![]() | Longues propagandistes, série 7 |
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En extra: Les éditos du Monde |
L e Parti socialiste connaît-il une vraie crise, qui pourrait aboutir à une scission ? La division de la gauche face au libéralisme menace-t-elle l'unité du parti, resté soudé, depuis trente ans, à l'exception de la dissidence chevénementiste en 1993 ? Pour l'instant, les socialistes semblent plutôt lancés dans un de ces débats de congrès animés comme ils en ont connu d'autres dans leur histoire. Invectives, menaces, manœuvres et coups bas abondent, mais l'objectif est bien le contrôle de la machine et la conquête de la candidature à l'élection présidentielle de 2007. Pas la rupture du parti et la définition de nouvelles alliances.
Certes, depuis 2002, le rôle du PS comme parti de rassemblement et de gouvernement est contesté par une autre gauche, extrême ou "altermondialiste". La politique de compromis du gouvernement de Lionel Jospin a été rejetée par cette gauche, qui prétend disposer de solutions plus radicales et plus efficaces aux problèmes posés par l'économie de marché. Le référendum européen du 29 mai a réveillé et aggravé la fracture. Pour autant, la question posée aux socialistes n'a pas changé. Il s'agit toujours de savoir comment réunir toutes les voix de gauche au second tour des élections, présidentielle d'abord, législatives ensuite. Quelle est la meilleure stratégie pour y parvenir ? Quel est le candidat le mieux placé ?
En Allemagne, la progression, dans les sondages, du Parti de gauche, le Linkspartei, associant l'ancien Parti communiste et une fraction de la gauche socialiste autour d'Oskar Lafontaine, fait envisager l'hypothèse d'une "grande coalition", alliance de la CDU et du SPD, dans le cas où il n'y aurait pas de majorité univoque au Bundestag.
En France, personne n'imagine un accord du PS avec la droite, ni même avec les centristes de l'UDF. Les propos de Michel Rocard et de Bernard Kouchner, évoquant une scission si les partisans du non au référendum européen devenaient majoritaires au congrès, relèvent de la menace. Faire craindre aux militants une rupture interdisant tout espoir de victoire de la gauche à l'élection présidentielle, c'est postuler que le souci de l'unité prime toujours sur les autres.
Il existe sans doute, à l'extrême gauche et dans la mouvance antimondialiste organisée par Attac, une catégorie de militants et d'électeurs prêts à s'engager dans une longue marche à l'écart du pouvoir qui corrompt. Le PCF a pratiqué autrefois cette cogestion avec la droite – à elle l'Etat, à lui des bastions municipaux et syndicaux –, qui garantissait un immobilisme presque parfait à tous les conservatismes. Les militants socialistes ne sont pas prêts à se contenter d'un tel partage. Ils ont envie de battre la droite, pas de lui abandonner le pouvoir ou de partager les rôles avec elle. Pour radicaux qu'ils se veuillent, Laurent Fabius, Henri Emmanuelli, Jean-Luc Mélenchon ou Arnaud Montebourg ne rêvent pas de vieillir dans l'opposition. Leur ambition n'est pas de préparer un "grand soir" révolutionnaire ou de remplir les bibliothèques de leurs réflexions théoriques et des recueils de leurs discours.
Les socialistes peuvent être en désaccord sur beaucoup de choses, mais ils pensent tous que la place de candidat de leur parti en 2007 est inestimable. C'est toujours au PS qu'il reviendra de désigner le représentant de la gauche dans cette bataille. Personne n'imagine sérieusement qu'il puisse être supplanté dans cette fonction par un autre parti ou par une coalition de formations se réclamant de la "gauche de la gauche". Le pari qu'un Fabius, devancé dans le vote des militants socialistes, pourrait se présenter alors en candidat libre, avec le soutien du PCF et de José Bové, semble baroque. Si le PS éclatait, pourquoi les communistes et les trotskistes renonceraient-ils à présenter leurs propres champions et choisiraient-ils plutôt un ancien premier ministre et ministre des finances socialiste ? Comme celui de la scission, et en sens inverse, ce scénario relève de la pression ou de l'intimidation en direction des adhérents socialistes plutôt que d'une vraie stratégie de rechange.
D'ici au 18 novembre, jour de l'ouverture de son congrès, au Mans, les débats du Parti socialiste vont donc mettre aux prises ses courants et, plus encore, ses candidats déclarés ou implicites à la candidature présidentielle. Les uns et les autres tentent déjà de dépasser la pure et simple opposition entre partisans du oui et du non du 29 mai. Le congrès ne sera pas la revanche de la majorité actuelle contre ceux qui ont fait campagne pour le non malgré le vote contraire des militants, en décembre 2004. Il ne sera pas non plus la 2e victoire des promoteurs du non après le succès que leur a apporté l'addition, le 29 mai, des électeurs de l'extrême gauche, de l'extrême droite et des leurs. Le réalisme impose aux uns et aux autres de chercher des appuis dans le camp adverse et de ménager l'avenir. En outre, du côté du non, Fabius n'a pas encore réussi à passer une alliance avec d'autres courants.
Le référendum européen a ébranlé la gauche, mais il n'a pas désagrégé son principal parti. Le fait nouveau, cependant, c'est que les forces extérieures au PS sont maintenant en mesure de peser sur ses débats. Au temps de la"gauche plurielle" de Lionel Jospin, les socialistes organisaient les autres formations autour d'eux. Il est possible que, demain, les courants socialistes s'organisent en fonction de la capacité d'attraction de la gauche radicale. C'est le vrai enjeu de leur congrès.
Patrick Jarreau
Article paru dans l'édition du 03.09.05
S elon le discours officiel, ITER ouvre la voie de l'énergie propre du futur. Mais de nombreuses prises de position contestent ce discours, soupçonné d'être plus soumis à des lobbies que scientifiquement fondé. Les critiques, qui s'appuient souvent sur des interrogations scientifiques véritables, proviennent principalement des milieux écologistes qui contestent les choix de société sous-jacents, et de chercheurs qui s'inquiètent des conséquences pour les crédits des autres domaines de recherche.
La physique des plasmas est au cœur d'ITER. Membres de la division plasmas de la Société française de physique, nos recherches portent sur les différents types de plasmas – astrophysiques, de laboratoire, industriels – et notre avis est indépendant des organismes officiels qui développent le projet.
Le principe d'ITER est celui de la "fusion magnétique". Lorsque des noyaux légers (deutérium/ tritium) se percutent violemment, ils fusionnent en créant des noyaux plus lourds et en libérant une grande quantité d'énergie. Ces réactions n'impliquent ni CO2 (pas de combustion) ni éléments radioactifs de longue période (pas de fission).
Pour qu'elles se produisent, il faut des conditions de températures extrêmes. Celles-ci sont remplies au cœur des étoiles comme le soleil, car la forte pesanteur y "confine" la matière chaude, en s'opposant à son expansion naturelle. Dans ITER, qui doit mener à récupérer l'énergie de fusion, un champ magnétique fort jouera ce rôle. Ceci est possible parce que les particules en jeu sont chargées électriquement (elles constituent un "plasma"), ce qui les rend sensibles au champ magnétique.
Mais le confinement magnétique est un équilibre fragile. Sans précaution particulière, des instabilités et des phénomènes turbulents viennent le briser. Ces mécanismes sont aujourd'hui bien compris. Beaucoup d'entre eux se rencontrent d'ailleurs aussi dans les phénomènes naturels tels que les aurores boréales ou les éruptions solaires.
Les premières machines étaient de taille relativement petites et le chauffage du plasma y était injecté de l'extérieur. Avant de construire des réacteurs opérationnels de grande taille et où le chauffage est principalement créé par la réaction de fusion elle-même, ITER doit compléter ces résultats et confirmer que le plasma se comporte comme prévu dans ces conditions. Sans préjuger du résultat, il faut dire que rien, ni dans la théorie ni dans les simulations numériques, ne laisse présager qu'on se dirige vers une impasse.
ITER sera surtout une machine de développement technologique. Ceci concernera les bobines supraconductrices créant le champ magnétique, la maintenance robotisée et les différents matériaux. Le matériau de la "première paroi" devra supporter un flux dechaleur extrêmement grand. L'acier de la paroi extérieure devra être à "basse activation" pour que les neutrons rapides qui s'échappent du coeur n'induisent, en la frappant, qu'une radioactivité de courte période (pour ne pas créer de problème de déchets). Enfin des matériaux "tritigènes" (pour engendrer, à l'avenir, le tritium à l'intérieur du réacteur) seront testés.
Tous ces programmes sont déjà lancés et aucune impasse ne se profile non plus sur ce plan technologique. Et l'aspect interdisciplinaire assurera, quoi qu'il arrive, des progrès et des retombées positives pour un champ très vaste d'applications. Pourtant, des questions restent fréquemment posées sur ITER.
La première : "Peut-on être soucieux d'écologie et favorable au projet ?" La réponse est oui. Les préoccupations écologiques poussent à soutenir le projet. La production d'énergie "propre", sans effet de serre, est évidemment l'argument majeur. Par ailleurs, toutes les sources d'énergie fossile, à commencer par le pétrole, seront épuisées à court terme. Le renchérissement de l'énergie qui s'ensuivra rendra concurrentielles les alternatives non rentables aujourd'hui, les énergies renouvelables comme l'énergie de fusion.
"Ne court-on pas les mêmes risques qu'avec les autres installations nucléaires ?" Non : fusion et fission sont très différentes. Les risques liés à la fission (centrales nucléaires classiques) sont l'explosion, les déchets radioactifs, l'utilisation détournée à des fins militaires ou terroristes. La fusion, elle, n'est sujette à aucune réaction en chaîne explosive. Tout incident mène naturellement à l'arrêt du réacteur. De plus, aucun des produits et des matières premières de la réaction n'est radioactif (sauf le tritium, mais sur un temps court) et l'activation des parois est un effet secondaire qu'on peut limiter sans modifier la réaction de fusion.
Enfin, le confinement magnétique n'intéresse aucun programme militaire (dans une bombe H, la compression est créée beaucoup plus simplement, par explosion). Le risque de détournement du tritium sera à surveiller, mais il est faible (utilisation militaire difficile). Du rejet initial de la bombe "nucléaire", il ne faut pas aller jusqu'à rejeter tout ce qui contient le mot tabou. Devrait-on rejeter l'imagerie médicale sous prétexte qu'il s'agit de médecine nucléaire ?
"La fusion magnétique dans de grands réacteurs est-elle la seule voie envisageable ?" , entend-on encore. Peut être pas ; mais c'est la plus avancée. La fusion peut être atteinte par un autre type de confinement, dit "inertiel". La recherche avance, mais la production d'électricité par cette voie n'est pas encore planifiable.
D'autres idées feront l'objet de recherches dans le futur (la "fusion froide ?"), mais leur état actuel de développement est plus proche de la science-fiction que d'un programme énergétique. Pour la fusion magnétique, le choix d'une "grande" machine est imposé par la physique. Les lois d'échelle déduites des machines précédentes fixent la taille nécessaire pour limiter les pertes d'un réacteur et produire l'électricité de façon rentable.
Enfin, "ITER est-il un monstre qui va dévorer les crédits de recherche ?" Le penser serait une erreur. L'enjeu de notre avenir énergétique dépasse largement le seul aspect de la recherche. Il serait absurde de le faire reposer sur la petite partie du budget qui lui est attribuée. La somme consacrée par la France à ITER – environ 30 millions d'euros par an –, comparable à celle d'autres grands instruments scientifiques, ne paraît pas démesurée comparée aux autres réalités de la vie économique. ITER est un exemple motivant de grand projet scientifique. Il devrait plutôt jouer un rôle de locomotive pour l'ensemble de la recherche.
Dans ce débat, l'accumulation des réserves a jusqu'ici mis en lumière davantage le scepticisme que l'enthousiasme. Il serait regrettable de laisser se développer des doutes injustes sur la valeur scientifique du projet. Comme pour tout projet impliquant recherche et développement, la réussite n'est pas totalement garantie, mais cette réserve s'applique à toutes les filières envisageables pour la production d'énergie.
Or ITER présente les meilleures chances de succès. L'époque de l'énergie bon marché touche à sa fin. Le devoir de notre génération est non seulement de se préparer à la sobriété énergétique mais aussi de rechercher les moyens de production d'énergie du futur sans négliger aucune option.
Gérard Belmont est directeur de recherche au CNRS, chercheur au Centre d'étude des environnements terrestres et planétaires.
Stéphane Pasquiers est président de la division plasmas de la Société française de physique.
par Gérard Belmont et Stéphane Pasquiers
Article paru dans l'édition du 03.09.05
E n 100 jours, Dominique de Villepin s'est fait de nouveaux amis. Parmi ses ministres, au sein des cabinets gouvernementaux, plusieurs se disent surpris et conquis par le style du chef du gouvernement. On le disait froid, distant et formel, il déambule en T-shirt le samedi matin dans les couloirs de Matignon, passant la tête dans le bureau d'une secrétaire ou d'un collaborateur, s'arrêtant pour boire un café.
Les conseillers d'autres ministres qui se rendent à Matignon pour des réunions de travail disent leur surprise : "Il ne met pas de distance avec les gens, on a vraiment l'impression d'être son collaborateur", explique le conseiller d'un autre ministre. "J'attendais à Matignon dans un couloir, le premier ministre m'a aperçu et je me suis retrouvé à discuter avec lui dans son bureau pendant une demi-heure à parler de sujets de politique économique à bâtons rompus", n'en revient toujours pas un membre du cabinet de Thierry Breton, le ministre de l'économie. En outre, "quand on est avec lui en réunion, il n'est jamais dérangé par un téléphone, il ne donne pas l'impression de gérer les urgences les unes après les autres", affirme un visiteur régulier.
"L'ambiance a vraiment changé à Matignon", juge un conseiller qui, lui, a connu l'équipe précédente. "Avec Jean-Pierre Raffarin, on a fait de grandes choses, mais j'ai été très heureusement surpris que Villepin ait choisi l'accélération du mouvement plutôt que la glaciation", ajoute-t-il.
Plusieurs ministres ou directeurs de cabinet mettent aussi en avant la rapidité de la prise de décision. "Nos propositions ne se baladent plus de conseiller en conseiller, avant d'arriver, dénaturées, sur le bureau du premier ministre", se félicite un ministre. "Dans le fonctionnement avec l'Elysée aussi ça a l'air d'être beaucoup plus fluide : on traite moins avec nos "correspondants'' à l'Elysée. On n'a plus l'impression d'une double commande au sein de l'exécutif", affirme un autre. Combien de temps cette lune de miel durera-t-elle ?
Christophe jakubyszyn
Article paru dans l'édition du 03.09.05
A la suite de notre article intitulé "Rhodia : les deux principaux plaignants ont été espionnés par des sociétés privées" (Le Monde du 1er septembre), nous avons reçu de Claude Bébéar, président du conseil de surveillance d'Axa, la mise au point suivante :
"J'ai découvert avec stupeur le contenu de l'article concernant Rhodia dans Le Monde daté du 1er septembre 2005. Il y est fait mention d'allégations inexactes et sans aucun fondement me concernant.
Je n'ai jamais été impliqué dans le Groupe Rhodia pas plus que dans les débats auxquels il a donné lieu. Je n'ai jamais entendu parler de MM. Joël Rey, Yves Michel Marti, Frédéric Bauer, ni des sociétés Egideria, Astarte, SSF dont il est question dans l'article, pas plus que des rapports auxquels il est fait référence et n'ai jamais donné de mandat à qui que ce soit.
Je souhaite que vos lecteurs soient informés que j'entends poursuivre en justice ceux qui sont à l'origine de ces allégations."
A la suite du même article , nous avons reçu de Jean-René Fourtou, président du conseil de surveillance de Vivendi Universal, la mise au point suivante :
"Contrairement aux propos de M. de Lasteyrie rapportés par l'article publié dans l'édition du Monde du 1er septembre, et contrairement à ce que laisse entendre cet article, je n'ai jamais ordonné ni commandé la moindre enquête ou constitution de dossier d'aucune sorte sur MM. Hugues de Lasteyrie et Edouard Stern.
J'affirme en outre, de la façon la plus nette, que je ne connais aucune des sociétés citées que vous présentez comme des sociétés spécialisées dans l'intelligence économique, pas plus que je ne connais une seule des personnes que vous présentez comme y travaillant."
Article paru dans l'édition du 03.09.05
L ancée aux Etats-Unis en janvier 2001 par l'Américain Jimmy Wales, l'encyclopédie en ligne Wikipedia reçoit aujourd'hui 80 millions de visites chaque jour.
Son nom vient de la combinaison d'encyclopédie et de "wiki", un logiciel qui permet d'éditer une page Web facilement. Wiki vient aussi du hawaïen wiki wiki qui signifie "rapide", "informel". Le créateur de ce site, Jimmy Wales, 39 ans, né dans l'Alabama, a commencé dans la finance avant de créer une société dans le domaine d'Internet.
"Il faut leur apprendre à vérifier" Maître de conférences en sciences de l'information et de la communication à l'université Paris-IV, Martine Duhamel a mis en place Cerise, un site Internet de méthodologie de recherche d'informations. Elle met en garde ceux qui utilisent Wikipedia sans esprit critique. "Wikipedia est une expérience fascinante, admet-elle. Mais les étudiants qui la consultent prennent l'information pour argent comptant. Il faut leur apprendre à vérifier. Le risque vient de la capacité d'agir sur les pages, de l'anonymat des rédacteurs et du manque de sources citées." En cela, Wikipedia ne fait pas exception sur le Net. Cependant, son statut d'encyclopédie devrait garantir la fiabilité du contenu. "Ils sont dans l'éphémère, poursuit Mme Duhamel. Dès qu'ils ont un bout d'information, ils le mettent en ligne pour qu'il soit complété plus tard." Une page d'avertissement existe sur le site de Wikipedia. On y lit que "personne ne garantit la validité, ni l'exactitude, ni l'exhaustivité, ni la pertinence des informations", et il est recommandé d'exercer son esprit critique. Ce qui reste souvent un voeu pieux. Cerise : www.ccr.jussieu.fr/urfist/cerise/ |
Ce projet d'encyclopédie en ligne est atypique, proche de l'utopie libertaire. Car elle est entièrement rédigée par des bénévoles – - n'importe qui peut l'enrichir et la faire évoluer. Elle est également publiée par une société à but non lucratif. L'état d'esprit de ce village global de la connaissance a été voulu démocratique, communautaire, coopératif par Jimmy Wales.
Wikipedia compte à ce jour plus d'un million d'articles. Sa fréquentation la place dans les cinquante premiers sites du monde, selon le classement du site Alexa. Elle est publiée dans 62 langues, les plus importantes étant, dans l'ordre, l'anglais (694 000 articles), l'allemand (280 000) et le français (156 206). On trouve aussi une encyclopédie Wikipedia en breton, en catalan, en basque, en corse, en alsacien, en occitan...
L'ambition est d'offrir une encyclopédie écrite dans chacune des langues parlées sur la planète, de l'hindi au bambara en passant par le swahili. Dans la partie francophone, il se crée au moins 500 entrées par jour. "On est en très forte augmentation sur les derniers mois, tant sur le nombre d'articles que sur leur longueur et leur qualité", souligne Nicolas Weeger, alias Ryo, un des administrateurs des pages en français et par ailleurs président de l'association Wikimédia France.
La qualité irrégulière des articles est la principale critique formulée à l'encontre des rédacteurs bénévoles qui, pour certains, cherchent à améliorer des contributions déjà en ligne et à en publier de nouvelles.
En effet, si certaines pages sont réalisées avec soin (voir par exemple de nombreuses pages scientifiques, au contenu riche et bien vulgarisé), d'autres ne sont qu'ébauchées. On peut aussi se demander pour un grand nombre d'entrées si elles ont leur place dans une encyclopédie (la recette des aubergines farcies végétariennes).
L'absence de contrôle éditorial est une source d'erreurs, voire de plaisanteries. En quelques clics, n'importe quel internaute peut ajouter dans la biographie d'Elvis Presley que le chanteur est toujours vivant (sur la face cachée de la lune ou ailleurs !). Ou dans un autre article que la France est frontalière de la Chine.
Il faut aussi compter avec le vandalisme. Certains internautes s'amusent, par exemple, à effacer des textes. D'autres créent une fiche pour dire "bonjour, c'est moi". Ou se faire de la publicité.
Pour les défenseurs de Wikipedia, la contribution libre ne doit pas être stigmatisée mais appréciée aussi comme une garantie : "Si vous voyez une erreur, ne vous plaignez pas et corrigez-la !" est un slogan.
Les problèmes de droits d'auteur se posent aussi régulièrement. "Quand on découvre un nouvel article d'un rédacteur inconnu, bien écrit et bien mis en forme, on recherche immédiatement sur le Net s'il n'existe pas déjà", explique Nicolas Weeger.
Mercredi 24 août, à 20 h 27, un supposé fan du groupe californien The Offspring a mis en ligne les paroles d'une de leurs chansons. A 20 h 28, Ryo a effacé la page, car une telle reproduction intégrale nécessite une autorisation.
Même souci avec les images : "Nous nous attendons à être poursuivis pour utilisation d'images qui appartiennent a priori au domaine public mais dont quelqu'un pourrait revendiquer la propriété", confie Florence Devouard, vice-présidente de la fondation Wikimédia, qui chapeaute l'encyclopédie et d'autres projets (dictionnaire, livres pédagogiques, banque d'images libres de droits...). Mme Devouard ajoute : "Jusqu'à présent les conflits ont été réglés à l'amiable, mais le copyright navigue dans un tel brouillard qu'on sait le procès inévitable."
Wikipedia est certes ouverte à tous, mais les règles de fonctionnement (écrites collectivement) existent, que chacun peut et doit faire respecter. Supprimer une page relève des prérogatives accordées aux seuls "sysop" (de system operator, approximativement traduit par "administrateur"). Ils sont une soixantaine pour la partie francophone. Elus sur candidature spontanée par les utilisateurs enregistrés, ils ne prennent jamais de décision sans discussion, sauf évidence.
Les discussions, ouvertes pour chaque article, sont souvent aussi intéressantes que l'article lui-même. C'est là que sont débattues les questions autour de l'intérêt des sujets et, surtout, de la neutralité encyclopédique du texte.
Chacun apporte son point de vue, en général de manière plus argumentée que sur la plupart des forums Internet. Sans toujours aboutir à un résultat rapide : la neutralité d'une liste des condamnations en justice de responsables du Front national a été discutée récemment pendant plus d'un mois.
Wikipedia se démarque enfin des autres encyclopédies (électronique ou papier) en donnant une grande place à la bande dessinée, aux séries télévisées et aux jeux vidéo, comme reflet des goûts et de l'esprit des jeunes – - ils sont majoritaires à fréquenter Wikipedia. Sur le site francophone, on trouve, à côté des pages sur l'optique impulsionnelle ou l'histoire de l'Inde, de nombreux textes sur Harry Potter, 178 articles sur les mangas ou une récente entrée sur le phénomène Hello Kitty.
Le dynamisme de Wikipedia tient à l'implication de la communauté de ses contributeurs, qui ne cesse de grandir. Sans les Wikipédiens, le site ne survivrait pas, notamment financièrement.
Le budget de la fondation Wikimédia est révisé chaque trimestre pour répondre aux besoins croissants en terme de serveurs (ordinateurs abritant les pages et gérant les connexions). Les dépenses en personnel restent limitées puisqu'une seule personne (bientôt deux) est employée à plein temps.
Les recettes proviennent des dons des particuliers ou du sponsoring (Yahoo! a récemment offert des serveurs). Aucune publicité n'a sa place sur le site. Un appel aux dons a été lancé vendredi 19 août, avec un objectif de 200 000 dollars (160 000 euros). 152 000 dollars (122 000 euros) ont déjà été réunis.
Encyclopédie en français : http://wikipedia.fr
Fondation : http://wikimediafoundation.org/wiki/Accueil
Benjamin Roure et Claudine Mulard (à Los Angeles)
Article paru dans l'édition du 03.09.05
P ourquoi avez-vous lancé l'encyclopédie Wikipedia ?
L'idée est de proposer une encyclopédie gratuite à tous les habitants de la planète, dans leur propre langue, rédigée et corrigée par des volontaires de tous les pays.
Au début, j'ai assuré le financement avec mes fonds propres. Maintenant, nous organisons des collectes de soutien sur le Net et nous recevons des subventions de fondations. Notre budget est de 1 million de dollars par an (800 000 euros). Il sert à rémunérer notre employé unique, à payer des serveurs et des connexions informatiques. Nous n'avons jamais fait de campagne de publicité, mais nous grandissons vite.
Qu'est-ce que le système wiki ?
Ce qui compte, ce n'est pas le logiciel, mais la communauté. N'importe qui peut accéder à notre site Web et commencer à travailler, à intervenir. Ces developers sont inscrits au fichier et entrent dans la discussion avec les membres.
