![]() | Longues propagandistes, série 9 |
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En extra: Les éditos du Monde |
L es élections législatives japonaises du 11 septembre, qui avaient pris le tour d'un référendum sur la politique du premier ministre Junichiro Koizumi, se sont traduites par un plébiscite. Cette victoire écrasante d'un homme et de son parti aura été marquée par une personnalisation excessive du pouvoir.
Longtemps, le Japon, dont l'Occident avait renoncé à comprendre les méandres politiques, a paru bien éloigné de l'Europe dans son absence d'alternance. Aujourd'hui, il semble étrangement proche. Le triomphe de ce que la presse nippone qualifie de "théâtre Koizumi" paraîtra en effet familier à toutes celles de nos démocraties où les personnalités et les formules-chocs l'emportent sur l'évaluation des situations.
M. Koizumi peut certes être crédité d'avoir "électrifié" un électorat somnolent. Et il restera dans l'histoire comme le premier ministre à avoir cherché à moderniser le conservatisme national. Mieux : il a su si bien canaliser les aspirations au changement des électeurs que ceux-ci ont accordé une majorité triomphale au parti au pouvoir... depuis un demi-siècle.
Première démocratie en Asie, le Japon semble ainsi se replier sous le grand arbre d'un conservatisme en "habits neufs" alors que d'autres pays de la région, telle la Corée du Sud, ont choisi l'alternance. Le Japon opère, lui, une "révolution de palais". Les électeurs se sont laissé porter par le chant d'optimisme de M. Koizumi, qui leur promet un "Japon ambitieux", en faisant la sourde oreille au sombre réalisme de l'opposition. Par les espoirs disproportionnés placés dans un homme, le "phénomène Koizumi" – plus que le personnage lui-même – pourrait devenir préoccupant.
Quelle direction prend aujourd'hui la seconde puissance économique du monde ? Si les orientations passées constituent une indication, elle prend le chemin d'une économie plus résolument néolibérale et une diplomatie – sujet évincé de la campagne électorale sauf par l'opposition – tentée d'accentuer encore un alignement inconditionnel sur les Etats-Unis au détriment des liens avec ses voisins.
Mais le triomphe de M. Koizumi risque surtout d'étouffer un débat sur les choix de société. La volonté obsessionnelle du premier ministre de réduire un service public au fonctionnement enviable est-elle pertinente ? On peut en douter, même en tenant compte de la dette publique abyssale, qui appelle des mesures draconiennes.
La richesse d'une société n'est pas seulement liée à la rentabilité de ses entreprises. Elle est aussi le fruit de ses équilibres socio-économiques. Tant bien que mal, l'Archipel avait réussi à concilier expansion économique et stabilité sociale. Il n'est pas certain que cette stabilité soit une priorité du credo néolibéral dont se réclame M. Koizumi.
S'il répond aux espoirs placés en lui, M. Koizumi aura fait franchir à son pays un pas décisif. Dans le cas contraire, il aura été un "divertissement" à succès.
Article paru dans l'édition du 14.09.05
Boizard F. ♦ 13.09.05 | 16h23 ♦ Editorial vraiment curieux "Mais le triomphe de M. Koizumi risque surtout d'étouffer un débat sur les choix de société." Justement, il me semblait, naïvement, que les Japonais venaient de faire un choix de société très clair,étant donné les circonstances du vote et que ce choix était en faveur des réformes promues par M. Koizumi. Le Monde explique-t-il aux Japonais le "vrai" sens de leur vote comme il nous a expliqué le "vrai" sens du NON au referendum ?
Etalr ♦ 13.09.05 | 13h55 ♦ Tres bonne analyse de la situation, pour tous ceux qui assistent incredules au renversement recent de l'opinion publique japonaise. Mais curieusement cet editorial semble aux antipodes de celui de JMC hier: le Monde reste heureusement pluraliste!
P our des raisons médicales, Jacques Chirac n'assistera pas au grand sommet des Nations unies qui s'ouvre, jeudi 15 septembre, à New York. Gerhard Schröder sera également absent, pour des raisons électorales. Ils manqueront ce qui devait être une sorte de couronnement du 60e anniversaire de l'organisation internationale et une étape décisive dans sa réforme, tant de fois réclamée et tant de fois repoussée.
Il est cependant à craindre qu'ils ne rateront pas grand-chose, le grand rendez-vous risquant fort de se solder par une suite de beaux discours sans véritable décision. On ne peut que le regretter, mais force est de constater que les intérêts des 191 Etats membres de l'ONU sont tellement divergents qu'il est difficile de trouver une formule de changement qui satisfasse trois critères principaux : l'universalité, la légitimité et l'efficacité.
Et d'abord, la réforme de l'ONU est-elle indispensable ? Sans doute, si on se rappelle que la structure actuelle de l'organisation date pour l'essentiel de sa création, en 1945. Elle comptait alors cinquante et un Etats membres ; elle en a aujourd'hui près de quatre fois plus.
Le Conseil de sécurité, avec ses cinq membres permanents (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie) détenteurs d'un droit de veto, reflétait un rapport des forces qui ne correspond plus au monde actuel. Il n'est donc pas illégitime que des Etats qui étaient les vaincus de la seconde guerre mondiale mais qui ont depuis développé des démocraties respectables ou que des pays émergents veuillent être représentés au sein du Conseil. L'Allemagne et le Japon entrent dans la première catégorie ; le Brésil, l'Inde, l'Afrique du Sud et d'autres, dans la seconde.
Par ailleurs, les tâches de l'ONU se sont diversifiées au fil des ans. L'organisation est devenue plus active depuis la chute du mur de Berlin et la disparition du bloc communiste. Le "droit d'ingérence" s'est imposé, au moins en théorie, à la suite des génocides du Biafra, du Rwanda et des guerres dans l'ex-Yougoslavie. Les menaces contre la paix et la stabilité internationales ne naissent plus essentiellement, comme au milieu du XXe siècle, de la rivalité entre puissances. Les affrontements religieux, ethniques, internes aux Etats, ont fait plus de victimes, au cours de la dernière décennie, que les conflits interétatiques. Des pandémies, comme le sida, tuent plus en Afrique que les armes.
Face à ces changements de la situation internationale, l'ONU s'est plutôt bien adaptée, même si aucune réforme n'a été officiellement proclamée. Sous son drapeau, dix-huit opérations de maintien de la paix sont en cours à travers le monde, mobilisant près de 70 000 casques bleus. Elle a certes connu des échecs. Elle a été incapable d'empêcher les tueries du Rwanda en 1994 et s'est montrée pusillanime dans les Balkans. Mais la responsabilité ne repose pas – ou pas seulement – sur l'institution elle-même ou sur ses dirigeants. La faute en revient aux Etats, et en particulier aux cinq "grands" permanents du Conseil de sécurité. C'est bien souvent leur incapacité à se mettre d'accord qui provoque l'incapacité de l'ONU à agir, pas la force d'inertie d'une bureaucratie injustement critiquée.
En 2003, Kofi Annan a demandé à un groupe de seize personnalités de plancher sur la réforme des Nations unies. Celles-ci ont remis à la fin de l'année dernière le fruit de leurs travaux, joliment intitulé "Rapport du groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, le défi et le changement". Elles ont accompli un travail de fond, avancé des propositions – et pas seulement sur la composition du Conseil de sécurité –, opté pour un élargissement des responsabilités de l'organisation. Ces propositions sont pour la plupart frappées au coin du bon sens. Mais le problème n'est pas dans leur pertinence. Il est dans la fonction que les grands Etats, et en particulier les Etats-Unis, confèrent à l'ONU, lieu par excellence du multilatéralisme.
Au nom de l'efficacité, l'administration Bush ne veut pas d'un élargissement du Conseil de sécurité. Tout juste serait-elle prête à accepter le Japon, mais elle refuse l'Allemagne. Comme les Africains n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un candidat, la réforme du Conseil de sécurité sera renvoyée à des jours meilleurs. Au nom de la légitimité, l'administration Bush ne veut pas être tributaire d'une institution où siègent des pays non démocratiques. Sans souci de l'universalité, elle souhaiterait privilégier un rassemblement des démocraties, qui avait d'ailleurs commencé pendant la présidence Clinton.
Les Américains ne veulent pas la mort de l'ONU. Ils veulent une organisation qui ne les gêne pas, et sa situation actuelle ne leur convient pas si mal. Ils ont beaucoup critiqué Kofi Annan, mais ils se satisfont d'un secrétaire général d'autant moins gênant qu'il est affaibli. On ne voit pas pourquoi ils ne finiraient pas par accepter la déclaration finale du sommet extraordinaire des prochains jours, après avoir proposé pas moins de sept cent cinquante amendements. L'interprétation et la mise en œuvre du texte dépendront avant tout du Conseil de sécurité, où leur pouvoir restera intact.
Daniel Vernet
Article paru dans l'édition du 14.09.05
P our l'heure, ils sont trois à s'être ouvertement déclarés "candidats à la candidature" pour porter les couleurs du Parti socialiste à l'élection présidentielle de 2007. Jack Lang, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius – qui ont en commun d'avoir été à la fois ministres de François Mitterrand et de Lionel Jospin – sont donc dans la course.
Officiellement, si le choix du prétendant socialiste à l'Elysée n'est pas l'enjeu du prochain congrès du PS, qui se tiendra du 18 au 20 novembre au Mans, il est déjà la toile de fond de la féroce bataille pour le contrôle de l'appareil.
Lors de l'université d'été du PS à La Rochelle, qui a permis à François Hollande de reprendre la main, après un feu nourri d'attaques contre lui, les militants socialistes, encore sonnés par leurs divisions sur le référendum européen du 29 mai, ont assisté à un étonnant ballet de présidentiables.
Dans la majorité sortante du PS, Dominique Strauss-Kahn et Jack Lang, qui savent que le premier secrétaire a besoin de leur soutien pour obtenir un quatrième mandat, ont orchestré, sur des registres différents, leur entrée en campagne.
L'ancien ministre de l'économie a fait de l'université d'été la rampe de lancement, très médiatique, de sa candidature pour, "le moment venu" , "représenter son parti" à l'élection de 2007. Mais, a-t-il précisé le 27 août, "il faut d'abord gagner le congrès" .
Délibérément plus discret, prenant soin d'aller à rebours de sa propre image, l'ancien ministre de la culture a fait mine de ne pas courtiser les médias, en récusant le "renfort de tambours et de tam-tams", pour confirmer qu'il soumettrait sa "candidature au vote des militants".
Quant à Laurent Fabius, il l'a jouée modeste en confiant aux journalistes, le 27 août, qu'il n'est pas "absolument avéré qu'[il] soit le seul candidat" à l'investiture.
Après avoir affiché leurs intentions, les trois candidats ont mis en avant leur détermination. M. Lang s'est enhardi après la publication d'un sondage IFOP-Profession politique indiquant que, pour 26 % des personnes interrogées, il était le "meilleur candidat" du PS, devançant juste M. Strauss-Kahn (25 %) et distançant M. Fabius (18 %) et M. Hollande (16 %). Chez les sympathisants de gauche, le député du Pas-de-Calais monte à 34 %, loin devant DSK (20 %), M. Fabius (19 %) et M. Hollande (18 %). Sans se méfier de l'usage à risques du mot en politique, M. Lang a aussitôt averti que sa décision était... "irréversible".
Pour prouver sa ferme détermination, M. Strauss-Kahn a brisé son image d'héritier spirituel de Lionel Jospin, en affirmant, en réponse à une question, que même si l'ancien premier ministre se présentait devant les socialistes, il resterait candidat. "Si j'avais répondu oui, s'est-il défendu, cela accréditait l'idée qu'il puisse revenir." Le propos est d'autant plus étonnant que l'hypothèse d'un "retour" de M. Jospin s'est éloignée sauf, peut-être, en cas d'élection présidentielle anticipée...
Bien que ses chances de l'emporter au Mans – et de booster ainsi sa candidature – paraissent assez faibles, M. Fabius, convaincu depuis 2002 que c'est "son tour", a fait un sort au soupçon, entretenu par certains de ses opposants, de vouloir se présenter, même en dehors du PS, s'il ne gagnait pas la primaire. Le 30 août, sur France-Inter, l'ancien premier ministre a assuré clairement qu'il n'en était pas question.
Tout en sachant qu'ils devront "coller" au projet socialiste, adopté en théorie au premier semestre 2006, les trois candidats déclarés, qui ambitionnent de "rassembler la gauche", esquissent des programmes. Membres de la majorité sortante du PS, ayant défendu le oui à la Constitution européenne, MM. Lang et Strauss-Kahn ont sagement signé la contribution de M. Hollande pour le congrès du Mans. DSK veut faire entendre sa singularité, en évitant d'être déporté sur la droite du PS comme l'incarnation du "social-libéralisme". Le député du Val-d'Oise se réclame d'un "réformisme radical" et prône le "développement solidaire", avec des mesures qui se veulent "solides, argumentées et financées".
M. Lang a choisi d'attaquer, d'abord, sur les institutions dans son livre Changer (Plon, 182 p., 14 euros), où prenant Pierre Mendès France comme "guide" et fustigeant les "rentiers du mensonge électoral", il imagine une "démocratie présidentielle". L'ancien ministre de la culture, agrégé de droit public, propose de supprimer le poste de premier ministre et d'élire, simultanément pour quatre ans, les députés et un chef de l'exécutif qui serait responsable devant l'Assemblée nationale. Le vote d'une motion de censure contre le chef de l'exécutif entraînerait automatiquement la dissolution de l'Assemblée nationale.
De son côté, M. Fabius esquisse un projet dans sa contribution au congrès où il défend, à travers sa thématique des "deux France", un "réformisme de transformation". Le député de Seine-Maritime ambitionne de "remettre en marche le progrès social en agissant mieux et davantage, d'abord pour la France qui souffre et se trouve en mal d'espérance, mais aussi pour l'autre France, mieux pourvue, plus à l'aise, mais qui a aussi besoin d'une perspective, d'un grand projet".
Sans exclure que des velléités de candidatures éclosent parmi d'autres prétendants, populaires au PS ou dans l'opinion, cette guerre des présidentiables se joue donc pour l'instant à trois. La première manche, au Mans, sera décisive. A quelques jours du conseil national du 17 septembre, où seront déposées les motions soumises au vote des militants, les amis de M. Fabius semblent se résigner à une victoire de M. Hollande, qui, loin d'être une fin de partie, n'interdirait nullement une investiture de leur mentor en 2007.
Pour les fabiusiens, si la projection de la direction sortante se vérifie et que M. Hollande a une majorité de 53 %, les opposants, unis par leur non à la Constitution européenne, représenteront 47 % (dont 20 % pour les fabiusiens alliés aux amis de Jean-Luc Mélenchon, sénateur de l'Essonne, et d'Alain Vidalies, député des Landes). Or, selon les lieutenants de M. Fabius, le camp du oui se divisera entre ses deux candidats alors que celui du non aura l'ancien premier ministre comme seul et unique champion.
Si ce scénario est confirmé au Mans, le pari des fabiusiens est aléatoire. Les "nonistes" sont loin d'être homogènes. Quand les amis de M. Fabius ont testé la candidature d'Arnaud Montebourg, co animateur du Nouveau Parti socialiste (NPS), au poste de premier secrétaire, ils ont relancé la querelle du leadership à NPS entre le député de Saône-et-Loire et son alter ego, Vincent Peillon, député européen, provoquant une zizanie qui a failli faire éclater le courant. Dans une primaire à deux tours, M. Fabius essuiera des pertes en ligne et aura du mal à avoir la majorité absolue dans un parti dont il n'aura pas pris le contrôle.
Dans le camp du oui, M. Lang, qui a œuvré activement pour le premier secrétaire dans le Pas-de-Calais, et M. Strauss-Kahn, qui a tenté de retirer à M. Hollande tout statut de présidentiable – –"être le premier secrétaire du Parti socialiste, c'est une tâche qui se suffit à soi seule" – – auront, à leur tour, besoin du soutien du patron des socialistes pour se faire investir. Or, si le député de Corrèze gagne son congrès, il regagnera du terrain dans les sondages.
Affaibli par le référendum du 29 mai, M. Hollande a été obligé de se mettre en retrait de la compétition présidentielle. Mais cette posture lui a aussi permis de ne pas jouer sa réélection comme une pré-investiture présidentielle. S'il garde sa place, il peut se sentir de nouveau pousser des ailes... Et ce sera à lui d'arbitrer le moment de la désignation du candidat : au second semestre 2006, selon sa préférence et celle de M. Lang, ou au printemps 2006, selon le voeu de DSK et de M. Fabius. M. Hollande sera redevenu le maître des horloges.
Michel Noblecourt
Article paru dans l'édition du 14.09.05
C ette image de l'enfance de l'univers pourrait attendrir, si elle n'en confirmait la brutalité. Plusieurs équipes d'astronomes ont annoncé, lundi 12 septembre, avoir détecté l'explosion cosmique la plus lointaine jamais observée. Ce sursaut de rayons gamma, les manifestations les plus énergétiques auxquelles il soit donné d'assister, a eu lieu à plus de 12,7 milliards d'années-lumière de notre Terre (une année-lumière correspond à la distance que la lumière parcourt en un an, soit environ 10 000 milliards de kilomètres). L'éloignement dans l'espace traduisant aussi l'écart dans le temps, cela signifie que le phénomène s'est produit lorsque notre univers, aujourd'hui âgé d'environ 13,5 milliards d'années, avait vécu moins de 900 millions d'années depuis le Big Bang.
Pour traverser tout l'univers et parvenir jusqu'à nous, la déflagration a puisé ses forces dans son inimaginable débauche d'énergie. L'explosion a dû être si forte qu'"elle doit avoir libéré 300 fois plus d'énergie que toute celle que fournira le Soleil durant ses dix milliards d'années d'existence" , selon les calculs de Guido Chincarini, responsable de l'équipe italienne qui a étudié le monstre au Chili, avec le Very Large Telescope de l'European Southern Observatory (ESO).
Ce rugissement est sans doute la conséquence du dernier spasme d'agonie d'une étoile massive qui s'effondre sur elle-même pour former un trou noir. Celui-ci signale sa venue au monde par l' exubérant cri primal d'un flot bref et intense de rayons gamma.
Pour détecter un témoignage aussi direct sur nos origines, il ne pouvait être question de miser seulement sur la force de l'explosion. Les astronomes ont mis au point, depuis plusieurs années, une série de satellites qui peuvent capter la violence des manifestations provenant des confins de l'univers.
C'est le dernier d'entre eux, Swift, lancé par la NASA à la fin de 2004, qui a aperçu le signal, le 4 septembre. Capable de pointer ses instruments de mesure vers la cible dès qu'elle a été repérée, Swift peut capter les "lueurs résiduelles" des sursauts gamma, et alerter les télescopes terrestres.
Le 4 septembre, ceux-ci ont lancé la traque. Cette campagne a débouché sur un fait assez inhabituel pour être signalé : des astronomes ont été ravis de ne rien voir. Pour ceux du télescope automatisé du Mont Palomar (Californie), qui cherchaient à apercevoir le phénomène dans la lumière visible, le fait de n'observer que du noir signifiait que la lueur, trop faible pour être étudiée dans ce champ, devait provenir d'un endroit très reculé de l'univers.
