre indicatif, le PIB/h trouvé dans une de mes sources, mais pour Le Bilan du Monde, la donnée est spécifiée "n. c.", non communiquée ou connue.

Ma foi, 259 $, je ne sais pas si c'est vrai, mais c'est vraisemblable, pour le PIB/h légal. L'espérance de vie à 46 ans, la progression de population de 2,5% sont eux aussi vraisemblables et dans la moyenne des pays comparables, en guerre depuis des décennies, traditionalistes et natalistes, tels la Somalie, le Sierra Leone, le Burundi ou l'Angola. Vrai, je ne sais pas, mais vraisemblable. Bon, mais pour ce qui est du PIB, ça se discute. Il y a donc le PIB légal, celui visible pour les institutions économiques nationales et internationales, et celui, soit non-légal, soit illégal.

Hors légalité, il y a l'économie informelle, illicite ou criminelle; le non-légal c'est l'informel, c'est-à-dire les échanges effectués hors du regard des structures légales, et une partie de l'illicite, celle qui contrevient à certaines règles de commerce international sans violer les lois du pays; l'illégal, c'est l'illicite violant les règles nationales et internationales, mais au niveau du délit, et le criminel.

En Afghanistan comme dans toute société traditionnelle, cela d'autant plus dans une situation de désorganisation des institutions nationales comme la sienne, le "secteur informel" est très important, et plus ou moins évaluable, une bonne part consiste en services et artisanats locaux largement non marchands, des échanges de bon procédé entre voisins, une part est du petite commerce ou de l'artisanat à un niveau plus large, régional, une faible part se situe à un niveau d'échanges large, national et international, du "système D" à haute - mais étroite - échelle. Ce secteur doit à-peu-près doubler le PIB, ce qui situerait le PIB/h moyen réel, pour l'Afghanistan, à 500 $. Une certaine forme de contrebande se situe dans ce secteur: a priori, la contrebande est interdite même dans des États aussi déstructurés que l'Afghanistan, mais il y a toujours une tolérance pour ce qui concerne les produits dits de première nécessité. Puis il y a l'autre versant, l'illégal, qui peut produire bien plus de ressources que le non-légal. C'est le cas ici.

Dans un pays en guerre, et d'autant plus avec une guerre civile, comme depuis 12 ans dans ce pays-ci, le commerce illégal est très favorisé, parce que les belligérants doivent trouver les ressources pour continuer le conflit, armer et payer les hommes, et parce que dans un État désorganisé, les délinquants et criminels en tout genre peuvent travailler bien plus tranquillement. Enfin, manière de dire: tranquillement relativement aux autorités, ce qui n'empêche les problèmes avec "la concurrence" ou les autorités d'autres pays. L'Afghanistan est par exemple connu pour sa production importante d'opium et de cannabis, mais il y a aussi tout ce dont on ne parle guère, comme le commerce illégal de pierres semi-précieuses, la contrebande internationale en faveur des voisins (Pakistan, Iran), le trafic d'humains - immigration illégale. Ici, le commerce illégal doit plus que doubler les deux autres, et porter le PIB/h moyen au-delà de 1000 $. Mais c'est un revenu improductif et très mal réparti, puis qu'il n'est qu'entre quelques mains, celles des "seigneurs de guerre" et de leurs affidés, et qu'il sert essentiellement à soutenir l'effort de guerre, ce qui est plus destructeur que constructif.

A leur mesure, la Sierra Leone et la RDC sont dans des situations comparables, en pire. elles figurent parmi les pays les plus pauvres, avec un PIB/h estimé de 130 $ et 175 $, aux 186° et 189° rangs; pourtant, me dit une de mes source, «la Sierra Leone figure parmi les principaux producteurs de diamants du monde [et] exporte de la bauxite, du minerai de fer et du [rutile ?] bruts». Bon. Et la RDC, est la plus énorme mine multi-minerais du monde, 2,5 M/km² de zinc, cobalt, cuivre, tain, manganèse, or, tantale, diamant, uranium, plus le charbon et le pétrole. Malgré cela, ils figurent donc parmi les 7 derniers pays pour le revenu, avec un PIB/h quotidien de 48 ¢ et 36 ¢ (3,6 FF et 2,7 FF). Et je ne vous ai même pas parlé des productions agricoles.