Nos rédacteurs volontaires sont des étudiants diplômés, des professeurs de disciplines diverses et des gens très formés. Et, alors que la société moderne enferme dans une spécialité, nous avons des mathématiciens qui peuvent écrire sur la seconde guerre mondiale.
Notre communauté assure l'autocontrôle des erreurs et procède à des vérifications systématiques. Moi je vérifie aussi, mais je ne peux pas assurer tout seul.
Nous ne sommes pas trop vulnérables aux interventions mal intentionnées et n'avons pas encore rencontré de gros problèmes. Le spam est facile à repousser, et les publicités apparaissant sur l'écran sans avoir été sollicités ne nous gênent pas, car notre système l'élimine.
Comment votre encyclopédie résout-elle les divergences idéologiques, par exemple sur les origines de l'aviation, que la première version anglaise attribuait aux frères Wright ?
Cet exemple est excellent, car après que ce fait fut relevé par un utilisateur, nous avons publié un article qui explique la question des origines de l'aviation et l'impossibilité de donner une réponse simple et de dire qui a piloté le premier un avion. C'est cette rencontre de cultures que veut être Wikipédia. Nous faisons progresser le savoir de la Toile.
Propos recueillis par Claudine Mulard
Article paru dans l'édition du 03.09.05
P our les dictionnaires Robert ou Larousse, Wikipedia n'est pas un concurrent de taille. "C'est un sujet intéressant, comme un laboratoire d'usage, une espèce de grand tableau où tout le monde peut écrire, explique Laurent Catach, responsable des éditions multimédias et de la documentation des dictionnaires Le Robert. Mais Wikipedia est l'inverse d'une demande éditoriale. Celle-ci consiste à sélectionner ; or il n'y a pas, ici, de notion de sélection. Le jour où la moitié des articles de ce site seront signés par des professeurs d'université ou des Prix Nobel, il aura gagné ses lettres de noblesse."
"C'est un défi, certainement, note Olivier Lajouanie, directeur du marketing et de la communication de Larousse. Ce que fait un site comme Wikipedia, c'est de la mise à jour instantanée. Là où nous ne nous sentons pas menacés, c'est que des outils comme ce site ont des faibles-ses importantes, avec, par exemple, une qualité d'information très variable. Cela ne remet pas en cause l'édition d'encyclopédies venues de grandes maisons cohérentes et indépendantes."
Depuis le milieu des années 1980 et l'apparition du CD-ROM puis d'Internet, les deux maisons travaillent sur le développement électronique. Le Petit Robert développe un site payant à l'attention des professionnels et le secteur de l'éducation nationale. Larousse propose lui aussi un site payant.
"Le fait d'utiliser Internet pour permettre aux gens de goûter Le Robert est une idée intéressante", note Laurent Catach. Un dictionnaire en ligne ? "Pour les pros, on a presque franchi le pas. Pour le grand public, ce n'est pas encore le cas. Le CD-ROM a encore quelques années devant lui."
Un site gratuit ? "Ce n'est pas quelque chose sur lequel nous travaillons, indique Olivier Lajouanie. Ce à quoi nous croyons, c'est au papier avec Internet." Ainsi, Le Grand Larousse illustré en trois volumes qui sera publié fin octobre.
Pour la première fois, cette somme sera commercialisée avec un CD-ROM, un complément qui permettra d'accéder à des bases statistiques renouvelées tous les ans sur Internet. Les trois tomes pourront être livrés dans une édition avec un stylo multimédia offrant un "super-moteur de recherche" sur tout le Web, précise M. Lajouanie.
Dans les maisons, le papier reste une valeur sûre. Publié le 6 juillet, Le Petit Larousse 2006 a été tiré à 800 000 millions d'exemplaires. Les Petit Robert I et II (respectivement 200 000 et 120 000 exemplaires) qui arrivent en librairies ont un nouvel habillage et sont désormais millésimés : 2006, donc. Le Robert annonce surtout la publication du Dictionnaire culturel en langue française en quatre volumes le 15 octobre. Encyclopædia Universalis n'est pas en reste, qui publie la version 11 du CD-ROM. Fin octobre, la maison proposera le deuxième volume de la collection "Notionnaire", Doctrine et discipline.
Bénédicte Mathieu
Article paru dans l'édition du 03.09.05
P résenter les enjeux scientifiques, techniques, sociaux et économiques de la gestion des déchets nucléaires sans les déconnecter des questions de politique énergétique. Et recueillir tous les arguments, souvent contradictoires. Tel est l'objectif de Georges Mercadal, qui préside la commission particulière du débat public (CPDP) "sur les options générales en matière de gestion des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vielongue" (debatpublic-dechets-radioactifs.org).
Cette autorité administrative indépendante a annoncé, jeudi 1er septembre, qu'elle entamerait le 12, à Bar-le-Duc (Meuse), une série d'auditions et de réunions d'information consacrées à la gestion des déchets radioactifs. La procédure est inédite en France, qui dispose depuis 2002 d'une Commission nationale du débat public (CNDP), chargée d'animer la démocratie de proximité. Le gouvernement, qui prépare pour le deuxième trimestre 2006 une nouvelle loi sur la gestion des déchets radioactifs comme le prévoyait la loi dite Bataille de 1991, a saisi la CNDP à ce propos.
La loi Bataille avait fixé un délai de quinze ans au cours desquels devaient être explorés trois axes de recherche sur les déchets les plus toxiques et les plus durables : la séparation-transmutation, pilotée par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), visant à réduire le volume et la nocivité des déchets ; leur stockage en couches géologiques profondes, avec la création par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) de laboratoires souterrains ; leur entreposage, pour plusieurs siècles, en surface ou sous la surface, confié également au CEA.
"Ce débat se situe à un moment stratégique , se félicite M. Mercadal : juste après que les experts ont rendu leurs conclusions sur l'avancement des travaux de recherche, juste avant les débats parlementaires, et à l'orée de dix ans de "prédéveloppement" des solutions retenues."
Le choix de Bar-le-Duc, pour ouvrir ce débat public, est tout sauf fortuit. C'est tout près de là, à Bure (Meuse), qu'est actuellement construit par l'Andra le laboratoire d'étude du stockage en profondeur des déchets radioactifs. L'implantation suscite l'opposition d'une partie de la population, qui redoute que le laboratoire ne se transforme ensuite en site de stockage. Tandis que d'autres y voient une chance de développement économique.
Au terme de quinze réunions publiques, durant quatre mois, la CPDP remettra au gouvernement, fin janvier 2006, un compte rendu des débats. Ceux-ci s'annoncent difficiles. Le réseau Sortir du nucléaire, s'il a contribué au dossier d'information diffusé par la CPDP, a déjà indiqué qu'il réservait sa participation. A son sens, la décision entérinée cet été par le Parlement de construire un nouveau réacteur, l'EPR, rend l'exercice caduc, tout comme l'annonce par le gouvernement de la reconduction pour dix ans des trois axes de recherche sur les déchets.
Enfin, selon Sortir du nucléaire, lors des débats, "la part du lion est réservée aux entreprises du nucléaire, aux agences de l'Etat, et même à des associations pronucléaires" . Le réseau appelle donc à une manifestation nationale, le 24 septembre àBar-le-Duc, avec pour slogan : "Le débat est dans la rue !"
Hervé Morin
Article paru dans l'édition du 03.09.05
L e tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) de Strasbourg a donné gain de cause, mercredi 31 août, à trois familles étrangères en situation régulière, auxquelles la Caisse d'allocations familiales (CAF) du Bas-Rhin avait refusé de verser des prestations pour certains de leurs enfants. Le juge a notamment estimé que la décision de la CAF avait contrevenu au principe de non-discrimination énoncé par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce jugement constitue une nouvelle victoire pour les associations de soutien aux populations immigrées, qui bataillent, depuis des années, contre une disposition – à leurs yeux inique – du code de la Sécurité sociale.
La loi du 29 décembre 1986 a introduit dans la réglementation une exigence de régularité du séjour pour les ménages étrangers qui souhaitent bénéficier de prestations familiales. Ces derniers sont, en effet, tenus de fournir un certain nombre de pièces, énumérées dans un décret du 29 avril 1987. Pour les enfants étrangers, les justificatifs à présenter sont très précis : un extrait d'acte de naissance – pour ceux qui sont nés en France – ou alors le certificat médical délivré par l'Office des migrations internationales (OMI) s'ils se sont installés sur le sol français dans le cadre d'une procédure de regroupement familial.
Or celle-ci tend à être moins utilisée, notamment parce que le législateur a durci les règles pour en bénéficier. Résultat : même s'ils sont en situation régulière, nombre d'enfants n'ont pas droit aux prestations familiales, car ils ne sont pas titulaires du certificat délivré par l'OMI. L'application du décret de 1987 crée des situations parfois étonnantes : certaines familles étrangères touchent les prestations pour leurs enfants qui sont nés en France mais ne les perçoivent pas pour ceux qui ont vu le jour à l'étranger...
De nombreuses familles, parfois soutenues par des associations telles que le Groupe d'information et de soutien aux immigrés (Gisti), ont engagé des recours devant les tribunaux pour obtenir le versement des aides. Dans un arrêt rendu le 16 avril 2004 en assemblée plénière, la Cour de cassation a indiqué que "les étrangers résidant régulièrement en France avec leurs enfants mineurs bénéficiaient de plein droit des prestations familiales" . "Elle a, en d'autres termes, considéré que le certificat médical de l'OMI ne constitue plus une condition d'ouverture des droits et que la régularité du séjour des parents suffit" , commente Me Benoît Candon, un avocat marseillais qui a défendu des ménages dans leur requête.
Des familles se sont, dès lors, prévalues de cette jurisprudence auprès des CAF, en espérant que celles-ci s'y conformeraient. Attente déçue. "Les caisses n'ont pas de pouvoir réglementaire, elles sont tenues de respecter les textes" , explique Frédéric Marinacce, de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).
De plus, ajoute-t-il, l'arrêt de la Cour de cassation est l'objet d'interprétations divergentes. L'administration centrale fait notamment valoir que la haute juridiction entendait statuer sur la date d'ouverture des droits et non sur la nécessité de produire telle ou telle pièce attestant la régularité du séjour des enfants. "Nous demandons une clarification juridique", déclare M. Marinacce.
Celle-ci aurait pu intervenir, à la faveur d'un projet de décret soumis au conseil d'administration de la CNAF, le 1er mars. Ce texte prévoit d'ouvrir les droits aux enfants qui détiennent un document de circulation pour étranger mineur (DCEM). Il permettrait aux mineurs, qui sont entrés en France par une autre voie que le regroupement familial, de bénéficier des prestations. Mais ce projet de décret n'a pas été publié au Journal officiel , malgré le vote favorable des administrateurs de la CNAF.
En attendant, les traitements des demandes varient sensiblement, d'un département à un autre. Dans les Bouches-du-Rhône, les familles continuent d'essuyer des refus de la part de la CAF mais si elles saisissent la commission de recours amiable (CRA), elles obtiennent gain de cause lorsqu'elles présentent un DCEM (en vertu d'un autre arrêt de la Cour de cassation, de décembre 2003).
Même chose en Seine-Saint-Denis : entre janvier et juin, 217 familles de ce département ont saisi la CRA, après s'être vues opposer un rejet de leur demande. "167 d'entre elles possédaient un DCEM, rapporte Alain Auger, directeur de la CAF. Elles ont toutes obtenu une réponse favorable de la commission de recours."
Dans le Rhône, 131 requêtes, déposées entre janvier et juin, ont connu une issue positive – y compris, dans quelques cas, pour des mineurs qui n'étaient pas en possession d'un DCEM –, selon Monique Aizac, responsable du service contentieux-contrôle de la CAF de Lyon. "La commission donne raison à l'allocataire, dès lors qu'il réside bien en France, que l'enfant est scolarisé et que la régularité du séjour des parents est prouvée" , poursuit-elle.
A Paris, la CRA a gelé l'examen des dossiers de contestation, en attendant que "le ministère apporte des clarifications juridiques" , dit André Allès, de la CAF de Paris.
Enfin, dans le Bas-Rhin, la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass) a suspendu ou invalidé des décisions favorables de la CRA, au prétexte que le seul document recevable est le certificat médical de l'OMI.
Bertrand Bissuel
Article paru dans l'édition du 03.09.05
À la librairie La Procure, place Saint-Sulpice à Paris, des piles d'un nouveau Catéchisme de l'Eglise catholique abrégé (coédition Bayard-Cerf-Fleurus-Mame) envahissent les rayons. Les vendeurs assurent qu'il se vend comme des petits pains. On ouvre le volume et l'on se trouve brusquement ramené dans le passé, comme lorsque l'on feuillette les pages d'un vieux missel d'où s'échappent des images pieuses.
L'ouvrage, paru en France jeudi 1er septembre, se présente comme un catéchisme sous forme de près de 600 questions et réponses, comme on n'en faisait plus depuis le concile Vatican II (1962-1965). Le document est présenté par le pape Benoît XVI, dans une préface, comme "un texte de référence sûr et authentique". Le Catéchisme de l'Eglise catholique abrégé s'est déjà vendu à 450 000 exemplaires, en deux mois, en Italie. La traduction française, réalisée par Mgr Jean Honoré, archevêque émérite de Tours, bénéficie d'un premier tirage de 100 000 exemplaires. L'association de chrétiens homosexuels David et Jonathan le juge "inadmissible". Il a été vivement recommandé par le pape aux participants des Journées mondiales de la jeunesse.
Cette nouvelle version du catéchisme n'apporte aucune innovation ni aucun raidissement. Elle résume la doctrine catholique dans ce qu'elle a de plus classique – et de plus intransigeant.
Le nouvel opuscule romain se préoccupe particulièrement des questions de morale privée. La contraception est proscrite, l'insémination artificielle est "immorale", le divorce est "une offense à la dignité du mariage". Quant à la "pureté du coeur", elle requiert "une purification du climat social, par un combat soutenu contre la permissivité des moeurs" (question 530). Les autorités civiles sont invitées à prendre "des lois appropriées" contre les "offenses à la chasteté" (question 494).
Les actes homosexuels sont placés au même niveau de gravité que le viol (question 492). "Sont des péchés gravement contraires à la chasteté, chacun selon la nature de son objet : l'adultère, la masturbation, la fornication, la pornographie, la prostitution, le viol, les actes homosexuels. Ces péchés sont l'expression du vice de la luxure."
Question 397, "Comment le péché prolifère-t-il en nous ?" : "Le péché crée un entraînement au péché et, par sa répétition, il engendre le vice." Mais qu'est-ce que le vice ? La question 398 apporte la réponse. "Les vices sont des habitudes perverses qui obscurcissent la conscience et inclinent au mal."
Certains passages pourraient exaspérer les protestants et les autres Eglises chrétiennes. Question 162, "Où subsiste l'unique Eglise du Christ ?" : "Comme société constituée et organisée dans le monde, l'unique Eglise du Christ subsiste dans l'Eglise catholique." La question 182 traite du pape. "Il est le vicaire du Christ, la Tête du collège des évêques et le pasteur de toute l'Eglise, sur laquelle il a, par institution divine, un pouvoir plénier, suprême, immédiat et universel."
La messe dominicale est obligatoire. La question 312 définit les indulgences, qui sont "la rémission de la peine temporelle due pour les péchés".
Parfois, le document se perd dans les méandres d'un juridisme abscons. Question 528, "Qu'interdit le neuvième commandement ?" : "Le neuvième commandement interdit de cultiver des pensées et des désirs concernant des actes défendus par le sixième commandement." Il faut donc se reporter à la question 493 pour savoir ce que dit le sixième commandement. Il bannit l'adultère...
Il est très peu question, en revanche, des injustices sociales, des "structures de péchés", selon une expression employée par Jean Paul II en 1988 dans l'encyclique Sollicitudo rei socialis. La question 400 signale leur existence, sans les définir.
Xavier Ternisien
Article paru dans l'édition du 03.09.05
A près trois années noires, de 2000 à 2003, les informaticiens sont de nouveau recherchés. Les statistiques de l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) établissent qu'en 2004, avec près de 39 000 offres d'emploi publiées, la fonction informatique affichait la plus forte reprise, en hausse de 59% par rapport à 2003.
Au premier semestre, l'informatique est restée la locomotive avec une nouvelle hausse de 47% des propositions d'embauche (et encore + 52% en juillet, sur douze mois).
Ces chiffres sont cependant à relativiser. Le Mouvement pour une union nationale des consultants en informatique (Munci) rappelle que l'on part d'un niveau bas puisque le nombre d'informaticiens au chômage avait triplé entre début 2001 et fin 2003. Ce syndicat souligne également quelques effets de "trompe-l'oeil". Les sociétés de services informatiques (SSII) et les éditeurs de logiciels, avec près de 7 offres sur 10, sont à l'origine de cette forte croissance, alors que l'emploi d'informaticiens en interne dans les entreprises stagne, voire baisse.
Or ces firmes anticipent fréquemment leurs besoins mais ne donnent pas toujours suite à leurs offres: en 2004, les 39 000 offres ne se sont ainsi traduites que par 25 000 recrutements. Surtout, les SSII sont traditionnellement confrontées à une rotation de leur personnel très supérieure à la moyenne des entreprises (jusqu'à 10% par an): sur 25 000 recrutements, le volume de créations nettes d'emplois d'informaticiens en 2004 s'est ainsi limité à environ 5 000.
Il n'empêche, la reprise de l'embauche est bien là, comme le montre l'annonce, mercredi 31 août, par Steria, d'un recrutement de 1 300 personnes en France d'ici à la fin 2005. En début d'année, Steria n'envisageait "que" 1 000 embauches.
Selon le Syntec, organisation patronale des SSII, celles-ci ne profitent pas seulement de l'externalisation de la fonction informatique par les entreprises mais également d'une reprise des investissements dans les technologies de l'information. Le Syntec prévoit, après une hausse du chiffre d'affaires de la profession de 4% en 2004, une croissance supérieure à 6% en 2005. Avec à la clé 8 000 à 9 000 créations d'emplois cette année.
Gaëlle Macke
Article paru dans l'édition du 03.09.05
À 27 ans, j'ai fait une rencontre, Jacques Chirac, et je lui ai voué ma fidélité", a déclaré le premier ministre devant le président de l'UMP Nicolas Sarkozy, une quinzaine de ministres et plusieurs centaines de jeunes militants qui scandaient "Chirac, Chirac!".
"Au hasard de son chemin, au hasard des rencontres, chacun découvre ses fidélités, fidélités de hasard ou fidélités essentielles du coeur, de l'esprit", a dit M. de Villepin qui intervenait au deuxième jour de l'université d'été que M. Sarkozy clôturera dimanche.
"J'ai été conquis par l'humanité de Jacques Chirac, par sa détermination et son sang-froid au service de la France, par sa capacité dans les pires épreuves à tenir la barre de notre pays", a-t-il poursuivi. Rappelant l'objectif commun du gouvernement et de l'UMP "d'assurer au bout du chemin la victoire de la France", M. de Villepin a appelé chacun à rester "fidèle au cap fixé par le président de la République".
"Tout au long de ces dernières années, j'ai été au côté de Jacques Chirac et je peux vous dire combien il est attaché à la réussite de la France, à la défense de nos positions en Europe et dans le monde, à la préparation de l'avenir", a souligné le premier ministre. "Tout au long de ces années, j'ai beaucoup appris à ses côtés, de la vérité d'un homme et de son courage, de ses choix, contre les habitudes, contre les fatalités, contre la résignation", a-t-il dit.
"J'étais avec lui au métro Saint-Michel au moment où le terrorisme a si horriblement frappé notre pays. J'étais avec lui au moment où il a repris l'initiative en Bosnie en donnant l'ordre de reprendre le pont de Vrbanja quand tout le monde avait cédé". "J'ai été à ses côtés au moment de la crise irakienne, car c'est la voix de la France qui a défendu la voie de la raison, de la paix et de la justice", a-t-il ajouté.
N icolas Sarkozy, président de l'UMP, a souhaité que le président Jacques Chirac, hospitalisé depuis vendredi soir, reprenne "ses responsabilités dans les tout prochains jours, comme les médecins nous l'ont confirmé", devant les jeunes militants de son parti samedi à La Baule. "Certains d'entre vous le savent peut-être, le président de la République a été victime d'un très léger accident vasculaire, qui occasionne temporairement des troubles passagers de la vision", a déclaré M. Sarkozy en annonçant la nouvelle aux jeunes militants de son parti, réunis à La Baule jusqu'à dimanche pour leur université d'été.
"Le premier ministre l'a eu longuement ce matin au téléphone, le premier ministre ira s'entretenir avec le président de la République au Val-de-Grâce cet après-midi, et je voudrais lui demander (...) d'être notre interprète à tous pour souhaiter au président de la République un prompt rétablissement", a ajouté le président de l'UMP.
Les jeunes ont scandé "Chirac, Chirac", avant de laisser M. Sarkozy terminer sa courte intervention : "nous souhaitons que (Jacques Chirac) retrouve sa vitalité légendaire le plus rapidement possible", a-t-il déclaré. "A l'UMP, nous espérons qu'il reprendra ses responsabilités dans les tout prochains jours, comme les médecins nous l'ont confirmé", a-t-il conclu.
Selon l'entourage de M. Sarkozy, ce dernier a appris la nouvelle "dans la matinée", après son petit déjeuner avec Dominique de Villepin.
On avait auparavant indiqué que le président de l'UMP n'avait appris que samedi vers 13 heures cette hospitalisation, en arrivant à la séance plénière où Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, s'apprêtait à prononcer un discours.
Acclamé pendant de longues minutes à son arrivée, M. Sarkozy s'est assis, puis s'est relevé pour sortir brièvement parler au téléphone, a constaté l'AFP sur place. Il n'a fait aucune déclaration à la presse à son retour dans la salle.
L e premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, a demandé samedi "la transparence" quant à l'état de santé du chef de l'Etat Jacques Chirac qui vient d'être hospitalisé et a réclamé "la discrétion et le respect de la douleur devant l'épreuve".
"Je veux croire que c'est une légère indisposition et qu'elle ne durera pas", a déclaré M. Hollande à Wingles où il clôturait les travaux de rentrée de la fédération PS du Pas-de-Calais. "Je souhaite de tout mon coeur que cet accident soit bénin", a renchéri M.
Jack Lang qui adresse "personnellement ses voeux chaleureux et sincères de rétablissement rapide" au président de la République.
Pour sa part, M. Hollande a ajouté qu'il fallait "faire en sorte que les affaires du pays se poursuivent" et il a demandé "aux autorités de donner les informations" sur l'état de santé de M. Chirac "dans la transparence".
Avec AFP
LEMONDE.FR | 03.09.05 | 15h08
D ominique de Villepin et Nicolas Sarkozy face-à-face, partageant un petit déjeuner à une table de l'Eden-Beach à La Baule (Loire Atlantique) : une image conçue pour les télévisions et les photographes pour illustrer la complicité entre le premier ministre et le président de l'UMP. Il est 8 h 45, samedi 3 septembre, et les numéro un et deux du gouvernement ne savent rien de l'hospitalisation, dans la nuit, du président de la République. Celui-ci, victime d'un accident cardio-vasculaire et de troubles de la vision, se trouve alors à l'hôpital du Val-de-Grâce.
Un peu plus tôt, M. de Villepin s'est même livré à un long footing sur la plage et s'est baigné devant les photographes. C'est seulement de retour à son hôtel, aux alentours de dix heures qu'il recevra un appel du président de la République en personne l'informant de son état de santé et de son hospitalisation pour plusieurs jours. Le premier ministre range son polo jaune et enfile un costume bleu marine plus adapté aux circonstances.
12 h 42 : c'est précisément à cette heure que la journaliste de l'AFP accréditée à Matignon reçoit un appel sur son portable l'informant d'une déclaration imminente à l'hôtel Ermitage où celui-ci réside pour la durée de l'université d'été des jeunes de l'UMP.
Au même moment à Paris, plusieurs responsables de rédaction apprenent que le déjeuner prévu avec le chef de l'Etat est annulé. Une collaboratrice de Matignon invite instamment les journalistes télé et radio présents à la suivre à l'hôtel Ermitage. Dès lors, la rumeur court : Chirac est hospitalisé.
12 h 55 : M. Sarkozy arrive, dans le brouhaha et sous les applaudissements, à l'entrée du stade François André, où se tiennent les débats des " jeunes populaires ". Son officier de sécurité lui tend un téléphone portable. Le ministre de l'intérieur ne parvient pas à entendre les propos de son interlocuteur, il rend le téléphone et s'engouffre dans la salle de la séance pleinière et se fait ovationner. Laurent Solly, son chef de cabinet, et Franck Louvrier, son responsable de la communication, refont une tentative en lui tendant à nouveau un portable et l'extirpe de la foule. " Pas de presse, pas de presse " disent-ils.
Un peu à l'écart, sur la pelouse du stade, M. Sarkozy apprend de M. de Villepin la nouvelle de l'hospitalisation de M. Chirac. Il est 13 h 06. Leur conversation dure quelques minutes. Elle est suivie d'un conciliable avec ses principaux collaborateurs. Le président de l'UMP retourne s'asseoir au premier rang de la séance pleinière, le visage. Il ne songe même pas à applaudir Patrick Devedjian, son conseiller politique et ex-ministre délégué à l'industrie du gouvernement Raffarin, qui termine son allocution.