C'est ce qu'ont confirmé plusieur autres télescopes, travaillant, eux, dans le domaine plus sensible de l'infrarouge, qui ont estimé la distance phénoménale. L'explosion du 4 septembre ne détient toutefois pas le record absolu du phénomème cosmique observé le plus loin de la Terre. Un quasar, un trou noir en train de dévorer des étoiles en émettant des rayonnements intenses, a été vu à une distance un peu supérieure. Mais cet objet absorbe la masse de milliards d'étoiles, alors que l'explosion constatée ces jours-ci, ne repose que sur l'énergie fournie par l'effondrement d'une seule. Sa découverte permettra peut-être d'en savoir plus sur les toutes premières apparitions de ces astres.
Jérôme Fenoglio
Article paru dans l'édition du 14.09.05
C hacun a déjà vu une goutte d'eau glisser sur une plaque électrique, portée par un coussin de vapeur. Mais il est plus étonnant de suivre la course d'une goutte d'huile à la surface d'un bain d'huile, à température ambiante. C'est ce qu'a réalisé un groupe français (CNRS, ENS, Paris-VI et VII), qui publie ses observations dans la revue Nature du jeudi 8 septembre.
Pour cette expérience, née fortuitement de projets d'étude réalisés en licence de physique à Paris-VII, "il suffit de placer un bol sur un haut-parleur" , résume le physicien Yves Couder, qui dirige une thèse conduite sur le sujet.
Au laboratoire de physique théorique de l'ENS, l'appareillage est cependant un peu plus complexe, puisqu'il a fallu quantifier le phénomène en le visualisant grâce à une caméra ultrarapide.
Le principe est simple : lorsqu'on met un liquide en vibration verticalement (ici de l'huile de silicone), une gouttelette du même liquide, déposée à la surface, rebondit sur elle-même grâce à un coussin d'air constamment renouvelé. L'oscillation entretient indéfiniment le phénomène. Mais que l'on modifie légèrement son amplitude, et la goutte, au lieu de rebondir sur place, se mettra en mouvement, allant d'un point à un autre comme une boule de billard.
Plus surprenant : deux gouttes passant à proximité peuvent s'attirer et se mettre en orbite, comme des étoiles binaires. L'arrivée d'une troisième séparera le couple. A moins que l'ensemble ne se stabilise, comme un cristal.
Ces mouvements et attelages à distance sont, en fait, dus aux ondes créées par les gouttes elles-mêmes lors des rebonds. Chaque goutte peut alors trouver son équilibre, soit au creux d'un puits, soit en "surfant" sur la pente d'une vaguelette. Un modèle théorique décrit le phénomène, mais celui-ci, dit Yves Couder, "n'a pas encore livré tous ses secrets" .
Hervé Morin
Article paru dans l'édition du 14.09.05
Jonathan_Hild: Dominique de Villepin a annoncé il y a deux semaines une batterie de mesures visant à relancer selon lui la croissance. Pensez-vous que son plan peut être efficace ?
Jean-Paul Fitoussi: Question difficile, car je n'ai pas tous les détails de son plan. Pour ce qui concerne la réforme fiscale, comme la réforme du système de cotisations sociales, elle me semble aller dans le bon sens, qui est celui d'une plus grande équité. Par ce biais-là, évidemment, elle contribuera à distribuer – mais pas tout de suite, car elle n'entrera en vigueur qu'en 2007 –, du pouvoir d'achat aux catégories les moins favorisées et aux classes moyennes. Je dénonce depuis à peu près quinze ans ce que j'appelle les deux défauts majeurs du système français de prélèvements obligatoires. Le premier défaut majeur est que l'impôt sur le revenu est trop vite progressif, avec pour effet d'exclure les classes moyennes de la possibilité d'accéder à la catégorie supérieure. De sorte que cela crée un peu une barrière de protection autour des catégories les plus riches de la population. Le deuxième défaut majeur est que le système de contributions sociales est, lui, insuffisamment progressif, avec pour effet de faire payer plein pot aux catégories les moins qualifiées qui accèdent au marché du travail. La suppression de 7 à 4 tranches a pour effet de réduire la progressivité de l'impôt sur le revenu pour les catégories moyennes, alors que l'abondement de la prime pour l'emploi et des divers dispositifs qui contribuent à augmenter le revenu des salariés qui retrouvent un emploi est un moyen de rendre progressif le système de contributions sociales. Donc voilà un dispositif qui favorise simultanément les catégories les plus défavorisées de la population et les classes moyennes. Ce n'est pas mal pour une réforme fiscale et sociale...
Jose_Mourinho: La croissance, c'est un enjeu franco-français ou plutôt européen, même mondial ?
Jean-Paul Fitoussi: La croissance n'est pas un enjeu mondial, pour la seule raison que le monde a un taux de croissance tout à fait satisfaisant. C'est un enjeu européen, car depuis quinze ans au moins, l'Europe, et particulièrement la zone euro, se trouve dans une situation de croissance molle. C'est-à-dire d'absence de dynamique économique susceptible de créer des emplois et de la richesse. C'est une situation très préoccupante dans la mesure où elle provient au moins en partie – et pour moi en grande partie – de ce qu'il n'y ait pas de responsable de la croissance à l'échelle européenne. Pour dire les choses simplement, il n'y a pas de gouvernement européen. Donc c'est un problème qui apparaît comme grave puisqu'il est la conséquence même du dessin actuel des institutions européennes. La question est: comment faire pour retrouver la croissance ? Les pays européens n'ont plus les moyens d'une politique de croissance, puisqu'ils n'ont plus de monnaie nationale et puisqu'ils n'ont plus d'économie budgétaire. Cela ne poserait pas problème s'il y avait un échelon fédéral doté de ces moyens. Or ce n'est pas le cas: l'absence de souveraineté nationale dans le cadre de la zone euro n'est pas compensée à l'échelle fédérale. Cela a pour conséquence une très grande passivité des politiques de croissance en Europe et lorsqu'on ne cherche pas la croissance, tout simplement on ne la trouve pas.
JB: L'euro (avec la Banque centrale européenne) nuit-il à la croissance ?
Jean-Paul Fitoussi: L'euro est une monnaie. Une monnaie en soi n'a pas de qualité. La qualité d'une monnaie vient de son utilisation par la politique monétaire pour rechercher la croissance et la stabilité des prix. Or pour l'instant, peut-être parce que la Banque centrale européenne est une institution encore dans l'enfance, elle ne s'est apparemment pas préoccupée de croissance. Comme de surcroît il s'agit d'une institution non politique, elle n'a pas réellement la légitimité pour le faire. L'euro, ça peut être la meilleure chose pour l'économie européenne s'il est utilisé à des fins de progrès économique et social. Mais non s'il est utilisé à des fins orthodoxes de stabilisation des prix.
Becker: La parité euro-dollar peut-elle être un frein à la croissance ?
Jean-Paul Fitoussi: Bien sûr que oui. Elle peut l'être et elle l'a été. Cela fait précisément partie de la politique monétaire. La politique monétaire et la politique de change ont pour conséquence que la "force" de l'euro a rendu, dans les trois dernières années, un très mauvais service à l'économie européenne dans la mesure où elle a contribué à réduire la compétitivité de l'économie européenne, et donc à empêcher celle-ci de profiter de la croissance mondiale. On voit bien que tout est lié, parce que nous nous situons dans une zone où il n'existe pas de politique interne de croissance, en l'absence de l'échelon fédéral. Si, en plus, on s'arrange pour que cette zone ne bénéficie pas du moteur externe de la croissance et de la très bonne activité économique qui règne dans les autres régions du monde, alors on ne peut qu'être perplexe quant à l'avenir de la croissance dans la zone euro.
Timeas: Quel est l'impact de la hausse du prix du pétrole sur la croissance ? Est-ce un vrai problème et comment le surmonter ?
Jean-Paul Fitoussi: Question complexe. La hausse du prix du pétrole est un vrai problème pour des économies consommatrices de pétrole et s'analyse comme un prélèvement externe sur les ressources des pays non producteurs de pétrole. Cela réduit le pouvoir d'achat dans ces pays. On évalue à 0,3 % de croissance perdue par augmentation de 10 dollars du baril de pétrole. La même augmentation ayant aussi pour conséquence une augmentation des prix d'un 0,5 %. C'est donc un vrai problème, mais il faut bien voir la spécificité du "choc pétrolier" (qui s'est étalé sur trois ans) en ce qu'il n'a pas – et cela dans aucun pays du monde –, eu de conséquences inflationnistes.
Le premier choc pétrolier avait eu pour conséquence une augmentation à deux chiffres du taux d'inflation partout dans le monde. Là, la zone euro est caractérisée par un taux d'inflation de 2 %. Alors pourquoi n'y a-t-il pas eu de transmission du choc pétrolier aux prix dans les pays européens ? Essentiellement en raison de l'état du marché du travail, qui est déprimé: chômage de masse, qui fait que les augmentations de prix ne sont pas transmises aux salaires. On pourrait se demander pourquoi ce choc pétrolier n'a pas eu de conséquences inflationnistes aux Etats-Unis, alors qu'il y règne le plein emploi. La raison en est une forte augmentation de la productivité due à la relocalisation géographique des activités, externalisations et délocalisations qui ont été possibles aux Etats-Unis parce que les Américains n'y ont pas opposé une forte résistance, parce qu'ils se trouvaient en situation de plein emploi. Concrètement, lorsque des entreprises américaines font fabriquer certains de leurs produits intermédiaires en Inde, cela conduit à une baisse de prix qui fait plus que compenser l'augmentation du prix du pétrole et qui n'est pas préjudiciable aux Etats-Unis, dans la mesure où le pays se trouve en situation de plein emploi.
Babybarn: On critique régulièrement les charges pesant sur les entreprises. Qu'en est-il exactement et comment se situe la Fance par rapport aux autre pays européens et aux Etats-Unis ?
Jean-Paul Fitoussi: D'abord, les charges ne sont pas nécessairement payées par les entreprises. Les charges sociales, notamment, ont pour conséquence le fait que les salariés ont une rémunération nette inférieure à celle des salariés des pays dont le système de protection sociale est moins généreux. Ce que je vous dis là, c'est que pour l'essentiel, les charges sociales sont payées par les salariés. Une preuve, s'il en était besoin, est que les profits des entreprises sont très élevés en France et que la part du revenu national qui va aux salaires baisse depuis vingt ans. Quand je dis cela, cela est équivalent à dire que la part qui va aux profits augmente depuis vingt ans. De ce point de vue-là, la France n'est pas du tout en situation défavorable par rapport aux autres pays développés. Il faut ajouter peut-être qu'il est normal que les charges sociales pèsent essentiellement sur les salaires, puisqu'en réalité, elles constituent un salaire différé, c'est-à-dire la retraite, l'assurance-maladie, l'indemnisation du chômage, etc. Le coût du travail en France stagne en France depuis presque deux décennies. Il n'est donc sûrement pas un frein à la compétitivité, et la longue stagnation des salaires serait plutôt un frein à la croissance.
Pour faire mieux comprendre ce point, imaginons qu'il n'y ait pas de système de retraites en France. Il est clair que les salariés demanderaient alors aux entreprises un salaire plus élevé pour pouvoir prendre une assurance privée. Donc c'est une illusion de ne considérer que la partie charges. Il faut considérer la totalité: charges + rémunération nette du travail. Et de ce point de vue-là, la France est dans une situation de modération salariale depuis vingt-cinq ans.
Babybarn: Pensez-vous que les 35 heures aient pesé négativement sur la croissance (gel des salaires, baisse – en pondération – de la productivité horaire) ?
Jean-Paul Fitoussi: Il n'y a pas eu baisse de la productivité horaire, au contraire, il y a eu augmentation. Mais il y a eu ralentissement de la productivité par personne. Cela a-t-il pesé sur la croissance ? C'est très difficile à dire dans la mesure où la période d'introduction des 35 heures a correspondu à l'une des périodes de croissance les plus fortes de l'économie française, la fin des années 1990. La question est de savoir si les 35 heures affectent les potentialités de croissance à long terme. C'est probable, mais on n'y est pas encore, dans la mesure où ce qui caractérise le marché du travail en France est encore une situation de chômage de masse. En d'autres termes, on ne peut pas dire que la réduction volontaire de la durée du travail par le gouvernement ait compensé la réduction involontaire du travail du fait du chômage.
Arnito: Pensez-vous que nous (Français) devrions renoncer au modèle d'Etat-providence que nous avons depuis 60 ans, afin que la croissance soit plus forte et le chômage plus faible ?
Jean-Paul Fitoussi: Lorsqu'on me parle de "modèle", je sors mon revolver ! Pourquoi ? Parce que le modèle dans lequel nous sommes aujourd'hui n'a pas grand-chose à voir avec celui qui caractérisait les années 1970. Le modèle des années 1970, qui avait été dessiné à la fin de la seconde guerre mondiale, était un modèle qui avait été conçu pour le salarié moyen et pour une situation de plein emploi. Aujourd'hui, ce modèle a été révisé de façon assez considérable. Deux illustrations: la première est que le traitement social du chômage devient un élément important du modèle – cela date du milieu des années 1980. Deuxièmement, on a créé le revenu minimum d'insertion. Troisièmement, on a abaissé les contributions des bas revenus aux cotisations sociales et on a créé la prime pour l'emploi. Ce qui fait que d'un modèle conçu pour le salarié moyen, on est passé à un modèle conçu pour alléger les difficultés des salariés les plus fragiles. Nous sommes donc dans un système en transition. C'est pourquoi la notion de modèle ne me semble pas s'appliquer. Cela est normal. S'il est une contrainte sur les systèmes sociaux, c'est qu'il s'adapte aux difficultés courantes de la société qui aujourd'hui ne sont pas du tout les mêmes que celles qui caractérisaient les années 1970. Parce qu'il n'y a pas de modèle, il vaut mieux ne pas s'enfermer dans des discours rhétoriques entre les "pour" et les "contre". Sauf si, par là, on veut dire que l'avenir pour la France est de renoncer à la solidarité entre les habitants du pays.
Timeas: Selon vous existe-t-il un "modèle" britannique afin de concilier politique sociale et croissance économique, et si oui, est-il souhaitable que ce modèle soit appliqué en France ?
Jean-Paul Fitoussi: Ce qui s'est passé en Grande-Bretagne est que sous l'effet des réformes de Mme Thatcher, le degré de solidarité entre les habitants du pays a été réduit de façon assez considérable. Depuis le changement porté par les travaillistes, la politique économique et sociale en Angleterre consiste, d'une part, à rehausser ce degré de solidarité, notamment en améliorant les services publics – quitte à en renationaliser certains –, et, d'autre part, à avoir une politique de croissance portée par la monnaie et le budget. Précisément la politique de croissance qui manque à la zone euro. Là aussi, on peut dire que le modèle social anglais est en transition. On est passé d'un modèle très solidaire, quasi socialiste, dans les années 1970, à un modèle très peu solidaire, dans les années 1980, et on évolue aujourd'hui vers un modèle moyennement solidaire.
Jean_XII: La croissance est plombée par la dette. La question n'est-elle donc pas plutôt de savoir comment la France peut espérer combler sa dette ?
Jean-Paul Fitoussi: Cette affirmation est fausse. Ce qui fait l'augmentation de la dette publique, c'est l'absence de croissance. Si la France avait eu dans les quinze dernières années une croissance normale, elle n'aurait pas du tout de problème de dette publique aujourd'hui. D'autre part, la dette publique française se situe dans la moyenne de celles des pays de l'OCDE. Et elle est relativement inférieure à celles des pays de la zone euro. Donc il n'y a pas en ce domaine de spécificité française. Le Japon est en train de renouer avec la croissance, alors que sa dette publique est supérieure à 120 % du revenu national. En France, la dette publique n'est que de 65 %. Elle est en hausse car elle évolue spontanément avec la croissance.
Lorsque la croissance ralentit, la dette publique augmente. Lorsque la croissance augmente, la dette publique ralentit. Par exemple, la dette publique française a baissé à la fin des années 1990. Ce que je vous dis est tautologique, puisque la dette étant le numérateur et le revenu le dénominateur, lorsque le revenu augmente vite, la dette baisse en proportion. La question est que lorsqu'on est en situation de faible croissance, les recettes publiques baissent. Comme les dépenses publiques, elles, n'ont aucune raison de s'adapter à la conjoncture, elles n'évoluent pas. Si les dépenses publiques restent constantes et les recettes publiques baissent, on a une augmentation du déficit budgétaire, et donc, de la dette publique. Pourquoi dis-je que les dépenses publiques ne doivent pas évoluer selon la conjoncture ? Pour une raison très simple: elles ont un caractère structurel. Par exemple, on ne va pas dire que les années de faible croissance, les écoles seront fermées six mois sur douze, et que les policiers seront aussi en sous-activité, ou qu'on n'entretiendra pas les routes. Tandis que pour ce qui concerne les recettes publiques, comme elles sont payées à partir du revenu des habitants, si le revenu baisse, les recettes baissent automatiquement.
De deux choses l'une: ou bien on se dit que la situation de croissance que la France connaît est normale, et dans ce cas-là, effectivement, il convient de baisser les dépenses publiques pour adapter les dépenses aux recettes ; ou bien on se dit que cette croissance faible est pathologique, et dans ce cas-là, on conduit une politique de croissance pour adapter les recettes aux dépenses. Cela n'empêche pas, comme on l'a vu pour le système social, que les dépenses publiques s'adaptent en permanence aux changements de contexte de la société. Il se peut, par exemple, que l'on ait besoin de moins de classes secondaires et de plus de maisons de retraite, ou que, compte tenu de l'informatisation des services publics, on ait besoin de moins de fonctionnaires. Mais c'est une question différente, celle de l'adaptation des dépenses publiques pour qu'elles servent mieux les besoins de la société.
MichelF: Les délocalisations sont-elles une si mauvaise chose pour la France ? Ne peut-on envisager de se spécialiser dans d'autres métiers ?
Jean-Paul Fitoussi: C'est une question à laquelle j'ai partiellement répondu. Les délocalisations sont perçues comme étant une mauvaise chose aujourd'hui parce qu'il y a un chômage élevé. Si l'économie française était en situation de plein emploi, comme l'économie américaine, la question ne serait pas autant débattue. Il y a deux processus qui conduisent aux délocalisations: le premier est vertueux, le second est vicieux. Le processus vertueux est celui qui conduit à délocaliser les activités de faible valeur ajoutée, c'est-à-dire les activités qui ont surtout besoin de travail peu qualifié. Et d'augmenter les activités à forte valeur ajoutée, c'est-à-dire celles qui sont fondées sur du travail de plus en plus qualifié au fur et à mesure de l'élévation du degré d'éducation et de connaissances du pays. Ce processus vertueux est un processus de division internationale du travail fondé sur le fait que les pays émergents sont plutôt riches en travail peu qualifié, et les pays développés sont plutôt mieux dotés en travail qualifié.
Le second processus qui, lui, crée un cercle vicieux, est le processus de concurrence fiscale et sociale par le bas, où le moteur des délocalisations n'est pas tant les dotations objectives en facteurs de production des pays, mais le fait que des pays également développés ont décidé de se montrer plus attractifs pour attirer les capitaux. Dans ce cas-là, ce qui se produit est qu'à terme tout le monde paie. Parce que les bases fiscales émigrent là où elles ne sont pas taxées et donc, l'ensemble des gouvernements se trouvent confrontés à un problème de paupérisation, c'est-à-dire n'ont plus suffisamment de recettes fiscales pour accomplir leurs missions: éducation, santé, construction d'infrastructures, etc. Voilà pourquoi il faut distinguer entre les moteurs de la délocalisation.