Avec des ressources comparables ou moindres et une industrialisation faible, la Côte-d'Ivoire et le Sénégal se classent, avec 710 $ et 510 $, aux 129° et 142° rangs, avec un PIB/h supérieur de 3 et 4 fois pour le Sénégal, 4 et 6 fois pour la Côte-d'Ivoire, à nos deux pays. C'est que, pour ces, peut-on dire États ?, le revenu de ces ressources, soit est criminalisé, profitant à des groupes de pseudo-rebelles ayant tout de l'organisation de crime organisé, soit "externalisé": au Congo, par exemple, il y a de véritables enclaves appartenant à de grandes sociétés occidentales ou multinationales, ce qui fait que le produit de leur exploitation entre, in fine, dans le PIB des États où elles ont leurs sièges sociaux. C'est somme toute logique, puisqu'effectivement ces revenus ne profitent que très marginalement aux pays producteurs, et, là encore, surtout à quelques seigneurs de guerre, quelques mafieux et, un peu, aux États. Qui investissent ces ressources dans l'armée… pour lutter contre les seigneurs de guerre et les mafieux. A considérer d'ailleurs que dans ces deux pays les "autorités légales" sont assumées par d'anciens seigneurs de guerre plus ou moins mafieux…

En Colombie, le PIB/h est - relativement - assez élevé, 2.250 $ (bien qu'au niveau régional et surtout continental il soit plutôt bas), comparativement aux pays précédents. Ne pas trop s'y fier: le "niveau de vie", c'est-à-dire son coût, est bien plus élevé; s'il y a des inconvénients à vivre dans des pays très faiblement industrialisés, l'avantage est que le PIB ne passe pas essentiellement dans l'entretien des infrastructures. Cela dit, l'espérance de vie en Colombie est de 69 ans, contre 48 ans en moyenne pour les trois premiers pays, comme quoi, des infrastructures solides ça a du bon. Quoiqu'il en soit, j'ai quelques doutes quant aux statistiques concernant ce pays, tant pour le PIB/h et le PIB que pour l'espérance de vie [3].

En fait, il y a quatre sortes d'habitants en Colombie, avec chacuns leurs données propres, les "insérés normaux" et "anormaux", et les pauvres citadins et ruraux. Les derniers, environ 1/5° de la population, ont une espérance de vie basse, de l'ordre de 54 ans, et un revenu à l'avenant, alentour de 450 $; les précédents ainsi que les "insérés anormaux", chacun environ 1/4 de la population, une espérance de 60 à 65 ans, les un avec aussi un PIB/h d'environ 450 $, les seconds d'environ 1000 $, et les "insérés normaux" une espérance de vie "européenne" de 75 ans, un PIB/h d'environ 6.000 $; en moyenne, les statistiques présentées sont à-peu-près justes, mais en moyenne seulement.

Remarquez, ce type de contraste n'est pas propre aux pays faiblement développés, ils y sont simplement plus accentués: en France par exemple, l'écart de PIB/h est du simple au double entre les plus pauvre et plus riche régions, la première étant 1,5 fois au-dessus, la seconde 1,3 fois en-dessous de la moyenne nationale; si l'on devait classer ces régions dans le tableau mondial en PIB/h, l'Ile-de-France se retrouverait au 2° rang, avec 3.000 $ de plus que la 3°, tandis le Languedoc-Roussillon, se classerait 45°. Ces différences peuvent être, pour les 6 plus pauvres, corrélées soit à la densité, faible, soit au taux de chômage, fort; pour les autres régions, aucune corrélation simple ne peut être établie: la plus riche des régions a un taux de chômage proche de la moyenne nationale (8,2%) mais une densité élevée (909,5 h/km²), ce qui est logique - l'Ile-de-France est la région-capitale à tous points de vue, économique, politique, administratif, culturel, donc elle attire du monde - mais masque pourtant d'autres disparités, Paris même et les Hauts-de-Seine connaissant un taux de chômage bas, inférieur à 5%, le Val-d'Oise et la Seine-Saint-Denis étant assez au-dessus de la moyenne. Rien n'est simple: même chez les riches parmi les riches il y a des pauvres. Ou aussi, entre le Nord-Pas-de-Calais et la Provence-Alpes-Côte-d'Azur, l'écart en espérance de vie est de presque 10 ans - 72 ans contre 80 ans.