Retour à l'hôtel Ermitage. M. de Villepin s'adresse immédiatement aux médias : " je me suis longuement entretenu ce matin avec le chef de l'Etat " déclare-t-il, sobre et solennel. " Comme vous le savez il a eu hier soir un petit accident vasculaire ayant entrainé un léger trouble de la vue ". Il se veut rassurant en évoquant une conversation au cours de laquelle ils ont évoqué " les dossiers en cours ".
Le premier ministre se rend ensuite immédiatement au stade François André. A l'intérieur, les discours se succèdent comme si de rien n'était, alors que l'information sur le Président circule sur les téléphones portables des participants. Aucun responsable de l'UMP ou ministres n'a pris soin de prévenir les militants de l'état de santé du président. Et pour cause : ils n'en savent rien.
Nicolas Sarkozy, visiblement mécontent de ne pas avoir été mis plus tôt dans la confidence, accueille sèchement le premier ministre à l'extérieur : " Dominique, on va dans mon bureau ". Les deux hommes y resteront dix à quinze minutes. Ils en ressortiront graves et muets. Un journaliste demande " comment va le Président ? ". Pas de réponse.
Ensemble, ils traversent la grande tente dressée pour le déjeuner du millier de " jeunes populaires ". Jusqu'à une estrade où M. Sarkozy prend la parole. " Le président a été victime d'un très léger accident cardio-vasculaire ". S'adressant à M. de Villepin, il dit : " je voudrais vous demander d'être notre interprète à tous pour souhaiter au président de la République un prompt rétablissement et pour lui dire que tous, ici, nous souhaitons qu'il retrouve sa vitaclté légendaire le plus vite possible ".
A cettte heure, Nicolas Sarkozy sait d'ores et déjà que l'université d'été, qui devait lui servir à affirmer, une fois de plus, son ambition présidentielle, est gâchée. " C'est plié, vous pouvez rentrer chez vous " dit un ministre aux journalistes.
Christophe Jakubyszyn et Philippe Ridet
LE MONDE | 03.09.05 | 18h46
L e président français Jacques Chirac a été hospitalisé vendredi soir pour une semaine dans un hôpital militaire parisien, souffrant d'un léger trouble de la vision après un "petit accident vasculaire". Dominique de Villepin, a rendu visite au président à l'hôpital, vers 18 h 45. Il est arrivé en voiture sous l'oeil d'une cinquantaine de journalistes et à sa sortie, il a déclaré que le président était "en bonne forme et qu'il avait hâte de sortir". C'est sa première hospitalisation depuis qu'il est devenu président en 1995.
Le "petit accident" dont il a été victime a entraîné un "léger trouble de la vision qui devrait disparaître en quelques jours", a indiqué à l'AFP l'hôpital du Val-de-Grâce, précisant que M. Chirac devra rester hospitalisé "environ une semaine".
Une information rapidement confirmée par le premier ministre Dominique de Villepin et par la présidence. Les activités officielles du chef de l'Etat prévues la semaine prochaine devaient être reportées. M. Chirac, 72 ans, était notamment censé se rendre mardi en Allemagne, pour une rencontre franco-allemande près de Berlin, et recevoir vendredi le prince Albert II de Monaco.
Aucun détail précis n'a été fourni sur le mal dont souffre M. Chirac, qui a toutefois eu un point de travail samedi à l'hôpital avec le secrétaire général de l'Elysée.Le chef du parti socialiste François Hollande a réclamé "la transparence". "Je veux croire que c'est une légère indisposition et qu'elle ne durera pas", a-t-il dit.
Le président a "incontestablement" été victime d'une "alerte au niveau cérébral, donc une petite artère qui irrigue la rétine", et dans tel cas, une hospitalisation d'urgence est "capitale" pour éviter "un accident plus grave", selon un cardiologue, le Pr Alain Ducardonnet. "Soit c'est une atteinte très localisée avec une possibilité de régression, soit c'est en effet le début d'un accident relativement plus grave", a-t-il dit : "l'important est de faire un état des lieux des artères cérébrales".
Cela ressemble à une "mini-attaque", a renchéri un cardiologue britannique, Piers Clifford. "Un minuscule caillot ou un embole (corps étranger) se forme dans le coeur ou dans l'artère carotide et vient se placer ensuite dans l'artère rétinienne, causant des troubles de la vision", a-t-il expliqué. De son côté, le Pr Bernard Debré, médecin français qui avait notamment soigné l'ancien président François Mitterrand, a relevé que ce genre d'accidents vasculaires étaient "dans 90% des cas, quand ils sont pris à temps - et il a été pris à temps - sans lendemain". Des responsables de différents partis politiques, à droite comme à gauche, ont souhaité au chef de l'Etat un prompt rétablissement.
Mercredi 7 septembre, le premier ministre, Dominique de Villepin présidera le conseil des ministres, en l'absence du président.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 03.09.05 | 20h03
Q uand un feu se déclare, les ministres rivalisent de vitesse pour aller sur place pleurer les victimes. Quand un accident tue, le gouvernement est là. Quand un fait divers surgit, il se rue. Quand un avion tombe, le président de la République fait le voyage, sa compassion en bandoulière.
Nous sommes dans l'ère de la politique instantanée. Le ministre, le premier ministre, le président doivent démontrer, quotidiennement, qu'ils font quelque chose, là, vite, devant tous les malheurs et les pseudo-malheurs qui s'abattent sur les Français, n'en fussent-ils aucunement responsables. Au risque de conforter l'essayiste Nicolas Baverez lorsqu'il écrit que le gouvernement français s'est transformé en la gigantesque cellule de soutien psychologique d'une nation qu'il croit traumatisée...
" L'Etat ne peut pas tout faire" , avait benoîtement, mais lucidement, reconnu Lionel Jospin à propos de suppressions d'emplois chez Michelin en 1999. Mal lui en a pris d'énoncer cette vérité ! Le premier ministre socialiste ne s'en remettra pas et il le paiera à la présidentielle de 2002.
La classe politique française aurait pu, depuis, réfléchir au sérieux de la question posée, aux réelles marges de manoeuvre d'un Etat dans la mondialisation et aux façons d'améliorer son efficacité. Bref, redéfinir l'Etat moderne. Non, elle a préféré les délices de la nostalgie interventionniste, voire, à gauche, on l'a vu lors de l'université du PS à La Rochelle, la surenchère démagogique.
En toutes circonstances, l'Etat se doit d'agir de suite : voilà la ligne. Les plus gros handicaps de la France sont la lourdeur de l'Etat, l'empilement des lois et l'inconstance des mesures administratives, tant pis ! L'Etat, l'Etat, L'Etat...
On ne peut que replacer dans ce cadre la conférence de presse du premier ministre cette semaine au cours de laquelle il a voulu lancer "la deuxième étape de son action" . J'annonce, donc je suis. Dominique de Villepin a cru devoir être "sur tous les fronts" et il a égrené pas moins de trente mesures tous azimuts sur la croissance, l'impôt, les prix du fioul, la flambée des loyers, l'insalubrité, les biocarburants, les projets d'infrastructures.
Dans ces mesures, l'Etat est partout. On redécouvre des mots d'après-guerre : le premier ministre " réquisitionne " des terrains afin de créer 5 000 logements d'urgence, il crée des "tickets" de transport. Il offre une douzaine de nouvelles primes et augmente le crédit d'impôt, alors même qu'il annonce une réforme fiscale pour simplifier les barèmes et supprimer les niches !
On eût aimé que M. de Villepin soulignât que, s'il manque 30 000 logements en Ile-de-France, c'est que la politique publique menée jusqu'ici a été défaillante et qu'il faudrait la réviser au fond. L'incendie de l'immeuble du boulevard Vincent-Auriol à Paris, motif de toute cette mobilisation, s'explique, selon Le Figaro, par l'incurie de la justice et de l'administration qui ont interdit à son propriétaire de le rénover.
Nenni : "La mobilisation d'urgence" de l'Etat remplace le froid examen des fautes de l'Etat. Ou de ses zigzags. La politique de l'emploi de M. de Villepin repose sur le retour des emplois dits " aidés ", c'est-à-dire publics, sous une forme ou une autre. Son prédécesseur les avait supprimés au profit des "vrais" emplois, disait-il, ceux du privé. Lui les recrée en masse.
L'heure est à la politique des coups, elle n'est plus aux réformes de l'Etat. Trop tard. Les engager conduirait à en subir le négatif (les grèves des fonctionnaires) sans avoir le temps d'engranger le positif (l'amélioration des comptes publics). Comme Jean-Pierre Raffarin, Dominique de Villepin diffère les réformes.
Son objectif obsessionnel est de tenir dix-huit mois d'ici à l'élection présidentielle avec un critère simple : engager une baisse du taux de chômage et, pour ce faire, soutenir, par tous les moyens, la croissance. Le premier ministre est visiblement à l'aise dans cette urgence de surface qui laisse libre cours à son naturel d'improvisateur étatiste et autoritaire. Le couple Villepin-Breton ne manque pas de détermination en comparaison avec la paire Raffarin-Mer, et il ne s'embarrasse d'aucun scrupule.
Des moyens ? La privatisation des autoroutes gage les recettes des péages sur 27 ans pour relancer 5 milliards d'euros de grands travaux d'infrastructure fin 2006. C'est prendre l'argent de nos enfants, mais c'est bon pour l'élection de 2007.
Un chômage en baisse ? La revalorisation de la prime pour l'emploi, ajoutée à la création d'emplois publics, porte les dépenses de soutien de l'emploi à un record, alors que les économistes en dénoncent l'inefficacité croissante.
Le pouvoir d'achat ? Le gouvernement, classé à droite, s'immisce comme aux beaux jours de 1981 dans la politique salariale des entreprises privées en les incitant à verser 1 000 euros de bonus défiscalisés à leurs salariés en fin d'année. Cela frôle l'appel à la grève...
Le meilleur des tours de passe-passe est cette réforme fiscale annoncée, elle aussi, pour... 2007. Voilà une remise à plat qui ne fera "aucun perdant" et qui ne coûtera que 3,5 milliards d'euros à l'Etat, payés fin 2007 et en 2008, après l'élection donc.
Elle ne diminuera pas les impôts payés sur les revenus de 2006 (seul le surcroît de revenus de cette année-là est concerné éventuellement), mais on le fait croire pour soutenir le moral des ménages. Et, au passage, pour couper l'herbe sous le pied de Nicolas Sarkozy qui voulait annoncer, lui, le 7 septembre, une " vraie" baisse des impôts.
Activisme politique, fausse relance, étatisme social : le premier ministre se plaît dans cette bataille pour gagner du temps. Toucher à tout sans toucher à rien. Toute la question est de savoir si la France, plongée dans la compétition mondiale accélérée, peut attendre encore dix-huit mois avant que ne s'engagent les vraies réformes.
Eric le Boucher
Article paru dans l'édition du 04.09.05
D imanche matin, M. Chirac a reçu pour la deuxième fois au Val-de-Grâce le secrétaire général de l'Elysée Frédéric Salat-Baroux pour suivre les dossiers en cours. "Il a fait ce matin le point sur les dossiers en cours et notamment l'incendie de l'Hay-les-Roses. Il a demandé à être tenu informé sur ce point-là", a indiqué son entourage. Quatorze personnes ont été tuées dans l'incendie d'une tour de 18 étages à l'Ha-les-Roses (Val-de-Marne), dans la nuit de samedi à dimanche et quatre personnes étaient entendues comme témoins.
Dimanche matin, aucune agitation particulière n'était visible aux abords du Val-de-Grâce, où seule une présence policière légèrement renforcée, des cars des chaînes de télévision et des barrières supplémentaires témoignaient de la présence du chef de l'Etat dans cet hôpital militaire.
L'Elysée a tenu à justifier dimanche le délai d'une bonne dizaine d'heures sur l'annonce de l'hospitalisation, indiquant que les médecins militaires du Val-de-Grâce avaient préféré s'assurer du "caractère non évolutif" de son état de santé avant de le rendre public. M. Chirac a été admis vendredi soir dans cet hôpital militaire parisien, après avoir ressenti en début de soirée des difficultés de vision et des maux de tête.
Le président, qui venait de recevoir à l'Elysée les ambassadeurs accrédités en Andorre, dont il est par statut co-prince, a alerté le médecin de la présidence qui a décidé de l'emmener au Val-de-Grâce, selon le récit fait par son entourage.
Arrivé en convoi normal et non en ambulance, le chef de l'Etat a subi une première batterie d'examens avant que les médecins ne décident de le garder hospitalisé de façon à lui faire subir des tests plus poussés samedi matin.
Selon l'entourage du président, ce n'est qu'au vu des résultats de ces nouveaux tests, en fin de matinée samedi, que M. Chirac a alerté le premier ministre Dominique de Villepin, qui se trouvait à l'université d'été de l'UMP à La Baule (Loire-Atlantique) et venait de participer à un petit-déjeuner avec le président de l'UMP et ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy.
Quant à l'annonce publique de cette hospitalisation, sans précédent en dix ans de présence de Jacques Chirac à l'Elysée, "les médecins du Val-de-Grâce ont communiqué quand ils ont considéré avoir le recul suffisant pour s'assurer du caractère non évolutif et sans complication de l'accident vasculaire", a indiqué dimanche l'entourage du président.
De son côté, le président de l'UDF François Bayrou a déclaré dimanche qu'il "aimerait que la transparence soit plus naturelle" en France, concernant la santé du chef de l'Etat. "La France est un univers dans lequel les secrets d'Etat sont jalousement gardés. On a l'habitude de ce genre de choses", a-t-il dit, reconnaissant cependant qu'"avec le président Mitterrand, c'était encore bien plus accentué". La veille, c'est le premier secrétaire du PS François Hollande qui avait réclamé lui aussi "la transparence".
A son arrivée à l'Elysée en 1995, M. Chirac, contrairement à son prédécesseur François Mitterrand qui avait promis de publier des bulletins de santé réguliers, s'était engagé à "donner toute information significative sur son état de santé", a rappelé son entourage.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 04.09.05 | 13h11
G eorges Pompidou et François Mitterrand hier, Jacques Chirac aujourd'hui. L'hospitalisation depuis vendredi soir, pour "un petit accident vasculaire" du chef de l'Etat a relancé un débat récurrent en France sur la transparence concernant la santé du président. Tour à tour, deux responsables de parti, François Hollande pour le PS et François Bayrou pour l'UDF, l'ont appelé de leurs voeux.
Dès samedi M. Hollande avait demandé "aux autorités de donner les informations" sur l'état de santé de M. Chirac, aujourd'hui âgé de 72 ans, "dans la transparence". Il a été relayé dimanche par M. Bayrou qui a déploré que ces questions soient toujours considérées en France comme des "secrets d'Etat jalousement gardés". "Naturellement, ce que j'aimerais, c'est que la transparence soit plus naturelle", a-t-il ajouté, déplorant que ce ne soit "pas le cas".
Il est vrai, comme l'a d'ailleurs rappelé le président de l'UDF, que la France a sur cette question un lourd passif, malgré toutes les proclamations de bonnes intentions des présidents successifs depuis 30 ans.
Le 2 avril 1974 au soir, les Français apprennent brutalement la mort de leur président de la République, Georges Pompidou. Si celui-ci porte les stigmates visibles de la maladie depuis plusieurs mois, rien n'a été dit officiellement sur l'affection dont il souffre : la "maladie de Waldenstrom", forme de cancer du sang.
Son successeur Valéry Giscard d'Estaing promet alors qu'il publiera deux bulletins de santé par an. Il ne le fera jamais.
François Mitterrand reprend la promesse en 1981, mais atteint par le cancer dans les mois qui suivent son élection, ses "bulletins de santé" cacheront très longtemps la vérité, jusqu'à son opération de la prostate en septembre 1992.
Jacques Chirac, à son arrivée à l'Elysée en 1995, s'était contenté de promettre de "donner toute information significative sur son état de santé", a rappelé son entourage dimanche.
Si cette hospitalisation pose pour la première fois publiquement le problème de sa santé, hormis des rumeurs en 2003 sur des possibles difficultés auditives, la façon dont a été géré l'événement n'en suscite pas moins quelques interrogations, qu'il s'agisse du délai entre son admission à l'hôpital et son annonce ou de l'absence de toute communication officielle de l'Elysée.
Il a fallu en effet attendre plus de dix heures avant que l'hospitalisation du chef de l'Etat soit rendue publique, peu avant 13H00 samedi, par un communiqué de l'hôpital militaire parisien du Val-de-Grâce.
Le premier ministre Dominique de Villepin lui-même n'a été informé que samedi en fin de matinée, alors qu'il se trouvait à l'université d'été de l'UMP à La Baule (Loire-Atlantique) et venait de participer à un petit-déjeuner avec le président de l'UMP et ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy.
L'Elysée a justifié dimanche ce délai en expliquant que les médecins du Val-de-Grâce avaient tenu à s'assurer du caractère "non évolutif" de son accident de santé avant de le rendre public.
Ils "ont communiqué quand ils ont considéré avoir le recul suffisant pour s'assurer du caractère non évolutif et sans complication de l'accident vasculaire" ayant entraîné "un léger trouble de la vision", a précisé l'entourage du président.
Dimanche, c'est un nouveau communiqué très bref du Val-de-Grâce, diffusé par le Service de Santé des Armées, qui a qualifié de "très satisfaisants" l'"état général" et le "bilan" du président, précisant que "la surveillance médicale se poursuivra, comme prévu, pendant encore quelques jours".
Avec AFP
LEMONDE.FR | 04.09.05 | 17h24
G eorges Pompidou et François Mitterrand hier, Jacques Chirac aujourd'hui. L'hospitalisation depuis vendredi soir, pour "un petit accident vasculaire" du chef de l'Etat a relancé un débat récurrent en France sur la transparence concernant la santé du président. Tour à tour, deux responsables de parti, François Hollande pour le PS et François Bayrou pour l'UDF, l'ont appelé de leurs voeux.
Dès samedi M. Hollande avait demandé "aux autorités de donner les informations" sur l'état de santé de M. Chirac, aujourd'hui âgé de 72 ans, "dans la transparence". Il a été relayé dimanche par M. Bayrou qui a déploré que ces questions soient toujours considérées en France comme des "secrets d'Etat jalousement gardés". "Naturellement, ce que j'aimerais, c'est que la transparence soit plus naturelle", a-t-il ajouté, déplorant que ce ne soit "pas le cas".
Il est vrai, comme l'a d'ailleurs rappelé le président de l'UDF, que la France a sur cette question un lourd passif, malgré toutes les proclamations de bonnes intentions des présidents successifs depuis 30 ans.
Le 2 avril 1974 au soir, les Français apprennent brutalement la mort de leur président de la République, Georges Pompidou. Si celui-ci porte les stigmates visibles de la maladie depuis plusieurs mois, rien n'a été dit officiellement sur l'affection dont il souffre : la "maladie de Waldenstrom", forme de cancer du sang.
Son successeur Valéry Giscard d'Estaing promet alors qu'il publiera deux bulletins de santé par an. Il ne le fera jamais.
François Mitterrand reprend la promesse en 1981, mais atteint par le cancer dans les mois qui suivent son élection, ses "bulletins de santé" cacheront très longtemps la vérité, jusqu'à son opération de la prostate en septembre 1992.
Jacques Chirac, à son arrivée à l'Elysée en 1995, s'était contenté de promettre de "donner toute information significative sur son état de santé", a rappelé son entourage dimanche.
Si cette hospitalisation pose pour la première fois publiquement le problème de sa santé, hormis des rumeurs en 2003 sur des possibles difficultés auditives, la façon dont a été géré l'événement n'en suscite pas moins quelques interrogations, qu'il s'agisse du délai entre son admission à l'hôpital et son annonce ou de l'absence de toute communication officielle de l'Elysée.
Il a fallu en effet attendre plus de dix heures avant que l'hospitalisation du chef de l'Etat soit rendue publique, peu avant 13H00 samedi, par un communiqué de l'hôpital militaire parisien du Val-de-Grâce.
Le premier ministre Dominique de Villepin lui-même n'a été informé que samedi en fin de matinée, alors qu'il se trouvait à l'université d'été de l'UMP à La Baule (Loire-Atlantique) et venait de participer à un petit-déjeuner avec le président de l'UMP et ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy.
L'Elysée a justifié dimanche ce délai en expliquant que les médecins du Val-de-Grâce avaient tenu à s'assurer du caractère "non évolutif" de son accident de santé avant de le rendre public.
Ils "ont communiqué quand ils ont considéré avoir le recul suffisant pour s'assurer du caractère non évolutif et sans complication de l'accident vasculaire" ayant entraîné "un léger trouble de la vision", a précisé l'entourage du président.
Dimanche, c'est un nouveau communiqué très bref du Val-de-Grâce, diffusé par le Service de Santé des Armées, qui a qualifié de "très satisfaisants" l'"état général" et le "bilan" du président, précisant que "la surveillance médicale se poursuivra, comme prévu, pendant encore quelques jours".
Avec AFP
LEMONDE.FR | 04.09.05 | 17h24
G eorges Pompidou et François Mitterrand hier, Jacques Chirac aujourd'hui. L'hospitalisation depuis vendredi soir, pour "un petit accident vasculaire" du chef de l'Etat a relancé un débat récurrent en France sur la transparence concernant la santé du président. Tour à tour, deux responsables de parti, François Hollande pour le PS et François Bayrou pour l'UDF, l'ont appelé de leurs voeux.
Dès samedi M. Hollande avait demandé "aux autorités de donner les informations" sur l'état de santé de M. Chirac, aujourd'hui âgé de 72 ans, "dans la transparence". Il a été relayé dimanche par M. Bayrou qui a déploré que ces questions soient toujours considérées en France comme des "secrets d'Etat jalousement gardés". "Naturellement, ce que j'aimerais, c'est que la transparence soit plus naturelle", a-t-il ajouté, déplorant que ce ne soit "pas le cas".
Il est vrai, comme l'a d'ailleurs rappelé le président de l'UDF, que la France a sur cette question un lourd passif, malgré toutes les proclamations de bonnes intentions des présidents successifs depuis 30 ans.
Le 2 avril 1974 au soir, les Français apprennent brutalement la mort de leur président de la République, Georges Pompidou. Si celui-ci porte les stigmates visibles de la maladie depuis plusieurs mois, rien n'a été dit officiellement sur l'affection dont il souffre : la "maladie de Waldenstrom", forme de cancer du sang.
Son successeur Valéry Giscard d'Estaing promet alors qu'il publiera deux bulletins de santé par an. Il ne le fera jamais.
François Mitterrand reprend la promesse en 1981, mais atteint par le cancer dans les mois qui suivent son élection, ses "bulletins de santé" cacheront très longtemps la vérité, jusqu'à son opération de la prostate en septembre 1992.
Jacques Chirac, à son arrivée à l'Elysée en 1995, s'était contenté de promettre de "donner toute information significative sur son état de santé", a rappelé son entourage dimanche.
Si cette hospitalisation pose pour la première fois publiquement le problème de sa santé, hormis des rumeurs en 2003 sur des possibles difficultés auditives, la façon dont a été géré l'événement n'en suscite pas moins quelques interrogations, qu'il s'agisse du délai entre son admission à l'hôpital et son annonce ou de l'absence de toute communication officielle de l'Elysée.
Il a fallu en effet attendre plus de dix heures avant que l'hospitalisation du chef de l'Etat soit rendue publique, peu avant 13H00 samedi, par un communiqué de l'hôpital militaire parisien du Val-de-Grâce.
Le premier ministre Dominique de Villepin lui-même n'a été informé que samedi en fin de matinée, alors qu'il se trouvait à l'université d'été de l'UMP à La Baule (Loire-Atlantique) et venait de participer à un petit-déjeuner avec le président de l'UMP et ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy.
L'Elysée a justifié dimanche ce délai en expliquant que les médecins du Val-de-Grâce avaient tenu à s'assurer du caractère "non évolutif" de son accident de santé avant de le rendre public.
Ils "ont communiqué quand ils ont considéré avoir le recul suffisant pour s'assurer du caractère non évolutif et sans complication de l'accident vasculaire" ayant entraîné "un léger trouble de la vision", a précisé l'entourage du président.
Dimanche, c'est un nouveau communiqué très bref du Val-de-Grâce, diffusé par le Service de Santé des Armées, qui a qualifié de "très satisfaisants" l'"état général" et le "bilan" du président, précisant que "la surveillance médicale se poursuivra, comme prévu, pendant encore quelques jours".