Verita: Les nouvelles technologies sont l'un des moteurs de la croissance économique. La France est-elle en retard en la matière par rapport aux autres pays européens ?
Jean-Paul Fitoussi: La France n'est pas tant en retard par rapport à la moyenne des pays européens, mais l'Europe est en retard par rapport aux Etats-Unis. Maintenant, il existe en Europe des pays qui sont particulièrement avancés dans ces nouvelles technologies, tels les pays scandinaves qui sont au même niveau que les Etats-Unis. Mais en moyenne, l'Europe a accumulé un retard par rapport aux Etats-Unis. L'une des raisons de ce retard, c'est l'absence d'investissements qui, elle-même, est conséquence de l'atonie de la croissance. Les entreprises ne vont pas investir si leur marché stagne. Or, le moyen privilégié de l'introduction des nouvelles technologies de l'information et de la communication, c'est évidemment l'investissement. Une seconde raison qui explique le retard européen est l'absence d'investissements dans l'éducation et la recherche, et notamment, pour ce qui est de l'éducation, dans l'enseignement supérieur. Voilà pourquoi les projets de pôles de compétitivité pourraient permettre de combler ce retard s'ils conduisaient à accroître l'effort de recherche du pays et à faire en sorte que les entreprises en soient des acteurs majeurs. Car il s'agit de mettre ensemble des laboratoires universitaires, des entreprises et des établissements d'enseignement supérieur.
Babybarn: Quel est le principal frein français à la croissance ?
Jean-Paul Fitoussi: Il est entendu qu'il convient, encore et toujours, de réformer l'économie pour la mieux adapter à l'évolution du contexte européen et mondial. Mais le vrai frein à la croissance française est que la France est une province d'un ensemble qu'on appelle l'Union européenne, qui n'est pas gouverné. L'Europe étant la seule région du monde à se trouver dans cette situation. On en revient à la première question: il n'y a pas de responsable de la croissance et de la dynamique économique à l'échelle européenne.
Quel frein spécifique peut-on changer ? Il y a un débat majeur entre deux écoles: l'école libérale qui dirait qu'il faut supprimer le code du travail et tous les obstacles à la concurrence (j'exagère à dessein) et qu'il faut privatiser tout ce qui reste de public ; et l'école sociale-démocrate qui consiste à dire que la protection sociale n'est pas un obstacle à la croissance, la preuve étant que les pays européens qui ont le mieux réussi – et j'en parlais tout à l'heure –, id est. les pays scandinaves, sont ceux où le système de protection sociale est le plus développé. Donc selon qu'on appartienne à l'une ou l'autre de ces écoles, on conseillera des politiques différentes. Il faut dire que depuis déjà de nombreuses années, c'est la première école, à savoir le libéralisme, qui se fait le plus entendre en Europe et donc en France. Personnellement, il me semble que la clé d'un dynamisme retrouvé est un problème institutionnel. Il faudrait que l'Europe puisse utiliser sa politique monétaire et sa politique budgétaire à des fins de croissance. Ce qu'elle ne fait pas aujourd'hui et que les gouvernements nationaux ne peuvent vraiment faire, puisqu'ils sont contraints, dans leur politique budgétaire, par les règles européennes, celles du pacte de stabilité, alors que la politique monétaire qui est conduite à l'échelle fédérale n'a, selon les traités, qu'un seul objectif: la stabilité des prix.
On pourrait se poser la question de ce qu'il serait advenu de l'économie américaine si le gouvernement fédéral américain n'avait pas accepté, au moment du ralentissement de l'économie américaine, d'avoir un déficit budgétaire supérieur à 5 %. Et si la FED (la Banque centrale américaine) n'avait pas baissé ses taux d'intérêt jusqu'à 1 % – l'Europe n'est jamais descendue en dessous des 2 % –, et si, en conséquence, le dollar ne s'était pas déprécié de plus de 50 % par rapport à l'euro.
LEMONDE.FR | 14.09.05 | 17h30
lo: L'ONU n'a pas réussi à se réformer au cours de ce dernier sommet. Quel est le principal responsable de cet échec, selon vous ?
Pascal Boniface: Quand il y a un échec d'une organisation mondiale, la responsabilité est forcément collective. Dans le cas présent, on sait très bien que les responsabilités sont partagées et que de nombreux pays avaient un ou plusieurs points qui leur déplaisaient, et ils se sont donc arrangés pour ne pas faire aboutir les réformes. Il y avait bien sûr des oppositions pour l'élargissement du Conseil de sécurité qui venaient principalement des Etats-Unis et de la Chine. Quant à la réforme de la Commission des droits de l'homme, c'est plutôt la Russie, la Chine et les pays du Sud qui s'y sont opposés. Mais on ne peut qu'être frappé par le décalage entre le nombre de chefs d'Etat et de gouvernement présents et les résultats réels obtenus.
Josette: Quelle est la responsabilité des Etats-Unis dans l'échec de la réforme onusienne ?
Pascal Boniface: La première puissance mondiale a forcément une responsabilité plus grande dans la marche des affaires que les autres pays. Dans le cas précis, on savait à l'avance que les Etats-Unis étaient hostiles à l'élargissement du Conseil de sécurité, parce qu'ils sont réticents à une augmentation des pouvoirs et de la légitimité du Conseil. Et par ailleurs, le fait que le nouvel ambassadeur John Bolton, dont l'hostilité à l'ONU était bien connue, ait déposé 750 amendements au projet de réforme de Kofi Annan à quelques jours du sommet montrait bien qu'il y avait une absence de volonté d'aller vers un succès.
Dmx: L'ONU a-t-il les moyens d'éviter les guerres, dans la mesure où les Etats-Unis donnent le (mauvais) exemple ?
Pascal Boniface: L'ONU n'a pas les moyens d'éviter toutes les guerres. On l'a vu en Irak et on le voit dans d'autres endroits du monde. Et effectivement, le fait que la première puissance mondiale donne le mauvais exemple est problématique. Mais il faut rappeler que lors de la guerre du Kosovo en 1999, les pays qui avaient fait la guerre à la Yougoslavie n'avaient pas non plus attendu le feu vert de l'ONU pour agir. Donc on peut dire que l'ONU n'a pas les moyens politiques, ou juridiques, ou militaires d'empêcher toutes les guerres, mais néanmoins, elle a pu en empêcher certaines, soit en lançant des négociations, soit en faisant de la prévention.
Lamalif: L'ONU va-t-elle devenir un instrument aux mains des Etats-Unis ... ou disparaître?
Pascal Boniface: Ni l'un ni l'autre. L'ONU ne disparaîtra pas parce qu'elle est indispensable, et que malgré ses insuffisances et ses imperfections, elle a un rôle incontournable, et de nombreux Etats y sont attachés. Elle ne deviendra pas pour autant un instrument américain, parce qu'on a bien vu en 2003 que les Etats-Unis n'arrivaient pas à imposer leur agenda à l'organisation mondiale. Et que si le monde n'est pas multipolaire, parce que les Etats-Unis sont plus puissants que les autres Etats, il n'est pas non plus unipolaire, parce que Washington ne peut pas imposer sa volonté au reste de la communauté internationale.
Fayçal: Doit-on, selon vous, maintenir le principe de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU ?
Pascal Boniface: Oui, parce qu'il y a des Etats qui ont objectivement des capacités de contribution à la sécurité collective supérieures à d'autres. Et que la qualité de membre permanent devrait être un gage d'efficacité. Mais ce qui devrait être fait, c'est de réformer le Conseil de sécurité et d'augmenter le nombre de membres permanents, afin que le Conseil soit plus représentatif du monde d'aujourd'hui, et non plus du monde de 1945. C'est malheureusement cette réforme prévue par Kofi Annan qui a échoué.
Nacionunidas: L'ONU n'était-il pas voué à l'échec dès le départ, sans par exemple un pays comme le Brésil comme membre permanent du Conseil de sécurité ?
Pascal Boniface: Non, l'ONU n'était pas vouée à l'échec dès le départ. L'une des causes de l'échec – relatif néanmoins –, c'est que les pays qui l'ont créée, et qui étaient alliés lors de sa création, se sont ensuite divisés du fait de la guerre froide. Pour ce qui est du Brésil, autant il serait justifié qu'il devienne membre permanent aujourd'hui, autant il était justifié qu'il ne le soit pas en 1945, vu son poids mondial à l'époque.
ZOUHIR: A votre avis, n'est-il pas grand temps que l'Allemagne dispose d'un siège de membre permanent ?
Pascal Boniface: Oui, bien sûr, parce que nous ne sommes plus en 1945, que l'Allemagne est un pays démocratique qui a tiré toutes les leçons du passé, bien plus que le Japon, et que l'Allemagne est maintenant un pays "normal" et dont le poids justifierait un siège de membre permanent.
Veronica: Les restrictions budgétaires dont souffre l'Organisation ne vous paraissent-elles pas mettre en péril son action, son efficacité ?
Pascal Boniface: L'ONU a toujours eu un budget relativement faible. Le Monde de lundi citait le chiffre de 1,3 milliard de dollars pour son budget courant et 4,5 milliards pour les opérations de maintien de la paix. Donc, même si les Américains parlent de la gabegie existant à l'ONU, on voit que les chiffres sont très limités et que l'accusation de gabegie doit être relativisée. Mais lorsqu'on compare son budget et les services rendus, on voit que l'ONU est finalement très peu chère. Comparons avec les 87 milliards de dollars de la présence militaire américaine en Irak. Pour ce qui est des opérations de maintien de la paix, leur efficacité tiendrait plus dans des décisions politiques plus claires et dans l'existence d'une véritable armée internationale permanente.
Stef: L'augmentation du nombre de membres permanents ne risque-t-il pas, au contraire, de créer des situations de blocage, d'alliances temporaires, d'instabilité... ? Un peu comme une république dotée d'un pouvoir législatif fort mais d'un pouvoir exécutif faible...
Pascal Boniface: Il y a effectivement un risque de dilution, mais ce n'est pas le plus important. Tout d'abord, les nouveaux membres permanents n'auraient pas le droit de veto, ce qui limiterait les possibilités de blocage. Et surtout, on pourrait penser que malgré l'augmentation du nombre de membres permanents, il y aurait toujours des majorités possibles. Simplement, ces majorités seraient plus légitimes que les majorités actuelles.
Malek: De quel pouvoirs disposent réellement les enquêteurs de l'ONU au Liban ?
Pascal Boniface: De pouvoirs assez importants, parce qu'ils sont aidés par le gouvernement libanais, et donc agissent en coopération avec ce gouvernement. Ils ne sont pas en milieu hostile. Et on a plutôt le sentiment que l'enquête avance.
Nacionunidas: Comment expliquez-vous le scandale du programme "Pétrole contre nourriture" ? Les fonctionnaires de l'ONU sont-ils si naïfs ?
Pascal Boniface: Non, mais ils ne sont pas équipés pour surveiller un programme de cette ampleur. Il y a eu des manquements graves qu'il faut sanctionner, mais cela ne doit pas mettre en cause la légitimité de l'ONU. Cela doit être l'occasion de prendre les réformes pour éviter le renouvellement de ces manquements.
Francoislg: La charte pouvait prévoir une armée à la disposition du Conseil, mais trop d'Etats ne l'ont pas souhaité. Militaire, j'ai pu en de nombreuses opérations extérieures apprécier le travail de l'ONU, j'ai surtout constaté son impuissance en Yougoslavie. La réforme ne sera pas le remède tant que les Etats ne décideront pas s'ils veulent une ONU efficace ou pas ... Donnez-moi votre point de vue.
Pascal Boniface: Je suis entièrement d'accord avec ce témoignage. Effectivement, c'est l'égoïsme et la crainte des Etats de perdre leurs prérogatives qui ont empêché la création d'une armée permanente, qui aurait pu agir plus rapidement et plus efficacement que les forces actuelles, composées de troupes de qualité et d'équipements très divers. Pour ce qui est de la Yougoslavie, ce n'est pas tellement les troupes qui sont en cause que le mandat qui leur était donné. Et quelle que soit la qualité d'une armée, elle ne vaut pas que par les ordres clairs qui lui sont donnés.
Caro: On aurait pu croire qu'après la fin de la guerre froide, l'ONU aurait pu jouer un rôle important dans un monde devenu multipolaire. Que s'est-il passé ?
Pascal Boniface: C'est effectivement l'espoir et même la croyance que la très grande majorité des leaders politiques et des observateurs avaient à l'époque. Parce que non seulement après la guerre froide, mais surtout lors de la guerre du Golfe de 1990-1991, l'ONU a, pour la première fois, fonctionné comme l'avaient prévu ses créateurs. Et il faut se souvenir que George Bush père avait, après la guerre du Golfe de 1991, déclaré que nous allions entrer dans un nouvel ordre mondial où l'ONU pourrait enfin avoir la responsabilité effective de la sécurité mondiale. Cet espoir, on peut le dire, s'est évaporé en grande partie – et pas seulement – par l'action du fils de George Bush.
Berber: Ce n'est pas la première crise que traverse l'ONU. Quelle est la spécificité de la crise actuelle ?
Pascal Boniface: Oui, effectivement, l'ONU est finalement en crise depuis sa création, cela peut prouver à la fois sa faiblesse et sa force. La crise actuelle vient principalement du choc créé entre le constat général de la nécessité d'une réforme de grande ampleur – sur lequel tout le monde est d'accord – et l'impossibilité, de par les oppositions nationales, de commencer à mettre en œuvre la moindre de ces réformes.
Cris: Bill Clinton lance aujourd'hui son "Initiative mondiale Clinton" destinée à lutter contre la pauvreté et les conflits. L'initiative privée est-elle plus efficace, selon vous, qu'une structure interétatique comme l'ONU ?
Pascal Boniface: Non, elle ne peut pas être plus efficace, parce qu'au bout du compte, ce sont les Etats qui prennent les décisions. Et surtout pour les questions de sécurité. Mais on voit dans de nombreuses occasions que l'initiative privée peut enclencher un mouvement qui sera ensuite suivi par les Etats. Deux exemples viennent immédiatement à l'esprit: le premier sur la convention des mines antipersonnel adoptée par les Etats il y a quelques années à la suite d'une initiative d'ONG ; et hier encore, le principe d'une taxation des billets d'avion a été accepté par un certain nombre d'Etats, dont la France, et cela est la suite du mouvement altermondialiste demandant l'instauration d'une taxe Tobin. Donc les initiatives privées, individuelles ou collectives, ne sont pas suffisantes, mais elles sont nécessaires.
ZOUHIR: Vous semblez croire profondément en l'ONU. Que doit-on faire pour balayer tous les doutes qu'elle suscite ?
Pascal Boniface: Je ne suis pas un croyant, je suis un pragmatique, et je constate simplement que l'ONU est nécessaire, mais il ne faut pas pour autant nier les difficultés qui sont les siennes. Pour balayer les doutes, il faut la rendre plus efficace, c'est le seul moyen. Pour la rendre plus efficace, il faut que ce soit les Etats qui acceptent les réformes, et donc, au niveau des citoyens, il faut faire pression sur les Etats pour qu'ils mettent en œuvre ces réformes.
Clem: Quelles sont les réformes les plus urgentes ?
Pascal Boniface: C'est un mouvement d'ensemble. Il faut à la fois augmenter l'efficacité de la gestion, la crédibilité de l'ONU en matière de droits de l'homme, en matière de développement économique et en matière de sécurité collective. Il est difficile d'avancer sur un sujet sans avancer sur les autres. C'est là le problème: tout est bloqué pour le moment. Cela dit, s'il y avait quelque chose de plus urgent parce que cela peut conditionner le reste, c'est bien sûr les problèmes de guerre et de paix, parce qu'il n'y a pas de développement économique dans un pays en guerre, et que les pays en guerre sont les premiers à bafouer les droits de l'homme.
Entretous: Pensez-vous que l'arène de l'ONU est essentiellement une plate-forme de lobbying et une tribune ayant les médias comme caisse de résonance, plus qu'un lieu de réelle décision ?
Pascal Boniface: Les décisions sont prises également en fonction des opinions publiques. Donc la communication est un instrument de pouvoir, de puissance. Servir de caisse de résonance est un moyen d'agir. Comme on l'a vu dans les années 1960 en faveur de la décolonisation, ou dans les années 1980 en faveur de la fin de l'apartheid.
Chat modéré par Constance Baudry et Bérangère Lepetit
LEMONDE.FR | 14.09.05 | 17h19
U n genre nouveau fleurit sur nos écrans télévisés: le docu-fiction. Lors de la 16e édition du marché international du documentaire de Marseille, il a beaucoup été question de ce genre hybride où, faute de documents réels, on a recours à des acteurs pour reconstituer des événements jamais filmés.
En tant que réalisateur de documentaires, je n'ai rien contre ces productions. J'en ai même vu de très réussies, comme L'Odyssée de l'espèce . En revanche, leur statut de documentaire me semble substantiellement et historiquement faux.
Les docu-fictions ont pour terrain de prédilection le passé et le futur. Ils s'y intéressent à travers l'histoire ancienne, la science et ses projections. Or, passé et futur sont à l'opposé du mode présent et de son corollaire, la réalité, essence du documentaire. Les frères Lumière en furent les précurseurs, quand ils filmèrent l'entrée d'un train en gare de La Ciotat.
Plus tard, Robert Flaherty, le premier, mit en scène la "réalité" qu'il filmait. Après-guerre, Jean Rouch, tenant du "cinéma-vérité", intégra la subjectivité de celui qui filme pour donner naissance à sa théorie du "cinéma du réel". Un dénominateur commun réunit ces cinéastes: ils s'intéressent d'abord à la réalité, à une situation non élaborée pour l'occasion.
Par la suite, quand les documentaires télévisés s'intéresseront à l'histoire, aux arts ou à la science, ils le feront aussi à travers le réel, en partant des archives, des oeuvres ou des travaux d'historiens, des artistes ou des scientifiques. Aujourd'hui, dans le docu-fiction, le réel devient virtuel, puisqu'il s'efface derrière la reconstitution et les acteurs. Or, depuis que le cinéma existe, ce qui fonde la différence entre fiction et documentaire, ce sont justement les acteurs. A partir du moment où il y a acteur, il y a fiction.
On nous dit: ces films comportent aussi un commentaire pédagogique, scientifique ou historique. Et alors ? Un commentaire ou n'importe quelle voix off – procédé qui existe depuis toujours dans de nombreux films de fiction – n'ont jamais été le gage d'une démarche documentaire.
Dès lors, avec le docu-fiction, de deux choses l'une: ou, tel Monsieur Jourdain, la télévision fait de la fiction "sans le savoir" ; ou bien, par un habile procédé d'escamotage, elle étend le domaine de la fiction, propice à l'audience, à l'espace du documentaire. Ce faisant, elle occupe les cases de diffusion du documentaire et le pousse à financer ces nouvelles fictions qu'elle fait précéder du mot "docu". La sémantique s'y entend à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Comment faire autrement pour parler, notamment, d'histoire ancienne ?, rétorquent les responsables des chaînes. Aux gens d'image, je réponds: vous avez déjà suffisamment de pouvoir pour ne pas revendiquer en plus celui de faire exister ce qui n'existe pas. Si Jules César n'a jamais été filmé, ni vous ni moi n'y pouvons rien. Libres à vous d'utiliser le docu-fiction pour le représenter. Mais, dans ce cas, allez au bout de votre logique: faites partager le coût de ces programmes par vos unités de fiction. Au-delà de ce débat, le docu-fiction pose des problèmes plus graves. On mesure toutes les ambiguïtés d'un genre où un discours qui se voudrait objectif et scientifique s'appuie sur des images fictives, travestissant le réel au profit d'une représentation "comme pour de vrai", alors qu'elle est fausse.