Donc, en Colombie il y a des "insérés", qui sont "normaux" ou "anormaux". Qu'est-ce à dire ? Qu'une partie de la population est fortement insérée dans les échanges internationaux, mais les uns dans les circuits légaux, officiels, le commerce "normal", les autres dans les circuits de la criminalité internationale. Comme l'Afghanistan pour l'opium et le cannabis, la Colombie participe largement, comme productrice, au commerce de la drogue, avec la pâte de coca et la marijuana ("afghan" et "colombienne" sont d'ailleurs les noms de certaines variétés de haschich et d'"herbe"). En outre, la Colombie participe à la prostitution internationale "import-export" organisée (le "tourisme sexuel" et le trafic d'êtres humains à destination de prostitution), et aux circuits financiers de blanchiment d'argent.

Trois groupes agissent dans le premier secteur, les mafias locales, la FARC (la Fraction armée révolutionnaire de Colombie, à l'origine une organisation révolutionnaire marxiste-maoïste clandestine, mais qui tourne de plus en plus à l'organisation criminelle uniquement occupée à sa survie et au maintien de son "pré carré", comme il est arrivé, par exemple, aux anciens Khmers rouges) et les "paramilitaires", à l'origine des forces contre-révolutionnaires - anti-FARC - qui comme leurs opposants dérivent peu à peu vers la simple criminalité; seules les mafias, et une faible partie des "insérés normaux", agissent dans les deux autres secteurs.

Le commerce illégal profite inéquitablement à ceux qui y participent: les producteurs de drogue y trouvent l'intérêt d'avoir un revenu bien plus important qu'avec les productions "normales"[4] - café, bananes -, de l'ordre du double au triple, mais les véritables bénéficiaires forment une part limitée de la population, les commanditaires et leurs sbires, au plus 15% de l'ensemble; quant aux deux autres secteurs, seule une faible minorité de l'ensemble, moins de 5%, en tire vraiment profit. On se retrouve, dans le secteur des mafias, avec une architecture encore plus inégalitaire qu'entre les diverses régions du pays, avec une base à environ 1.000 $, une partie intermédiaire au niveau du premier secteur - environ 6.000 $ - et une frange haute, au-delà de 20.000 $. Non que ce type de disparités n'existe dans les trois autres zones, mais plus progressives et à une moindre échelle.

Nombre d'autres pays n'ont pas un PIB réel équivalent à celui visible, officiel: la Thaïlande, la Birmanie, l'Angola, le Népal ou le Nigéria, entre autres, participent au commerce criminel et/ou au commerce illégal de produits légaux, ou à la contrebande internationale. D'après le études les plus sérieuses, le commerce souterrain correspond à-peu-près au PIB de la France, 4° au plan mondial, soit quelques 1.4 Mds de Mds $, environ 5% du PMB, ou encore, le PIB cumulé de 149 derniers pays - 25% de la population mondiale, ou encore, plus de trois fois le PRB de l'Afrique. D'ailleurs, parmi ces 149 pays, environ un tiers double son PIB par ce commerce illégal, le reste - la plus grande part - profitant aux pays déjà favorisés, car il y a une proportion inverse là aussi: le commerce illégal a son origine dans les pays les plus pauvres, et sa destination dans les plus riches, les principaux destinataires étant d'ailleurs les États-Unis, le Japon et l'Allemagne, le tiercé de tête pour le PIB, et dans ces pays, une partie de la population, (et les États à un certain point), profitent de ce commerce plus ou moins souterrain bien au-delà de ce qui en revient aux pays producteurs.