Avec AFP
LEMONDE.FR | 04.09.05 | 17h24
L e président Jacques Chirac, 72 ans, a été hospitalisé en urgence vendredi 2 septembre dans la soirée à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, souffrant d'un "léger trouble de la vision" à la suite "d'un accident vasculaire", a annoncé l'AFP citant l'hôpital samedi 3 septembre à 12 h 59. Après son passage à l'université d'été de l'UMP à La Baule, le premier ministre,
Dominique de Villepin, a rendu visite au président à l'hôpital, vers 18 h 45. Il est arrivé en voiture sous l'oeil d'une
cinquantaine de journalistes. A sa sortie, le premier ministre a déclaré que le président était "en bonne forme et qu'il avait hâte de sortir".
Selon des collaborateurs du président, le chef de l'Etat avait ressenti des troubles de la vision, dans l'après-midi de vendredi. De tels troubles traduisent l'existence d'un accident vasculaire cérébral. M. Chirac n'a toutefois été hospitalisé au Val de Grâce que tard dans la soirée. Ce n'est que samedi à la mi-journée que le premier ministre Dominique de Villepin, qui était à La Baule pour les universités d'été de l'UMP, puis l'Elysée ont confirmé l'information.
Le premier ministre avait passé la soirée de vendredi et la matinée de samedi à La Baule sans paraître informé de la nouvelle. Toutefois, en fin de matinée, après avoir revêtu un costume sombre, il a déclaré devant la presse : "Je me suis longuement entretenu au téléphone avec le président de la République, ce matin. Comme vous le savez, il a eu hier soir un petit malaise avec des troubles de la vision qui devraient se résorber dans les prochains jours. J'ai étudié avec lui les grands dossiers en cours, en particuliers l'aide que la France pourrait apporter aux Etats-Unis après la catastrophe survenue en Louisiane. Je lui rendrai visite cet après-midi."
M. de Villepin a seulement avancé d'une demi-heure le discours qu'il devait prononcer devant les jeunes de l'UMP à La Baule, avant de repartir vers Paris en fin d'après-midi.
De son côté, l'Elysée a, quelques minutes plus tard, "confirmé" dans un communiqué les informations du Val-de-Grâce. Il explique que "le président s'est entretenu à plusieurs reprises ce matin avec le secrétaire général de l'Elysée, Frédéric Salat-Barroux, et lui a demandé d'étudier le report de ses activités la semaine prochaine".
C'est la première fois que le président est officiellement hospitalisé. Jusque-là, cependant, le président Chirac s'est toujours refusé à publier son bulletin de santé.
Depuis la mort de Georges Pompidou lorsqu'il était encore président, puis le cancer de François Mitterrand, longtemps caché aux Français, la question s'est posée de savoir si le chef de l'Etat était ou non dans l'obligation de fournir des indications sur sa santé.
François Mitterrand, après son élection le 10 mai 1981, avait décidé de publier régulièrement son bulletin de santé. Mais il a vite demandé à son médecin de tronquer les informations qui y figuraient afin de cacher son cancer. Elu en 1995, M. Chirac a toujours fait référence à ce mensonge de son prédécesseur pour justifier de ne pas informer les citoyens de son état de santé.
Service France
Article paru dans l'édition du 04.09.05
L e numéro de Paris Match du 25 août, habituellement diffusé le mercredi dans les rédactions, n'est arrivé que le jeudi, son jour de livraison dans les kiosques. Ce numéro était sous embargo. L'hebdomadaire, édité par Hachette Filipacchi Médias (groupe Lagardère), ne voulait pas dévoiler sa "Une" avant. On y voit une photo de Cecilia Sarkozy – l'épouse de Nicolas – en compagnie de son ami.
Le numéro s'est très bien vendu. Selon une source interne, il aurait flirté avec les 900 000 exemplaires, 100 000 de plus qu'un numéro "moyen". Selon les chiffres OJD, sur la période fin 2004-mi 2005, la diffusion France payée a atteint 722 410 exemplaires. HFM se borne à dire que "les ventes marchent bien depuis le début de l'année" .
Interrogé, vendredi 2 septembre, Alain Genestar, le directeur général de la rédaction, a rappelé que "la rumeur de cette union existait, on a informé" . Les "photos volées" d'hommes politiques (ou de leurs proches), réalisées sans qu'ils le sachent ou aient donné leur accord, sont rarement publiées dans le magazine. "Mais pourquoi faudrait-il que -ceux-ci- aient un statut particulier ? Les lecteurs ont besoin de savoir que leur journal est libre", insiste M. Genestar.
Article paru dans l'édition du 04.09.05
I ls ont fait Sciences-Po pour la plupart, et même l'Ecole nationale d'administration (ENA) pour quelques-uns. Dans les cabinets ministériels, ils ont appris la complexité des rouages de l'Etat. Ils connaissent par coeur la carte électorale. Les petites bisbilles de canton n'ont pas le moindre secret pour eux : un coup de téléphone, une menace voilée suffit à les apaiser.
Mais que faire quand votre patron traverse une crise conjugale et que celle-ci s'étale à la "une" de la presse people ? Désormais, les déchirures du couple Nicolas Sarkozy – Cécilia occupent une partie de leur temps et de leurs conversations. Ils commentent les déboires de leur patron, "cette épreuve", disent-ils, sans pouvoir en fixer le terme. Le président de l'UMP, qui a noué des liens d'amitié avec la plupart d'entre eux, ne cache rien de son évolution personnelle et conjugale. "On l'écoute, raconte l'un d'eux, mais on ne le conseille pas. Lui seul sait ce qu'il doit faire."
Chacun se charge à sa manière d'assurer une sorte de "cellule de soutien psychologique". L'un d'eux l'a accompagné en vacances au Pyla (Gironde) pour y organiser "de jolies fêtes avec les copains". Un autre, venu parler politique place Beauvau, se rappelle avoir passé son temps à "écouter Nicolas parler de lui, au soleil, sur la terrasse".
Mais il y a plus dur. Fins connaisseurs des médias, habiles manipulateurs à l'occasion, les voilà réduits à guetter les révélations de la presse sans pouvoir imaginer de contre-attaque. "Face à une épreuve aussi intime, il n'y a pas de plan média qui tienne, explique l'un de ses conseillers politiques. Tout évolue au jour le jour." "Ce n'est pas un dossier. Nous n'avons pas d'avis à donner", ajoute un autre.
Jeudi 25 août, lorsqu'ils se sont retrouvés autour de Nicolas Sarkozy pour une réunion de rentrée, ils n'ont pu que constater leur impuissance. Dans les kiosques à journaux, la photo de Cécilia Sarkozy et de Richard Attias, un important publicitaire, s'étalait à la "une" de Paris Match.
Les conseillers n'ont rien vu venir, pas plus que Nicolas Sarkozy, qui se flattait pourtant de ses relations d'amitié avec Arnaud Lagardère, le propriétaire du magazine. L'hebdomadaire a bouclé plus tardivement que de coutume, pour assurer le black-out total sur sa parution. "On devait évoquer l'université d'été de l'UMP et la rentrée politique, se souvient un participant à cette réunion. On a parlé essentiellement de ces photos."
Depuis, celles-ci ont été examinées à la loupe. Centimètre carré par centimètre carré. L'entourage de Nicolas Sarkozy en retire aujourd'hui la conviction qu'elles ont été publiées pour lui nuire. Selon plusieurs conseillers, ces clichés qui datent du mois de juillet auraient été sciemment publiés fin août pour gêner la rentrée politique du président de l'UMP.
Certains détails auraient été retouchés pour donner plus de véracité au reportage. Arnaud Lagardère a eu beau téléphoner au ministre de l'intérieur pour l'assurer qu'il n'était "pas au courant" du contenu du journal, il n'a pas convaincu. "Nous découvrirons bientôt ceux qui sont derrière tout ça", assure-t-on autour de Nicolas Sarkozy.
Une fois de plus les vieux réflexes reprennent le dessus. L'"épreuve sentimentale" que traverse le futur candidat à la présidentielle ne serait qu'un avatar de la lutte ancestrale avec les chiraquiens. Peu convaincante, l'explication a au moins le mérite de rassurer les conseillers. Là, ils sont en terrain connu.
Ph. Ri.
Article paru dans l'édition du 04.09.05
"R ien ni personne ne m'empêchera d'aller jusqu'au bout" ont été les derniers mots du discours du président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, dimanche, lors de la clôture de l'université d'été du parti de la majorité, à La Baule. Un discours marqué par une volonté d'enclencher une stratégie de rupture avec les 30 dernières années et d'impulser une stratégie présidentielle, alors que le premier ministre monte dans les sondages et que l'hospitalisation du président Jacques Chirac hypothèque l'idée d'un troisième mandat à la plus haute marche de l'Etat.
Mais c'est surtout ses longs passages sur l'image d'une France nouvelle que le ministre de l'intérieur a souhaité laisser à son assistance. Nouvelle musique pour le patron du parti majoritaire qui pour la première fois invoque la France et finit son discours par un vibrant "Vive la France", un peu comme si personne, et notamment le premier ministre, n'avait le monopole d'une vision rafraîchissante de l'hexagone. "La France ne peut pas compter sur le seul prestige de sa glorieuse histoire pour demeurer parmi les grandes nations du monde", a-t-il affirmé. "Je souhaite que l'UMP incarne le changement le plus profond et le plus rapide", a déclaré M. Sarkozy. "Nous devons tirer les conséquences des trois crises majeures" de ces dernières années "en proposant une stratégie de rupture avec les 30 dernières années", a-t-il ajouté. Il avait auparavant évoqué la présence du président du Front National Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de la présidentielle de 2002, les élections régionales du printemps 2004 où les Français ont "sanctionné" la droite, et le référendum européen du 29 mai 2005. "Si nous faisons de la politique comme les autres, nous serons balayés à notre tour", a affirmé le ministre de l'Intérieur.
Une France nouvelle fondée sur un modèle nouveau autour de trois idées, créativité, liberté et unité, telle est l'ambition de Nicolas Sarkozy jusqu'aux échéances électorales majeures de 2007.
"Il nous faut inventer un nouveau modèle français, dont l'ambition première sera de rendre la réussite accessible pour chaque Français", a-t-il souligné. "Les Français attendent de nous que nous préparions non pas une alternance classique (...) mais la rupture avec les habitudes, les conformismes et les insuffisances de la vie politique traditionnelle. L'UMP doit incarner le changement le plus profond et le plus rapide", a déclaré le président de l'UMP.
Il a également affirmé que l'UMP fera des propositions "plus ambitieuses" que le gouvernement en matière économique et fiscale."Je proposerai dans quelques jours que l'UMP soit plus ambitieuse que le gouvernement dans ses choix économiques et fiscaux, en proposant par exemple que nul contribuable en France ne puisse se voir prélever plus de 50 % de ce qu'il a gagné par son travail", a déclaré M. Sarkozy.
L'UMP doit tenir mercredi à Paris une convention économique, où M. Sarkozy doit faire ses propres propositions, quelques jours après le plan de "croissance sociale" annoncé jeudi dernier par le premier ministre Dominique de Villepin. Nicolas Sarkozy a appelé dimanche l'UMP à "incarner le changement le plus profond et le plus rapide", à proposer "une stratégie de rupture avec les trente dernières années" et à btir "un nouveau modèle français".
Il a souligné que son ambition était de porter l'UMP "au niveau de 30%" dans les élections."Je ne peux me satisfaire que les grands partis démocratiques et républicains stagnent autour de 20 % des suffrages. Notre objectif doit être de porter l'UMP au niveau de 30 %", a-t-il lancé. "Je ne veux plus que se reproduisent les conditions qui ont permis à Jean-Marie Le Pen d'être présent au deuxième tour de la présidentielle. Je ne veux pas davantage que, de tous les pays européens, la France compte l'extrême-gauche la plus forte d'Europe", a-t-il proclamé.
L'UMP doit devenir "une formation politique de masse dans laquelle les Français de tous âges, de toutes origines, de toutes conditions" se rassemblent, a-t-il poursuivi. "Que les chefs d'entreprise, les professions libérales, les commerçants croient en nous c'est bien, mais c'est insuffisant", a-t-il affirmé. Mais il a tenu à souligner ne pas vouloir mener "une aventure individuelle" à la tête de l'UMP mais viser "la victoire de l'UMP aux législatives et aux présidentielles de 2007".
"Mon rôle est simple, vous conduire à la victoire. Mon travail doit tout entier être tourné vers cet objectif, celui de notre succès collectif. Que personne n'en doute. Je sais d'expérience que nous gagnerons ensemble ou que nous perdrons ensemble", a déclaré le président de l'UMP.
Le président de l'UMP Nicolas Sarkozy a affirmé que l'UMP n'était pas "derrière" le gouvernement mais "devant" et a remercié Dominique de Villepin d'avoir "retenu nombre de propositions" du parti. "L'UMP n'est pas derrière le gouvernement, elle est devant le gouvernement pour fixer une perspective, pour gagner la bataille de la communication, pour porter des thèmes novateurs, pour convaincre notre électorat", a-t-il. "L'UMP est libre vis-à-vis du gouvernement que nous soutenons", a martelé le ministre de l'intérieur.
En outre, quelques mots ont été adressés au président hospitalisé au Val-de-Grâce. L'UMP, a-t-il dit, avait "besoin" de Jacques Chirac, et il lui a souhaité "une bonne santé". "Il faut dédramatiser les débats politiques (...) On peut être en désaccord sur tel ou tel point" avec le président de la République "et lui souhaiter du fond du coeur une bonne santé et lui dire: on a besoin de vous", a affirmé M. Sarkozy, en faisant explicitement référence à l'adhésion de la Turquie à l'UE.
Enfin, il a affirmé que l'UMP n'avait "rien à craindre de la concurrence" éventuelle entre plusieurs candidats à l'investiture du parti pour la présidentielle, question qui sera tranchée lors d'un congrès en janvier 2007. "Je souhaite vous dire que nous n'avons rien à craindre de la concurrence. Il n'y a que la concurrence qui permet d'étalonner les valeurs. Elle est incontournable pour celui qui veut prétendre à l'honneur de vous représenter dans la compétition ultime qu'est la compétition présidentielle", a déclaré le président de l'UMP.
"Il n'y a pas de candidat auto-désigné ou obligé. Je veux parler de moi. Il y aura une concurrence saine, loyale, de qualité. Et au final, c'est vous les adhérents de l'UMP qui aurez la responsabilité de choisir le meilleur, c'est-à-dire celui qui saura le mieux nous rassembler et nous faire gagner", a-t-il précisé. "Nous organiserons en janvier 2007 un congrès ouvert à tous o chacun pourra exprimer sa préférence quant au choix de notre candidat à l'élection présidentielle. Cela sera un événement de la vie politique nationale et cela donnera une légitimité et une force sans précédent à celui ou à celle que vous aurez choisi", a souligné Nicolas Sarkozy, qui ne fait pas mystère de son ambition de succéder à Jacques Chirac en 2007.
Avec AFP, Reuters
LEMONDE.FR | 04.09.05 | 12h32
M es chers amis,
Voici donc que s'achèvent mes premières universités d'été en tant que président de l'UMP. L'an passé, à la même époque, je n'étais que candidat. J'avais des projets. Aujourd'hui je suis votre président, je dois en assumer les responsabilités, justifier d'une action, fixer des perspectives. C'est une tâche exaltante. Depuis 9 mois j'y ai consacré le meilleur de moi-même.
C'est ce que je vais continuer à faire pour les 19 mois qui viennent, et qui nous conduiront aux échéances présidentielles et législatives de 2007. Mon ambition est claire : c'est que nous gagnions. Mon rôle est simple, vous conduire à la victoire. Mon travail doit tout entier être tourné vers cet objectif, celui de notre succès collectif.
Que personne n'en doute, je sais d'expérience que nous gagnerons ensemble ou que nous perdrons ensemble. Je veux mettre mon énergie au service de notre famille, de toute notre famille. Il ne s'agit pas pour moi d'une aventure individuelle mais bien d'une responsabilité que j'assume au nom de tous et pour tous.
Pour cela je voudrais vous proposer une première orientation, celle qui consiste délibérément à choisir "de faire de la politique". En effet je ne m'inscris pas dans cette mode qui fait dire à tant d'observateurs prétendument informés que la politique ne sert à rien, que les politiques ne peuvent plus rien, que la gauche et la droite c'est pareil - comprenez qu'elles seraient devenues également impuissantes - que les difficultés de la France et du monde sont si grandes qu'il n'y aurait rien à faire. Eh bien je conteste frontalement ce fatalisme et cette forme de démission. Dans mon esprit la politique c'est justement l'art de trouver et de créer des marges de manœuvre là où tous les techniciens restent interdits et incapables d'imaginer la voie étroite qui permettra de surmonter les difficultés.
Il ne faut pas s'excuser de faire de la politique, il faut bien au contraire revendiquer ce choix qui est celui de la démocratie et de l'efficacité. La politique c'est noble. La politique c'est utile. La politique c'est exigeant et difficile. Ce n'est pas de trop de débats politiques que souffre notre pays, c'est au contraire qu'il n'y en ait plus assez et même parfois plus du tout.
La politique, cela consiste d'abord à dire la vérité, à être lucide, à donner une cohérence aux aspirations souvent contradictoires de nos compatriotes. Parler au nom du peuple, comprendre ses attentes, interpréter ses besoins, réaliser ses aspirations : c'est bien ce qu'il y a de plus difficile à réussir. Mais c'est justement le premier devoir des responsables politiques que nous sommes. Et les Français contrairement à ce qu'on peut souvent entendre, restent passionnés par cette façon de faire de la politique.
Qu'ont voulu dire les Français en portant Le Pen au 2ème tour de la présidentielle en 2002 ? Qu'ont-ils voulu exprimer le 29 mai en répondant massivement non au référendum sur l'Europe ? Quel était le sens profond de leur message lorsqu'ils nous ont sanctionnés dans 20 régions sur 22 au printemps 2004 ? Ces questions ne sont pas anecdotiques. J'ai le sentiment qu'on n'y a pas répondu, ou alors imparfaitement, en tout cas insuffisamment. Les problèmes restent posés, et, il faudra bien s'y atteler. Cela sera même l'enjeu de la présidentielle de 2007.
Vous le savez, je suis intimement convaincu que les Français attendent de nous que nous préparions non une alternance classique à laquelle ils ne croient plus, mais la rupture avec les habitudes, les conformismes et les insuffisances de la vie politique traditionnelle. L'UMP doit incarner le changement le plus profond et le plus rapide. Nous devons tirer les conséquences de ces trois crises majeures en proposant une stratégie de rupture avec les trente dernières années.
A mes yeux la grande question que se posent les Français, commune à toutes ces crises que nous avons connues, c'est celle de savoir si l'avenir peut être source d'espérance alors qu'il est perçu dans tant de familles comme une menace. C'est bien là que se trouve le changement le plus considérable depuis des décennies. Les générations qui nous ont précédés voyaient l'avenir comme une formidable opportunité de progrès. Qui se risquerait à dire aujourd'hui qu'il en va ainsi dans les familles de France ?
Il nous faut inventer un nouveau modèle français, dont l'ambition première sera de rendre la réussite accessible pour chaque Français, d'où qu'il vienne, pour peu qu'il s'en donne les moyens et qu'il la mérite. Attention ! Il ne s'agit pas de promettre tels les démagogues la réussite à tout le monde. Il s'agit de la garantir à tous ceux qui, par leur travail, leurs efforts, leurs mérites, l'auront gagnée en récompense. La réussite et la promotion sociale ne sont pas un dû que chacun peut réclamer en faisant la queue à un guichet. C'est mieux : c'est un droit, un droit que l'on mérite à la sueur de son front.
Elle est là, la clef du nouveau modèle français que j'appelle de mes vœux. Un modèle où le nivellement, l'égalitarisme, le saupoudrage n'auront plus leur place, un modèle où le travail sera la base de tout, en étant récompensé, encouragé, favorisé. Un modèle où l'on n'éprouvera plus aucun complexe à rémunérer davantage celui qui travaille le plus et en même temps à aider davantage celui qui cumule le plus de handicaps. Un modèle où la promotion sociale sera redevenue un objectif accessible à tous. Un modèle enfin où chaque famille de France se dira que ses enfants peuvent regarder l'avenir avec confiance et s'y faire une place. Au final il ne s'agit rien de moins que de rendre l'espérance aux Français et à la France.
Oui, à la France ! Voici un mot que l'on ne prononce pas assez souvent : la France. La France ce n'est pas qu'une histoire, un passé, un souvenir, ou même une nostalgie. La France c'est une nation qui a souvent montré le chemin au monde mais qui donne le sentiment parfois de se reposer sur des lauriers glanés il y a bien des années. La France ne peut pas compter sur le seul prestige de sa glorieuse histoire pour demeurer parmi les grandes nations du monde. La France ne doit pas considérer que les efforts, pour mériter son statut, ne sont que pour les autres pays, et qu'elle peut s'en abstraire.
La France ne peut plus affirmer avoir le meilleur modèle social alors que nous comptons encore tant de chômeurs, tant de pauvres, tant d'exclus. La France doit redevenir accueillante pour tous ceux qui veulent réussir, innover, proposer, inventer, créer. La France doit se doter d'une nouvelle ambition européenne car l'Europe a besoin d'un nouveau leadership pour construire un espace qui protège et non qui inquiète, pour bâtir un ensemble où les chefs d'Etat et de gouvernement, c'est à dire les responsables politiques reprendront le pouvoir pour répondre aux défis de la mondialisation, de la désindustrialisation, des délocalisations.
La France doit rester cette nation aux composantes multiples où chacun pourra se voir reconnaître les mêmes devoirs et les mêmes droits, mais pas les uns sans les autres.
La France dont je parle, elle a un visage, celui de la tolérance. Elle a une âme : celle de la liberté qu'elle a chevillée au corps. Elle a une ambition : celle de montrer au monde un chemin original. C'est cette France pour laquelle nous avons tous un jour vibré, espéré et parfois pleuré.
Oui les Français doivent retrouver le chemin de l'espérance et de la confiance dans l'avenir. Oui, je l'affirme, les Français doivent à nouveau pouvoir être fiers de la France.
Tout au long de ces 19 prochains mois je souhaite qu'ensemble nous construisions la formation politique la plus moderne, la plus démocratique, et, la plus nombreuse de France. C'est un enjeu considérable. Il s'agit ni plus ni moins que de réconcilier les Français avec la politique.
Je ne veux plus que se reproduisent les conditions qui ont permis à Jean-Marie Le Pen d'être présent au 2ème tour de la présidentielle.
Je ne veux pas davantage que de tous les pays Européens, la France compte l'extrême gauche la plus forte d'Europe. Le débat démocratique français vaut mieux que le tête à tête stérile entre Arlette Laguillier et Le Pen, et je dirais la même chose s'il s'agissait de Bové ou de Besancenot.
Je ne peux me satisfaire que les grands partis démocratiques et républicains stagnent autour de 20% des suffrages. Notre objectif doit être de porter l'UMP au niveau de 30%.
Nous devons devenir une formation politique de masse dans laquelle les Français de tout âge, de toutes origines, de toutes conditions pourront se rassembler, débattre, proposer, compter, décider. Nous ne devons à aucun prix nous laisser enfermer dans la représentation d'une catégorie socioprofessionnelle. Que les chefs d'entreprise, les professions libérales, les commerçants croient en nous c'est bien mais c'est insuffisant.
Je vous demande de vous ouvrir à la France du travail dans toute sa diversité. Je vous demande de faire une place aux salariés, aux classes moyennes, aux fonctionnaires, aux Français d'origines plus récentes, aux jeunes – qu'ils soient étudiants ou qu'ils soient engagés dans la vie active – sans lesquels rien ne sera possible, aux artistes que nous avons trop négligé dans le passé, aux femmes à qui il nous faut donner un rôle sans précédent. En bref je vous demande de faire de l'UMP le parti de tous les Français.
Pour relever le défi il y a 3 mots dont je vous propose qu'ils servent de cadre à toutes nos actions, qu'ils soient la référence systématique de toutes nos démarches, qu'ils rythment tous nos rendez-vous. Je veux que nous soyons les plus créatifs, les plus libres, les plus unis.
La créativité d'abord. Il s'agit sans doute du déficit le plus criant de la vie politique française. Que de formules creuses, que d'idées convenues, que de consensus hypocrites dont le seul but est d'éviter la résolution de problèmes qui pourtant ne peuvent plus attendre ! Je le dis parce que je le pense au plus profond de moi-même. Je n'ai pas la vision d'une France qui serait soudainement devenue immobile, rétive à tout changement, frileuse face à toutes les réformes.
Les Français ne sont pas des conservateurs. La France n'est pas réactionnaire. Nos compatriotes ont parfaitement compris qu'on ne résoudra pas les problèmes de demain avec les recettes d'avant hier. Ils n'ont pas peur du changement. Bien au contraire, ils l'espèrent, l'attendent, l'exigent. Quand les vieux chemins ne mènent plus nulle part, alors il faut en emprunter de nouveaux. Il convient d'imaginer de nouvelles voies. D'être innovants, créatifs, imaginatifs. De ne pas avoir peur de changer nos habitudes.
Je veux que l'UMP tourne le dos à toutes formes de conservatisme, que nous fassions de l'immobilisme notre premier adversaire, que nous relevions le flambeau du changement pour nous l'approprier.