Le docu-fiction et le mélange des genres qu'il induit répondent aussi à une logique économique et idéologique pernicieuse. La suppression de la différence entre réel et imaginaire renforce une massification généralisée, où la diversité des genres s'appauvrit au seul profit des annonceurs, qui rêvent de plus grand dénominateur commun pour nous vendre leurs produits à l'échelle la plus grande possible. Le précipité entre imaginaire et réel qu'opère le docu-fiction n'est pas pour leur déplaire.
Alors que la fiction revendique l'artifice des acteurs et la subjectivité de l'auteur, le docu-fiction ne l'assume pas, au prétexte qu'au-delà des acteurs, des décors et des costumes le commentaire serait gage d'une vérité historique ou scientifique objective. Ainsi ses tenants affirment poursuivre le même enjeu que le documentaire – mieux nous faire comprendre notre monde –, alors qu'ils ne font qu'étendre le mode de la représentation et du spectacle au champ de la connaissance et du savoir.
Ce faisant, le docu-fiction ne fait qu'élargir le domaine d'une représentation généralisée et d'un spectacle où, grâce à l'idée fallacieuse du temps disponible et du loisir, se met en place un monde divisé en deux catégories de citoyens. D'un côté, la masse des humains-spectateurs, qui disposent juste des moyens suffisants, mais de beaucoup de temps, pour assister, par médias interposés, aux représentations des spectacles du monde ; de l'autre côté, une minorité d'humains-acteurs, qui agissent dans la vie en se réalisant dans leur travail. Leur mode d'existence constituera le gros des programmes ingurgités par les humains-spectateurs qui vivront leur vie par procuration. Sans oublier quelques chaînes plus pointues, où des humains-spectateurs plus intellos que les autres regarderont comment Brutus a tué Jules César, oublieux de l'essence même de l'histoire, qui consiste d'abord à interroger ce qu'on ne saurait voir.
Le documentaire doit donc conserver ses spécificités: éterniser le présent à travers son cinéma du réel et s'interroger sur le passé ou le futur sans les soumettre à la violence d'une représentation forcément erronée, puisque factice. Laissons à la fiction ce qui fait sa noblesse, imaginaire et subjectivité des auteurs, pour nous donner à voir, par le jeu des acteurs, la vie de façon plus vraie que réelle. A chacun son mode, son monde et sa vérité. C'est le plus sûr gage de notre liberté.
Jean-Christophe Rosé est documentariste.
par Jean-Christophe Rosé
Article paru dans l'édition du 15.09.05
G uy Theunis, un prêtre belge de 60 ans, sera jugé par une cour d'assises rwandaise pour avoir, d'après ses accusateurs, été complice du génocide de 1994, qui avait fait quelque 800 000 morts. Arrêté le 5 septembre à Kigali, le missionnaire a été entendu, dimanche 11 septembre, par un tribunal populaire traditionnel de la capitale rwandaise. Malgré ses dénégations, il a été renvoyé devant le parquet national par cette instance qui ne compte ni avocats ni juges professionnels.
Un porte-parole du parquet a confirmé lundi que le prêtre, membre de la Société des missionnaires d'Afrique – – les "Pères blancs"– – serait rapidement traduit devant un jury. Guy Theunis risque la peine de mort. Les condamnations à la peine capitale ne sont plus exécutées au Rwanda depuis 1998.
Karel De Gucht, le ministre belge des affaires étrangères, a "pris note" des accusations formulées à Kigali, puis convoqué l'ambassadeur du Rwanda. Le diplomate aurait confirmé le sérieux des accusations portées contre le prêtre. M. De Gucht doit avoir, cette semaine, une entrevue avec son homologue rwandais à New York, en marge du sommet de l'ONU. Le premier ministre belge, Guy Verhofstadt, espère évoquer l'affaire avec le président Paul Kagamé.
Les juges du tribunal populaire ont estimé que le dossier de Guy Theunis relève d'une juridiction classique et que Guy Theunis appartient à la catégorie des "planificateurs, organisateurs, incitateurs, superviseurs et encadreurs" du génocide.
Le prête a vécu de 1970 à 1994 au Rwanda. Il y a notamment participé à une revue chrétienne, Dialogue. Les autorités rwandaises lui reprochent d'avoir fait écho, dans cette publication et dans une revue de presse destinée aux diplomates, aux positions des extrémistes hutus et de la revue Kangura . Il est également accusé d'avoir minimisé l'ampleur du génocide au début de celui-ci, ce qui aurait freiné l'action de la communauté internationale.
Les organisations non gouvernementales Avocats sans frontières et Human Rights Watch expriment des doutes quant à ces griefs. Reporters sans frontières, dont le missionnaire fut le correspondant, se dit "scandalisée" et évoque "un règlement de compte politique". Filip Reyntjens, un universitaire spécialisé dans la politique africaine, se dit "certain à 100 %" que le missionnaire est innocent.
Diverses sources affirment que l'arrestation de la semaine dernière fait partie d'un "montage" politique. Le pouvoir rwandais entend peut-être obtenir le jugement de génocidaires présumés réfugiés à Bruxelles –– deux procès d'assises ont déjà eu lieu en Belgique et ont abouti à des condamnations – ou, en tout cas, faire pression sur le gouvernement Verhofstadt, qui tolère la présence en Belgique de nombreux opposants au Front patriotique rwandais (FPR), le parti du résident Kagamé.
Autre hypothèse: le régime de Kigali entend régler ses comptes avec l'Eglise catholique et, au-delà, avec de nombreux exilés qui critiquent les violations des droits de l'homme dans leur pays. Même s'il se démarquait souvent des positions des Pères blancs et critiquait aussi bien l'ancien régime hutu que le nouveau pouvoir tutsi, Guy Theunis entretenait, notamment à Rome, des contacts qui le font passer pour un suspect idéal aux yeux du FPR. Les milieux catholiques et la monarchie belges avaient par ailleurs fait preuve d'une indulgence coupable pour le régime hutu, ce qui ne peut que renforcer l'hostilité de Kigali à l'égard du missionnaire.
Enfin, des spécialistes estiment que le régime de Kigali a voulu montrer qu'il ne tolérait pas les entraves apportées par les autorités belges aux exportations illégales de minerais. Un rapport de l'organisation Global Witness a dénoncé récemment le commerce illicite organisé à partir de Kigali, et la Belgique a mis fin aux activités d'une compagnie aérienne qui permettait l'acheminement de minerais vers l'Europe.
Jean-Pierre Stroobants (avec Stéphanie Maupas à La Haye)
Article paru dans l'édition du 15.09.05
C omment discuter de la psychanalyse ? La publication du Livre noir de la psychanalyse pourrait être l'occasion de confrontations intéressantes.
C'est le souhait de la plupart de ceux qui y ont participé ; lesquels, par ailleurs, ne sont pas tous des partisans frénétiques des thérapies comportementales.
Il y a urgence à sortir des débats très abstraits quant à savoir si la psychanalyse est ou non une science ; ou des autres débats, faussement concrets, qui croient résoudre le problème en préconisant des "essais cliniques contre placebo", dont on sait pourtant qu'il est très difficile de généraliser leur méthodologie en dehors de l'étude des médicaments classiques.
Peut-être, peut-on procéder d'une autre façon, et s'intéresser à la manière dont la psychanalyse réagit face à des épreuves contemporaines qui appartiennent à son champ de compétence.
Prenons la question de l'autisme. Il faut avoir rencontré les associations de parents d'enfants autistes pour se rendre compte de la souffrance que leur a infligée le canon psychanalytique, tel qu'il a été formulé en premier lieu par Bruno Bettelheim. L'idée de la responsabilité maternelle, des "mères froides", a eu un effet dévastateur.
Pire, de nombreux psychanalystes pensaient que ces enfants devaient être éloignés le plus possible de leurs parents, ajoutant de la souffrance à la souffrance.
On ne peut certainement pas se tirer de cette affaire en se contentant de dire qu'il faut "utiliser les deux méthodes" ou des choses de ce genre. Les psychanalystes ne sont-ils pas un peu légers dans leur bilan ?
Prenons l'homosexualité. Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), mis au point, par consensus, par les psychiatres américains, ne date pas de 1980. En 1952, une première édition en a été réalisée, sous influence psychanalytique.
Mais, en 1980, les psychanalystes ont perdu le contrôle de l'American Psychiatric Association (APA) au profit d'un courant dit "athéorique" qui voulait abandonner la distinction psychoses/névroses.
Pourquoi ont-ils perdu cette bataille ? A cause de leur position, alors majoritaire, sur la question de l'homosexualité. Les psychanalystes de l'APA se sont battus comme des enragés pour que l'homosexualité continue d'être considérée comme un trouble mental – qu'ils prétendaient, de surcroît, pouvoir guérir.
Les modernistes ont alors fait alliance avec les courants homosexuels militants et ont défait les psychanalystes. Certains d'entre eux ont d'ailleurs fait scission avec l'APA sur cette question. Rappelons que les congrès de l'APA ont été les premiers à être attaqués par les activistes gays.
Les psychiatres gays étaient, à l'époque, obligés de se regrouper dans une association clandestine. Il leur était impossible de se manifester publiquement face à des collègues psychanalystes qui les considéraient comme des malades à soigner. Le débat faisait rage pour savoir si on pouvait être homo et psy.
Là encore les psychanalystes de l'APA, dans leur grande majorité, étaient contre ! Quel bilan tire-t-on de cela ? Le poison ne continue-t-il pas à opérer sur des questions plus actuelles, comme le pacs ou le mariage gay ?
La toxicomanie a été une troisième épreuve. J'ai, au moment où le sida commençait ses ravages, participé à la création d'associations d'usagers de drogues non repentis, comme Limiter la casse. Nous préconisions, comme Act Up, de cesser de faire la guerre aux toxicos (sous prétexte de guerre aux drogues) et d'initier une politique de"réduction des risques" ; d'arrêter d'interdire la vente des seringues et de se fixer comme seul objectif l'abstinence ; enfin, de mettre des produits de substitution à la disposition des usagers.
A qui nous sommes-nous opposés cruellement ? Aux associations de thérapeutes spécialisés en toxicomanie, qui étaient sous le contrôle de psychanalystes. La bataille a été rude, violente même.
Certains utilisaient leurs entrées au ministère de la santé pour retarder la prise de mesures de sauvegarde, alors que le sida faisait des ravages. Des psychanalystes comme Charles Melman, qui nous a soutenus publiquement, ont été des exceptions. Aujourd'hui, tout le monde accepte la politique de réduction des risques. Mais quelle expérience en a-t-il été retiré ?
Pourquoi, chaque fois, l'affrontement avec la réalité des problèmes est-il venu du dehors de la psychanalyse – et même contre elle ? Quel a été le coût du retard ?
Nous sommes aujourd'hui nombreux à penser qu'il s'agit là de "pages sombres" de l'histoire récente de la psychanalyse.
Si l'on admet qu'une théorie se juge aux risques qu'elle est capable de prendre, aux épreuves qu'elle peut franchir en renouvelant ses questionnements, on comprendra alors notre perplexité face aux prétentions de la psychanalyse.
Philippe Pignarre est éditeur, contributeur au Livre noir de la psychanalyse.
par Philippe Pignarre
Article paru dans l'édition du 16.09.05
V' est à peu près aussi déroutant que de regarder un bon vivant se comporter comme s'il se goinfrait dans un restaurant sans table et sans aliment. Une équipe internationale d'astronomes a repéré, pour la première fois, un trou noir très massif et seul dans son coin d'univers, sans être situé à la place qu'occupent tous ses autres semblables: au centre d'une énorme galaxie qui fournit ses millions d'étoiles à leur insatiable appétit.
Ce déviant semble pourtant se régaler puisqu'il émet une telle luminosité qu'il peut être considéré comme un quasar des plus brillants.
Les quasars sont des trous noirs au plus fort de leur absorption de quantités phénoménales de matière. La torsion de cette substance est telle, dans le disque qui tournoie autour du glouton avant de s'y engouffrer, qu'elle se met à étinceler comme des millions de millions de Soleil. Les astronomes, qui les classent dans les objets les plus flamboyants de l'univers et les utilisent aujourd'hui comme les seules torches capables d'explorer les tréfonds du cosmos, les ont longtemps confondus avec les étoiles. Cela leur a valu leur nom qui vient de l'anglais "quasi-star", presque une étoile.
Le quasar sans maison a été découvert, comme souvent, par hasard. L'équipe d'astronomes, notamment composée de Pierre Magain, Géraldine Letawe (Institut d'astrophysique et de géophysique de l'université de Liège), Frédéric Courbin, Georges Meylan (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, EPFL) et Pascale Jablonka (EPFL et université de Genève), cherchait à établir la variété des propriétés et morphologies des galaxies hôtes de ces quasars.
Ils ont utilisé les deux outils actuellement les plus puissants pour scruter le ciel: le télescope spatial Hubble et le Very Large Telescope de l'European Southern Observatory (ESO), au Chili. Pour cela, ils ont mis au point une méthode capable de soustraire la luminosité propre de la galaxie à celle, aveuglante, du quasar. Les 19 premiers étaient tapis, comme attendu, au centre de leur toile galactique. Et le vingtième errait, à l'écart de toute prévision théorique.
A vrai dire, ce quasar atypique ne se trouve pas tout à fait isolé, comme le relatent les auteurs dans la revue Nature du 15 septembre. Il se situe à la lisière d'un nuage de gaz de la taille d'une petite galaxie, mais qui ne semble pas contenir la moindre étoile. La présence de cette nappe gazeuse ne peut suffire à expliquer l'intense activité digestive du trou noir.
Non loin, se trouve aussi une galaxie au comportement visiblement perturbé, donnant tous les signes d'avoir subi une de ces collisions qui font l'ordinaire de l'évolution du cosmos.
Ce télescopage peut-il expliquer la position du quasar excentrique ? C'est une des hypothèses retenues. Une autre explication suivrait la piste de la matière sombre, très à la mode chez les astronomes. Selon elle, le quasar serait, comme les autres, bien au centre d'une galaxie, mais principalement composée de ce type de matière, invisible aux outils humains.
Jérôme Fenoglio
Article paru dans l'édition du 16.09.05
D' ici a 2030, la demande mondiale d'énergie devrait croître de 60 %, selon l'Agence internationale de l'énergie. La part des énergies fossiles – pétrole, gaz, charbon –, qui s'établit actuellement à 85 %, ne devrait pas sensiblement évoluer. Comment réduire l'impact sur le réchauffement climatique de ces combustibles, qui émettent vers l'atmosphère 80 % des gaz à effet de serre d'origine humaine ?
Les experts du climat évaluent cette option Le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC, ou IPCC en anglais), chargé par l'ONU d'évaluer l'importance du changement climatique, s'est penché sur la question de la capture et du stockage du CO2. Il devrait adopter fin septembre un rapport final à ce sujet. Ce document indique que l'emploi de ces technologies pourrait "réduire de 30 % ou p lus" le coût de la stabilisation du taux de CO2 dans l'atmosphère. Sur une question controversée, le stockage dans les océans, les experts notent que la communauté scientifique "est encore dans une phase de recherche". |
Une option, qui n'est pas prise en compte dans le protocole de Kyoto, consiste à capturer à la source le dioxyde de carbone. Pour le réinjecter dans le sous-sol, où l'on espère le piéger suffisamment longtemps pour enrayer le réchauffement du climat. Cette voie de recherche fait l'objet d'un colloque international, organisé les 15 et 16 septembre à Paris par l'Institut français du pétrole (IFP), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM).
"Il s'agit d'une réponse technologique qui demeure une solution de transition", indique d'emblée Michelle Pappalardo, présidente de l'Ademe, qui cite une étude du Club innovation et prospective montrant qu'en 2050, sur 877 gigatonnes (milliards de tonnes) de CO2 émis, 483 seulement devraient être "récupérables". La capture du CO2 n'est en effet praticable que là où sa production est concentrée, c'est-à-dire dans les centrales électriques thermiques (40 % des émissions mondiales de CO2), mais aussi les cimenteries, les raffineries ou les unités sidérurgiques.
Michelle Pappalardo mentionne d'autres inconnues, d'ordre juridique, qui entourent la comptabilité du CO2 piégé: a qui appartiendra-t-il ? Comment sera-t-il comptabilisé dans les "puits" nationaux de CO2 ? Sera-t-il éligible aux mécanismes de droits à polluer ? Sera-t-il considéré comme un déchet ? Une mission vient d'être confiée au conseil général des mines afin d'examiner ces questions.
Les technologues n'ont pas, eux non plus, toutes les réponses en main. Même si, comme le rappelle Olivier Appert, le président de l'IFP, "les procédés envisagés dérivent des technologies pétrolières classiques", le coût du CO2 évité reste élevé: de 50 à 70 euros la tonne, il est encore deux à trois fois plus élevé que le prix auquel il s'échange dans les systèmes de bourse d'échange d'émissions de CO2, dits de "droit à polluer".
La capture, compression du gaz comprise, représente 70 % du coût total. Elle est en effet fortement énergivore et, même si elle permet de récupérer 90 % du CO2, elle peut occasionner une surconsommation de 10 % à 15 %.
Sur les installations existantes, les procédés envisagés sont essentiellement tournés vers la séparation dans les fumées de combustion.
Dans les futures installations, des technologies telles que l'oxycombustion (on utilise de l'oxygène pur pour concentrer le CO2 dans les fumées) ou la capture précombustion (on sépare le CO2 pour brûler de l'hydrogène) pourraient être envisagées à la conception.
"Actuellement, ces trois procédés conduisent à des coûts id enti ques par tonne de carbone évité", indique Pierre Le Thiez (IFP). Le projet européen Castor vise à diminuer ce coût de moitié. Il prévoit le démarrage, en mars 2006, d'une unité pilote de capture postcombustion, capable de traiter une tonne de CO2 à l'heure, dans une centrale à charbon danoise.
Le transport, par pipeline ou par tanker, devrait représenter quelques euros par tonne aux 100 km parcourus. Mais il ne représente pas un défi insurmontable. Le problème du stockage du CO2 n'est pas, en revanche, entièrement résolu. "Il faudra s'assurer de l'étanchéité des sites géologiques pour une durée de 500 à 1 000 ans, rappelle Philippe Vesseron, président du BRGM. C'est une échelle de temps qui n'est pas géologique, mais qui nécessite des travaux de vérification considérables."
Trois types de réservoirs géologiques sont envisagés. Les aquifères profonds (au-delà de 800 mètres), qui contiennent de l'eau salée, offrent les plus grandes capacités de stockage, évaluées à 10 000 milliards de tonnes de CO2. Même si les modes de calcul font l'objet de débat, cela représente l'équivalent de plusieurs siècles d'émissions mondiales. En Norvège, la compagnie Statoil réinjecte dans un aquifère une partie du CO2 contenu dans le gaz naturel de son champ de Sleipner Vest. L'opération est rentable pour l'industriel, qui échappe ainsi à des taxes.