Autant qu'on puisse l'évaluer, 1/3 au plus de cette économie profite aux pays pauvres, la plus-value s'effectuant massivement dans les pays cibles. Pour exemple, le haschisch se négocie, suivant la qualité, entre 40 cts et 5 FF le gramme au Maroc, pour se vendre 15 FF à 100 FF dans les pays destinataires, une partie du prix "se justifiant" par le coût et les pertes lors du convoyage, une autre, la plus importante, formant le bénéfice des gros revendeurs locaux. Pour l'héroïne et la cocaïne, les proportions sont encore plus en défaveur des pays producteurs/convoyeurs.

En ce qui concerne le commerce de chair humaine, suivant que ce soit "en import" ou "en export", les proportions sont inverses: dans le premier cas, si les revenus sont inégalement répartis, seul le pays source en profite, dans le second, une fois la personne arrivée dans le pays cible, l'essentiel du revenu y profite; le blanchiment d'argent profite essentiellement au pays cible, puisqu'à l'arrivée il se retrouve intégré à son PIB: l'intérêt des "blanchisseurs" est de faire fructifier cet "argent sale" dans des pays où il fera le profit maximum, donc les pays riches.

Ce qui amène à une autre correction: les pays les moins riches le sont encore moins qu'il y paraît. Pour la raison qu'une part infime de la population, de 5% à 10%, s'en accapare la plus grande part et, loin d'en faire profiter la nation, investit "son" bien dans les pays développés. La Russie, pour un exemple connu, agit ainsi: les institutions financières internationales, FMI et Banque mondiale, ont injecté des dizaines de milliards de dollars dans l'économie russe, a priori en vue de permettre une amélioration générale des finances du pays, or il s'est révélé que l'essentiel de cette manne s'est retrouvée sur des comptes de l'American City Bank et autres banques new-yorkaises, au profit d'une poignée d'ex-apparatchiks recyclés dans le libéralisme féroce. A moindre échelle sur un plan global - montant total - mais non moindre en rapport au PIB, le même genre de choses arrive pour le Nigéria, l'Albanie, l'Ukraine, la Bosnie, le Panama, et bien d'autres; cela dit, pour les 40 derniers pays, qui forment 13,6% de la population pour à peine 0,8% du PIB, cet argent noir - ou gris (l'argent légal détourné de ses fonctions) - est négligeable face au PMB.

Mais non-négligeable pour les pays eux-mêmes; en fait, il y a là une curieuse alchimie: le PIB officiel de ces pays est réduit, pour chacun, de 1/3 à la moitié par la ponction faite d'une frange limitée de sa population qui réinvestit, à son seul profit, cet argent dans les pays développés; en contrepartie, le commerce illégal y compense à-peu-près cette évaporation, mais en même temps ce commerce souterrain renforce dans une proportion de 2/3 pour 1/3 le PIB des pays riches. L'un dans l'autre, on peut réévaluer le PIB des 40 derniers pays d'environ 1/4, tout en augmentant celui des pays riches de 1% à 1,5%.

La question est: à qui le crime profite ? La réponse: aux pays riches. Non pas en proportion sur la population totale, mais relativement à la frange la plus aisée: pour ne considérer que le trafic de drogue, hors Pays-Bas et Belgique, dans les pays développés d'Europe et d'Amérique du Nord, le revendeur de base en tire un profit assez restreint, environ 10% de l'ensemble; l'intermédiaire ("grossiste") local est le principal bénéficiaire, avec environ 55% du total; le grossiste du pays d'origine est le deuxième bénéficiaire, avec 25% du total, et le producteur est dans la situation du revendeur, avec 10% des revenus. Les deux grossistes, pour pouvoir profiter pleinement de leurs revenus, vont le blanchir, c'est-à-dire les recycler dans le circuit de l'argent légal, et cela, pour une optimisation de leurs avoirs, en direction des pays développés; résultat, environ 80% du commerce illégal de la drogue profitera à la finance des pays développés.