Ainsi pour les Français les choix seront clairs. D'un côté il y aura ces nouveaux conservateurs que sont devenus les socialistes, qui veulent que rien ne bouge, qui ne sont porteurs d'aucun changement, qui isoleront la France dans un repliement caricatural et hautain. C'est la France de la glaciation. De l'autre l'UMP qui doit regarder tout ce qui réussit dans le vaste monde, et ne pas hésiter à s'en inspirer. Il ne s'agit pas de copier un modèle quel qu'il soit. Il ne s'agit nullement de tourner le dos à nos valeurs et à nos traditions. Il s'agit de refuser une vision exclusivement hexagonale de l'évolution de notre pays.
Pourquoi interdire aux Français d'essayer ce qui marche ailleurs. Le nouveau modèle français que j'appelle de mes vœux ne peut faire abstraction de ce qui se passe dans le vaste monde, sauf à se couper des réalités et de toute chance d'être efficace.
Ainsi quand je dis que le modèle social français n'est plus le meilleur ce n'est pas pour provoquer, encore moins pour blesser, c'est simplement que je ne peux accepter que mon pays reste avec deux fois plus de chômeurs que les autres grandes nations démocratiques et que tant de nos compatriotes en souffrent. A l'endroit des Français nous avons un devoir, un devoir d'efficacité.
J'observe que partout dans le monde la contrepartie de la solidarité nationale c'est l'obligation d'exercer une activité en échange d'un minimum social et celle d'accepter un emploi au bout d'un certain nombre de refus.
La France qui se lève tôt le matin ne peut accepter que le produit de ses impôts ne soit pas utilisé avec une efficacité maximale. Ne pas imposer une activité minimale et ne pas limiter le nombre de refus de propositions d'emploi, ce n'est pas un acquis social, c'est une erreur doublée d'une lâcheté. Il faut y mettre un terme et le plus tôt sera le mieux. Ne pas le faire c'est prendre le risque de révolter les classes moyennes, de désespérer ceux qui travaillent, de tourner le dos aux valeurs républicaines les plus sacrées qui veulent qu'il n'y ait pas de droit sans la contrepartie d'un devoir. On parle beaucoup des droits de chacun. Je vous propose que nous rappelions les devoirs de tous.
Plutôt que de considérer notre droit du travail comme une vache sacrée intouchable, on serait bien inspiré de se demander pourquoi les salariés français ne se sont jamais sentis dans un tel état de précarité et les entrepreneurs à l'inverse jamais autant soumis à un carcan aussi rigide et archaïque. C'est le système magique où tout le monde est perdant.
N'attendons pas des organisations syndicales qu'elles proposent les changements que nous souhaitons. Elles ne le feront pas. Ce n'est pas leur rôle. C'est à nous qu'il revient d'être innovants, d'entraîner, d'expliquer. Défendons une nouvelle méthode de gouvernement qui accepte l'expérimentation et organise l'évaluation. Sur les sujets qui suscitent l'hésitation, au lieu de réformes prétendument définitives et totales choisissons de faire des expériences, dont nous présenterons les résultats évalués en toute transparence à l'opinion publique. En finir avec la division artificielle entre CDI et CDD pour innover avec le contrat unique me semble être une urgente priorité. Ainsi nous pourrons changer la France, progressivement, en nous donnant tous les moyens de réussir.
La question du pouvoir d'achat est centrale pour l'économie française. Nous devons trouver les moyens d'augmenter celui des Français pour soutenir la consommation. Pour cela je ne connais qu'un seul moyen compatible avec nos déficits, celui qui consiste à permettre aux Français de travailler plus pour gagner davantage.
L'exemple des 5 millions de fonctionnaires est particulièrement caricatural. Il y a beaucoup de petits salaires dans la fonction publique. Pourquoi empêcher les fonctionnaires qui le souhaitent de s'affranchir des 35 heures en cumulant des heures supplémentaires qui augmenteraient d'autant leur pouvoir d'achat ? Il n'y a aucune raison de refuser à la fonction publique ce que l'on a autorisé au secteur privé.
Dans le même esprit, la France ne peut faire l'économie d'un important mouvement de réduction de ses dépenses publiques qui passe par le non-remplacement de tous les départs à la retraite des fonctionnaires. J'ai la conviction que nous devons proposer aux fonctionnaires de France un système gagnant- gagnant en leur rendant, sous la forme d'augmentation des rémunérations, la moitié des économies réalisées par le biais des réductions d'effectifs.
Il faut savoir investir pour baisser au final la dépense publique. C'est d'ailleurs seulement ainsi, en réduisant les dépenses que nous pourrons financer une réforme fiscale crédible.
Nous devons permettre à tous les Français de réaliser ce rêve naturel d'être propriétaire de leur logement. Qui n'a jamais pensé, surtout parmi les jeunes, à accéder à la propriété? Or, force est de reconnaître que ce rêve n'est accessible qu'aux plus fortunés ou à ceux qui sont cautionnés par quelqu'un qui est fortuné. Je souhaite que l'on bouleverse ce système qui fait trop de place aux relations et qui pousse les banques à prêter surtout à ceux qui en ont le moins besoin. Seule la mise en place du crédit hypothécaire permettra de donner la chance de la propriété à tous en garantissant l'emprunt par le bien immobilier que l'on acquiert.
Je veux que l'on innove dans le dialogue social. Nos syndicats en France sont trop petits, trop émiettés. Ils ne sont pas assez représentatifs du monde des salariés. Je souhaiterais qu'ils le soient davantage. Je le dis comme je le pense. Je ne comprends pas le maintien de la règle archaïque qui donne le monopole de la présentation des candidats au premier tour des élections aux 5 grandes centrales syndicales issues de la guerre. Si on veut revivifier la démocratie sociale alors il faut rendre à chacun le droit imprescriptible de se présenter librement à une élection.
Je veux que l'UMP innove dans la recherche d'une plus grande justice ou d'une meilleure équité. Je ne vous cache pas mon exaspération devant ces discours interminables qui évoquent invariablement les mots justice sociale, progrès social, politique sociale. Ces mots, à force d'être scandés, sont devenus vides de sens aux yeux des Français qui voient que dans la réalité notre système d'intégration est en panne, notre ascenseur social est grippé, notre modèle éducatif chancelant, et que les inégalités, loin de régresser, progressent.
Comment renverser la vapeur ? Je ne vois qu'un moyen : avoir le courage de faire des choix. Voyons ce qui se passe aujourd'hui à Paris. Les socialistes dénoncent l'insécurité dans les squats et en même temps revendiquent le droit qu'ils soient occupés… Nous, nous sommes conséquents. Nous refusons que des hommes, des femmes, des enfants risquent leur vie dans ces squats et nous avons le courage de les évacuer pour que leurs occupants puissent vivre dans des logements décents et sûrs.
Il faut arrêter de promettre à tout le monde car la France n'en a ni les moyens financiers, ni la latitude politique. Le résultat de cette absence de courage c'est que, donnant à tout le monde, on saupoudre des moyens par définition limités. A l'arrivée tout le monde est perdant. Je propose une autre logique, celle de la discrimination positive à la française qui est loin de se réduire à la question des Français issus de l'immigration.. Le principe est simple : ceux qui cumulent le plus de handicaps, tous ceux qui cumulent le plus de handicaps, on les aide massivement, pour leur donner le maximum de chances de s'en sortir.
La république ce n'est pas donner à chacun la même chose. C'est pour l'Etat donner à chacun selon ses handicaps et selon ses mérites. C'est par l'équité que l'on arrive à l'égalité. L'UMP doit devenir la formation qui incarne la volonté de réduire les injustices dans notre pays. De les réduire dans les faits, concrètement, pas dans les discours ou les slogans. Et s'il m'arrive de plaider pour une discrimination positive à la française, ce n'est pas par fascination pour le système américain, c'est moins encore pour promouvoir un communautarisme que je combats, c'est seulement parce que je suis convaincu que l'on ne peut pas continuer à commenter les inégalités, qu'il faut les réduire si on ne veut pas créer les conditions d'un drame pour notre pays dans les 20 ou 30 années qui viennent. Ce que nous voulons c'est une réelle égalité des chances pour tous les Français.
La liberté ensuite. La liberté ce ne doit pas seulement être le mot magique pour lequel tant d'hommes à travers le monde ont payé le prix le plus cher. La liberté, à l'UMP, ce ne doit pas être un slogan, ce doit devenir une réalité. Au plus profond de moi-même je crois que rien d'utile ne peut se construire sans un débat préalable et approfondi. L'UMP doit être le lieu des grands débats de la société française.
Pendant que les socialistes s'invectivent, règlent leurs comptes, se livrent à des exclusions et des anathèmes, je vous demande de vous passionner et de vous engager dans le débat d'idées. Chaque mois nous organisons une convention. Je souhaite que les fédérations se saisissent des sujets traités en apportant leur contribution à la réflexion initiale. C'est ensemble que nous dessinerons la France que nous voulons. Il ne doit y avoir aucun sujet tabou. A l'UMP on doit pouvoir parler de tout. Le droit à l'expression et à la parole doit être reconnu à chaque militant, à chaque cadre, à chaque élu. Je dénie à quiconque la possibilité de cadenasser un débat, de le réduire ou pire de l'interdire.
S'il y a si peu d'adhérents dans les formations politiques, c'est que trop souvent les Français ont le sentiment que dans les partis politiques la parole est confisquée. A l'UMP la parole est libre.
Elle est libre d'abord vis à vis de la direction du mouvement et notamment de son président. Je n'ai pas à vous imposer mon point de vue, et à l'inverse je ne renoncerai pas à mes convictions même si elles sont minoritaires. Il ne s'agit pas de construire un club de partisans tout entier dévoué à ma cause ou pire un clan ou une secte. Il s'agit de bâtir une formation diverse où chacun pourra trouver sa place. En tant que président du mouvement je dois convaincre de la pertinence de la ligne stratégique que je propose, mais vous devez être libre de l'amender, de la contester ou de la soutenir. En clair on n'est pas obligé de penser systématiquement comme moi, uniquement parce que j'ai été élu président de l'UMP.
L'UMP est libre vis à vis du gouvernement que nous soutenons. Je suis reconnaissant à Dominique de Villepin d'avoir retenu nombre de nos propositions et en même temps d'avoir compris et accepté que notre formation politique puisse aller plus loin et dire davantage que ce que fait et dit le gouvernement.
L'UMP n'est pas derrière le gouvernement, elle est devant le gouvernement pour fixer une perspective, pour gagner la bataille de la communication, pour porter des thèmes novateurs, pour convaincre notre électorat. C'est ainsi que, gouvernement et parti majoritaire, nous couvrirons le spectre le plus large. L'UMP doit être le porte voix de nos électeurs. L'UMP doit être l'expression des souhaits politiques des Français, y compris lorsque ces derniers manifestent des impatiences. L'UMP ce n'est pas une caserne ou régnerait une discipline de fer. C'est un lieu de liberté où l'on peut débattre de tout sans être accusé de manquer à la solidarité ou même à la loyauté.
C'est dans cet esprit que faisant campagne pour le oui au référendum j'ai cependant tout fait pour que les partisans du non, bien que minoritaires chez nous, soient respectés et bénéficient de moyens d'expression. A l'arrivée cela nous a permis de préserver notre unité sans la moindre difficulté. Là aussi, comparez avec les socialistes et vous verrez que notre choix fut le bon.
C'est dans cet esprit que je vous ai proposé de prendre sur la Turquie et sur l'Europe une position qui n'était pas celle du président de la république mais qui correspondait à nos convictions et à celles de nos électeurs. Nous l'avons fait sans drame et sans que cela nous empêche par ailleurs de soutenir l'action de Jacques Chirac, et de tout faire pour que son mandat soit un succès.
C'est dans cet esprit que je proposerai dans quelques jours que l'UMP soit plus ambitieuse que le gouvernement dans ses choix économiques et fiscaux en proposant par exemple que nul contribuable en France ne puisse se voir prélever plus de 50% de ce qu'il a gagné par son travail. Si c'est une règle de valeur constitutionnelle en Allemagne, pourquoi n'en serait il pas de même en France ?
C'est dans cet esprit que je souhaite que l'UMP affirme son engagement de mettre en place un service minimum dans les services publics les jours de grève. Il est des moments où il convient d'arrêter de tourner autour du problème pour l'affronter et le résoudre. Nous devons être du côté des usagers pas du côté de ceux qui prennent en otage nos services publics.
C'est dans cet esprit que je soutiens ceux qui dénoncent les effets pervers de l'actuel ISF. Je crois les Français beaucoup plus lucides qu'on ne l'imagine. Que les plus riches payent davantage d'impôts : c'est normal et c'est juste. De ce point de vue l'ISF est un bon impôt. Mais que ce même impôt pénalise l'emploi, entraîne la délocalisation d'entreprises, empêche les capitaux dont l'économie a besoin de prospérer en France, cela nous ne pouvons l'admettre. Il ne faut pas avoir peur d'expliquer à l'opinion publique la réalité des enjeux. Cela s'appelle être courageux, et le courage cela paye toujours!
C'est dans cet esprit que je souhaite que dès l'automne, afin de lancer le mouvement, une expérimentation soit engagée dans nos universités pour leur donner l'autonomie dont elles ont besoin. Nos universités sont les seules en Europe à ne pouvoir accéder à des financements innovants. Elles sont les seules à ne pouvoir adapter librement leurs enseignements. Elles sont les seules à ne pas pouvoir prendre les initiatives auxquelles elles aspirent. Au résultat, nos universités régressent. Cette situation ne peut durer.
C'est dans cet esprit que je souhaite que nous proposions une refonte de la PAC. Je crois au pouvoir vert. Je crois en l'avenir de l'agriculture française. Mais je n'accepte pas l'évolution de ces dernières années qui conduit à la fonctionnarisation de nos paysans. Jamais ils n'ont voulu cette culture de l'assistanat. Les agriculteurs sont des producteurs. Ils doivent vivre du prix de leurs productions. Ces prix doivent être décents. C'est possible si l'Europe veut renouer avec la préférence communautaire.
C'est dans cet esprit que le moment venu nous réfléchirons à nos institutions et à notre pratique du pouvoir. Elle doit être plus simple, plus démocratique, plus efficace. Il y a beaucoup à faire pour moderniser notre République. Je vous l'ai dit, il n'y aura pas de sujets tabous. Je vous le prouverai.
L'unité enfin. On l'invoque toujours, et, en général quand on en parle c'est que c'est déjà trop tard et que la division a provoqué des ravages.
L'unité d'un parti politique ne se décrète pas. Je dirais même qu'elle ne s'impose pas. L'unité ce n'est que la conséquence d'un état d'esprit, d'une volonté de vivre ensemble, de la certitude qu'auront tous les membres de notre famille qu'ils seront considérés dans leur personne comme dans leurs convictions, avec loyauté.
L'UMP sera unie parce que ses grands choix stratégiques seront déterminés par des votes démocratiques auxquels seront associés tous les militants.
Je ne veux plus d'une période qu'a connu notre famille, où les arbitrages étaient rendus entre trop bons amis sans tenir compte de l'opinion de l'ensemble des adhérents. Je le dis calmement, sereinement, tranquillement mais fermement : cette époque appartient à un passé révolu. Il n'y a pas de conseillers occultes, il n'y a pas de cénacle privilégié, il n'y aura ni combines ni arrangements.
Je veux que nos grands choix stratégiques, comme nos choix de personnes soient tranchées par des votes libres, démocratiques, transparents.
Je souhaite que soient appelés à participer à ces votes, le plus souvent possible, la totalité de nos adhérents. Ainsi, chacun comprendra qu'être adhérent de l'UMP c'est être respecté, c'est avoir le droit de donner son opinion, c'est participer en y étant associé, à toutes nos grandes décisions. C'est comme cela que nous deviendrons un parti de masse.
Je l'ai montré à Paris en organisant des primaires qui ont apaisé les tensions récurrentes depuis des années. Je le montrerai pour les présidentielles de 2007. Il n'y a pas de candidat auto-désigné ou obligé. Il y aura une concurrence saine, loyale, de qualité. Et au final, c'est vous les adhérents de l'UMP qui aurez la responsabilité de choisir le meilleur, c'est-à-dire celui qui saura le mieux nous rassembler et nous faire gagner.
Je souhaite vous dire que nous n'avons rien à craindre de la concurrence. Elle seule permet d'étalonner les valeurs. Elle est incontournable pour celui qui veut prétendre à l'honneur de vous représenter dans la compétition ultime qu'est l'élection présidentielle. Une famille politique doit se réjouir de compter de nombreux talents en son sein. Songez à toutes celles qui n'en ont aucun.
J'ajoute que nos adhérents ont acquis des pouvoirs que personne ne pourra remettre en cause. Nous sommes en 2005, et on ne dirige pas en 2005 une formation politique comme on pouvait le faire il y a 30 ans. En tout cas, j'ai été élu par la volonté de nos militants. Je n'ai pas l'intention de trahir leur confiance en les privant d'un pouvoir qu'ils m'ont au contraire demandé de conforter.
Nous organiserons en janvier 2007 un congrès ouvert à tous où chacun pourra exprimer sa préférence quant au choix de notre candidat à l'élection présidentielle. Cela sera un événement de la vie politique nationale, et, cela donnera une légitimité et une force sans précédent à notre candidat.
Et c'est parce que notre mouvement sera authentiquement démocratique que la solidité de notre union ne sera remise en cause par personne. Notre unité sera d'autant plus solide qu'elle sera le résultat d'une attitude de respect, de loyauté, et de responsabilité.
En tant que Président de l'UMP, je suis le garant de son unité. Il va de soi qu'il me faut montrer l'exemple et m'astreindre au respect scrupuleux des règles que je viens de décrire.
Je voudrais terminer mes propos par quelques remarques plus personnelles.
Il y a bien des années, j'ai fait le choix de consacrer ma vie à la politique. Jamais je n'ai eu à regretter ce choix. La politique m'a beaucoup donné : des émotions collectives, des amis solides, des inimitiés certaines aussi, des rencontres multiples, des sujets de passion et surtout une expérience humaine inégalée. Jeunes de l'UMP qui aujourd'hui souhaitez vous engager pour assurer la relève, votre choix est le bon. A votre tour, vous ne serez pas déçus.
Aujourd'hui, sans doute comme jamais, je suis conscient de mes responsabilités, je mesure chaque jour le poids qu'elles font peser sur mes épaules. C'est sans doute pour cela que j'assume mes fonctions avec davantage de gravité qu'auparavant.
J'ai pu en outre mesurer la dureté de certaines attaques, et l'impudeur de certaines attitudes. Mais j'en fais le serment devant vous : rien - vraiment rien – personne - vraiment personne - ne m'empêchera d'aller jusqu'au bout de la mission que vous m'avez fixée, d'essayer de mériter la confiance que me témoignent chaque jour tant de Français, et de tenter d'être à la hauteur des rendez-vous de 2007.
Mes chers amis, je vous demande votre confiance, votre amitié, votre enthousiasme, votre engagement.
En retour, je vous donnerai le meilleur de moi-même.
Vive la France Vive la République.
LEMONDE.FR | 04.09.05 | 13h03
L e parasite ne recule devant aucune perfidie pour asservir son hôte à ses desseins : faire grimper une fourmi au sommet des herbes. Pourquoi ? Pour se faire brouter par un mouton et parvenir ainsi au foie de l'animal. Autre stratégie : pousser un crustacé à nager à la surface, où il sera dévoré par un canard, sa cible finale. Déformer les antennes d'un escargot pour qu'il serve d'appât à une mésange. Et même pousser au suicide une sauterelle, afin de poursuivre son cycle dans les ruisseaux.
Cette dernière tactique, employée par des vers, les nématomorphes, vient d'être analysée au niveau moléculaire par une équipe dirigée par Frédéric Thomas, du laboratoire Génétique et évolution des maladies infectieuses de Montpellier, associant des chercheurs du CNRS, de l'IRD et de l'INRA. Le parasite, lorsqu'il passe du stade larvaire au stade adulte, oblige l'orthoptère (grillon ou sauterelle) dans lequel il a élu domicile, à se jeter à l'eau. Il s'extirpe alors de son hôte, qui, s'il n'est pas dévoré par les grenouilles et les poissons, ou noyé, pourra reprendre son existence sautillante.
Ce comportement a déjà été décrit (un film le retrace : http ://www.canal.ird.fr). L'intérêt des nouveaux travaux, publiés dans les Proceedings of The Royal Society B , est d'avoir analysé la production de protéines dans le couple hôte-parasite avant, pendant et après le "suicide". "Nous avons étudié le dialogue et les conflits moléculaires lors de ces trois étapes" , explique Frédéric Thomas.
La méthode ? Se placer le soir au bord d'une piscine à ciel ouvert, en bordure de forêt, retirer les suicidés de l'eau chlorée pour les plonger... dans l'azote liquide. En figeant l'activité biologique, on obtient différents clichés du protéome – l'ensemble des protéines synthétisées à un instant et dans un organe donné. Ces instantanés montrent que le ver produit des molécules très proches des protéines synthétisées dans le système nerveux de l'insecte. Ces substances neuro-actives mimétiques sont notamment impliquées dans l'activité des neurotransmetteurs, le rythme circadien et le sens de l'orientation des orthoptères. Sans qu'on sache encore précisément lesquelles commandent le comportement de l'insecte.
"La confirmation ultime consistera à induire un comportement suicidaire chez des individus sains, par micro-injection de ces macromolécules" , précise Frédéric Thomas.
Le chercheur ne pense pas que l'infestation des criquets pèlerins par les nématomorphes puisse constituer un moyen de lutte biologique. En effet, rappelle-t-il, "les parasites stimulent l'appétit de leur hôte pour favoriser leur propre croissance" .
Mais les mécanismes de cette boulimie induite intéressent le chercheur, car ils sont à l'oeuvre chez des vecteurs – mouches tsé-tsé et moustiques – dont les parasites sont autrement redoutables que les nématomorphes.
Hervé Morin
Article paru dans l'édition du 04.09.05
U ne équipe de l'Institut Pasteur de Paris est parvenue à isoler chez la souris des cellules souches musculaires adultes ayant la capacité de réparation des tissus. Vingt mille de ces cellules greffées sur des souris atteintes d'une forme de myopathie ont permis d'obtenir chez cet animal une régénération des fibres musculaires.
Ce résultat a été publié, jeudi 1er septembre, sur le site de la revue américaine Science par un groupe de biologistes dirigés par Didier Montarras (Unité de génétique moléculaire du développement, Institut Pasteur-CNRS). Outre qu'il témoigne du développement considérable des travaux expérimentaux dans le domaine de la myologie (Le Monde du 1er juin), ce travail est une nouvelle étape dans l'identification, l'isolement et l'usage des cellules souches adultes, mais aussi dans leur utilisation pour la thérapie cellulaire des maladies musculaires.
A la différence de nombre de leurs confrères étrangers, qui, quand la législation le leur permet, travaillent sur des cellules souches embryonnaires, les biologistes de l'Institut Pasteur ont choisi de mener leurs travaux sur les cellules souches. Ces dernières sont en effet au centre d'une vive controverse depuis leur découverte par un groupe de chercheurs américains de l'Institut de cellules souches de l'université du Minnesota, dirigé par le docteur Catherine Verfaillie.
En effet, les résultats de ces chercheurs, établissant que ces cellules avaient des propriétés équivalentes aux cellules d'origine embryonnaires, n'avaient jamais pu être véritablement reproduits. En raison notamment du très petit nombre de ces cellules dans les organismes adultes et du manque de marqueurs spécifiques, deux éléments qui, jusqu'à présent, ont considérablement limité l'efficacité des tentatives.
"Sur la base des travaux de l'équipe du docteur Verfaillie, nous nous sommes intéressés au système musculaire en tant que réservoir de cellules souches adultes , explique M. Montarras. Nous avons travaillé sur des lignées de souris chez lesquelles nous pourrions "marquer" ces cellules, notamment avec une protéine fluorescente. Nous sommes ainsi parvenus à mettre au point une stratégie permettant d'isoler des cellules souches musculaires d'animaux adultes."
Identifiées, triées et isolées, ces cellules ont ensuite été greffées dans des muscles de souris créées pour servir de modèle expérimental et porteuses d'une maladie analogue à une forme fréquente de myopathie humaine. Les chercheurs français ont alors observé que les cellules souches induisaient une régénération des fibres lésées et redonnaient de nouvelles cellules productrices de cellules musculaires normales.
"L'analyse a montré que la greffe de vingt mille cellules ainsi purifiées entraînait une régénération musculaire équivalente ou supérieure à celle obtenue précédemment avec un million de cellules musculaires précurseurs provenant de cultures cellulaires, précisent les chercheurs. Ces cellules étant encore proches de leur état natif au moment de la greffe, cela leur confère une capacité supérieure de colonisation du muscle greffé."