Viennent ensuite les réservoirs pétroliers et gaziers (1 000 milliards de tonnes environ), dont certains bénéficient de l'injection de CO2, qui favorise la récupération du pétrole résiduel. C'est le cas au Canada, à Weyburn, dans la province du Saskatchewan, où le puits est quotidiennement alimenté par 5 000 tonnes de CO2 provenant d'une usine de gazéification du charbon située à 330 km de là, aux Etats-Unis. La société qui exploite ce gisement espère ainsi prolonger son exploitation de vingt-cinq ans.
Troisième forme de réservoir possible, les couches de charbon profond ne représentent que 2 % de la production de CO2 d'ici à 2050. Mais, là encore, le gaz carbonique injecté peut présenter un intérêt économique, en permettant la récupération de méthane.
Ces perspectives font dire à certains que la capture et le stockage du CO2 ne sont qu'un moyen de prolonger l'exploitation des énergies fossiles. Mais, dans la maigre panoplie à notre disposition, ils apparaissent de plus en plus comme incontournables.
Hervé Morin
Article paru dans l'édition du 16.09.05
S elon une étude de l'Insee, la politique des zones d'éducation prioritaires (ZEP) menée depuis plus de vingt ans ne donnerait pas de résultats encourageants pour les élèves. Un constat qui va à contre-courant du discours ministériel sur les ZEP. Le ministre de l'éducation nationale, Gilles de Robien, avait affirmé une semaine avant la rentrée: "On ne peut pas dire aujourd'hui que les jeunes ne réussissent pas en ZEP." Soulignant toutefois que "ça peut marcher mieux", le ministre avait annoncé son intention de rouvrir le "dossier ZEP" par une "évaluation en 2005 et une relance en 2006".
Vendredi 16 septembre, l'étude de trois chercheurs publiée dans la revue de l'Insee, Economie et Statistique, semble beaucoup moins encourageante. Elle fait apparaître sans détour que le système des ZEP, considéré par l'étude comme le premier système de "discrimination positive" en France, "n'a eu aucun effet significatif sur la réussite des élèves". Ciblée sur les collèges (400 000 élèves, 15 % des collégiens en 1997), elle démontre que "s'il y a eu gains dans certaines zones, ils ont été compensés par des détériorations dans d'autres zones". Parmi les raisons de cet échec, la mauvaise optimisation des moyens alloués aux zones d'éducation prioritaires.
"Les moyens affectés directement aux élèves se réduisent à quelques heures d'enseignement supplémentaires qui n'ont conduit à diminuer le nombre d'élèves par classe qu'assez peu et lentement (moins deux élèves en collège en 1997)", argumentent les chercheurs. En fait, ces moyens sont composés "principalement de primes accordées aux enseignants" (1 000 euros de plus par an, bonus de carrière). Gilles de Robien voudrait justement remettre ces primes au goût du jour pour stabiliser les équipes éducatives, mais aussi attirer des enseignants chevronnés pour favoriser une "mixité des compétences".
La jeunesse des professeurs de ZEP est en effet confirmée par l'Insee. Il y voit la conséquence d'une "stigmatisation" d'établissements perçus comme "difficiles" alors qu'ils sont dotés de plus de moyens. Un jeune enseignant coûtant logiquement moins cher, leur arrivée en masse en ZEP permet aussi, selon l'étude, de maintenir les budgets alloués. Leur nombre par élèves a donc connu une "faible hausse", à moyens constants.
En privilégiant "les établissements en extrême difficulté", on aurait pu – "avec le même budget total" – abaisser plus nettement le nombre d'élèves par classe, une pratique reconnue comme la plus efficace face aux publics défavorisés. D'autant que les inégalités sociales se sont accrues au sein des établissements ZEP, alors même que la philosophie présidant à leur création en 1982 était précisément de les réduire. Ainsi, les parents ont eux aussi participé à la "stigmatisation" de ces établissements en les évitant au profit d'écoles moins dotées mais dans un environnement considéré comme meilleur.
Selon l'étude, la solution passerait peut-être par une nouvelle augmentation des moyens, comme le réclament les syndicats enseignants et la gauche, ainsi qu'une revalorisation de l'image des ZEP. Le Parti socialiste a immédiatement réagi à la publication de cette étude. Ségolène Royal, ancienne ministre de l'enseignement scolaire, a estimé dans un communiqué que ce rapport souligne "la nécessité de moyens pour les zones prioritaires". Evoquant la volonté du ministre actuel de rouvrir le dossier des ZEP, elle lui a demandé de "commencer par leur donner les moyens qu'elles méritent".
De son côté, le syndicat lycéen FIDL (Fédération indépendante et démocratique lycéenne) a assuré qu'il attendait "des actes" et demandait à "être reçu" par Gilles de Robien, dans un communiqué publié vendredi: "Cette étude confirme ce que nous savions depuis un certain temps: les établissement ZEP n'ont pas rempli leurs objectifs, la FIDL avait déjà averti le gouvernement de cette situation inacceptable dès le début des mobilisations lycéennes", a-t-il déclaré dans un communiqué.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 16.09.05 | 20h57
U ne équipe de chercheurs français a réussi à réparer partiellement des cœurs de mouton ayant subi un infarctus grâce à des cellules souches embryonnaires de souris, préalablement préparées à devenir des cellules cardiaques, selon une étude à paraître samedi dans la revue médicale britannique Lancet.
Ces travaux, réalisés par l'équipe du biologiste Michel Pucéat, du CNRS de Montpellier, en collaboration avec le cardiologue Philippe Ménasché, de l'Hôpital européen Georges-Pompidou à Paris, renforcent les espoirs de réussir un jour à utiliser les cellules souches embryonnaires humaines pour soigner le cœur, selon les chercheurs.
Indifférenciées, les cellules souches embryonnaires ont la capacité de prendre la forme de cellules des différents organes (épiderme, rétine, cœur et autres muscles, os, cerveau...). En 2002, l'équipe de Pr Pucéat avait déjà réussi à soigner des cœurs de rats grâce à des cellules souches embryonnaires de souris. Avec le mouton, on se rapproche de la taille du cœur humain, explique-t-il.
Dans les travaux publiés dans Lancet, les chercheurs ont de nouveau utilisé des cellules souches embryonnaires de souris, qui ont été traitées pendant 24 heures par un facteur de croissance, afin "d'orienter leur devenir vers une cellule cardiaque". Elles ont ensuite été injectées dans le cœur de neuf moutons qui avaient, quinze jours plus tôt, subi un infarctus provoqué expérimentalement.
Un mois plus tard, ces cellules souches de souris "s'étaient différenciées totalement dans le cœur de mouton et avaient colonisé environ 20 à 30 % de la zone nécrosée" lors de l'infarctus, a précisé Michel Pucéat, expliquant qu'il aurait fallu injecter cinq fois plus de cellules pour réussir à régénérer la totalité de la zone atteinte.
Aucun phénomène de rejet n'a été constaté, y compris chez les moutons n'ayant pas reçu de traitement immunosuppresseur, mais "on ne connaît pas le mécanisme de tolérance", reconnaît le chercheur. Avoir "préorienté" les cellules souches, avec un facteur de croissance pour les inciter à devenir des cellules cardiaques, permet d'éviter une prolifération cancéreuse, précise-t-il, en se référant notamment aux expériences qu'il a menées chez le rat.
Michel Pucéat, dont l'équipe a été récemment autorisée à importer des cellules souches embryonnaires humaines, veut poursuivre ses recherches en injectant de telles cellules souches dans le cœur d'un primate."C'est le moyen de tester de façon sûre avant de passer à une application humaine un jour", en utilisant des cellules souches embryonnaires humaines pour régénérer le cœur d'un patient, conclut-il.
D es travaux récents publiés en septembre dans la revue Nature Genetics montrent que des cellules souches embryonnaires humaines cultivées sur une longue période développent des modifications de leur génome qui compromettent leur utilisation à des fins thérapeutiques.
Aravinda Chakravarti de la Johns Hopkins University School of Medicine de Baltimore et ses confrères expliquent que les données récentes laissaient penser que les altérations génétiques d'envergure étaient rares pour les cellules souches embryonnaires en culture cultivées sur de courtes périodes.
Mais leurs recherches ont montré que ces lignées de cellules souches cultivées sur le long terme accumulent de façon significative des modifications génomiques. Les chercheurs indiquent aussi que ces zones peuvent être sensibles puisque certaines ont été impliquées dans des cancers humains. HR>
L es partisans de la recherche sur les cellules souches embryonnaires ont fait naître de faux espoirs alors que les applications médicales sont encore très lointaines, estime un des principaux promoteurs de la recherche sur la bioéthique en Grande-Bretagne, Robert Winston.
Selon Lord Winston, pendant la campagne menée en 2001 pour assouplir la législation en Grande-Bretagne, une des plus libérales du monde, on a fait croire à des parlementaires que des traitements médicaux étaient "au coin de la rue". Ce lobbying a été exercé par des groupes défendant le point de vue des patients et soutenu par des observations scientifiques de l'époque.
"Nous avons peut-être survendu le sujet un peu trop", estime Lord Winston, spécialiste influent de la fertilité et des questions de bioéthique en Angleterre, cité lundi par le Guardian. "Lorsque la déception va apparaître, ce qui est possible, nous pouvons nous attendre à un effet boomerang de la part des groupes de défense du droit à la vie", a-t-il encore observé.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 16.09.05 | 11h08
L e ministre de l'outre-mer, François Baroin, affirme envisager la remise en question du droit du sol pour l'accession à la nationalité française dans "certaines collectivités d'outre-mer", dans un entretien au Figaro Magazine à paraître samedi 17 septembre. Interrogé sur la possibilité de remettre en question ce principe qui veut que toute personne née sur le territoire français bénéficie de la nationalité française, M. Baroin estime qu'il "faudrait l'envisager pour certaines collectivités d'outre-mer", car dans ces départements "le chantier le plus important, c'est l'immigration".
Soulignant qu'il ne s'agit pas ensuite de "faire un calque" d'une telle mesure en métropole, M. Baroin juge néanmoins que cela permettrait de "sortir des tabous" et que "le droit du sol ne doit plus en être un". "A Mayotte, j'étudie la possibilité de limiter à un délai d'un an après la naissance de l'enfant la période pendant laquelle un Français peut reconnaître un enfant naturel dont la mère est étrangère, explique-t-il. On peut également envisager de modifier ou de suspendre temporairement certaines règles relatives à l'acquisition de la nationalité française à Mayotte. Par exemple, poser la règle de régularité du séjour des parents comme condition pour l'accès ultérieur des enfants à la nationalité française."
Pour l'ensemble des territoires d'outre-mer, le ministre préconise des "mesures radicales", dont certaines ont déjà été acceptées en comité interministériel de contrôle de l'immigration le 27 juillet. "Une loi viendra dans les tout prochains mois compléter ce dispositif de mesures de gestion en procédant à l'indispensable adaptation de notre droit à ces situations particulières", ajoute-t-il.
"Il s'agira, notamment à la Guadeloupe, à la Martinique et à Mayotte, de permettre le contrôle d'identité de toute personne et de faire des visites sommaires de certains véhicules dans une zone de quelques kilomètres à partir du littoral", précise-t-il.
En outre, "comme c'est déjà le cas en Guyane, nous allons en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion, supprimer le caractère suspensif des recours formés contre un arrêté de reconduite à la frontière". De même, il sera possible de "saisir ou détruire tous les véhicules (avions, voitures, bateaux) qui auront servi à transporter des clandestins", a déclaré M. Baroin.
"La loi doit s'accompagner de moyens conséquents et d'une implication forte de toutes les administrations d'Etat (...). Je ferai en sorte que ceux qui s'impliquent le plus dans cette politique soient récompensés", ajoute le ministre.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 16.09.05 | 17h50
L e premier ministre, Tony Blair, avait prévenu dès le mois d'août: "Les règles du jeu ont changé" en Grande-Bretagne, Londres, havre de nombreux islamistes depuis les années 1990, ne tolérera plus les "prêcheurs de haine". M. Blair avait aussi annoncé que l'Etat n'attendrait pas d'avoir un cadre juridique pour agir. Quelques jours plus tard, le 11 août, dix étrangers étaient arrêtés en vue d'être expulsés, au motif que leur présence était une "menace pour la sécurité nationale". Sept autres ont été interpellés dans les mêmes conditions jeudi.
La loi antiterroriste, qui sera soumise aux députés en octobre, est encore en cours d'élaboration, mais le ministère de l'intérieur britannique en a précisé, jeudi 15 septembre, les contours. La mesureenvisagée la plus controversée porterait à trois mois la durée possible de la garde à vue en matière de terrorisme, contre quatorze jours actuellement.
La future loi prévoit également de réprimer la "glorification" et la "propagation de publications terroristes", d'après une lettre envoyée, jeudi, par le ministre de l'intérieur aux porte-parole de l'opposition pour les questions de sécurité. Selon le même document, la préparation des attentats deviendrait passible de la prison à vie, et l'incitation "indirecte" ou "l'encouragement" à de tels actes pourraient valoir sept ans de détention. L'entraînement au terrorisme serait par ailleurs puni de dix ans de prison.
Amnesty International a sévèrement critiqué le projet jeudi. La garde à vue de trois mois "pourrait mener à des abus tels que la détention de gens sans intention ni perspective réaliste de réunir des charges contre eux. Cela constituerait au fond un internement qui ne dit pas son nom", a écrit l'organisation de défense des droits de l'homme dans un communiqué.
La mesure, demandée par la police, est également rejetée par l'opposition parlementaire. Le libéral-démocrate Mark Oaten l'a jugée "totalement inacceptable", soulignant que la durée maximale n'avait que très récemment été portée à quatorze jours.
Du côté des conservateurs, David Davis, l'un des ténors du parti, s'est dit "particulièrement inquiet du projet d'extension de la détention sans inculpation" et a exigé du gouvernement "une argumentation convaincante". Il a ainsi laissé entendre que les conservateurs, d'ordinaire adeptes d'une ligne dure en matière de sécurité publique, pourraient ne pas voter la loi.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 16.09.05 | 09h35
Q uatre mois après le rejet de la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas, les dirigeants européens peinent à débloquer la machine européenne. "La disparition de la Constitution a rendu le système orphelin, il n'a plus d'échéance pour progresser, et le doute existentiel se traduit par un manque de dynamisme évident" , affirme un diplomate.
Le conseil européen informel des 27 et 28 octobre pourrait donner un peu de corps à la "période de réflexion" ouverte à la suite de l'échec des référendums français et néerlandais sur le modèle de développement européen, mais certains diplomates bruxellois se demandent déjà "à quoi va servir cette rencontre". Pour beaucoup, la meilleure façon de relancer le projet européen serait d'adopter le budget de l'Union élargie pour la période 2007-2013.
La Commission, et les nouveaux Etats membres, qui comptent sur les fonds régionaux pour développer leurs infrastructures, pressent la présidence britannique d'agir. Après l'échec du conseil européen de juin, personne ne sait si Tony Blair sera en mesure de le faire d'ici à la fin de l'année (c'est l'Autriche qui reprendra la tête de l'Union à partir de janvier 2006). Londres a engagé des consultations bilatérales avec les différentes capitales, mais ne veut pas présenter de propositions concrètes avant novembre. Ce qui donne le temps à l'Allemagne de mettre en place son nouveau gouvernement après ses élections législatives du 18 septembre.
La volonté de M. Blair de réaffecter une partie des sommes consacrées à l'agriculture vers la recherche suscite l'opposition de la plupart des capitales, dont Paris, qui ne souhaitent pas mettre en oeuvre une telle réforme en quelques mois. Pour conclure au plus vite, ces pays veulent renégocier sur la base des propositions présentées par la présidence luxembourgeoise, en juin. Mais elles ont été rejetées par le gouvernement britannique.
Dans ce contexte, la Commission a du mal à sortir de son immobilisme. Quelques commissaires, à l'instar du Français Jacques Barrot, réclament "davantage d'action", alors que les initiatives législatives prises par l'équipe présidée par José Manuel Barroso se comptent sur les doigts de la main depuis un an. Pour l'heure, la principale conclusion tirée par l'exécutif européen de l'échec des référendums consiste à mieux communiquer, via ce que M. Barroso appelle le plan D – "débat, dialogue, et démocratie" .
La grande initiative de la rentrée à Bruxelles est de montrer qu'on peut simplifier l'Europe. Le collège doit décider de retirer, le 27 septembre, une soixantaine de projets législatifs, jugés inutiles ou bloqués au Parlement et au conseil. A l'instar de la présidence britannique de l'Union, la plupart des commissaires estiment toujours qu'il faut "moins, mais mieux légiférer". C'est l'avis de l'Irlandais Charlie McCreevy, chargé du marché intérieur, qui plaide pour une "phase de consolidation", et de l'Allemand Günter Verheugen, à l'industrie, dont le souci est de faire en sorte que les lois européennes ne handicapent pas la compétitivité des entreprises.
Les rares grands chantiers, tous engagés sous la Commission Prodi, risquent de pâtir de ce manque d'entrain. La directive services de l'ancien commissaire Bolkestein, dont les chefs d'Etat et de gouvernement ont demandé la "remise à plat" au printemps, continue d'opposer deux conceptions de la construction européenne: privilégier l'ouverture des frontières et la concurrence (c'est l'option britannique, soutenue par les nouveaux Etats membres) ou mettre en oeuvre une harmonisation progressive pour ne pas fragiliser les modèles sociaux (c'est l'option franco-allemande). La première lecture du projet au Parlement européen n'est pas prévue avant fin octobre. Elle promet une belle bataille entre les eurodéputés socialistes, libéraux et conservateurs. Les gouvernements ne se saisiront du texte qu'en 2006.
Philippe Ricard
Article paru dans l'édition du 16.09.05
L' Europe est doublement en panne après l'échec de la Constitution européenne et le blocage des négociations sur le budget européen pour 2007-2013. Comment en sortir ?
La panne institutionnelle est peut-être moins grave que le doute des Européens sur leur avenir. La première occasion de retrouver les chemins de la confiance est l'adoption, avant la fin de l'année, des perspectives financières qui permettront de relancer l'Europe, non comme un bouclier mais comme un levier dans la mondialisation.
Derrière le budget se joue la solidarité européenne. On parle de la politique agricole, mais il ne faut pas oublier que le problème essentiel c'est celui de la cohésion entre les vingt-cinq Etats membres. Ce qui nous différencie fondamentalement d'une zone de libre-échange, c'est la solidarité entre régions riches et régions pauvres d'Europe, mais aussi entre le présent et le futur à travers les dépenses de recherche et d'investissement.
Comment relancer les discussions budgétaires ?
Pour favoriser un accord entre les Vingt-Cinq on peut introduire une clause de revoyure, par exemple en 2009, qui donnera au dispositif plus de souplesse. Cette clause permettrait de réfléchir sur la manière nouvelle d'aborder, pour l'après-2013, le problème agricole. Mais il faut tenir les engagements pris, c'est une question de crédibilité. Il faut surtout que tout le monde participe aux dépenses de l'élargissement, en particulier la Grande-Bretagne. Il s'agirait aussi, à l'occasion de ce rendez-vous, d'affecter à la recherche et à l'investissement des ressources nouvelles, en fonction de la conjoncture économique.
Vous voulez relancer l'action de la Commission, mais n'est-ce pas précisément cette action qui a été rejetée par les électeurs lors des référendums français et néerlandais ?
Je ne le pense pas. Le non a été l'expression d'une peur, celle de la mondialisation, perçue en France à travers les délocalisations et synonyme aux Pays-Bas d'une immigration non maîtrisée. Nous devons faire en sorte que les Européens puissent affronter la mondialisation sans excès de peur. Les électeurs n'ont pas dit non à l'action de l'Union, mais à son manque d'action.