Si l'on considère l'apport au PIB de ces pays, c'est marginal, un peu plus de 3%; si l'on considère l'apport fait aux destinataires réels, la finance internationale, les entreprises multinationales et les bons du trésor des pays riches (le G7), pour elles ça représente de 8% à 10% de leurs ressources, ce qui est bien moins négligeable. Ajoutez à cela l'argent d'origine non-légale ou légale détournée (les fonds du FMI et de la Banque mondiale évoqués), de 10% à 13% des "fonds monétaires internationaux" à destination des trois secteurs évoqués proviennent de l'argent noir ou gris. Lesquels secteurs représentent environ 30% du PMB. Bref, le crime - et ce n'est pas manière de dire - profite aux riches des riches. Ce qui explique pourquoi un pays comme le États-Unis est si réticent à accepter les contrôles sur les "paradis fiscaux": une part non-négligeable, environ 7%, de son PIB, est d'origine douteuse; sans cet argent non spécifié, il perdrait près de 500 Mds $ de PIB. Un meilleur contrôle de la criminalité internationale induirait en sus une baisse de PIB de 250 Mds $, ce qui ferait passer ce pays en-dessous de l'Union européenne (UE) pour son PIB. Mais l'UE elle-même doit avoir près de 5% de PIB douteux, et le Japon de même. Entre le revenu strictement illégal déjà spécifié et celui non-légal qui profite aux pays développés, leur PIB se réduirait donc de plus de 7%.

Pourtant, un commerce plus honnête - je ne parle pas là de l'aspect de commerce légal contre illégal, mais d'une plus grande honnêteté dans les échanges, le travail des plus pauvres étant rétribué plus honorablement -, où les 17 pays au PIB/h supérieur à 20.000 $ redistribueraient environ 6% de leur PIB, soit 1.265 Mds $, vers les 143 pays en-dessous de 900 $ de manière à les amener à ce niveau de ressource, les laisserait à un PIB/h moyen de 25.870 $, au lieu de 27.521 $, ce qui serait tout de même supportable; même en distrayant 10% de leur PIB, pour permettre qu'aucun pays n'ait un PIB/h inférieur à 1.100 $, ils resteraient à 24.769 $. Ce soutien aux économies faibles permettrait, bien mieux que toutes ces actions de guerre coûteuses et inefficaces à moyen et long termes que mènent régulièrement les Etats-Unis et d'autres, de dissuader les producteurs de base de cultiver du pavot ou de la coca au lieu de café ou de cacao. Il aurait un effet secondaire intéressant, aider ces pays à augmenter leur PIB interne, celui qui n'est pas lié aux exportations, et à devenir de nouveaux marchés pour les biens produits dans les pays développés, ce qui en augmenterait d'autant le PIB: à très court terme, moins d'un an, une politique de redistribution plus juste des richesses ferait donc légèrement baisser le revenu des pays les plus aisés, mais assez vite ce PIB déporté leur reviendrait sous la forme de commandes des pays pauvres pour l'amélioration de leurs infrastructures et, à moyen terme, tous ces nouveaux clients solvables favoriseraient l'augmentation de leur PIB. Mais…

Mais il se trouve que, dans les pays développés comme ailleurs, il existe une frange de la population très aisée, dont l'intérêt premier n'est pas d'aider les pauvres à être moins pauvres, bien plutôt, de s'aider elle-même à être plus riche: depuis 1993, les revenus de salaires n'ont pratiquement pas progressé et, relativement à l'inflation, régressé en France - sauf pour les salaires les plus élevés, mais qui ne représentent qu'une part marginale de l'ensemble - alors que la Bourse progressait de quelques 40% - et même, à son faîte, au début de l'année 2001, de plus de 70% par rapport à son niveau de 1993 -; durant cette décennie 1990, les États-Unis ont vu leur taux de chômage tomber en-dessous de 4% mais la part des salaires dans le PIB diminuer, ce qui signifie très clairement que, certes, plus de gens ont du travail, mais que les salaires baissent plus vite que le chômage; pendant ce temps, les revenus financiers et les très hauts salaires suivaient la même courbe qu'en France; et ce phénomène se déroule dans tous les pays du G7. En fait, ce qui se passe au plan international entre pays riches et pauvres se passe aussi au niveau national dans les pays favorisés: alors que le niveau global de richesse augmente, les pauvres s'appauvrissent et seuls les riches s'enrichissent. Et pour pouvoir s'en sortir, les plus pauvres sombrent dans l'économie parallèle, non-légale ou illégale. Comme le disent nos charmants politiques, de gauche comme de droite, les classes pauvres se "criminalisent".