Cette approche va être étendue à d'autres modèles expérimentaux : animaux, porcs, brebis et chiens. Les chercheurs vont aussi tenter d'isoler – à partir d'une simple biopsie – des cellules souches musculaires adultes chez l'homme pour, le cas échéant, les utiliser dans le cadre d'essais cliniques. Une approche parallèle pourrait également être envisagée pour prospecter et développer de nouvelles voies thérapeutiques contre les séquelles de l'infarctus du myocarde.
Jean-Yves Nau
Article paru dans l'édition du 04.09.05
P eu après l'arrivée de Spirit au fond du cratère martien de Gusev, le 4 janvier 2004, les premières prises de vue du robot avaient révélé des collines dans le lointain. Les experts de la NASA, qui pilotent l'explorateur mécanique à distance, les avaient baptisées Columbia Hills, donnant à chaque butte le nom d'un des sept membres de l'équipage de la navette spatiale désintégrée en février 2003. Malgré cette référence tragique, ils auraient éclaté de rire si on leur avait annoncé qu'un jour le petit engin, promis à une durée de vie de trois mois, photographierait son lieu d'atterrissage du haut de ces monticules.
Depuis le 21 août, du haut des 82 mètres du sommet de Husband Hill (Rick Husband était le commandant de Columbia), Spirit peut pourtant s'offrir le luxe de contempler les traces d'un parcours martien que personne n'aurait espéré aussi long : près de 5 kilomètres au total. Certes, sa grimpette lui a demandé plus d'une année d'efforts, là où quelques minutes auraient été nécessaires à un randonneur hors de forme. Mais l'escalade n'est pas chose aisée pour un robot à six roues, commandé à 250 millions de kilomètres de distance, et auquel on impose de surcroît de multiples haltes pour examiner des roches.
Au sommet depuis dix jours, Spirit a pu profiter de la vue dégagée pour s'adonner au loisir, moins éprouvant, de la photographie. Plusieurs journées de prises de vue lui ont permis de réaliser un panoramique à 360º, dont l'animation, rendue publique par la NASA, jeudi 1er septembre, devrait s'imposer comme l'un des chefs-d'oeuvre de l'expédition. Les rebords de l'immense cuvette du cratère Gusev y apparaissent notamment avec une netteté jamais atteinte.
Au premier plan, Spirit peut aussi distinguer le prochain objectif de sa mission à rallonge : une grande plaque rocheuse, baptisée "home plate", dont la forme tabulaire et la couleur, bien plus claire que les sables qui l'entourent, ne cesse d'intriguer les géologues de la mission. S'agit-il d'une couche géologique dégagée par l'érosion ? Lorsqu'il aura fini d'arpenter les sommets, l'engin apprendra les charmes de la descente, avec cette étrange formation en point de mire.
Du haut de son promontoire, Spirit a également pu filmer de nombreux tourbillons de poussières, ces "dust devils" qui expliquent en partie sa longévité. Ce sont en effet ces rafales tournoyantes qui ont assuré gratuitement l'entretien du robot depuis des mois en débarrassant les panneaux solaires des scories qui menaçaient de le priver de son énergie.
Après 592 sols de fonctionnement (les sols sont les journées martiennes, longues en moyenne de 24 heures et 40 minutes), Spirit apparaît donc en bon état, même si certains de ses instruments donnent quelques signes de fatigue. L'outil qui lui servait à forer les roches est ainsi tellement usé qu'il ne peut plus désormais être utilisé que pour nettoyer les surfaces à analyser.
Cette dégradation témoigne de l'acharnement avec lequel Spirit a fouillé les flancs de Husband Hill durant sa montée. Comme si le robot avait compensé par une suractivité géologique la frustration de ses premiers mois passés sur Mars. Car l'explorateur n'a pas connu d'emblée la même fortune que son jumeau, Opportunity, arrivé quelques jours après lui, de l'autre côté de la Planète rouge. Celui-ci avait eu la chance de se poser directement au fond d'un petit cratère d'impact réussissant "un trou en un coup de plus de 300 millions de kilomètres", selon la métaphore golfique qu'utilise Steve Squyres, le responsable scientifique de la mission, dans le livre qu'il vient de publier aux Etats-Unis. Pendant qu'Opportunity trouvait presque immédiatement des roches potentiellement dégradées par de l'eau liquide, les six roues de Spirit ne soulevaient tristement qu'une poussière de basalte, produite par l'activité volcanique de la planète.
Pour l'engin, les pentes des Columbia Hills sont donc apparues comme une chance de rattraper le temps perdu en plaine. Dès les premiers mètres, le robot y a trouvé, à son tour, de multiples traces d'une activité aquatique passée. Au fil de la montée, des couches différentes de minéraux attaqués par l'eau ont été mises en évidence par ses outils d'analyse. Et c'est Opportunity qui a fini par rencontrer la monotonie des dunes de sable, échappant de peu à l'enlisement, puis, récemment, aux dégâts d'une panne informatique. Tant et si bien qu'aujourd'hui, au sommet de son éminence, Spirit peut pavoiser : sa lente ascension de Husband Hill constitue les meilleurs témoignages directs de l'histoire géologique de Mars.
Jérôme Fenoglio
Article paru dans l'édition du 04.09.05
P lus mesurées, évitant de forcer le trait ou de "survendre" le journal, les manchettes du Monde nous valent beaucoup moins de protestations depuis quelque temps. Les lecteurs restent cependant très attentifs au titre principal de la première page, dont le moindre écart est aussitôt dénoncé par une pluie de courriels.
"La France s'associe au deuil martiniquais" titrait Le Monde du 25 août à propos de la catastrophe aérienne survenue quelques jours plus tôt. Philippe Pivert, maire adjoint de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), se sent blessé : lui-même "martiniquais et non moins français" , il rappelle que la Martinique est un département, au même titre que la Nièvre ou le Pas-de-Calais. "La France est en deuil : elle ne peut s'associer à son propre deuil."
Protestation similaire de Bruno Baixe, de Saint-Cyr-sur-Mer (Var) : "Si tous les passagers décédés étaient originaires de Bourgogne, auriez-vous écrit que la France s'associe au deuil bourguignon ?" Et Vincent de Briant (université Paris-XII - Val-de-Marne) : "A ma connaissance, la France ne s'est pas "associée" à la victoire des athlètes antillais aux derniers championnats du monde. Elle a fêté sa vic toire et ses médailles. Aujourd'hui, elle pleure ses morts, sans distinction de race, d'origine ou de religion."
Patrick Jarreau, directeur adjoint de la rédaction, défend la manchette du 25 août. Le Monde , explique-t-il, a voulu souligner que tous les habitants de l'île se sentaient concernés par cette catastrophe, qui était bien un drame martiniquais ; et que la France, comme entité nationale, représentée par le président de la République, s'associait à ce deuil.
Je pense en effet que Le Monde n'entendait nullement distinguer la Martinique de la France. Et encore moins – contrairement à ce qu'ont cru certains lecteurs – défendre à cette occasion la cause des indépendantistes. L'éditorial publié le même jour était d'ailleurs sans ambiguïté. On y défendait "les liens entre la métropole et ses lointains territoires des Caraïbes", en souhaitant "une attention plus forte portée aux problèmes de nos compatriotes antillais".
Mais ce qui compte dans un titre, ce n'est pas l'intention de ses auteurs : c'est la manière dont les lecteurs le perçoivent. Il doit être compris sur-le-champ, sans prêter à confusion.
Aucun autre sujet n'a donné lieu ces dernières semaines à une flambée de courrier. J'ai relevé, en revanche, divers compliments pour des séries d'été, mais aussi une foule de remarques de détail. Comme si l'on avait plus de temps sous les parasols pour éplucher le journal.
Les vacances rendraient-elles les lecteurs particulièrement attentifs à la géographie ? Nombre d'erreurs, petites ou grandes, les ont précipités sur leur clavier d'ordinateur. Le tunnel du Saint-Gothard ne se trouve pas entre l'Allemagne et l'Italie (Le Monde du 26 août), mais en Suisse, indique Barbara Bouyer. La photo publiée dans "Le Monde des livres" du même jour représentait le phare de Nividic, et non celui du Creac'h, signale Pierre-Yves Pétillon. Quant à la Fête de la rose de Frangy-en-Bresse, "elle ne peut être un rassemblement franc-comtois (Le Monde du 23 août), car cette localité est en Saône-et-Loire et ce département n'est pas en Franche-Comté", remarque Jean-Louis Martin...
Même une critique de film peut donner lieu à des contestations inattendues. Dans son article sur Peindre ou faire l'amour (Le Monde du 24 août), Jacques Mandelbaum notait innocemment : "On y voit, échappée de la ville, une femme de la petite bourgeoisie de province (Madeleine-Sabine Azéma) marcher sur un sentier de montagne un chevalet sous le bras, s'arrêter devant le panorama grandiose des vallonnements du Vercors et s'apprêter à peindre ce paysage."
Que n'avait-il écrit là ! Un lecteur de La Blache (Isère), Lucien Buisson, proteste : "Madeleine ne marche pas sur un sentier de montagne, mais entre des rangées de noyers, avant de s'arrêter dans une prairie. En fait de montagne, il s'agit des terrasses et collines de la rive droite de l'Isère, à mi-chemin entre Grenoble et Valence à environ 300 mètres d'altitude. Le massif du Vercors est situé sur la rive gauche."
L'erreur du Monde était tout de même mineure puisque, "de l'endroit où elle s'installe pour peindre, Madeleine a effectivement, par-dessus les noyers, une vue panoramique du Vercors, de la cluse de Voreppe aux montagnes du Royans" , ajoute M. Buisson, avant de nous donner quelques précisions sur les noix locales...
Immanquablement, chaque été, je suis saisi par des lecteurs qui jugent le journal trop maigre pour le même prix. Trop maigre ? Ce n'est nullement l'avis de Philippe Grenier de Monner (Paris), qui m'a adressé il y a quelques jours une lettre... prospective. "La fin du mois d'août approche, écrivait-il, c'est le moment d'exprimer ses craintes. La crainte de voir le journal reprendre du poids, alors qu'il a atteint en août sa taille idéale : léger, digeste, pouvant être lu presque entièrement..."
EN réalité, même s'il compte moins de pages en été, Le Monde ne vole pas ses lecteurs : la forte baisse de la publicité laisse plus de place aux articles. L'un dans l'autre, la quantité de textes quotidienne doit être à peu près la même.
Eté comme hiver, l'impression de légèreté tient autant à l'aspect du journal qu'à la nature et à la qualité de ses articles. La taille de ceux-ci ne signifie rien en elle-même : on peut être bref et substantiel, long et creux, court et ennuyeux... Légèreté n'est pas forcément frivolité.
A propos de légèreté, un bon exemple est donné par la check-list envoyée chaque matin aux abonnés du site Internet du Monde . Indépendamment de son nom (la langue française manque sans doute de mots...), c'est un excellent résumé de l'actualité. On y trouve aussi un mini-billet quotidien, qui réussit à défendre une idée en moins de deux phrases ; des articles de la presse étrangère obtenus d'un simple clic ; un carnet du voyageur ; des suggestions astucieuses...
Mais était-il nécessaire, jeudi 1er septembre, dans la rubrique "Bric-à-brac", de nous orienter sur un nouveau site qui permet de "brader son conjoint" par un système de vente aux enchères ? Les photos y sont légèrement floutées pour qu'on ne puisse pas reconnaître la marchandise, dont chaque "vendeuse" nous vante les attraits. Le témoignage de "Susan, de Los Angeles" , confirme l'utilité de ces transactions : "Bravo ! J'ai déjà changé deux fois d'homme grâce à vous. Je suis enchantée à chaque fois. Je prends beaucoup de plaisir et gagne aussi beaucoup d'argent lors de la revente."
La frontière entre le papier et l'écran est de plus en plus ténue. Les lecteurs-internautes ne font guère la distinction entre le journal imprimé et le journal en ligne. Je reçois d'ailleurs un nombre croissant de courriels à propos du Monde.fr. Le succès de ce site tient à son inventivité, mais aussi au titre sur lequel il s'appuie. A chaque moment, sur l'écran, c'est l'image du Monde qui est en jeu.
par ROBERT SOLÉ
Article paru dans l'édition du 04.09.05
L' ancien grand maître du Grand Orient de France (2000-2003), le criminologue Alain Bauer, a annoncé sa démission à l'occasion de l'assemblée générale de la principale obédience maçonnique – le "convent" –, qui se tient à huis clos et s'est ouverte, jeudi 1er septembre, à Paris. Dans une lettre rendue publique, vendredi 2 septembre, il en appelle à la "révolte des loges" contre des obédiences qui s'épuisent dans "des querelles de personnes, des clans et des structures dépassées qui les emprisonnent".
Samedi 3 septembre doit être désigné le successeur de Gérard Papalardo, actuel grand maître par intérim depuis la démission, le 1er avril, de Bernard Brandmeyer, élu lors du dernier convent. M. Papalardo souhaitait se présenter aux suffrages du conseil de l'ordre (le conseil d'administration composé de 35 membres élus par le convent). Mais d'autres candidats se sont présentés : Daniel Morfouace, Jean-Michel Quillardet et l'actuel "grand secrétaire", Hugues Leforestier. Certains envisageaient, pour dénouer la crise, de faire élire le grand maître au "suffrage universel" par les 1 200 délégués du convent.
Article paru dans l'édition du 04.09.05
I l aura fallu quatre jours après le passage du cyclone Katrina pour que George W. Bush prenne conscience de l'ampleur de la catastrophe qui frappe le sud des Etats-Unis. Visitant enfin la région, vendredi 2 septembre, le président a eu une phrase qui en dit long sur son impuissance : "C'est pire que ce qu'on pouvait imaginer."
Les Américains et avec eux le monde entier découvrent sur leurs écrans de télévision des villes dévastées, des réfugiés hagards et souvent livrés à eux-mêmes, des bandes pillant les magasins, des gangs armés se disputant les dépouilles, des cadavres jonchant encore les rues, des plates-formes pétrolières encastrées sous des ponts...
Le nombre des victimes est impossible à évaluer mais se chiffrera sans doute par milliers. Un sénateur de la région parle même de 10 000 morts.
Les images venues de Louisiane rappellent le tsunami qui a frappé l'Asie du Sud-Est en décembre 2004. On avait peine à imaginer que le même spectacle de destruction et de désolation, la même tragédie humaine, pouvait advenir dans un pays développé, a fortiori dans le plus puissant du monde.
Or justement, à cette occasion, l'Amérique découvre ou redécouvre qu'elle abrite le tiers-monde en son sein. Comme toujours, cette catastrophe naturelle a aussi des causes humaines et politiques.
Dans ce Sud américain où les divisions et les tensions raciales restent encore très vives, les Noirs et les plus pauvres – bien souvent les mêmes personnes – sont les premières victimes de l'ouragan et des inondations qui ont suivi. Ce sont eux qui vivaient dans les zones les plus exposées et qui n'ont pas pu fuir à temps, faute de moyens.
Ce sont eux qui, aujourd'hui, sont confrontés à la détresse la plus profonde, qui ont le plus besoin de secours immédiats et qui, les premiers, subiront les conséquences de ce que le New York Times appelle justement "l'effondrement total de toute société organisée".
Car c'est une autre leçon de cette tragédie américaine : "l'hyperpuissance", comme disait un ancien ministre français des affaires étrangères, malgré son potentiel économique et militaire qu'elle est parfois prompte à déployer à l'extérieur, est incapable de faire face à une catastrophe intérieure de cette dimension.
Les structures de l'Etat sont inadaptées, les services de secours insuffisants, le maintien de l'ordre mal organisé... Des études officielles avaient, en vain, attiré l'attention sur la fragilité des digues qui protégeaient La Nouvelle-Orléans.
Alors que George W. Bush battait déjà depuis quelques semaines des records d'impopularité pour un président en début de second mandat, le débat commence à monter aux Etats-Unis : est-il bien raisonnable de dépenser des centaines de millions de dollars pour guerroyer en Irak quand l'Amérique est incapable de protéger ses propres citoyens ?
De la réponse à cette question dépendra la politique américaine dans les prochains mois. Katrina pourrait marquer dans l'histoire une rupture comparable au 11 septembre 2001.
Article paru dans l'édition du 04.09.05
L e réchauffement climatique favorise-t-il l'émergence des cyclones tropicaux qui, de juin à novembre, frappent chaque année les côtes du golfe du Mexique ? De tels événements seront-ils à l'avenir plus fréquents ? Promettent-ils d'être plus intenses ? Le cyclone Katrina – qui a provoqué dans le sud des Etats-Unis des dégâts matériels et des pertes humaines considérables – a relancé le débat dans la communauté scientifique. L'activité cyclonique de la saison en cours, très virulente, ne devrait pas contribuer, dans les prochaines semaines, à tempérer l'ardeur de ces discussions parfois houleuses.
Les prévisionnistes de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) estiment qu'il y aura cette année de 9 à 11 cyclones – la moyenne annuelle se situant à 6 – dans l'Atlantique nord. Katrina est le quatrième. La NOAA en attend donc encore 5 à 7 avant la fin novembre.
"Il est toujours très difficile de faire le lien entre un élément – même très important – et le changement climatique" , rappelle Frédéric Nathan, prévisionniste à Météo France. D'autant que Katrina, malgré les dévastations qu'il a provoquées, n'a en définitive rien d'exceptionnel. En termes d'énergie libérée, il demeure inférieur à Camille, l'ouragan le plus violent du siècle, qui s'est abattu sur la région en 1969. Pour remonter plus loin encore, avant même la révolution industrielle, M. Nathan rapporte qu'"en 1780, un ouragan avait fait plus de 20 000 morts en Martinique" .
Pour autant, si Katrina ne diffère pas des autres ouragans de niveau 5 (le plus élevé de l'échelle de Saffir-Simpson), les climatologues remarquent que, depuis 1995, l'activité cyclonique est particulièrement forte dans cette zone de l'Atlantique. A l'exception toutefois des années 1997 et 2002, marquées par un fort phénomène El Niño.
Mais, là encore, d'autres paramètres que le seul réchauffement peuvent être invoqués pour expliquer cette suractivité. Ainsi, comme le souligne Serge Planton, responsable du groupe de recherche climatique de Météo France, "des années 1940 à la fin des années 1960, l'activité cyclonique a également été très forte dans la zone de l'Atlantique nord" . Au contraire, entre 1970 et 1995, "on a assisté à une période de relative accalmie" , précise M. Nathan.
Il est donc possible que la suractivité actuelle soit liée à des cycles sans relation avec l'augmentation de la température moyenne terrestre. "Historiquement, l'idée que le réchauffement soit de nature à favoriser l'activité cyclonique a pourtant semblé naturelle , explique le climatologue Jean Jouzel, directeur de l'Institut Pierre-Simon-Laplace (IPSL). En effet, les cyclones ne peuvent se former que lorsque la température de surface de l'océan excède un seuil d'environ 27 ºC. Le réchauffement du climat entraînant celui des océans, le lien était vite fait !" Pourtant, rappelle M. Jouzel, "les climatologues se sont vite aperçus que d'autres paramètres entraient en ligne de compte – comme la distribution verticale des courants atmosphériques ou l'humidité de l'air – et qu'il était du coup impossible de lier directement augmentation de température et activité cyclonique".
Dans un article à paraître en décembre 2005 dans la revue de l'American Meteorogical Society , plusieurs scientifiques américains – dont Max Mayfield, directeur du Tropical Prediction Center – reviennent sur les études qui ont récemment fait florès pour tenter d'expliquer l'exceptionnelle intensité dans l'Atlantique de l'année 2004.
Aucun élément, concluent les auteurs, ne démontre le moindre lien entre réchauffement et cyclogénèse. De surcroît, si la saison 2004 a été chargée en Atlantique nord, elle semble avoir été en deçà de la norme dans le Pacifique... Quant à l'avenir, une modélisation de l'université Stanford cité par M. Mayfield et ses collègues prévoit qu'à l'horizon 2080, en tenant compte de l'effet de serre, les vents générés par les ouragans n'auront augmenté que de 5 %.
Pas de quoi s'affoler, penseront certains. Voire. D'autres scientifiques, comme Kevin Trenberth, climatologue au National Center for Atmospheric Research (Colorado) restent persuadés que certains signes indiquent que des changements profonds (zones d'émergence élargies, nouvelles trajectoires, violence inhabituelle, etc.) sont à mettre au compte du réchauffement. Ainsi, Catarina, un autre cyclone de l'Atlantique, a franchi l'équateur et est descendu, en mars 2004, jusqu'aux côtes brésiliennes. Là où, jamais auparavant, on n'avait vu de tels phénomènes.
Mais il faut, là encore, rester prudent. "Le phénomène est certes stupéfiant, mais la surveillance satellite n'est mise en place que depuis les années 1960 , tempère M. Planton. Et un tel phénomène s'est peut-être déjà produit dans l'hémisphère Sud, sans atteindre les côtes, passant ainsi inaperçu."
Pour l'heure, la question demeure entière d'un hypothétique lien entre suractivité cyclonique et réchauffement. Elle sera largement évoquée dans le prochain rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (GIEC). "Mais, prophétise M. Jouzel, si le réchauffement favorise effectivement la cyclogenèse, nous le saurons bientôt. La nature nous le dira."
Stéphane Foucart
Article paru dans l'édition du 04.09.05
I l était allé à Ground zero. Il s'est risqué à Bagdad. Mais il a préféré ne pas s'aventurer dans la Nouvelle-Orléans à pied. Cinq jours après le passage du cyclone Katrina, qui pourrait avoir fait plus de 10 000 morts selon le sénateur républicain de Louisiane David Vitter, le président américain, George Bush, a effectué sa première visite, vendredi 2 septembre, dans les zones sinistrées sans rencontrer les survivants, alors que la situation est qualifiée par plusieurs commentateur de "honte nationale" . M. Bush a observé la digue de la 17e rue, la seule que les ingénieurs de l'armée ont commencé à réparer, et au prix d'un effort colossal : les sacs de sable doivent être acheminés par hélicoptère. Il a félicité les garde-côtes qui continuent leur travail de fourmi et vont récupérer un à un les survivants juchés sur les toits (5 500 sauvetages en quatre jours). Et il a dit quelques mots sur le tarmac de l'aéroport Louis-Amstrong. Mais il ne s'est pas risqué au Centre des Conférences, devant lequel s'étalent toujours des corps que personne n'a ramassés, dont celui d'une vieille femme dans une chaise roulante. M. Bush n'est même pas passé par le hall de l'aéroport, à quelques dizaines de mètres, transformé en centre de triage pour les personnes âgées et les blessés. Plusieurs décès ont été enregistrés dans la nuit, selon des journalistes.
Un ministre allemand attaque M. Bush sur Kyoto Le ministre allemand de l'environnement (Verts), Jürgen Trittin, a plus ou moins directement imputé aux autorités américaines la responsabilité de la catastrophe naturelle en Louisiane. Dans diverses déclarations à la presse, il a reproché, vendredi 2 septembre, au président américain d'avoir mené une politique irresponsable, dénonçant "l'intenable logique de -George- Bush, selon laquelle la protection du climat nuit à l'économie" et son refus de respecter le protocole de Kyoto sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre. M. Bush, a-t-il estimé, "ferme les yeux face aux dégâts économiques et humains que son pays et l'économie mondiale ont infligés par l'intermédiaire d'une catastrophe naturelle comme Katrina" . L'opposition conservatrice allemande a dénoncé le "cynisme" de ces propos, tenus en période électorale. L'experte en environnement de la CDU/CSU a accusé M. Trittin de vouloir gagner des voix "sur le dos des gens qui souffrent" en Louisiane. Les Allemands éliront leurs députés le 18 septembre. – (Corresp.) |
Le président, pour tout dire, a si peu fait événement que les journaux du soir n'ont consacré que quelques minutes à sa visite, pour se concentrer sur la nouvelle de la journée : les incendies, que les pompiers ne peuvent pas éteindre parce qu'ils n'ont pas d'eau, même s'ils ont des fusils. Et l'arrivée des premiers convois. "L'aide enfin !" La seule déclaration présidentielle jugée digne d'intérêt a été celle qu'il a prononcée avant de s'embarquer. Pour la première fois, M. Bush a admis une insuffisance. La réponse du gouvernement n'a pas été adéquate, a-t-il dit. "Les résultats ne sont pas acceptables" . Plus tard, il a nuancé : "Je suis satisfait de la réponse. Mais pas de tous les résultats" .
Arrivés avant même le cyclone, les médias ont été scandalisés par ce à quoi ils ont assisté depuis lundi et le retard de l'administration. Si les événements du 11 septembre 2001 avaient donné lieu à un rassemblement patriotique, ce ne sera pas le cas cette fois, suppose Howard Fineman, de Newsweek . Le président ne sera plus épargné. "Il est le chef du gouvernement ; non plus celui des armées" . Pour Tom Oliphant, du Boston Globe , M. Bush est devenu "l'emblème de la faillite du gouvernement" . Et ce n'est pas fini : "il faudra encore absorber le bilan des morts" . David Brooks, pourtant partisan du président, porte un diagnostic sévère. "En terme de confiance du public dans les institutions, c'est l'anti-11 septembre , a-t-il estimé sur la chaîne publique PBS. Une violation de ce qui fait le tissu social : à savoir la défense des pauvres et des faibles en priorité. Et c'est une humiliation nationale." Echec des services de renseignement, scandales économiques, erreurs de la presse, torture en Irak : "nos institutions nous trahissent complètement" , a-t-il dit.