Dans un premier temps, la Commission se devait de rapprocher les uns et les autres. Cette action de médiation était utile après la période difficile des référendums. Désormais elle doit reprendre son rôle de proposition. Mais il faut aussi que le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement retrouve le goût des projets. Et que les citoyens redécouvrent le désir d'Europe.
Que répondez-vous à ceux qui disent que les avertissements des électeurs n'ont pas été entendus et qu'à Bruxelles tout continue comme avant ?
La première réponse, c'est la preuve par l'action. Par l'action nous allons démontrer que la citoyenneté européenne apporte deux grands avantages: un espace plus compétitif, un espace plus sécurisé. En matière fiscale, par exemple, une étape importante a été franchie en juillet avec l'accord sur l'épargne qui limite la concurrence fiscale entre Etats. Il faut maintenant arriver à une harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, en y ajoutant une possibilité de crédit d'impôt recherche.
Nous devons aussi prolonger le régime de TVA à taux réduit sur les emplois de services à la personne, et notamment à la famille.
Vous sentez-vous plus proche du chef du gouvernement français, Dominique de Villepin, qui défend le modèle social français, ou de son ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, qui veut le transformer ?
Dans ce domaine, il ne faut pas vouloir opposer deux modèles, l'anglo-saxon contre le continental. Il faut essayer de choisir progressivement ce qui réussit le mieux dans chacun des pays, étant entendu qu'il y a en Europe trois objectifs qui ne doivent jamais être dissociés. Le premier est l'insertion professionnelle du plus grand nombre, que l'on a un peu perdue de vue en France en se limitant trop à la redistribution. Le second, c'est la redistribution: il ne faut pas laisser des écarts trop importants se creuser entre les revenus. Le troisième, c'est la protection contre les risques de l'âge et de la maladie. Je suis convaincu que ce débat peut être très fructueux à condition qu'il n'y ait pas de tabou, qu'on ne s'enferme pas dans l'idéologie, qu'on définisse des approches très concrètes.
Le non à la Constitution a souvent été interprété comme un non à l'élargissement. Après la Turquie et les pays des Balkans, on ferme la porte ?
L'entrée de la Turquie n'est pas acquise. La Commission sera extrêmement attentive, par exemple, à ce qu'on n'ouvre pas le chapitre des transports tant que les navires et les avions chypriotes ne pourront pas entrer dans les ports et aéroports turcs. Pour d'autres pays, comme l'Ukraine, la politique de voisinage permettra d'établir des liens étroits.
Cette stratégie de voisinage veut dire qu'en creux on définit le périmètre de l'Union et qu'implicitement on reconnaît ces Etats comme voisins, et non comme candidats à l'adhésion. L'élargissement ne doit plus être perçu comme une fuite en avant.
Propos recueillis par Thomas Ferenczi et Philippe Ricard
Article paru dans l'édition du 16.09.05
E n décidant de supprimer 1 240 postes en France, Hewlett- Packard a rompu le lien qui unissait cette entreprise à ses salariés, et l'opinion ne comprend pas qu'un groupe dont les bénéfices ont crû de 38 % sur le seul exercice 2003-2004, pour dépasser les 3 milliards de dollars, licencie aussi massivement. Le groupe avance des arguments pour nous convaincre de l'inéluctabilité d'une restructuration douloureuse, qu'il vaut mieux réaliser en période de croissance. Il ne convainc pas, pour deux raisons.
La première, c'est que la nature strictement financière et boursière de cette décision apparaît évidente. Alors que le groupe s'est constitué, grâce à ses bénéfices, de solides réserves financières, il s'inquiète d'un cours boursier atone et applique les recettes les plus cyniques de la jungle financière. Il licencie pour satisfaire quelques gérants de portefeuilles, étrangers à toute logique industrielle. Ce mécanisme insupportable, qui veut que la valeur boursière d'une entreprise progresse au prorata de ses réductions d'effectifs, ne trompe plus personne.
La seconde raison de cette condamnation unanime, c'est que la décision de Hewlett-Packard apparaît sans lien avec les territoires qui l'ont accueilli et ont permis sa croissance. L'exemple de Grenoble est édifiant. Installée en 1972, l'entreprise s'est développée sur le terreau d'innovation grenoblois en même temps qu'elle a contribué à son développement.
Avec sa politique sociale et son implication dans la cité, Hewlett- Packard constituait un modèle de participation au développement territorial. Las ! J'ai constaté, ces dernières années, un retrait de la part de ses responsables. Au point que cette entreprise est aujourd'hui la seule de son secteur à avoir refusé de s'associer au pôle de compétitivité "mondial" labélisé par le gouvernement. Cette non-implication dans la dynamique locale, illustrée par la brutalité de l'annonce des licenciements, est une logique de "désincarnation territoriale" mortifère pour notre économie.
Face aux risques de délocalisations, les mesures réglementaires et les cadeaux fiscaux sont inefficaces. De même, il serait vain et inacceptable de chercher à lutter avec les pays émergents sur le terrain du coût du travail et de la précarité. Tous les économistes sérieux le savent, il n'existe qu'un remède efficace: l'innovation.
Malheureusement, ni l'Europe – en panne – ni l'Etat n'ont été capables de mettre en place une réelle politique d'innovation, comme le fait depuis longtemps l'administration américaine, à grand renfort de fonds publics. Faute d'outils d'aide à l'innovation, notre pays continue de perdre du terrain dans la compétition. Heureusement, des stratégies d'innovation ont été portées par les territoires: Grenoble fait figure de référence.
Avec ses universités, ses 20 000 chercheurs publics et privés et les nombreuses multinationales qui ont installé dans la région leurs centres de recherche les plus avancés, la ville est devenue un pôle mondial dans les micro et nanotechnologies, avec des compétences fortes dans l'énergie et les sciences du vivant.
Les milliers d'emplois générés sont positionnés sur des secteurs à fortes variations – les hautes technologies – mais ils sont garantis par la valeur ajoutée créée par l'innovation sur le territoire. Car innovation ne doit pas être confondue avec haute technologie: notre stratégie territoriale est de la diffuser dans tous les secteurs industriels, y compris traditionnels. Se positionner sur une mono-industrie serait irresponsable.
A rebours de cette dynamique territoriale, la décision de Hewlett-Packard semble invalider la stratégie de développement des acteurs locaux. En fait, elle en est le contre-exemple. C'est parce que Hewlett-Packard s'est désengagé des territoires, a cédé sur son identité sociale et innovante, qu'elle adopte aujourd'hui un comportement et une stratégie qui suscitent l'incompréhension et la réprobation générale.
Je n'entends pas me résigner. J'entends défendre les salariés de Hewlett-Packard en défendant le "modèle grenoblois" d'innovation, pour convaincre les responsables que leur décision est une erreur en termes de potentiel humain et que se désengager de territoires d'innovation à forte valeur ajoutée et forte productivité est un contresens en termes de stratégie industrielle.
Je me rendrai très prochainement au siège mondial de Hewlett-Packard pour convaincre ses dirigeants de revenir sur les suppressions de postes, mais aussi de s'impliquer dans un développement territorial innovant et créateur de richesses, donc d'emplois.
Michel Destot est député de l'Isère et maire (PS) de Grenoble.
par Michel Destot
Article paru dans l'édition du 17.09.05
cyrano24100 ♦ 16.09.05 | 22h27 ♦ Je trouve que la décision de HP est tout à fait logique: M. Destot a sans doute bien voyagé, et doit savoir que l'innovation on en trouve partout: En Chine aussi, et moins cher! On va commencer petit-à-petit à payer la vrai facture des 35-heures. Les entreprises "innovatrice" sauront toujour innover pour amoindrir leur coûts. C'est ça la réalité industrielle d'HP comme de toute entreprise.
gérard B. ♦ 16.09.05 | 19h42 ♦ L'analyse de M.Destot me plait parce qu'elle souligne l'incohérence d'HP dès lors que l'on se cantonne dans la logique industrielle. Mais cette analyse me parait incomplète: si les français gardent une capacité d'innovation dans le domaine industriel, il faudrait étendre celle-ci aux domaines institutionnels: droit du travail, notoirement archaique, et politiques publiques structurelles, qui se cantonnent au nationalisme économique(inspiré de F. List, début XIXème ?). HP y serait sensible?
clo.clo ♦ 16.09.05 | 18h11 ♦ Bonne chance, Mr Destot en allant plaider la cause de la région, son dynamisme et sa créativité. Mais ne dites pas que vous êtes socialiste, que les 35 heures pénalisent la création en ralentissant la recherche, la productivité( je le vis !! ) par rapport aux autres pays développés . Ne dites pas que vous avez voté en faveur de lois de travail pénalisant les salariés et plombant les entreprises. Car si il n'y a pas de logique industrielle dans la démarche de HP, une autre logique s'y cache !!
Deathwind ♦ 16.09.05 | 17h44 ♦ Encore une fois, on nous fait le coup de l'opposition entre la "gentille" politique industrielle et la "méchante" politique financière/boursière. Cette analyse, qui fleure bon la rhétorique anti-capitaliste, est complètement surannée, opposer les deux n'a pas de sens. Quand aux licenciements en période de profits, ils montrent que les entreprises privés à l'inverse de l'Etat n'attendent pas le dernier moment pour se réformer car elles ne peuvent pas se le permettre à la différence de l'Etat.
animal politique ♦ 16.09.05 | 16h04 ♦ Oh ! le pouvoir de Michel Destot n'est sûrement pas très important mais son discours a le mérite d'être cohérent, posé et réfléchi. Bonne chance quand même mais je n'y crois guère...
peutetre ♦ 16.09.05 | 15h42 ♦ Notre Don Quichote de l'Isère n'a pas encore compris que HP a désomais les mains libres. Sans Etat en face d'elle l'entreprise négocie de grès à grés le travail humain dont elle a besoin. Il n'y a aucune solution contre celà, l'inovation dont on nous rebat les oreilles est aussi un domaine de compétition dans lequel les pays émergents sont en très bonne place. Donc HP en bonne entreprise va acheter le travail la où il est le moins cher. L'état en mauvais mandataire regarde ailleurs ...
duyhai ♦ 16.09.05 | 14h57 ♦ Michel Destot a fait une analyse très exacte de la situation, à savoir que la décision de délocalisation est prise d'en haut par les actionnaires (et donc les fonds d'investissment) en complet décalage avec la réalité économique et sociale sur le terrain. La logique n'est même plus d'ordre économique mais d'ordre boursier et spéculatif. Face à ce phénomène croissant on se demande si les états ont un quelconque pouvoir sur une structure de gouvernance de plus en plus mondialisée
L a victoire de la coalition rouge-verte, il y a sept ans en Allemagne, ne marquait pas seulement une alternance gouvernementale. C'était un changement d'époque. En tout cas, la victoire des sociaux-démocrates et des Verts était vécue comme telle. Après seize ans de règne de la démocratie chrétienne, sous la férule d'Helmut Kohl, ce n'était pas vraiment inattendu, et pourtant les observateurs avaient l'air aussi surpris que les vainqueurs. "Ils n'affichaient pas le contentement des carriéristes, mais le sourire étonné des gagnants du Loto", écrivent trois journalistes du Spiegel dans un livre consacré à cette "aventure politique".
Gerhard Schröder, Joschka Fischer et leurs amis avaient rêvé depuis longtemps de prendre la relève. Dès le début des années 1980, dans une arrière-salle d'un bistrot de Bonn – alors capitale de la République fédérale –, ils avaient fait et refait la liste de leur gouvernement sur des dessous de verre à bière.
Ils avaient préparé cette marche vers les plus hauts sommets de l'Etat avec l'ambition de recommencer ce que le social-démocrate Willy Brandt avait réussi au tournant des années 1960-1970: "oser plus de démocratie". Ils voulaient une Allemagne libérale et sociale, écologique et pacifique.
Sept ans après leur arrivée au pouvoir, que reste-t-il de ce projet ? L'Allemagne a changé, mais pas toujours dans le sens souhaité par les protagonistes de la coalition rouge-verte.
Ils voulaient faire de la politique autrement: "Le SPD peut provoquer un changement de gouvernement, mais il n'y a de vrai changement de politique qu'avec les Verts", disait Joschka Fischer, le chef de file de ces derniers.
Et en effet, l'alliance entre un Parti social-démocrate où les syndicalistes constituent toujours la majorité des adhérents et un Parti vert qui était le refuge des contestataires et des pacifistes n'allait pas de soi. Le choc des cultures était inévitable.
Cette nouvelle génération de gouvernants très marqués par l'esprit de 1968, même si tous n'avaient pas été des acteurs du mouvement contestataire, a commencé par mettre en œuvre son programme: sortie progressive du nucléaire, à la suite de débats déjà houleux entre les écologistes purs et durs et le chancelier Schröder, "le camarade des patrons", qui a toujours eu plus de sympathie pour l'industrie, que pour les énergies renouvelables ; modernisation du code de la nationalité rompant avec la tradition du droit du sang, bien que le gouvernement dût très vite faire marche arrière sur la question de la double nationalité à cause d'une campagne quasiment xénophobe de la démocratie chrétienne.
C'est ainsi que la coalition a perdu ses premières élections régionales dans le Land de Hesse, qui était un fief de la social-démocratie. Ce n'était que le premier d'une longue série d'échecs et la première confrontation avec la réalité politique. "L'expérience du gouvernement rouge-vert est devenue un cours de rattrapage sur le pragmatisme pour la génération 68", explique le sociologue Heinz Bude. C'est vrai dans le domaine économique et social comme en politique étrangère.
Gerhard Schröder est arrivé à la chancellerie sans avoir les idées très claires. Il a d'abord nommé un leader syndical ministre du travail et un entrepreneur ministre de l'économie. Pendant quelques mois, il a dû supporter à ses côtés comme ministre des finances Oskar Lafontaine, partisan d'une politique keynésienne.
Ensuite le chancelier fut séduit par la "troisième voie" chère à Tony Blair. Il publia avec le premier ministre britannique un texte qui provoqua des remous chez les sociaux-démocrates et resta sans lendemain.
Il aurait dû se souvenir de la définition du "nouveau centre" donnée par Willy Brandt dans les années 1960: " Là où l'on comprend la nécessité de changer pour maintenir, là se trouve le nouveau centre", disait l'ancien chancelier. Or la coalition a attendu le lendemain des élections de 2002, gagnées un peu par hasard, pour lancer les indispensables réformes sociales dans un pays où le "miracle économique" avait laissé la place, le coût de la réunification aidant, à 5 millions de chômeurs.
Le gouvernement a décidé, en quelques mois, une réforme fiscale, une simplification de l'indemnisation du chômage et en même temps un durcissement des conditions d'attribution, une libéralisation relative du marché du travail, une réforme des retraites et de l'assurance-maladie... Tous ces changements ont été mis en oeuvre après d'âpres compromis avec l'opposition chrétienne-démocrate, dont le consentement était nécessaire du fait de sa majorité au Bundesrat, la Chambre des Etats. En même temps, ils ont provoqué la grogne dans les rangs du Parti social-démocrate, qui a perdu, en sept ans, plus de 20 % de ses adhérents, et ils vont vraisemblablement coûter son troisième mandat à M. Schröder. Les sacrifices ont été ressentis immédiatement ; les résultats bénéfiques de ces réformes nécessaires tardent à se faire sentir.
En politique étrangère,c'est à un véritable "lavage de cerveau", pour reprendre une expression des journalistes du Spiegel, que les Verts – et l'aile gauche du SDP – ont été soumis. Ils avaie¥nt milité pendant des années – c'était même leur fonds de commerce, à côté de l'écologie – contre l'impérialisme américain et l'alliance germano-américaine, pour la diminution des dépenses militaires et la disparition de la Bundeswehr. Ils se sont retrouvés dans un gouvernement qui a participé à la guerre au Kosovo sous la direction de l'OTAN et envoyé des troupes à l'étranger, notamment en Afghanistan et dans les Balkans, pour la première fois dans l'histoire de l'Allemagne d'après-guerre. Le revirement n'était pas acquis d'avance. Il est dû en majeure partie à la force de persuasion de M. Fischer.
Il en allait pour lui du maintien des Verts dans le gouvernement, de sa légitimité personnelle en tant que ministre des affaires étrangères, mais aussi d'une conviction forgée avant même l'arrivée au pouvoir: le pacifisme, symbolisé en Allemagne par le slogan "Plus jamais Auschwitz, plus jamais la guerre !",trouve ses limites dans la lutte contre les dictatures et dans le droit d'ingérence.
En refusant de soutenir la guerre en Irak, et M. Fischer n'est pas pour rien dans la décision annoncée par M. Schröder pendant la campagne électorale de 2002, la coalition rouge-verte a brisé un tabou en renouant avec ses tropismes originels. Pour la première fois aussi dans l'histoire de l'Allemagne d'après-guerre, Berlin s'opposait ouvertement aux Américains, qui avaient porté la République fédérale sur les fonts baptismaux et avaient été ses tuteurs pendant un demi-siècle.
Au cours des dernières années, l'Allemagne s'est ainsi émancipée de son passé. Elle ne l'a pas refoulé mais elle l'a intégré comme partie de son identité sans qu'il prédétermine toutes ses décisions. La boucle a été bouclée par ces mêmes soixante-huitards qui réclamaient des comptes à leurs pères. Après les élections du dimanche 18 septembre, la coalition rouge-verte fera peut-être figure d'épisode. Elle marquera nonobstant la fin d'une époque.
Daniel Vernet
Article paru dans l'édition du 17.09.05
C heikh Jawad Al-Khalessi est imam chiite de la mosquée Al-Kazemiya, à Bagdad, et doyen de l'école religieuse attenante. Il est de passage à Paris après la rencontre interreligieuse de Sant'Egidio, à Lyon.
Le président Talabani appelle à l'aide Le président irakien, Jalal Talabani, a lancé, jeudi 15 septembre à l'ONU, un appel à la communauté internationale. "Aujourd'hui, l'Irak est confronté à une campagne terroriste des plus brutales, perpétrée par les forces des ténèbres", a-t-il déclaré, avant d'ajouter : "Nous n'hésitons pas à vous dire ouvertement et franchement que nous avons désespérément besoin de votre expérience, de vos investissements et de votre soutien moral pour lutter contre le terrorisme." Reconnaissant que "les contours d'un Etat irakien démocratique, pluraliste et fédéral ne sont pas encore très nets" , il a souligné qu'il faudrait "du temps pour aboutir à la démocratie, au respect mutuel et à une distribution équitable du pouvoir". Vendredi, la violence a continué. Trois policiers, un représentant du gouvernement en province et quatre de ses gardes ont été tués lors de deux attaques séparées au sud de la capitale. La veille, trois attentats-suicides visant des policiers ont fait au moins 23 morts. Par ailleurs, douze irakiens, dont quatre policiers, ont également été tués dans divers incidents. – (AFP.) |
Abou Moussab Al-Zarkaoui a déclaré la "guerre totale" aux chiites et perpétré le massacre le plus sanglant à Bagdad, mercredi 14 septembre, depuis le début de la guerre en Irak. Que pensez-vous de cette déclaration ?
Je ne pense pas qu'Abou Moussab Al-Zarkaoui existe en tant que tel. C'est seulement une invention des occupants pour diviser le peuple car il a été tué dans le nord de l'Irak au début de la guerre alors qu'il se trouvait avec le groupe d'Ansar Al-Islam, dans le Kurdistan. Sa famille, en Jordanie, a même procédé à une cérémonie après sa mort. Abou Moussab Al-Zarkaoui est donc un jouet utilisé par les Américains, une excuse pour poursuivre l'occupation. C'est un prétexte pour ne pas quitter l'Irak.