La logique voudrait, pour se sortir de cette spirale, qu'on réfléchisse au plan national à une politique économique et sociale favorable aux plus défavorisés, et autre chose que la simple "paix sociale" obtenue en versant un "revenu minimum d'insertion" qui sert moins à insérer qu'à éviter l'explosion; mais sensiblement, les politiques de tous bords - voir les lois récentes sur la sécurité - s'orientent vers des "solutions" de répression accrue plutôt que de résolution en profondeur des problèmes sociaux. D'où, mes suggestions de redistribution internationale des revenus ne sont guère, dans le contexte actuel, envisageables, les pays riches n'effectuant déjà pas la chose chez eux.

Le monde n'est donc pas très équilibré. Deux choses dont que je n'ai guère détaillées sont la progression de population - que j'appellerai abusivement natalité - et l'espérance de vie ou "mortalité". Des données très variables. Vous l'auriez deviné, là où on fait beaucoup d'enfants, on meurt jeune, où l'on est modérément prolifique on ne meurt ni très vieux ni trop jeune, où l'on est peu, nullement ou négativement prolifique on meurt vieux; précisément, dans les pays à la natalité supérieure à 3% la mortalité est de 55 ans, pour ceux entre 2% et 3% elle est de 60 ans, pour ceux entre 1% et 2%, de 66 ans, pour ceux en-dessous de 1%, de 75 ans. Pris dans l'autre sens, c'est-à-dire par la corrélation entre mortalité et natalité, on retrouve une même disparité: les pays à 75 ans et plus ont une natalité de 0,4%, ceux de 70 à 74 ans, de 1,1%, ceux de 60 à 69 ans, de 1,5%, ceux de 50 à 59 ans, de 2,6%, ceux sous 50 ans, de 2,7%. Évidemment, en-dessous de 50 ans, il y a une stagnation: même si les habitants y sont plus prolifiques que les précédents, leur mort anticipée réduit cet avantage…

L'espérance de vie du dernier groupe est de 45,4 ans, de 77,7 ans pour le premier; leurs PIB/h sont de 282 $ et 24.534 $; les vieux riches malthusiens vivent en Europe de l'Ouest (25 pays sur 40), au Japon et en Amérique du Nord (88,6% des 75 ans et plus), les jeunes pauvres prolifiques en Afrique (27 pays sur 29 et 91% des moins de 50 ans). Dans ce continent, seuls trois pays, représentant 0,8% de sa population, ont une espérance de vie supérieure ou égale à 70 ans, 17,4% de 60 et 69 ans, 40,4% de 50 et 59 ans, 41,4% inférieure à 50 ans; l'espérance de vie moyenne y est de 52,4 ans. Contraste, en Europe Occidentale et en Amérique du Nord aucun pays n'a une espérance de vie inférieure à 75 ans, sauf le Mexique - 72 ans -, et l'espérance de vie moyenne est de 76,7 ans. Dans les tableaux, vous aurez vu que les données continentales en matière de mortalité et natalité sont très contrastées; mondialement, il y a un phénomène intéressant: du maximum, 81 ans, jusqu'à 65 ans, la régression est lente et continue, 127 pays pour 16 ans; après, le mouvement s'accélère, on chute de 64 ans à 37 ans, 65 pays pour 27 ans; l'espérance de vie moyenne des 127 premiers pays est de 72 ans, celle des 65 suivants, de 57 ans. Evidemment, le PIB/h est à l'avenant, 7.524 $ contre 487 $.

III. L'état du monde.

On l'aura vu, je l'ai dit cent fois, il est contrasté. Les choses fonctionnent par cercles. Les voici. Le classement est basé principalement sur l'espérance de vie, puis le PIB/h.