Comme pour le 11 septembre, et l'épisode de l'école de Floride où M. Bush racontait une histoire enfantine bien qu'il ait été prévenu de l'attaque contre le Wordl Trade Center, une image est retenue contre le président. Elle le montre une guitare à la main, comme s'il allait jouer, alors que les digues de la Nouvelle-Orléans ont déjà cédé le matin du 30 août. La guitare lui est offerte par un chanteur de country, après le discours prononcé à San Diego à l'occasion d'une commémoration de la fin de la guerre en 1945. Time Magazine invite, de son côté, à la prudence. Les erreurs des débuts en 2001 n'ont pas empêché M. Bush de se rattraper. "La carrière de Bush est jonchée de gens qui le sous-estiment" , estime le magazine.
C. Ls
Article paru dans l'édition du 04.09.05
R ediffusées par les télévisions locales, les images de chaos, de mort et de destruction à La Nouvelle-Orléans ont ravivé de douloureux souvenirs dans l'archipel caraïbe, en première ligne sur la route des cyclones venus de l'Atlantique. Mais les scènes de pillages et de guérilla urbaine, les cadavres abandonnés et les cohortes de sinistrés désemparés ont aussi ébranlé le mythe de la supériorité du modèle nord-américain.
"Ça me rappelle les Gonaïves, où des gangs armés attaquaient les secours", dit Manuel Pié, le concierge haïtien d'un immeuble du centre de Saint-Domingue. Déclenché par l'ouragan Jeanne, un déluge de boue avait submergé cette ville haïtienne en septembre 2004, faisant près de 3 000 morts. Grâce aux postes de radio à piles, les survivants avaient pu être informés rapidement des points de distribution d'aide, tandis qu'aujourd'hui les systèmes de communication sophistiqués américains ont été balayés par Katrina.
"L'organisation des secours en Louisiane est pire qu'à Jimani", tranche Altagracia Salazar, une journaliste dominicaine. Cette petite ville à la frontière dominicano-haïtienne avait été endeuillée par des pluies diluviennes en mai 2004. Les autorités avaient été sévèrement critiquées pour la lenteur de leur réaction face à la catastrophe qui avait fait près d'un millier de morts.
"Les dévastations de l'ouragan Katrina aux Etats-Unis ont révélé les faiblesses de l'infrastructure physique et plus encore celles du tissu social", commente le Jamaica Gleaner. Selon le quotidien jamaïcain, "les scènes de criminalité rampante et de pillages expriment un profond malaise social sous-jacent". "Les plus riches, c'est-à-dire les plus blancs, ont pu fuir. Katrina a mis en évidence les profondes inégalités dans le pays le plus riche du monde", renchérit le sociologue dominicain Wilfredo Lozano.
A Cuba, un pays réputé pour l'efficacité de ses plans d'évacuation des populations menacées, l'Assemblée nationale a exprimé sa "profonde solidarité avec le peuple des Etats-Unis et les victimes de cette catastrophe", notant qu'il s'agissait pour la plupart "d'Afro-Américains, de travailleurs latinos et de Nord-Américains pauvres".
Par ailleurs, la flambée des cours des carburants provoquée par Katrina va porter un nouveau coup aux fragiles économies de la région. En République dominicaine, où les coupures d'électricité sont quotidiennes et anarchiques, le gouvernement vient d'annoncer un plan de circulation alternée.
"Cette catastrophe renforce la position de Chavez -le président vénézuélien- qui a signé des accords pétroliers plus ou moins favorables selon le degré d'affinité politique entre son gouvernement et l'île bénéficiaire", souligne l'économiste Bernardo Vega, ancien ambassadeur dominicain à Washington. "Katrina va aussi provoquer une pénurie de blé et d'aliments pour volailles dans le bassin caraïbe", anticipe-t-il. "Ces produits nous arrivent pour l'essentiel par le Mississippi et le port de La Nouvelle-Orléans."
Jean-Michel Caroit
Article paru dans l'édition du 04.09.05
L a légende du rock, Fats Domino, et sa famille ont été retrouvés sains et saufs, vendredi 2 septembre, à Baton Rouge (Louisiane). Le musicien, âgé de 77 ans, avait été évacué, lundi, de sa maison située dans le 9th Ward, l'un des quartiers les plus inondés de la Nouvelle-Orléans. Irma Thomas, la reine de la soul, a également été repérée, saine et sauve.
Le rappeur Kanye West critique M. Bush Au cours du premier téléthon de soutien en faveur des victimes de l'ouragan Katrina, A Concert for Hurricane Relief, le rappeur Kanye West a critiqué le président George Bush en direct, en plein prime time. "George Bush ne se préoccupe pas des Noirs" , a-t-il lancé, ajoutant que l'Amérique se débrouille "pour aider les pauvres, les Noirs, les plus démunis, le plus lentement possible" . Et le musicien noir, connu pour son franc-parler, a poursuivi : "Je déteste la façon dont les médias parlent de nous. S'il s'agit d'une famille noire, ils disent que c'est du pillage. Si c'est une famille blanche, ils cherchent à se nourrir." Le network NBC, qui diffusait ce concert de charité pour le compte de la Croix-Rouge, a précisé que le rappeur s'était écarté du script prévu et que ses opinions ne représentaient pas celles de la chaîne. |
Mais dans sa fuite, Fats Domino n'a probablement rien pu sauver de ses instruments de musique, de ses disques, de ses souvenirs, de ses archives. Tout comme une autre vedette musicale de la ville, Allen Toussaint, parolier, compositeur, arrangeur, producteur, qui a perdu dans l'inondation tous ses outils de création. Le trompettiste Maurice Brown indique avoir eu juste le temps d'aller chercher "ma trompette, mon flugelhorn, mon ordinateur et des vêtements pour quatre ou cinq jours."
Les clubs de musique et les studios d'enregistrement historiques des quartiers est de la ville, sont sous les eaux. Snug Harbor, le plus fameux des clubs de jazz, sur Frenchmen Street, a les pieds au sec mais a subi des dégâts. D'autres clubs du "Vieux Carré" ou " French Quarter ", auraient été pillés. Partout, les risques d'incendie demeurent. On craint aussi que les archives musicales de la ville, déposées à l'université de Loyola, ne soient endommagées. En tournée, de passage à Detroit, le chanteur Dr John a récupéré les batteurs de son groupe. En revanche, il est toujours sans nouvelles de sa section cuivres, et tous ses musiciens sont désormais sans-abri. Il réitère cependant sa foi en la musique "qui permettra à la Nouvelle-Orléans de se reconstruire".
Car la richesse culturelle de la Nouvelle-Orléans est faite de tous ses musiciens, des Noirs pour la plupart, interprètes et instrumentistes, qui se produisaient dans les orchestres et les formations, paroliers, compositeurs, ingénieurs du son, producteurs de musique... Où sont-ils ? Qu'ont-ils pu sauver ? Il faudra attendre le retrait des eaux pour établir un bilan des pertes en vies humaines comme en talents artistiques. La Nouvelle-Orléans est devenue un mythe pour avoir donné à l'Amérique noire sa musique classique et au monde l'un des plus profonds bouleversements artistiques du XXe siècle : le jazz. Surnommée "Crescent City", elle est aussi le symbole du brassage des populations américaines, européennes et africaines. Fondée par les Français en 1718, dans une région peuplée d'Indiens, passée aux mains des Espagnols, revenue à la France, vendue aux Etats-Unis, haut lieu de la traite négrière, la Nouvelle-Orléans accueille aussi bien les acteurs de la révolution antiesclavagiste menée par Toussaint Louverture en Haïti que les maîtres français et leurs esclaves chassés par l'indépendance de l'île en 1804. Depuis sa fondation, la ville brasse et recycle des éléments culturels venus de trois continents.
Aussi Quint Davis, patron du New Orleans Jazz & Heritage Festival, le "Jazz Fest", devenu depuis sa création, en 1970, l'un des plus grands festivals de musique de la planète, cherche-t-il depuis plusieurs années le secret de la rythmique de la Nouvelle-Orléans. Est-elle née au Bénin, où sont nés nombre d'esclaves africains, comme le grand-père de Toussaint Louverture ? Vient-elle des contacts entre nègres "marrons" (fugitifs) et tribus indiennes ? Lors du Carnaval, fête païenne pour les Occidentaux et mystique chez les descendants d'Africains, les "Marrons" descendaient en ville exhiber leurs plumes, leurs peintures corporelles apprises chez les "indigènes" réfugiés dans le delta du Mississippi. Une chose est certaine : c'est de ce mélange qu'est né une nouvelle forme musicale.
Le pianiste Jelly Roll Morton (1885-1941), métis fier de ses origines françaises, qui assura le passage du ragtime vers le jazz encore dans les limbes, se souvient de sa ville dans les toutes premières années du XXe siècle : "De chaque maison, la musique se déversait dans la rue. Les femmes se tenaient sur le pas de la porte et chantaient ou psalmodiaient des blues de toutes sortes, certains très tristes, d'autres très gais". Plus tard, la Nouvelle-Orléans a donné Louis Armstrong et Mahalia Jackson. Aujourd'hui la famille Marsalis, Willie DeVille, les Neville Brothers ou Daniel Lanois ont pris le relais. Ce sont eux qui se sont mobilisés les premiers pour faire face au cauchemar du cyclone.
Vendredi soir 2 septembre, sur le network NBC, les natifs de la ville, Aaron Neville, Wynton Marsalis, Tim McGraw, Harry Connick Jr. ont participé au "Concert for Hurricane Relief", aux côtés de vedettes de Hollywood comme Hilary Swank, Richard Gere, Glenn Close. Aaron Neville a particulièrement ému avec son interprétation de la chanson de Randy Newman, Louisiana 1927 , aux paroles prémonitoires : "Louisiana, they're tryin' to wash us away" (Louisiane, ils veulent nous noyer ).
Véronique Mortaigne et Claudine Mulard (à Los Angeles)
Article paru dans l'édition du 04.09.05
L a Nouvelle-Orléans, ainsi nommée en l'honneur du régent de France, fut fondée en 1718 par Jean-Baptiste Le Moyne. L'emplacement choisi, une zone marécageuse sur la rive gauche du Mississippi, au sud du lac Pontchartrain, était propice au mouillage des bateaux, mais aussi aux inondations. Dès 1722 deux ingénieurs du Roi, Adrien Pauger et Jean Leblond commencent l'édification d'un fort et des travaux d'assèchement et de protection de la petite colonie : construction de levées, de digues et d'un canal de drainage.
En 1763, quand la Louisiane est cédée à l'Espagne, la population avoisine les 3 200 âmes. Un peu plus d'un siècle plus tard, la ville rivalise avec New York comme port le plus grand des Etats-Unis. C'est en tout cas le plus important centre touristique et de plaisirs du pays, surnommé Fun City , puis Big Easy (la Grande Facile).
Tout se focalise déjà autour du Carré français, la ville originelle, de Canal Street, et de la Digue Sud, terminus de 150 rues où se retrouve une foule bigarrée, une file de marchands, de marins, de trafiquants, de policiers, de voyageurs aux yeux creusés par leurs nuits agitées. Créoles, Cajuns (Acadiens déportés du Québec), anciens esclaves et hispanophones, parachèvent un univers culturel à l'architecture fascinante, rythmé par la musique, les rites vaudous... et des inondations de plus en plus dévastatrices au fur et à mesure que grandit la ville.
Un siècle passe encore : la musique est devenue jazz, l'architecture a servi de cadre à quelques chefs d'oeuvre comme Un tramway nommé désir , de Tennessee Williams. La métropole de Louisiane, qui se trouve désormais protégée en théorie du lac Pontchartrain et du Mississippi par 460 km de digues mal entretenues, se trouve prise entre deux tentations, l'une consistant à développer le tourisme en profitant des ressources patrimoniales, l'autre consistant à protéger un patrimoine dont la dignité perdue retrouvait sa valeur sous le regard des touristes.
Un tourisme facile : toujours très concentré autour du Carré français, il s'est développé au point de rendre la ville insupportable à ceux qui exècrent Disneyland. Retapé une première fois dans les années 1920-1930, le Carré fut ainsi en partie étendu après la guerre, en partie maquillé. Puis des hôtels "louisianais" de plusieurs étages sont venus côtoyer les maisons traditionnelles à deux niveaux, reconnaissables à leurs colonnades et à leurs balcons de fonte d'inspiration hispanique.
En même temps un véritable souci patrimonial s'est manifesté à partir de 1974 avec la création du Preservation Resource Center (PRC). Ce centre de préservation des ressources patrimoniales a permis de révéler la véritable étendue de la ville ancienne, où se serrait, derrière les digues, une multitude de maisons de styles et d'origines très diverses : cottages créoles, longues maisons d'esclave, ou maisons de bois plus proches des maisons traditionnelles américaines avec leurs façades en "shingles" (bardeaux de bois sciés en biseau, vite montés, vite cloués). D'une très grande variété, généreuses de couleur et de décoration, fort éloignées en tout cas de toute forme d'austérité protestante, ces maisons étaient en partie abandonnées.
Grâce au PRC, plusieurs quartiers ont été restaurés et les populations aisées des banlieues conviées à les réinvestir à partir de 1988 (opération "Comeback"), malgré la menace permanente des cyclones ou des inondations. Il est vrai que, dans l'ordre des catastrophes urbaines annoncées, La Nouvelle-Orléans n'était pas placée en tête. Les dégâts restent à estimer. Beaucoup s'accordent pour considérer la ville perdue, à l'exception des beaux fragments du Carré qui semblent avoir été épargnés.
Frédéric Edelmann
Article paru dans l'édition du 04.09.05
"L e passage de l'ouragan Katrina dans la zone pétrolière du golfe du Mexique a frappé les différents maillons de la chaîne des hydrocarbures – production-exploration, raffinage, transport et distribution – qui sont étroitement connectés" : pour Axel Bush, analyste auprès de la revue spécialisée londonienne Energy Intelligence , le retour de l'industrie des hydrocarbures à la normale sera une opération de longue haleine. A en croire le ministère américain de l'intérieur, 88 % de la production normale de la région était toujours arrêtée vendredi 2 septembre.
Le moyen le plus courant pour extraire le pétrole dans le golfe du Mexique est la plate-forme, monstre de métal d'une grande complexité construite pour résister aux conditions climatiques les plus extrêmes. Les 328 mécanos récoltent dans les entrailles du golfe une matière qui est un mélange d'eau, de pétrole et de gaz. Le pétrole et une partie du gaz sont renvoyés vers le terminal du Loop, principal port pétrolier au large des côtes de Louisiane, par un réseau d'oléoducs tapis au fond de la mer. Selon les experts, les parties les plus vulnérables d'une plate-forme sont le derrick qui soutient la tige immense plongeant dans les profondeurs de la mer, l'usine de traitement séparant les différentes substances et les oléoducs. Selon une première estimation, une vingtaine de plate-formes pétrolières auraient coulé ou auraient été gravement endommagées. S'il est trop tôt pour estimer l'ampleur des dégâts causés aux autres structures situées dans l'oeil du cyclone, le numéro un mondial de l'assurance – réassurance, le Lloyd's, a déjà prévenu les compagnies pétrolières opérant sur place que les primes augmenteront de manière substantielle.
La reprise de l'extraction off shore dans le golfe se heurte d'abord à la pénurie actuelle d'infrastructures pétrolières de secours, conséquence de la flambée des cours de l'or noir. Les prix des pièces détachées s'envolent. Ainsi, dans le sud profond, le prix de location d'une plate-forme s'élève déjà à 500 000 dollars la journée, le double de l'an dernier. Par ailleurs, les hélicoptères, les barges ou les cargos ravitailleurs nécessaires pour procéder aux réparations manquent. "Cette tragédie vient au pire moment alors que le marché des équipements parapétroliers souffre de tensions terribles en raison de la flambée de la demande d'hydrocarbures" , affirme un sous-traitant de services off shore. Katrina n'a pas fait que des malheureux... Autre problème, l'impact médiatique des dévastations devrait accentuer les difficultés de recrutement d'ouvriers du pétrole malgré les gros salaires versés. Après le drame, jeunes géologues comme foreurs pourraient se détourner encore davantage d'une profession qui suppose une grande résistance et de lourds sacrifices.
Deuxième volet, le raffinage. L'activité d'au moins sept raffineries de la zone, qui constituent 12,5 % de la capacité de production américaine, est toujours à l'arrêt. Celles-ci produisent pour moitié des produits "blancs" (essence), l'autre partie étant composée de "noirs" (fioul, bitume) et de gaz légers (butane, propane). En théorie, ces raffineries, malgré leur vétusté, sont capables de résister à des vents soufflant entre 200 et 300 km/h, ce qui était le cas de l'ouragan. La remise en route prendra plusieurs semaines, voire des mois. Il faudra attendre le rétablissement de l'électricité et le pompage de l'eau avant de mesurer l'importance réelle des dégâts. Le parc de raffineries aux Etats-Unis tourne actuellement à 97 % de ses capacités, réduisant la marge de manoeuvre des majors pétroliers pour compenser la perte de production. De plus, les difficultés d'approvisionnement en brut provenant des champs off shore ont forcé des raffineries en amont, dans le Middle West, pourtant en parfait état de marche, à limiter leur production.
Troisième obstacle, le transport des produits pétroliers des raffineries aux centres de distribution, de gros (entrepôts) et de détail (pompes). La reprise progressive du fonctionnement des deux oléoducs importants desservant en essence le sud du pays, Plantation et Colonial, devrait rétablir l'approvisionnement. En dépit de l'autorisation donnée aux bateaux étrangers de convoyer l'essence et le diesel, une envolée des tarifs d'affrètement de pétroliers moyens spécialisés dans le transport de produits raffinés est à attendre.
Marc Roche
Article paru dans l'édition du 04.09.05
L e gouvernement du président américain George W. Bush a lancé une campagne de communication tous azimuts dimanche 4 septembre pour contrer les critiques de plus en plus virulentes contre sa gestion des conséquences du cyclone Katrina.
La secrétaire d'Etat Condoleezza Rice et le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld étaient attendus sur le terrain, sur les côtes du Golfe du Mexique, pour répondre aux nombreuses questions suscitées par les scènes de chaos ayant suivi le passage du cyclone.
De son côté, le secrétaire pour la Sécurité nationale Michael Chertoff, dont le département est en première ligne, devait répondre aux questions de plusieurs émissions télévisées dominicales.
Sous le feu des critiques pour leur manque d'anticipation et la lenteur des secours, les responsables américains tentent de convaincre le public qu'ils ne pouvaient prédire un tel désastre.
Katrina a frappé durement lundi la Louisiane, puis le Mississippi et dans une moindre mesure l'Alabama, trois Etats du sud. Les pluies diluviennes qui ont suivi, ont entraîné une montée des eaux et la rupture mardi d'une digue qui a inondé 80% de La Nouvelle-Orléans. Selon un sénateur républicain, David Vitter, le cyclone et les inondations ont peut-être fait en Louisiane "plus de 10.000 morts".
"C'est comme si une bombe atomique avait été larguée sur La Nouvelle-Orléans", a dit M. Chertoff.
Mais les responsables locaux ne pardonnent pas à M. Bush d'avoir attendu mercredi pour écourter ses vacances, deux jours après le passage de Katrina, et d'avoir tardé à dépêcher l'armée et des secours.
Un sondage du Washington Post et de la chaîne ABC publié dimanche montre une nation divisée quant à la gestion de cette crise, avec 47% d'insatisfaits et 46% d'opinions favorables.
Plus d'une personne interrogée sur deux (51%) a estimé que la réaction des autorités fédérales a été insuffisante ou mauvaise, tandis que 48% l'ont jugée excellente ou bonne. Les deux-tiers ont estimé que Washington aurait pu être mieux préparé.
Katrina tombe mal pour le président, dont la popularité était déjà au plus bas dans les sondages et qui doit répondre à une opposition croissante à sa politique en Irak. Le président a admis, fait rare, que la réponse initiale n'était "pas acceptable".
Mercredi, une première audition est prévue au Sénat dans le cadre d'une commission d'enquête sur l'action de l'administration avant et après Katrina.
Des questions brûlantes se posent : pourquoi les autorités fédérales semblent avoir été si peu préparées face un ouragan dont la puissance était connue 48 heures à l'avance ? Pourquoi l'administration a-t-elle échoué lors de ce premier grand test sécuritaire depuis les attentats du 11 septembre 2001 ? Bush a a tenté d'intensifier la réponse de l'administration ces derniers jours. Vendredi, le Sénat a approuvé une enveloppe de 10,5 milliards de dollars d'aide, et le lendemain le président a annoncé l'envoi de 7.000 soldats dans les zones affectées, ce qui portera le nombre de militaires déployés dans la région à 50.000.
Alors que la plupart des sinistrés sont pauvres et noirs, Bush a appelé à la rescousse la seule noire de son gouvernement, Condoleezza Rice, pour faire taire les critiques l'accusant de discrimination.
La secrétaire d'Etat a récusé toute accusation de racisme dans l'action du gouvernement, et devait se rendre dimanche dans son Etat d'origine, l'Alabama, pour constater les dégâts.
Donald Rumsfeld de son côté devait faire une tournée d'évaluation en Louisiane et au Mississippi avec le général Richard Myers, chef d'état-major interarmées.
Bush retournera sur le terrain lundi, après avoir survolé la région mercredi et visité des zones sinistrées vendredi.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 04.09.05 | 16h25
I l est mort ce soir à son domicile d'Arlington en Virginie (est), entouré par ses trois enfants", a annoncé un communiqué de la Cour en évoquant la disparition du président de la Cour suprême des Etats-Unis, William Rehnquist. Son décès est intervenu en plein drame national avec la catastrophe du cyclone Katrina qui a ravagé une partie du Sud américain et submergé La Nouvelle-Orléans livrée pendant des jours au chaos.
Le président George W. Bush a été informé de la mort de M. Rehnquist un peu avant 5 heures, dimanche, (heure française) et s'est déclaré "profondément attristé", a déclaré un porte-parole de la Maison Blanche, Jeanie Mamo. M. Bush qui a prêté serment deux fois devant M. Rehnquist pour inaugurer ses deux mandats successifs à la Maison Blanche en janvier 2001 et janvier 2005 fera une déclaration dans la journée de dimanche, a ajouté le porte-parole. Il appartiendra désormais au président George W. Bush de désigner un nouveau président, une décision que devra confirmer le Sénat américain. En juillet, le président Bush avait déjà procédé à la nomination d'un nouveau juge à la Cour suprême, John Roberts, un juge fédéral proche de son parti républicain, pour succéder à Sandra Day O'Connor, démissionnaire.
Le processus de confirmation de M. Roberts, 50 ans, doit commencer mardi prochain et il paraissait quasiment assuré d'obtenir le feu vert du Sénat. La bataille ouverte par la mort de M. Rehnquist pourrait être plus féroce. Mais tout dépendra en fin de compte du choix de M. Bush, qui avait surpris le monde politique en nommant M. Roberts, un homme inattaquable sur ses qualités de juriste et plutôt lisse sur ses prises de position publiques, notamment sur le droit à l'avortement qui divise encore la société américaine. Mais quoi qu'il en soit, la mort du président de la Cour suprême risque de provoquer une crise institutionnelle profonde aux Etats-Unis.
M. Rehnquist, un adversaire de l'avortement, doit son ascension à deux présidents républicains conservateurs. Il avait été nommé à la Cour suprême par le président Richard Nixon en 1972 et désigné à la tête de cette institution en 1986 par le président Ronald Reagan.
Né le 1er octobre 1924, ce fils d'un prospère grossiste de papier d'origine suédoise a grandi dans une banlieue de Milwaukee (Wisconsin, nord) à l'époque du "New Deal" du président Franklin Roosevelt. Il avait servi de 1943 à 1946 comme observateur météo en Afrique du Nord, avant de poursuivre de brillantes études à Stanford et Harvard, de sciences politiques, puis de droit, sortant major de sa promotion. Opposé aux droits des homosexuels, à la "discrimination positive" à l'égard des minorités ou aux limitations pour se procurer une arme, M. Rehnquist était un fervent partisan de la peine de mort et de la religion à l'école.