Mais pourquoi déclarer la "guerre totale" aux chiites ?
Afin de les rapprocher des forces d'occupation. De cette manière, les chiites vont trouver refuge auprès des Américains plutôt que de rejoindre la résistance. Car les chiites participent à la résistance au sud, comme en témoignent les récents attentats commis, notamment, à Bassora.
Pourtant, il vient d'être annoncé que Nadjaf était passée sous le contrôle des forces irakiennes et que d'autres villes du Sud allaient suivre ?
Ce n'est pas vrai. C'est juste un effet d'annonce pour les médias. En réalité, les forces irakiennes ne contrôlent pas la situation et les troupes d'occupation restent à la périphérie pour intervenir dès qu'il y a des problèmes.
Le projet de Constitution adopté sera soumis à un référendum le 15 octobre. Qu'en pensez-vous ?
C'est un texte adopté à la hâte pour répondre à l'agenda des Américains. Il ne reflète pas les espoirs du peuple irakien, qui est plus préoccupé par sa survie au jour le jour et sa sécurité. Le projet a été concocté dans la "zone verte", à Bagdad, sous la houlette de l'ambassadeur américain. Comme l'a dit un spécialiste britannique de l'Irak : "La Constitution, c'est comme si on s'occupait de ranger les transats sur le pont du Titanic en train de couler" . Or l'Irak est en train de sombrer.
Le référendum sera-t-il un succès, comme l'ont été les élections du 30 janvier ?
Personnellement, j'appelle au boycottage, mais si mes concitoyens décident d'aller voter "non", nous ne nous y opposerons pas. De toute façon, -George- Bush a déja préparé sa déclaration affirmant que cette consultation a été un succès et un progrès sur le chemin de la démocratie. Mais qu'est-ce que cela va changer pour l'Irak ?
Quelle est la position du grand ayatollah Ali Al-Sistani sur ce référendum ?
Il n'a pas encore pris position. Ceux qui sont en faveur du processus vont tenter de l'utiliser pour inciter la population à voter. Il peut dire "oui" ou ne pas parler. Pour le 30 janvier, il avait soutenu les élections, mais le peuple irakien n'en pas tiré les effets escomptés et les promesses n'ont pas été tenues. Depuis, la situation n'a fait qu'empirer. Ceux qui ont été élus sont plus préoccupés par leur place et par leur bien-être que par celui du peuple. La corruption est généralisée. Même le budget de la reconstruction n'a pu commencer à être réalisé.
Ibrahim Al-Jaafari est un mauvais premier ministre comme il est un mauvais docteur. Ce n'est pas comme votre Pétain, qui a été un bon général avant d'être un mauvais politicien...
Alors, à votre avis, quelles sont les solutions pour sauver l'Irak ?
Première chose : un calendrier de retrait des troupes. Deuxièmement : mettre les compétences nationales sous la supervision de l'ONU au service du pays, et non plus des politiciens. Troisièmement : un dialogue national avec l'organisation d'élections sous supervision internationale. Si l'occupation continue, la situation ne va qu'empirer et les irakiens rejoindront de plus en plus la résistance.
Propos recueillis par Michel Bôle-Richard
Article paru dans l'édition du 17.09.05
L a question des harkis s'installe dans la campagne pour le référendum sur la réconciliation nationale du 29 septembre en Algérie. Moins d'une semaine après que le président Bouteflika a fait un geste significatif à l'égard de ces supplétifs musulmans de l'armée française, en regrettant publiquement "les haines entretenues à leur égard depuis l'indépendance", l'un de ses ministres vient d'opérer un revirement spectaculaire.
"La majorité du peuple algérien est contre la venue des harkis en Algérie car ce sont des traîtres à leur pays et à leur nation. Quant à leurs enfants, ils seront les bienvenus à condition qu'ils reconnaissent de facto les crimes de leurs parents" , a déclaré, mardi 13 septembre, à Oran, Saïd Barkat, ministre de l'agriculture, qui passe pour être un proche du chef de l'Etat. Sous les ovations nourries du public, Saïd Barkat a ajouté qu'à ses yeux, les harkis étaient "des vendus et de vieux gradés de la honte" .
Le 8 septembre, le président Bouteflika avait pourtant créé la surprise. Lors d'un rassemblement populaire à Oran, il avait déclaré que le traitement du dossier des familles de harkis après l'indépendance était "l'une des plus graves erreurs commises dans le passé" qui avait "porté préjudice au pays" et qu'" une bonne partie de la crise -guerre civile des années 1990- est dûe à cette erreur".
Le lien fait par le pouvoir algérien entre islamistes armés et harkis ne date pas d'hier. Au plus fort des années de terrorisme, les services de la gendarmerie algérienne estimaient à environ 300 le nombre de fils de harkis engagés au maquis aux côtés du Front islamique du salut (FIS). Sur un effectif d'insurgés d'environ 27 000, ce chiffre était bas. Mais, en jouant sur la fibre nationaliste, le pouvoir de l'époque et les "éradicateurs" (hostiles à tout dialogue avec le FIS), tentaient de discréditer les islamistes en les assimilant à des fils de harkis revanchards. Aujourd'hui, le président Bouteflika semble donc reprendre à son compte ce lien entre fils de harkis et rébellion islamiste, sans en faire un usage "éradicateur". A plusieurs reprises depuis le début de sa campagne pour le référendum, il a évoqué les harkis et invité leurs enfants "à regagner l'Algérie" et à "prétendre devenir algériens à part entière."
Le revirement brutal, mardi, de Saïd Barkat a été relevé en Algérie, mais sans soulever d'émotion, encore moins de compassion. Les familles des anciens supplétifs musulmans qui ont échappé aux massacres, au lendemain de l'indépendance, et sont restées sur place, ont toujours eu à traîner l'image de "collaborateurs" . En juin 2000, lors de sa visite en France, le président Bouteflika avait d'ailleurs traité les harkis de "collabos" .
En France, les déclarations successives et contradictoires du pouvoir algérien sur ce dossier suscitent incompréhension et amertume, quand elles sont connues. Ainsi, Azni Boussad, président du Comité de liaison national de liaison des harkis, n'est pas au courant des derniers rebondissements. "Nous voudrions bien voir le président Bouteflika adopter une ligne claire et définitive sur ce sujet" , déclare-t-il.
Fatima Lancou-Besnaci, présidente de l'association Harkis et droits de l'homme, suit, quant à elle, par le menu tout ce qui se dit à Alger. Pour elle, il est choquant que l'on demande aujourd'hui aux enfants de harkis de s'excuser pour les "crimes" de leurs parents. "L'attitude du pouvoir algérien est incohérente. Saïd Barkat met le président de la République en porte-à-faux, ou bien il a agi en service commandé, souligne-t-elle. Ses propos m'ont en tout cas refroidie et même glacée."
Florence Beaugé
Article paru dans l'édition du 17.09.05
Y ahoo ! est-il coupable de complicité abusive avec le régime chinois ou n'a-t-il fait qu'obéir aux règles dont il est tributaire en République populaire ? La question se pose après la condamnation à dix ans de prison d'un journaliste chinois, accusé par Pékin d'avoir divulgué des "secrets d'Etat" par le biais de son adresse Yahoo !.
En novembre 2004, Shi Tao, rédacteur au Contemporary Business News , dans le chef-lieu de la province du Hunan, est arrêté après avoir diffusé une "recommandation" gouvernementale confidentielle. En fait, un texte mettant en garde les médias à propos d'une possible agitation de Chinois de la diaspora en visite en Chine, pour l'anniversaire du massacre de la place Tiananmen, le 4 juin.
Shi Tao a été condamné en avril. En le révélant, Reporters sans frontières (RSF) a accusé la filiale hongkongaise d'avoir "transmis à la police des informations compromettant le journaliste" . Il apparaît que Yahoo ! a remis à la police le nom de l'utilisateur du compte, permettant ainsi aux autorités de prendre connaissance des fameux "secrets d'Etat" et de les utiliser à charge durant le procès. Pour RSF, Yahoo !, "déjà collaborateur zélé de la censure" , est devenu un "auxiliaire de la police chinoise" ...
L'un des cofondateurs de Yahoo !, Jerry Yang, interrogé lors de son récent passage en Chine, a réfuté ces accusations. Tout en admettant avoir transmis aux autorités les informations concernant Shi Tao: "Nous ne savions pas pourquoi elles voulaient ces informations, -la police- ne nous dit pas ce qu'elle cherche." Le fait que Yahoo ! ait signé, début août, un accord de prise de participation de 1 milliard de dollars dans le site chinois Alibaba.com renforce cependant l'impression que le serveur a à coeur de montrer sa bonne volonté.
Selon Nicolas Becquelin, directeur de recherches de l'organisation Human Rights in China, cité par l'AFP, "si ces sociétés traitant avec des gouvernements autoritaires ne sont pas capables d'adopter elles-mêmes une charte éthique minimum, alors c'est à leur pays d'origine de le faire" . En la matière, a ajouté M. Becquelin, lui-même basé à Hongkong, "le gouvernement chinois a gagné. De fait, il censure Internet" .
L'affaire est d'autant plus sérieuse qu'elle fait écho au comportement pour le moins "accommodant" d'autres serveurs: en juin, le nouveau portail Internet chinois de Microsoft a bloqué les expressions de "démocratie" , "liberté" et "droits de l'homme" employés par des utilisateurs. Selon RSF, Google aurait, de son côté, prudemment retiré de son moteur chinois la possibilité de consulter des "médias considérés par Pékin comme "subversifs"".
Le boom de l'Internet en Chine (une centaine de millions d'utilisateurs) ne doit pas faire oublier qu'une soixantaine de "cyberdissidents" sont en prison dans le pays.
Bruno Philip
Article paru dans l'édition du 17.09.05
C ombien d'eau est consommée en France et par qui ? L'indice global d'exploitation des ressources en eau de la France, c'est-à-dire le rapport entre les prélèvements (33 milliards de m3) et les apports des pluies (175 milliards de m3) s'élève à 19 %, un chiffre proche de la moyenne européenne. L'Institut français de l'environnement (IFEN) souligne que, "malgré une situation nationale relativement favorable, des risques importants de pénurie d'eau existent de manière locale et saisonnière".
Les ordres de grandeur sont simples: un quart de l'eau consommée est utilisé pour l'eau potable, un quart par l'industrie et l'énergie, et la moitié restante par l'agriculture. Et, sur ces 50 %, la moitié va au maïs irrigué.
Ces chiffres doivent être distingués des volumes d'eau prélevés, qui sont plus ou moins largement restitués au milieu naturel. Ainsi, 55 % des eaux prélevées chaque année sont utilisés par le secteur de l'énergie afin de refroidir les centrales thermiques et nucléaires. Mais, à la différence du secteur agricole qui consomme tout ce qu'il prélève, l'énergie en restitue la plus grande partie au milieu naturel.
Le dernier recensement agricole a permis au Cemagref, l'Institut de recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement, de faire le point sur l'irrigation en France. En 2000, près de 95 000 exploitations agricoles ont eu recours à l'irrigation, soit 14,5 % des exploitations. Le nombre d'hectares irrigués s'élevait à 5,7 % de la surface agriculture utilisée (SAU) nationale. Cette surface a triplé depuis 1970. L'irrigation, qui s'est relativement stabilisée depuis 1992, est surtout développée dans le Sud-Est et le Sud-Ouest, le Centre et l'Alsace.
Elle constitue une garantie de qualité pour les agriculteurs, un moyen d'optimiser les rendements et de stabiliser leurs revenus. Elle est souvent pratiquée sur des surfaces plus petites que la moyenne et joue donc un rôle important dans l'occupation humaine des territoires concernés. Elle nécessite en outre d'importants investissements.
Les producteurs de maïs, qui regrettent la "focalisation" sur leur culture, rappellent souvent que d'autres pratiquent l'irrigation. La première plante irriguée reste néanmoins le maïs, avec quelque 700 000 hectares aujourd'hui (contre 780 000 en 2000). Ce maïs est en grande partie destiné à l'alimentation animale. "Sans irrigation il n'y aurait pas de jambon de Bayonne, pas de poulet des Landes, pas de foie gras" , rappellent les responsables agricoles.
Viennent ensuite les pommes de terre et les légumes frais (dont le maïs doux), avec près de 189 000 hectares, puis les fourrages cultivés et prairies permanentes, et encore derrière les vergers, les petits fruits et les agrumes (136 000 hectares). En moyenne, le maïs irrigué nécessite 1 000 à 3 000 m3 d'eau par an et par hectare. A titre de comparaison, une personne consomme en moyenne 50 000 litres d'eau par an. Selon le ministère de l'écologie, un hectare de maïs équivaut donc à la consommation annuelle de 400 personnes, ou encore d'une dizaine de piscines (de 7 mètres par 15).
Selon les représentants des irrigants, de moins en moins d'eau est gaspillée et 30 à 50 % d'économies ont été réalisées en dix ans. "Des progrès seront encore obtenus, grâce au suivi des besoins en eau de la plante par des sondes électroniques" , affirme Jean-Michel Delmas, président de la FDSEA du Lot-et-Garonne. Par ailleurs, la gestion collective des ressources est encouragée par l'Etat et les organismes agricoles.
Pour Michel Sicard, ancien président de l'Association générale des producteurs de maïs et membre du comité national de l'eau, "il faudra savoir soustraire de la surface cultivée quelques hectares de maïs si l'on veut le garder à long terme" . M. Sicard, qui est maire de Chenon (Charente), préconise une gestion commune entre agriculteurs, collectivités, et associations. "La création de ressources nouvelles doit être faite dans l'intérêt général ", affirme-t-il.
Gaëlle Dupont
Article paru dans l'édition du 17.09.05
M algré le retour de la pluie, voire des inondations en Languedoc-Roussillon, la situation reste préoccupante dans un gros quart du territoire, selon le ministère de l'écologie, où un comité de suivi de la sécheresse se réunit vendredi 16 septembre. Dans 66 départements, des arrêtés de restriction d'usage de l'eau, d'ampleur variable, sont toujours en vigueur. L'effort d'économie d'eau ne doit pas se relâcher, selon le ministère. Dans les régions les plus sèches, certaines petites collectivités sont toujours menacées de rupture d'alimentation. Une seule grande ville, Niort (Deux-Sèvres), l'est également.
Le comité sécheresse doit permettre d'établir un premier bilan. L'agriculture a subi des dégâts – dans des proportions moindres qu'en 2003 – qui ne sont pas encore complètement évalués. Dans un premier temps, les agriculteurs de 17 départements bénéficieront de 39,3 millions d'euros au titre des calamités agricoles.
L'alimentation en eau potable n'a été rompue que ponctuellement dans de petites communes. Les travaux d'interconnexion et de diversification de l'approvisionnement menés depuis 1976 ont donc porté leurs fruits. En outre, la sécheresse était prévisible. Dès septembre 2004, le niveau des nappes souterraines était bas, et les pluies de l'hiver, trop faibles, n'ont pas suffi à les remplir.
Les deux tiers des départements ont donc pris par avance des mesures de restriction. Les agriculteurs ont réduit les surfaces irriguées d'environ 7 % en moyenne, jusqu'à 20 % en Poitou-Charentes.
Les milieux naturels ont en revanche beaucoup souffert. Près de 3 500 kilomètres de cours d'eau ont été mis à sec, ce qui a entraîné la mort de nombreux poissons. Au-delà du bilan factuel, selon le ministère de l'écologie, la répétition des sécheresses et le réchauffement climatique imposent des changements dans la gestion de l'eau. L'irrigation agricole, principale consommatrice d'eau, est au centre du débat. En particulier le maïs, culture très gourmande en eau et utilisée principalement pour l'alimentation du bétail.
La polémique estivale entre la ministre de l'écologie, Nelly Olin, et le ministre de l'agriculture, Dominique Bussereau, résume à grands traits les termes du conflit. Tandis que Mme Olin plaidait pour le recul de cette culture, M. Bussereau affirmait, au contraire, que la France "a besoin" de maïs et doit créer les conditions de son maintien. Ce débat national se répercute au niveau local, puisque la gestion de l'eau est décentralisée en France dans les six agences de bassin.
"Je ne retire pas ce que j'ai dit, il faut faire légèrement reculer la culture du maïs , tempère aujourd'hui Mme Olin. Nous pouvons demander cet effort aux agriculteurs." "Mais je n'imposerai rien, je ne suis pas ministre de l'agriculture" , ajoute-t-elle. Selon Mme Olin, le dossier est "ouvert" dans le cadre de l'examen au Parlement de la loi sur l'eau. Adopté en première lecture au Sénat le 14 avril, le texte doit être examiné en janvier 2006 à l'Assemblée.
Selon les défenseurs de la production de maïs, la France, pays tempéré et abondamment arrosé l'hiver, doit constituer de nouvelles réserves. "Nous savons qu'à l'avenir les épisodes extrêmes vont se multiplier, affirme Céline Fournier, chargée de mission environnement à l'Association générale des producteurs de maïs (AGPM) . Il y aura des sécheresses de plus en plus longues, et, en parallèle, plus d'inondations. Nous devons donc stocker davantage." "Nous savons bien que les grands barrages ne sont pas à la mode, ce n'est pas l'objectif" , ajoute-t-elle. L'AGPM préconise la création de retenues de taille moins importante, gérées collectivement. Ce raisonnement est défendu par de nombreux élus. Jean François-Poncet, sénateur (UMP) de Lot-et-Garonne, réélu président du comité de bassin Adour-Garonne, a appelé de ses voeux, lundi 12 septembre, la réalisation de barrages comme Charlas (Haute-Garonne), projet très contesté localement et en panne depuis plusieurs années.
De son côté, le ministre de l'agriculture, Dominique Bussereau, a satisfait les agriculteurs en déclarant, devant le congrès de l'AGPM, à Bordeaux, mercredi 14 septembre, que "l'irrigation est une nécessité" . "Je souhaite m'engager à vos côtés pour bâtir un programme décennal de stockage de retenues de taille modeste" , a promis M. Bussereau. Pendant l'examen au Sénat du projet de la loi sur l'eau, le sénateur Daniel Soulage (UDF, Lot-et-Garonne) a fait adopter un amendement qui va dans le même sens. Il fait figurer dans les objectifs de "gestion équilibrée" de l'eau "la création de ressources nouvelles" .
Cet amendement a été adopté contre l'avis du ministre de l'écologie de l'époque, Serge Lepeltier. "La création de nouvelles ressources ne peut être envisagée que lorsque le déséquilibre est tel que toutes les solutions sont insuffisantes pour le résorber , avait alors déclaré M. Lepeltier. Cela ne peut être qu'une solution de dernier recours. Prévoir cette création dans la loi risque de présenter ce dernier recours comme une fin en soi."
Aujourd'hui, l'entourage de Mme Olin met aussi en garde contre le risque de "fuite en avant" . Le ministère se dit favorable à la création de retenues de taille limitée si le milieu naturel le permet. Une retenue artificielle empêche en effet l'eau de pluie de réalimenter les nappes.
