«Pour»Annick Le PetitHarlem Désir | «Contre»Benoît Hamon |
Article de Paul Quinio | Commentaire local |
Texte du traité (et du projet) |
I ls prétendent avoir tourné la page. Mais ils n'arrêtent pas de s'y référer. Ils veulent oublier. Mais le remettent sans arrêt sur le tapis. Au printemps, grâce à leur succès aux régionales et aux européennes, les socialistes se réjouissaient enfin: c'en était fini du 21 avril, funeste dimanche de 2002 qui vit Lionel Jospin se faire éliminer dès le premier tour de la présidentielle. Six mois plus tard, le 21 avril revient par la fenêtre du débat sur le traité constitutionnel européen. Comme lors de la campagne interne qui avait précédé le congrès de Dijon de mai 2003. A l'époque, Arnaud Montebourg, leader du Nouveau Parti socialiste, avait revendiqué la nécessité «d'un 21 avril interne» au PS. L'argument s'était retourné contre son auteur en renforçant le réflexe légitimiste des militants encore assommés par l'échec de Jospin.
Autres temps, autre contexte: l'épouvantail du 21 avril est utilisé aujourd'hui par les partisans du oui. Jack Lang en est depuis huit jours un promoteur fervent: «Il n'y aura qu'un tour», tonne-t-il en demandant aux militants socialistes de ne pas se réveiller au lendemain de la consultation interne du 1er décembre avec «la gueule de bois». L'ancien ministre de l'Education ne cache pas qu'il cherche avec cette «analogie à inciter les militants à mesurer la gravité de leur vote». Il dramatise, en suggérant à la base du PS de «ne pas se laisser emporter par sa mauvaise humeur». Il ne faut pas «se tromper de colère», dit aussi Jean-Christophe Cambadélis. Lionel Jospin lui-même a utilisé l'argument mardi soir à Paris en déclarant que leurs «électeurs ont tiré les leçons fécondes de l'épreuve cruelle d'avril 2002». Réplique des partisans du non : «Jospin n'a toujours pas compris ce qui s'était passé», confie Manuel Valls, député de l'Essonne. Il n'a «pas pris toute la mesure du 21 avril», estimait aussi Henri Emmanuelli dans le Figaro d'hier.
«Reconquête». Les antitraité, comme Claude Bartolone, dénoncent cette utilisation de «la peur et de l'intimidation». «Les partisans du oui essayent par tous les bouts d'échapper au débat sur le texte», plaide le bras droit de Laurent Fabius. Arnaud Montebourg crie, lui, au «chantage. Le camp du oui prend le vote en otage». Paradoxe: le député de Saône-et-Loire use lui aussi de l'argument du 21 avril: «Le oui, carburant du populisme, prépare un second 21 avril», assure-t-il. Manuel Valls dit la même chose quand il relève que «sans le non, le populisme s'engouffrerait dans la brèche, nourrissant l'impuissance que le traité constitutionnel organise». «Le vrai problème, c'est comment faire pour rassembler la gauche au premier tour» en 2007, plaide Claude Bartolone. Autrement dit, réussir ce que Lionel Jospin n'a pas fait en 2002. Jean-Christophe Cambadélis abonde: derrière le spectre du 21 avril se cache la question de «la reconquête des classes populaires». Mais pour ce proche de DSK, le non de Fabius, en courant derrière le PCF ou l'extrême gauche, ne le permettra pas. En n'assumant pas son réformisme, Fabius renforce même, selon lui, le risque populiste.