Longtemps, il a été le juge le plus conservateur de la Cour, n'hésitant pas à rédiger des opinions divergentes sur des décisions tranchées à 8 contre 1, s'attirant le surnom de "Justicier solitaire". En 2000, la Cour qu'il présidait avait en dernier ressort décidé de l'élection présidentielle où chacun des deux candidats refusait de s'avouer vaincu en raison d'un litige sur des comptages de voix. Le tribunal suprême avait rendu un avis, arrêtant le recomptage de bulletins, qui avait ouvert les portes de la Maison Blanche à M. Bush. Le cancer de la thyroïde dont souffrait M. Rehnquist avait été diagnostiqué en octobre de l'année dernière et malgré un traitement lourd, M. Rehnquist avait continué à assumer ses fonctions, la silhouette de plus en plus frêle et courbée. Il avait été admis à l'hôpital d'Arlington à la mi-juillet à la suite d'une fièvre. Très apprécié par ses collègues pour son sens de l'humour et son style décontracté, Rehnquist était célèbre en coulisses pour ses paris sportifs ou ses échanges de devinettes avec ses greffiers.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 04.09.05 | 09h52
S ous le feu des critiques pour la lenteur de sa réaction après le passage de l'ouragan Katrina, le président américain, George W. Bush, est attendu, lundi 5 septembre, pour la deuxième fois en moins d'une semaine dans les zones dévastées, à Baton Rouge, en Louisiane, et à Poplarville, dans le Mississippi.
Six jours après le passage de Katrina sur le golfe du Mexique et l'inondation de La Nouvelle-Orléans, personne ne connaît encore le nombre de victimes, mais des responsables gouvernementaux ont estimé qu'il pourrait se chiffrer en milliers. L'Etat de la Louisiane a avancé dimanche un premier bilan, très provisoire, de 59 morts, portant le total à des victimes à 218, en y ajoutant les152 morts au Mississippi et les 7 de Floride. "Quand on évacuera l'eau de La Nouvelle-Orléans, on va découvrir des gens qui sont morts en se terrant dans les maisons, qui ont été emportés par les inondations, des gens dont on retrouvera les restes dans la rue", a déclaré le secrétaire à la sécurité intérieure, Michael Chertoff. "Cela va être l'une des pires scènes qu'on puisse imaginer".
L'administration Bush a essayé de sauver la face dimanche en dépêchant des responsables dans les zones de la catastrophe. Ils se sont engagés à faire tout leur possible pour nettoyer La Nouvelle-Orléans et venir en aide aux réfugiés.
Alors que les autorités reprennent lentement le contrôle de la ville, des policiers ont tué quatre pilliards qui avaient ouvert le feu sur eux. Un cinquième se trouvait dans un état critique. Signe d'un retour à la normale - même si on en est encore loin - la compagnie Entergy a commencé à restaurer l'électricité dans certains quartiers de la ville.
Afin de contrer les critiques de plus en plus virulentes contre la gestion du gouvernement des conséquences du cyclone, la secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, et le secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, étaient attendus sur le terrain, sur les côtes du Golfe du Mexique, pour répondre aux nombreuses questions suscitées par les scènes de chaos ayant suivi le passage de l'ouragan.
Sous le feu des critiques pour leur manque d'anticipation et la lenteur des secours, les responsables américains tentent de convaincre le public qu'ils ne pouvaient prédire un tel désastre.
Katrina a frappé durement lundi la Louisiane, puis le Mississippi et dans une moindre mesure l'Alabama, trois Etats du sud. Les pluies diluviennes qui ont suivi, ont entraîné une montée des eaux et la rupture mardi d'une digue qui a inondé 80 % de La Nouvelle-Orléans. Selon un sénateur républicain, David Vitter, le cyclone et les inondations ont peut-être fait en Louisiane "plus de 10 000 morts".
Mais les responsables locaux ne pardonnent pas à M. Bush d'avoir attendu mercredi pour écourter ses vacances, deux jours après le passage de Katrina, et d'avoir tardé à dépêcher l'armée et des secours.
Un sondage du Washington Post et de la chaîne ABC publié dimanche montre une nation divisée quant à la gestion de cette crise, avec 47 % d'insatisfaits et 46 % d'opinions favorables. Plus d'une personne interrogée sur deux (51 %) a estimé que la réaction des autorités fédérales a été insuffisante ou mauvaise, tandis que 48 % l'ont jugée excellente ou bonne. Les deux-tiers ont estimé que Washington aurait pu être mieux préparé.
Katrina tombe mal pour le président Bush, dont la popularité était déjà au plus bas dans les sondages et qui doit répondre à une opposition croissante à sa politique en Irak. Le président a admis, fait rare, que la réponse initiale n'était "pas acceptable".
Mercredi, une première audition est prévue au Sénat dans le cadre d'une commission d'enquête sur l'action de l'administration avant et après Katrina.
Des questions brûlantes se posent : pourquoi les autorités fédérales semblent avoir été si peu préparées face un ouragan dont la puissance était connue 48 heures à l'avance ? Pourquoi l'administration a-t-elle échoué lors de ce premier grand test sécuritaire depuis les attentats du 11 septembre 2001 ? M. Bush a tenté d'intensifier la réponse de l'administration ces derniers jours. Vendredi, le Sénat a approuvé une enveloppe de 10,5 milliards de dollars d'aide, et le lendemain le président a annoncé l'envoi de 7 000 soldats dans les zones affectées, ce qui portera le nombre de militaires déployés dans la région à 50 000.
Alors que la plupart des sinistrés sont pauvres et noirs, M. Bush a appelé à la rescousse la seule noire de son gouvernement, Condoleezza Rice, pour faire taire les critiques l'accusant de discrimination. La secrétaire d'Etat a récusé toute accusation de racisme dans l'action du gouvernement, et devait se rendre dimanche dans son Etat d'origine, l'Alabama, pour constater les dégâts.
Donald Rumsfeld de son côté devait faire une tournée d'évaluation en Louisiane et au Mississippi avec le général Richard Myers, chef d'état-major interarmées.
Avec AFP et Reuters
LEMONDE.FR | 04.09.05 | 16h25
C' est l'événement scientifique de la troisième conférence sur les mécanismes de l'infection par le virus du sida (VIH) et son traitement. Pour la première fois, un essai clinique franco-sud-africain, présenté mardi 26 juillet, démontre que la circoncision de l'homme adulte permettrait une protection importante mais partielle (à 65%) contre l'infection par le virus du sida. Baptisée "ANRS 1265", l'étude promue par l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS) a comparé le taux d'infection par le VIH chez des hommes jusque là séronégatifs, répartis de manière aléatoire dans deux groupes, l'un où la circoncision était pratiquée à cette occasion et l'autre d'hommes non circoncis. Tout en manifestant un grand intérêt pour ces travaux l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Onusida attendent les résultats d'essais similaires avant d'envisager de recommander la circoncision comme moyen de réduire le risque d'infection par le VIH.
La notion d'une association entre la circoncision et une moindre susceptibilité de devenir séropositif n'est pas inédite. Depuis 1986, plus de trente études dites "d'observation", conduites en Afrique subsaharienne et, pour l'une d'entre elles, en Inde, en avaient fait état mais sans pouvoir établir une relation de cause à effet. C'est à cette démonstration que s'est attaquée Bertran Auvert, professeur de santé publique à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, à la tête d'une équipe associant des chercheurs de l'AP-HP et de son université regroupés au sein de l'Unité 687 Inserm en France, des chercheurs de l'Institut national des maladies transmissibles (NICD) et la société privée Progressus en Afrique du Sud. L'étude a été menée en Afrique du Sud, à Orange Farm, près de Johannesburg, où la prévalence du virus du sida est importante. Une enquête locale préalable avait montré qu'alors que 20% environ des hommes sud-africains sont circoncis, 70% des hommes âgés de 15 à 49 ans se déclaraient prêts à l'être si ce geste conférait une protection même partielle contre le VIH. Les investigateurs ont ensuite inclus 3035 hommes séronégatifs, âgés de 18 à 24 ans, tous volontaires pour être circoncis dans des conditions médicalisées. Après la répartition aléatoire, les hommes du groupe"intervention" ont eu immédiatement une circoncis, tandis qu'elle était différée de 21 mois pour ceux du groupe "contrôle" . Des visites de contrôle avaient lieu 3, 12 et 21 mois après l'entée dans l'étude. A chacune d'elles, comme au début de l'étude, les participants avaient des examens cliniques et biologiques, remplissaient un questionnaire sur leur comportement sexuel et recevaient les soins nécessaires, mais aussi des conseils de prévention sur les infections sexuellement transmissibles.
Dès la visite du troisième mois, une différence significative du nombre de contamination par le VIH est apparue entre les deux groupes et a été retrouvée par la suite. Après 21 mois de suivi, un total de 69 cas d'infection par la VIH a été mis en évidence, 18 s'étaient produites dans le groupe circoncis et 51 dans le groupe non circoncis, soit une protection de 65 % chez les circoncis. "Dans notre essai, explique le professeur Bertran Auvert, la circoncision a permis d'éviter de 6 à 7 infections sur 10 injections potentielles". L'ampleur de la différence a amené un comité de surveillance indépendant à faire interrompre l'étude et à pratiquer sans délai la circoncision chez les hommes du groupe "contrôle" qui le souhaitaient. "Avant le démarrage de l'essai, nous n'étions pas du tout certains de détecter un effet protecteur. Les hommes circoncis auraient pu se penser à l'abri de l'infection et multiplier les prises de risque", commente Bertran Auvert.
Comment expliquer la réduction de la transmission du VIH liée à la circoncision ? Pour l'instant, les différentes hypothèses impliquent notamment un épaississement ("kératinisation") de la peau du gland chez l'homme circoncis, qui la rendrait moins perméable au VIH, et le fait que le prépuce, supprimé par la circoncision, soit riche en cellules dites "de Langerhans", qui possèdent de nombreux récepteurs pour le VIH. Mais, rien n'est encore établi.
"Il n'est pas possible de dire à partir de nos résultats que la circoncision est une méthode qu'il faut appliquer d'ores et déjà à tous les hommes en Afrique", reconnaît Bertran Auvert. Le professeur Jean-François Delfraissy, directeur général de l'ANRS, souligne le "caractère robuste sur le plan scientifique de l'essai, mais souligne qu'il ne doit pas conduire à relâcher la promotion du préservatif".
Pour leur part, l'OMS et l'Onusida conservent une grande prudence, en particulier du fait des faux espoirs que l'étude franco-sud-africaine, qualifiée de "percée dans la recherche sur la prévention" par l'ANRS, pourrait soulever, et estiment nécessaire d'attendre les résultats des autres essais menés sur le même sujet en Afrique, avec des financements américains, avant d'émettre quelque recommandation que ce soit. Une étude va bientôt démarrer au Kénya, le recrutement des volontaires étant presque achevé, et une autre en Ouganda, pour laquelle l'inclusion des participants débute et qui aura l'avantage d'évaluer également les bénéfices que pourraient en tirer les femmes partenaires régulières des volontaires. Les résultats de ces essais ne seront pas connus avant deux ans. Pour Catherine Hankins, d'Onusida, "de même que pour la recherche sur les vaccins et sur des microbicides, il y a besoin de confirmer ces résultats prometteurs avant de recommander d'ajouter la circoncision aux autres interventions éprouvées pour empêcher la transmission du VIH, comme le préservatif. Il faut aussi tenter d'appréhender le risque de favoriser des comportements à risque". Quant à Charles Gilks, de l'OMS, qui s'interroge "sur la manière dont les populations concernées réagiront à ces nouvelles", il estime que son organisation "doit dès à présent faire des recommandations sur les conditions sanitaires dans lesquelles les circoncisions doivent avoir lieu et travailler avec les praticiens de médecines traditionnelles locales, qui ne sont pas convenablement formés à l'hygiène." L'essai soulève, on le voit, beaucoup de questions sur la traduction possible dans la vie réelle de données expérimentales, comme cela sera le cas lorsque les premiers vaccins préventifs ne conférant qu'une protection partielle contre le VIH seront disponibles d'ici peut-être une dizaine d'années.
Paul Benkimoun
LEMONDE.FR | 05.09.05 | 13h57
John : Le chômage peut-il être le moteur de changement ou de "rupture" avec la politique conduite depuis que M. Chirac est au pouvoir ?
Raphaëlle Bacqué : Le chômage est la plaie de la France et le fait qu'il reste depuis tant d'années aussi haut a largement contribué au discrédit des hommes politiques en général. Villepin en a fait sa priorité. Aura-t-il des résultats significatifs en vingt mois, rien n'est moins sûr. Pour l'instant, le fait qu'il soit repassé en dessous de la barre des 10% ne montre qu'une baisse marginale. Sarkozy a fait de la relance plus globale de l'économie son programme. Pour marquer la rupture, en 2007, il faudra probablement aborder les difficultés de la France bien au-delà du chômage : le problème de son modèle économique et social, certes, mais aussi les difficultés de son système éducatif, de recherche, de son modèle d'intégration des immigrés...
Alfred : Les Français ne voient pas très bien où est la rupture de Chirac à Sarkozy à part un libéralisme encore plus agressif. Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ?
Raphaëlle Bacqué : Pour l'instant, la rupture promise l'est seulement en discours et, effectivement sur deux ou trois points symboliques : la fiscalité, la discrimination positive. Pour autant, Sarkozy, s'il était élu à la présidence de la République, aurait, bon an mal an, la même majorité que celle de Chirac aujourd'hui. Mais Sarkozy fait le pari qu'il ne peut être élu qu'en proposant un changement, après douze années d'un pouvoir dont le bilan est mitigé, et qui fini par lasser
Monsters : Sur le fond, Villepin c'est l'actualisation de la social-démocratie française de droite, Sarkozy en est une version plus dure, mais finalement la rupture proposée est plus sur la forme que sur le fond. Y a-t-il un espace authentiquement libéral dans la lignée Reagan/Thatcher, et donc un candidat capable de proposer des réformes qui dynamiteraient le modèle social français ?
Raphaëlle Bacqué : Pour l'heure, aucun candidat ne se réclame d'un libéralisme à la Thatcher et tous les scrutins ont montré que les Français ne sont pas prêts à voter pour un tel candidat. Cela dit, la France ne peut ignorer ce qui se passe chez ses voisins. Blair a relativement bien réussi sur le plan économique et il est certain que chacun regardera ce qu'une Angela Merkel, si elle devient chancelier d'Allemagne, lancera et réussira ou non pour l'économie de son pays. Si Merkel était élue et mettait en place le programme économique qu'elle promet, c'est-à-dire un programme très libéral, si celui-ci donne des résultats rapides, le débat sur notre système, sur le rôle de l'Etat, de la fiscalité, des syndicats et des entreprises prendra en France un tour plus aigu.
Ben : Pensez-vous que la rivalité entre Sarkozy et Villepin puisse être positive au gouvernement ou un frein ?
Charly : Le duel Sarkozy/ Villepin ne va-t-il pas agacer les Français qui ne s'y retrouvent pas dans ces conflits d'intérêts personnels, car ils sentent bien que les vrais sujets ne sont pas traités.
Raphaëlle Bacqué : Globalement, on peut considérer que cette rivalité pousse chacun à proposer, à tester, à inventer de nouvelles idées. Sans doute Villepin n'aurait-il pas fait ses propositions fiscales s'il n'avait pas voulu contrer d'abord et avant toute chose Sarkozy, qui doit faire les siennes cette semaine. Mais cela "use", d'une certaine façon, les deux hommes. Les Français s'agacent à l'évidence de leurs échanges, même si cela nourrit d'une certaine façon le spectacle du pouvoir. Sarkozy a sans doute plus à y perdre que Villepin, qui est désormais son challenger. Il courait en tête, le voilà concurrencé, déstabilisé, agressif du coup. Désormais, la bataille se fera aussi sur la capacité de chacun à revenir à la fois sur le fond, aux yeux des Français, et à prendre l'ascendant sur l'autre.
Vivien : Nicolas Sarkozy n'est-il pas en train de se brûler les ailes en étant si direct concernant la présidentielle ?
Raphaëlle Bacqué : Il est certain qu'il prend beaucoup de risques. Ainsi, était-il utile de redire qu'il est candidat – chose que chacun a comprise depuis longtemps –, alors même que Jacques Chirac est hospitalisé ? Les Français peuvent comprendre l'ambition si elle ne fait qu'accompagner l'expression d'un discours et d'un programme qui paraît pertinent sur le pays. Si elle le remplace, elle devient indécente...
Cerdan : Les déclarations de Nicolas Sarkozy qui fustigeait l'immigration qui cause le surpeuplement et le drame de l'incendie du boulevard Auriol..., le programme de la droite n'est-il pas tant de récupérer les 20 % du Front national plutôt que de créer une meilleure collaboration avec le centre droit ?
Raphaëlle Bacqué : Il est clair que Nicolas Sarkozy a objectivement (en dehors de toute considération morale) un espace politique à prendre de ce côté-là : Jean-Marie Le Pen est en fin de règne et tout montre qu'une grande partie de son électorat tient d'abord par le charisme de ce chef. Le Pen affaibli ou disparu, une part des 20 % du FN est en déshérence. Aujourd'hui, toutes les enquêtes d'opinion montrent qu'après Le Pen, l'homme politique qui séduit le plus les électeurs du FN est Nicolas Sarkozy. Pour autant, il peut glaner des voix à droite, mais il ne peut se permettre de perdre le centre droit. Jusqu'ici, en effet, la présidentielle en France se fait, du fait des traditions et des clivages politiques, presque toujours au centre. C'est ce qu'a compris Dominique de Villepin qui challenge Sarkozy sur ce côté-là en proposant ce qu'il appelle "la croissance sociale" qu'il veut opposer au programme libéral du président de l'UMP.
François : Mais "l'héritage Chirac" est-il vraiment celui dont un candidat pour 2007 doit se revendiquer ? N'y aura-t-il pas, là aussi, besoin d'un "droit d'inventaire" ?
Raphaëlle Bacqué : Bien sûr. Le bilan de Jacques Chirac reste très médiocre, et si Villepin peut revendiquer un héritage affectif, l'héritage politique, lui, est mince et plutôt négatif. C'est bien toute la difficulté pour Villepin. Samedi, cependant, il a revendiqué largement l'héritage Chirac dans un discours remanié après l'annonce de l'hospitalisation du président. Jusqu'ici, en effet, le premier ministre avait pris soin de ne jamais citer le chef de l'Etat, à la fois pour prouver son autonomie et pour éviter justement qu'on lui renvoie les insuffisances des dix premières années de pouvoir chiraquien. Si Villepin veut gagner, il devra d'une façon ou d'une autre prouver qu'il est un homme neuf ou en tout cas proposant un programme et un mode de pensée nouveaux. Oui.
Charly : L'ennui de santé du président ne met-il pas un point d'arrêt définitif à sa candidature potentielle en 2007 ?
Raphaëlle Bacqué : Oui, absolument. Jusqu'ici, il pouvait laisser planer le doute (encore que personne n'y croyait vraiment et pas même ses amis). Aujourd'hui, il devient clair aux yeux de tous qu'il a vraiment son age (72 ans). Qu'il en aura 74 en 2007 et qu'à cet âge, sa santé est forcément plus aléatoire. Bref, 2007 sera vraiment l'occasion de changer de génération. Au moins à droite.
Ibmer : En concentrant ses efforts sur une "croissance sociale", Villepin ne risque-t-il pas de semer la confusion dans l'esprit des Français vis-à-vis du parti socialiste qui semble avoir davantage de crédibilité face à ces idées ?
Raphaëlle Bacqué : Le Parti socialiste, pour l'instant, est largement empêtré dans ses problèmes internes et n'est pas encore suffisamment fort pour revendiquer quoi que ce soit. Ce que tente Villepin, c'est surtout de refaire "le coup de la fracture sociale" chère à Chirac. Bref, il tente plus de repousser Sarkozy vers sa droite que de prendre la place du PS. Lorsque le PS aura choisi son candidat et son programme, on verra alors si Villepin peut conserver cet espace "plus social".
Apartnous : Vous dites que le bilan de Jacques Chirac reste très médiocre ... Pourriez-vous préciser par rapport à qui et sur quoi ?
Raphaëlle Bacqué : Il reste très médiocre... par rapport à tout ce qui avait été promis, d'abord en 1995 puis en 2002. Très médiocre ensuite par rapport à nos voisins européens. Chômage persistant à des taux énormes, chercheurs en crise ou qui partent à l'étranger, fiscalité dissuasive, compliquée, souvent injuste, difficultés au sein de l'éducation nationale, crise du logement... Bref, pour l'instant, le bilan le plus positif de Chirac reste d'avoir refusé l'engagement dans la guerre en Irak.
Baobab : Si Chirac ne se représente pas, va-t-il enfin oser une politique avec Villepin pour couper un peu d'herbes sous les pieds à Sarkozy ?
Raphaëlle Bacqué : Cela peut en effet être un espoir. Toute la difficulté reste le temps : vingt mois nous séparent de la présidentielle. C'est très peu pour engager de vraies réformes. D'autant plus que Villepin n'a pas une cote de popularité extraordinaire, que la droite parlementaire va justement commencer à se diviser entre "sarkozystes" et "villepinistes" et que rien ne dit que nous n'aurons pas encore dans les mois qui viennent des mouvements sociaux.
Cohelet : La "croissance sociale" n'est-elle pas pour Villepin une façon de gagner du temps ( voir art. Eric Le Boucher) en faisant un peu de tout pour occuper le terrain et laisser voir une "hyperactivité" ? Est-ce une bonne stratégie pour les 2 ans à venir ?
Raphaëlle Bacqué : Eric Le Boucher, évidemment, a vu juste. Est-ce une bonne stratégie? C'est une stratégie de prudence politique. Il veut à la fois paraître bouger et, en même temps, prend aussi peu que possible le risque de déclencher un mouvement social. Toute la difficulté est qu'en 2007, probablement, chacun votera aussi pour le candidat qui lui fera le moins peur. Cela peut donc marcher. Mais il garde beaucoup de handicaps : une relativement faible popularité, une situation économique mauvaise et il n'a pas le parti (l'UMP) à sa main, ce qui veut dire qu'il ne tient pas le nerf de la guerre, contrairement à Sarkozy.
Dahmani : Le discours de Villepin est plus consensuel, gaullien, et il garde une image qui flatte les Français alors que les propos au Kärcher de Sarkozy l'éloignent de la doctrine gaulliste. Sarkozy reste un bon flic comme Pasqua, et il n'a toujours pas pris l'habit d'un présidentiable. Qu'en pensez-vous ?
Raphaëlle Bacqué : C'est bien vu. Un bon candidat tient à la fois au caractère, aux idées, aux circonstances. Sarkozy, en reprenant ses habits de ministre de l'intérieur, redevient effectivement le premier flic de France avec ses coups de menton et ses interventions musclées. Sa "peopleisation " et son agressivité nuisent à l'évidence à son image de candidat potentiel. Alors que Villepin mène très habilement sa communication. Pour autant, attention, les Français sont-ils si attachés au "gaullisme" que Villepin est censé incarné ? L'action musclée de Sarkozy le rend-elle impopulaire ? Il n'a pas perdu un point de popularité avec l'épisode du Kärcher...
Inlovewith-Raphaelle : L'électorat de droite supportera-t-il (dans tous les sens du terme) un candidat potentiellement "célibataire" et/ou divorcé ? Le départ de Cécilia, en dehors des excès people, n'est-il pas un événement de premier plan qui va peser dans la campagne de 2007 ?!
Raphaëlle Bacqué : En communication, on dirait que cela se "gère". Il peut d'abord retrouver une femme, ou montrer qu'un divorcé, cela ressemble après tout à des millions de Français. En fait, le problèmes est plutôt lié justement aux excès du people. Cela lui fait perdre beaucoup de crédit, de sérieux. Il apparaît tout de même dans le rôle du mari trompé, on voit qu'il est déstabilisé, il est justement plus agressif et cela jette du coup un doute sur sa capacité à décider sereinement. Capacité indispensable pour un chef de l'Etat.
Baobab : Sarkozy craint-il Bayrou ?
Ndelame : Et l'UDF ? est-elle capable de s'émanciper de l'UMP, Bayrou peut-il proposer une alternative crédible à Sarkozy ?
Raphaëlle Bacqué : Jusqu'ici, Bayrou a beaucoup tapé sur Chirac et, confère tout ce que nous avons dit jusqu'ici, il perd maintenant son meilleur ennemi. Sur le plan électoral, on voit bien que son électorat reste un électorat de droite et que, dans les partielles, il y a assez peu de déperdition : les électeurs d'un candidat UDF au premier tour, se reportent généralement sur l'UMP. Je ne crois pas qu'il ait les forces suffisantes et le positionnement adéquat pour être une alternative à Sarkozy. Mais il peut considérablement gêner le candidat de la droite à la présidentielle, s'il continue de taper comme il le fait sur tout ce qu'a fait le gouvernement.
Voici. La bataille est maintenant engagée. Elle va nous fournir bien des sujets de curiosité et d'exaspération. Donc à bientôt pour un autre chat. Raphaëlle Bacqué.
Chat modéré par Constance Baudry et Fanny Le Gloanic.
LEMONDE.FR | 05.09.05 | 20h25
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En extra: Les éditos du Monde |
[*] «Longues propagandistes» parce qu'il existe aussi, dans cette rubrique, des «brèves propagandistes» reprenant surtout des dépêches de l'AFP. Ici, on trouvera pour l'essentiel des articles parus dans Le Monde, qui par le fait, sont beaucoup plus longs…