Courriers

 I l m'arrive d'entretenir des correspondances — parfois à sens unique — avec des médias, pour pointer ce qui, à mon sens, ressort chez eux de la propagande au mauvais sens du terme, et non de l'information. En voici une partie avec, le cas échéant, les réponses.


From: Olivier Hammam
To: courrier-des-lecteurs@lemonde.fr
Sent: Tuesday, March 25, 2003 11:03 PM
Subject: "L'information va de plus en plus vite" (Robert Solé)

Bonjour,
L'information, ou les journalistes ? Quel est le problème ? Et bien, il me semble que ce qu'écrit Daniel Carton dans le livre que vous savez, «ce journalisme-là ressemble à de la radio: collecter au plus pressé des informations sans disposer du temps pour les trier», est assez juste: on a l'impression, en consultant la presse, la radio, la télévision, que les médias font de la propagande; en réalité, ils la subissent. Le désir de publier l'information choc supposée placer le médium devant ses concurrents fait que ces médias ne diffusent plus des informations vérifiées mais des «nouvelles» consistant soit en dépêches d'agences, soit en «points de presse» des états-majors (lesquels ne font pas de l'information mais de la propagande, ce qui est légitime de la part d'un belligérant, mais peut-être moins de la part d'un organe de presse), soit de «nouvelles» provenant d'autres médias, et aussi peu vérifiées bien évidemment...
Dans votre numéro de ce jour, un gros titre, clair et sans équivoque: «Soulèvement populaire dans la ville de Bassora». En chapeau, on apprend déjà que «l'information» n'est pas pas avérée («un soulèvement [...] aurait lieu [...] à Bassora»), et qu'elle n'est pas de première main («selon la chaîne Skynews»); c'est dans l'article intérieur qu'on finit par apprendre qu'en réalité, ce n'est pas «selon la chaîne Skynews», mais selon «Sky News, citant des sources militaires anglo-américaines». Donc, votre titre si explicite n'est pas une information mais le relais en première page et en très gros d'un élément de propagande d'un des belligérants. Comprenez-moi, je ne mets pas en doute votre intégrité, mais votre capacité de discernement, et votre trop grande avidité pour les gros titres vendeurs. J'imagine que demain, en première page, vous titrerez sur Édith Cresson, ça s'impose: information non vérifiée et servie toute chaude aux médias avant même que les personnes concernées ne soient informées. C'est sûr, ça vaut le coup de publier cette «information», vous ne croyez pas ? En plus, c'est Édith Cresson, ça ne ferait donc que continuer le travail...
Pour conclure sur le titre concernant Bassora: si demain on apprend (en fait, on a déjà appris aujourd'hui) qu'il n'y a pas de «Soulèvement populaire dans la ville de Bassora», comptez-vous publier en premier page et dans les mêmes dimensions: «Démenti: notre titre d'hier concernant un soulèvement à Bassora était faux» ? Je crains bien que non... J'ai écrit un jour un texte concernant les médias et commençant ainsi: «Comment avoir toujours raison ? En ne cherchant jamais à savoir si on a tort. Simple, non ?» Et oui, très simple. Le Monde a toujours raison.

NOTE: pas de réponse.


From: Olivier Hammam
To: courrier-des-lecteurs@lemonde.fr
Subject: Pourquoi celui-ci et non celui-là ?
Date: Tue, 25 Nov 2003 12:10:53 +0100

Bonjour,
Voici, c'est rapport à une chose qui m'intrigue: je suis très intéressé par l'usage des nombres dans les médias (raison d'ailleurs qui m'a fait adhérer à l'association Pénombre). Il y a quelques temps, précisément le 28 août 2003, accompagnant en cela la meute nombreuse des médias qui découvrirent tout soudain un sondage pourtant vieux d'un mois, vous vous fîtes l'écho de ce que «80% des Français» (en fait, des sondés) étaient d'accord pour sacrifier un jour férié ou de RTT en solidarité avec nos anciens. Curieusement, ni votre quotidien, ni les autres médias (hors La Croix), ne parlèrent d'un autre sondage paru au même moment, où le nombre de solidaires chutait déjà à 70%. Mais où je m'étonne, c'est que je n'ai vu dans aucun média un écho sur un troisième sondage (qui pourtant fait suite à celui réalisé en juillet pour Notre Temps), et disponible depuis près d'un mois sur le site de la Sofres, où d'une part le nombre de solidaires in abstracto tombe cette fois à 62%, et celui des des solidaires in vivo (non plus “un jour” mais “le lundi de pentecôte”) s'écrase «sous la barre symbolique des 50%», à 49% précisément, dont 36% d'assez et seulement 13% de très favorables.
Et bien voici, je m'interroge: il me semble que ce sondage tombait plutôt bien, puisque c'était au tout début de ce mois, au moment où notre bien-aimé gouvernement semblait très décidé à sucrer un jour de congé aux travailleurs, alors, pourquoi ne pas en parler, histoire d'apporter un élément concret à la discussion ?

Bien à vous.
Olivier Hammam.

NOTE: pas de réponse.