Tableau E
Les «quatre cercles» en matière de PIB
 Premier cercle Rapport Nbe
pays
Deuxième cercle Rapport Nbe
pays
a) Superficie 31.464,0 km² 23,70% 23 5.394,4 km² 4,10% 19
* Moyenne 1.368,0 km² 197,80% 283,9 km² 41,10%
b) Population 771.898,60 12,80% 198.367,50 3,30%
* Moyenne 33.560,80 106,60% 10.440,40 33,20%
c) PIB 22.627 M/Mds $ 77,90% 1.094 M/Mds $ 3,80%
* Moyenne 984 M/Mds $ 650,50% 57 M/Mds $ 38,10%
d) Densité 24,5 53,90% 36,8 80,70%
e) PIB/h 29.314,0 $ 610,40% 5.514,0 $ 114,80%
f) Progression 0,30% 23,70% 0,90% 65,60%
g) Esp. de vie 77,9 117,60% 73,6 111,20%
  Troisième cercle Rapport Nbe
pays
Quatrième cercle Rapport Nbe
pays
a) Superficie 32.643,4 km² 24,60% 44 30.413,1 km² 22,90% 30
* Moyenne 741,9 km² 107,30% 1.013,8 km² 146,60%
b) Population 2.121.101,00 35,10% 1.705.843,60 28,20%
* Moyenne 48.206,80 153,10% 56.861,50 180,60%
c) PIB 3.299 M/Mds $ 11,40% 1.211 M/Mds $ 4,20%
* Moyenne 74 M/Mds $ 49,60% 40 M/Mds $ 26,70%
d) Densité 65 142,70% 56,1 123,20%
e) PIB/h 1.555,4 $ 32,40% 710,1 $ 14,80%
f) Progression 1,30% 89,20% 1,50% 101,70%
g) Esp. de vie 70,5 106,40% 62,9 95,00%

Mes "cercles" correspondent assez à la classification précédente en classes. Le premier concentre presque toutes les statistiques favorables: haut revenu, espérance de vie élevée, part prépondérante dans le PMB, extension territoriale assez importante; son poids dans la population mondiale est limité. Le deuxième a des statistiques nettement moins favorables que le premier, mais très au-dessus des cercles suivants; du troisième au quatrième cela va du simple au double ou triple en tout, avec plus de 10 ans d'écart en espérance de vie. les "atypiques" sont tous les pays aux statistiques très déviantes par rapport à la moyenne de leur groupe a priori, dans un ou plusieurs domaines. La moyenne de ce groupe ne rend pas justement compte de ces écarts.


[1] Notion reprise d'un article du mensuel Le Monde diplomatique: j'y classe les trois pays de langues rattachées au "vieux slave", plus la Géorgie.
[2] Je parle ici du minimum vital et non pas du seuil de pauvreté, lequel est, dans les pays développés, supérieur au minimum vital: le seuil de pauvreté indique le revenu en-dessous duquel on ne peut plus mener une vie dans la norme locale; le minimum vital est le revenu en-dessous duquel on ne peut plus assurer sa survie. Dans un pays comme la France, l'INSEE fixait le seuil de pauvreté à 579 € par mois et par personne; ce revenu permet d'avoir un logement fixe, de payer ses charges et sa facture de téléphone, d'avoir l'équipement «minimum» en électro-ménager, de se vêtir, de se nourrir et de se déplacer; pour assurer une survie honorable, il faut, toujours en France, un revenu de 150 à 200 €, lequel permet de se vêtir, de se nourrir et d'avoir encore un quart à un tiers de ce revenu consacré à autre chose. Certes, ça n'assure pas une vie très confortable, mais il s'agit bien de minimum vital.
[3] Je me rappelle avoir entendu, dans une émission de radio, qu'une intervenante situait l'espérance de vie en Colombie plutôt à 57 ans.
[4] A considérer que la production de drogue soit un type de culture "anormal": après tout, les États-Unis sont un des premiers producteurs mondiaux, et le premier vendeur de tabac du monde, et ce pays est avec la France un des premiers producteurs de vins et spiritueux…