"Le calcul doit être écologique, il doit aussi être économique . Quelle est la valorisation de l'eau irriguée ?", interroge la direction de l'eau. Selon ses calculs, 1 mètre cube d'eau consommée pour du maraîchage rapporte 3 ou 4 euros, tandis que pour le maïs ce rendement est de 20 centimes d'euro. Une autre question est en débat: celle du financement des retenues, actuellement assuré en grande partie par les agences de l'eau. Or leur budget est alimenté à 82 % par les redevances versées par les particuliers.
Gaëlle Dupont
Article paru dans l'édition du 17.09.05
L En visite dans l'Oise, l'épouse du chef de l'Etat prévient: "Les Chirac attaquent" CHANTILLY, SENLIS de notre envoyée spéciale ric Woerth, arrivé en tête de l'élection législative partielle de la 4e circonscription de l'Oise avec 48,31 % des voix, cherchait pour le second tour du dimanche 18 septembre, une perle rare: un soutien " pas trop marqué par le gouvernement, politique quand même".
Nicolas Sarkozy et Michèle Alliot-Marie étaient venus encourager l'ancien secrétaire d'Etat pour le premier tour. " Mais Villepin m'a planté au dernier moment", confie M. Woerth qui fut chassé du gouvernement par le premier ministre, peu désireux de garder un ami proche d'Alain Juppé.
François Bayrou contre l'"optimisme officiel" Venu soutenir, jeudi 15 septembre à Saint-André-lez-Lille, Olivier Henno, le candidat de son parti au second tour de la législative partielle dans la 4e circonscription du Nord, le président de l'UDF, François Bayrou, a appelé les électeurs à adresser un "avertissement" au gouvernement. Dimanche 18 septembre, M. Henno affrontera l'ancien ministre délégué au logement, l'UMP Marc-Philippe Daubresse. En votant pour M. Henno, les "citoyens" ont l'occasion "de faire entendre leur voix", de "dire que l'optimisme des discours officiels ne reflète pas la vie de tous les jours" , a fait valoir M. Bayrou, qui n'exclut pas une victoire "surprise" de son candidat. |
Bernadette Chirac, elle, a dit oui tout de suite. Jeudi 15 septembre, "Madame la présidente" , ainsi que les habitants de Chantilly et de Senlis l'ont appelée tout l'après-midi, a fait un tabac. L'épouse de Jacques Chirac est venue autant pour le candidat que pour son mari et pour son clan. "Vous savez, les Chirac ne sont pas encore morts", a-t-elle lancé d'emblée.
Dans un magasin de porcelaine, à Chantilly, la première dame fait une pause pour les journalistes. Eric Woerth est " un ami fidèle. Un fidèle chiraquien", dit-elle, répétant à l'envi l'expression. Un impertinent suggère que cette catégorie est en voie de disparition. Mme Chirac rétorque calmement qu'il se trompe. Elle en profite pour donner des nouvelles de son mari qui " va très bien".
Aux pharmaciennes, à la fleuriste, dans toutes les boutiques de vêtements, à la parfumerie ou dans les restaurants, Mme Chirac répète qu'il doit être " un peu discipliné, un peu sage" et qu'elle y veille car c'est " le rôle d'une épouse", mais le président est " très en forme". Elle accueille, visiblement touchée, tous les messages de soutien.
Son morceau de bravoure, totalement improvisé, survient en fin de journée, à la permanence de M. Woerth. Dans un magasin de jouets, une commerçante a offert à la première dame de France un dinosaure en plastique pour son petit-fils, Martin Rey-Chirac, 9 ans. La mâchoire articulée du Tyrannosaurus rex, qu'elle brandit, est grande ouverte, pleine de dents. "Voilà le symbole de cette campagne que je rapporte à Jacques Chirac ce soir. C'est un dinosaure avec la gueule ouverte. C'est un emblème qui veut dire: "Les Chirac attaquent"", lance-t-elle devant les militants, déclenchant l'hilarité générale. Elle-même rit de bon coeur, ce qu'elle fait rarement en public.
Levant son verre de Coca, elle trinque avec M. Woerth: "Au succès de notre candidat préféré." " Au succès de ma présidente préférée", répond l'ancien ministre. Elle lâche, gentiment ironique: " C'est un coup de chance, dites-donc."
Le candidat se confond en remerciements. Les compliments se bousculent dans sa bouche pour vanter "la loyauté, la fidélité, l'humour, la solidité" de Bernadette Chirac. Il est vrai qu'en campagne, celle-ci n'est "pas une novice" , comme elle le dit elle-même. C'est elle qui a mené le bal tout l'après-midi, prodiguant avis et conseils. "Vous ne passez pas dire bonjour à l'agence immobilière ? Vous avez tort" , a-t-elle glissé à M. Woerth. "Ça marche très bien" , a répondu tout bas le candidat. "Justement" , a dit Bernadette en poussant elle-même la porte.
La "femme de fidélité", comme elle s'est elle-même baptisée, a aussi l'esprit pratique. Dans une librairie, où elle a acheté le dernier livre de Michel Houellebecq, elle a troqué ses talons contre une paire de poulaines Vuitton à fermeture éclair. Pour ne pas faire de faux pas sur les pavés.
Béatrice Gurrey
Article paru dans l'édition du 17.09.05
E lle est loin, l'époque où les adolescents s'échangeaient des magazines érotiques et les cachaient sous leur matelas. Désormais, les jeunes visionnent des images ou des films pornographiques à la télévision, en vidéo ou sur Internet.
D'après une étude réalisée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), sous la direction de l'épidémiologiste Marie Choquet, 62 % des 14-18 ans – 80 % des garçons et 45 % des filles – ont regardé des images pornographiques durant les douze derniers mois. Le petit écran demeure la principale source de ces images, loin devant la vidéo et Internet.
C'est à la demande du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) que des questions sur la pornographie ont été introduites dans le volet français de la dernière enquête Espad (European School Survey Project on Alcohol and Other Drugs), menée au printemps 2003 par l'Inserm en partenariat avec l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) auprès d'un échantillon de quelque 10 000 élèves scolarisés de la quatrième à la terminale.
Cette étude – dont l'analyse des résultats a fait l'objet d'un rapport – permet, pour la première fois, d'appréhender la fréquence du visionnage d'images pornographiques par les adolescents et de cerner les caractéristiques sociales et personnelles des jeunes qui regardent ces images. Surtout, elle tente de cerner le poids de ces images comme facteurs de troubles ou d'adoption de conduites à risque.
A 14 ans, 61 % des garçons ont vu au moins un film pornographique à la télévision dans l'année. Ce chiffre augmente avec l'âge, avec des pointes à 15 ans pour les filles et à 16 ans pour les garçons, puis il se stabilise assez vite. Les garçons sont non seulement plus nombreux à regarder du X, mais aussi plus enclins à être des "spectateurs assidus" . Ainsi, 24 % d'entre eux, contre seulement 2 % des filles, ont vu au moins dix films pornographiques lors des douze derniers mois.
La perception du porno est très différente suivant le sexe. Alors que 56 % des filles déclarent que ces images les "dégoûtent" , 54 % des garçons les considèrent "amusantes" ou "distrayantes" . Au fil de l'âge, "l'opinion globalement très négative évolue peu chez les filles et devient de plus en plus positive chez les garçons" , soulignent les chercheurs.
Parmi les "facteurs associés" à la pornographie – qu'ils soient socio-démographiques, scolaires ou familiaux – le niveau d'études des parents apparaît, comme la variable "la plus significativement" associée à cette pratique.
Mais les différences ne sont pas spectaculaires: 30 % des garçons dont le père a un faible niveau d'études sont des "assidus" des films X, contre 22 % de ceux dont le père a suivi des études supérieures.
La fréquence du visionnage des images pornographiques n'est pas liée au type d'établissement scolaire fréquenté. Que les jeunes soient élèves en zone d'éducation prioritaire (ZEP) ou non, dans un établissement public ou privé, en milieu urbain ou rural, la proportion de ceux qui regardent du porno est la même.
En revanche, l'enquête fait apparaître des liens avec l'appréciation qu'a l'élève de l'école, ainsi qu'avec l'absentéisme et le redoublement. Les jeunes qui rencontrent des problèmes dans leurs études sont également enclins à consommer des images pornographiques.
Par exemple, 30 % des garçons qui "n'aiment pas l'école" (contre 20 % de ceux qui "l'aiment bien") regardent au moins dix fois par an du porno. Davantage que d'un lien de cause à effet, qui reste "difficile à établir", les chercheurs parlent de "facteurs de risque" qui augmenteraient "la probabilité de visionnage" d'images pornographiques par les adolescents.
Sans doute parce que l'adolescence est le moment propice pour s'affranchir des interdits, l'enquête montre que "le fait que les parents définissent clairement les règles" à l'intérieur ou à l'extérieur de la maison n'a pas de répercussions sur la consommation d'images pornographiques. Même le contrôle parental - notamment sur les sorties - ne joue aucun rôle sur les garçons. Seules les filles semblent influencées par ce contrôle.
Se penchant sur l'association entre la consommation de substances, les conduites à risque et la pornographie, l'enquête met au jour un certain nombre de liens. Ainsi, chez les garçons comme chez les filles, la consommation régulière de tabac ou d'alcool, la déprime, les tentatives de suicide et le fait d'avoir été victime de violences apparaissent comme des "variables associés" au visionnage de films X.
Une question demeure, selon les auteurs du rapport: la pornographie est-elle un facteur de risque spécifique ou se cumule-t-elle à d'autres conduites à risque ? "Le sens du lien observé reste à confirmer , précisent les chercheurs, car la force de ce lien ne définit pas le sens de ce lien. Et le lien peut aussi être "en spirale", à la fois cause et effet."
Pour tenter d'apporter une réponse, l'enquête différencie les types de spectateurs. Parmi les assidus, "la probabilité d'adopter des conduites à risque (fugue, ivresse, consommation régulière de cannabis) est aussi élevée chez les jeunes "sans vulnérabilité sociale ou scolaire apparente" que chez les autres" .
Le fait de regarder régulièrement des films X peut donc être considéré comme le signe d'un éventuel malaise de l'adolescent.
Devant ces premières données, les chercheurs défendent la nécessité d'"approfondir" les résultats de cette étude. Ils appellent notamment de leurs voeux des recherches sur "les lieux et les conditions de visionnage des images pornographiques" .
Car l'enquête ne permet pas de savoir si les jeunes regardent ces films à la maison, seuls, en groupe, sous la contrainte ou non.
Sandrine Blanchard
Article paru dans l'édition du 17.09.05
V ous êtes chef de l'unité médico-psychologique de l'adolescent au CHU de Bordeaux. Faut-il s'inquiéter de la forte proportion d'adolescents qui regardent des images pornographiques ?
A l'âge où tout se sexualise, il est tentant de parler, de voir, de s'amuser des histoires de sexe. Quand la pornographie se limitait aux magazines érotiques sur lesquels était inscrit "réservé aux adultes" , la notion de transgression était évidente dans la tête des adolescents.
Aujourd'hui, ce qui ne va pas, c'est l'absence de limites définies par les adultes pour marquer les territoires de l'autorisé et de l'interdit. Ce qui compte pour la construction des adolescents, c'est d'avoir conscience du caractère transgressif de leurs conduites. Dans nos services, les adolescents sont en quête éperdue d'espaces d'évolution bornés par les adultes.
Que faut-il faire ?
Il faut donc absolument maintenir les limitations d'accès du porno aux mineurs, continuer à obliger les diffuseurs à marquer des territoires très clairs. Les technologies nouvelles permettent de surfer sans passer de barrières, mais il faut savoir que la construction des ados ne peut pas se faire dans un virtuel flou.
Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer mais il faut aussi un relais des parents. C'est un peu comme pour le cannabis. Certains parents disent: "A quoi cela sert de leur interdire puisqu'ils en trouvent devant leur collège ?" Non. Cela rassure les ados d'avoir des lignes de conduite et des chemins balisés.
Quelles sont les répercussions éventuelles sur la sexualité des jeunes ?
La majorité des ados qui ne sont pas des accros du porno font la différence entre la "viande" du porno – qui les amuse, dont ils se repaissent entre eux en mots, en blagues – et leur histoire amoureuse personnelle, où ils sont plutôt prudes et sentimentaux. Il faut bien noter que l'âge moyen du premier rapport sexuel est toujours le même (17 ans). Il ne faut pas dire que ceux qui regardent du porno vont devenir d'affreux machos.
Quant aux assidus du porno, on doit les considérer non pas comme des pornographes en puissance, mais faire un lien entre cette "consommation boulimique" et d'autres conduites à risque. Il faut reconnaître ces jeunes non pas comme des obsédés sexuels mais comme des jeunes en difficulté identitaire, en mal-être.
Comment analyser la différence de perception des images pornographiques entre les garçons et les filles ?
D'abord, il faut remarquer que le nombre de filles qui regardent ces images – même s'il est très inférieur à celui des garçons – est loin d'être ridicule. La curiosité, l'attrait pour les sujets "chauds" les concernent aussi !
Mais les filles s'intéressent davantage aux histoires érotiques. Elles sont plus mûres, plus "affectives" que les garçons, qui, eux, ont besoin d'action, de démonstration de puissance, de violence, comme le rend l'expression "mater du hard".
Propos recueillis par Sandrine Blanchard
Article paru dans l'édition du 17.09.05
D' abord les garçons. Ensuite les filles. Pour répondre aux questions sur la sexualité des élèves de cette classe de 4e, en fin d'année 2004-2005, Anne Bastide, infirmière scolaire au collège André-Malraux, à Saint-Jean-de-la-Ruelle (Loiret), a préféré les séparer. "Nous ne le faisons pas systématiquement, explique-t-elle. Mais, pour certaines classes et à certains âges, cela permet de libérer la parole."
Chez ces jeunes de 14 à 16 ans, issus de familles défavorisées et, pour certaines, d'origine immigrée, on parle peu de sexualité. Pour lever les inhibitions, l'infirmière leur a demandé d'exprimer leurs questions par écrit, sous couvert de l'anonymat, avant de les recevoir.
Garçons et filles affichent des préoccupations très différentes. Les premiers s'inquiètent principalement de la mécanique de l'acte sexuel et ont besoin d'être rassurés sur leur anatomie: "Pourquoi les garçons ont le pénis vers le haut en se réveillant ?", "Est-ce que pour l'amour la taille de la bite est importante ?" , "Vaut mieux être dessus ou en dessous ?" , "Un kulininbuse - cunnilingus - ça provoque du bien à une fille ?", "Comment on éjacule le spermatozoïde ?" ...
Les secondes se préoccupent avant tout de la contraception: "On peut avoir un enfant lors de la première relation sexuelle ?" , "Faut-il se protéger à chaque fois que l'on couche ?" , "Lors d'un viol, on peut tomber enceinte directement ?" . Elles s'interrogent aussi sur leur droit à refuser une relation: "Si un garçon est attiré par une fille mais que la fille dit non, doit-elle se forcer à être attirée par lui ?"
Anne Bastide reçoit les garçons. Au départ, les élèves, gênés, ricanent allégrement et cherchent à provoquer. Après dix minutes de défoulement, ils osent poser leurs vraies questions. "On peut avoir du sperme à partir de quel âge ?", "Et si une glande -un testicule- éclate ?", "On peut avoir un testicule plus gros que l'autre ?" . Une fois leurs inquiétudes dissipées, ils commencent à s'interroger sur "le fonctionnement" des filles. "Comment on sait qu'elle jouit, une fille ?" , lance un élève. "Elle crie", répond un grand. "T'as trop regardé M6", lui rétorque un camarade. "Pourquoi, quand on fait l'amour pour la première fois, on sperme plus vite ?" , s'interroge un autre.
Imperturbable, Anne Bastide répond, s'employant à rappeler régulièrement la réciprocité de la relation: "L'important, c'est d'être bien ensemble et que les deux soient d'accord." Pour l'infirmière, ces séances sont l'occasion d'apporter des réponses aux questions que se posent ces jeunes mais surtout de recadrer les circonstances de l'acte sexuel, "l'importance du sentiment, du dialogue chez ces élèves en manque de repères éducatifs".
Une semaine plus tard, c'est au tour des filles. Elles se livrent moins facilement que les garçons. Anne Bastide dessine sur le tableau un sexe de femme. Explique l'acte sexuel. Les élèves rigolent, la glace se rompt. Les questions fusent: sur les règles, sur l'accouchement... En général, remarque Anne Bastide, les filles sont "plus mûres et davantage dans le sentiment que les garçons". Mais, compte tenu de la culture de certaines, "les histoires d'amour sont très compliquées à vivre, elles relèvent de l'interdit" .
A travers leurs réflexions, plusieurs jeunes filles d'origine turque ou maghrébine expriment leur souci de rester vierges avant le mariage. Une bonne partie de la séance se focalise sur cette préoccupation. "Quand il y a une relation entre une fille et un garçon, est-ce qu'il y a du sang ?", s'enhardit une jeune fille. "Oui, mais pas toujours", répond l'infirmière. "Dans la religion, on dit que s'il n'y a pas de sang c'est qu'elle l'a déjà fait", rétorque l'élève. "Des garçons disent que si une fille a eu une relation sexuelle, ça se voit à sa façon de marcher", croit savoir une autre. "Des gens disent que quand on met des tampons, ça dévierge" , s'inquiète une autre.
Quelques jeunes filles se révèlent plus libres. "A partir de quel âge on prend la pastille, heu, la pilule ?" "La pilule, on la prend quand on a décidé dans sa tête d'avoir des relations sexuelles", répond Anne Bastide. "Est-ce qu'on peut coucher ensemble à la première rencontre ?" , s'interroge une élève. "Ça dépend si on est bourré", répond une autre. L'infirmière rappelle, comme elle l'avait fait aux garçons, que "la seule règle, c'est que les deux soient d'accord".
Martine Laronche
Article paru dans l'édition du 17.09.05
L' habeas corpus n'est plus, terrorisme oblige, tout à fait ce qu'il était au Royaume-Uni. "Les règles du jeu ont changé" , avait affirmé Tony Blair après les attentats islamistes du 7 juillet (56 morts et 700 blessés) et les attaques manquées du 21 juillet à Londres. En témoigne l'annonce faite jeudi 15 septembre par le ministre de l'intérieur, Charles Clarke, que le gouvernement envisage de porter à 3 mois – contre 15 jours actuellement – la durée maximale de la garde à vue en matière de terrorisme. Pendant cette période, les suspects pourront être détenus sans être inculpés.
Cette mesure est réclamée par la police et par les services de sécurité. Ceux-ci font valoir qu'ils ont besoin de temps pour rassembler les preuves, notamment informatiques ou enregistrées par les caméras de surveillance, aptes à leur permettre de compléter un dossier. Le délai de trois mois n'interviendrait, selon M. Clarke, que dans des cas "très rares" . Le maintien en détention devrait être approuvé chaque semaine par un juge. Actuellement, la légitimité de la garde à vue est contrôlée par un magistrat tous les cinq jours.
L'extension de la garde à vue est l'une des mesures contenues dans le projet de loi antiterroriste rendu public jeudi par M. Clarke et qui sera soumis au Parlement en octobre. Le texte prévoit de punir la préparation d'attentats de la prison à vie, l'incitation "indirecte" à de tels actes de sept ans de détention, et de dix ans l'entraînement au terrorisme. Le ministre de l'intérieur veut, en outre, réprimer la "glorification" du terrorisme et la "propagation" de publications terroristes. Ce dernier délit vise certaines librairies islamistes. Il souhaite aussi pouvoir, avant la fin de l'année, autoriser les tribunaux à examiner comme preuves le contenu d'écoutes téléphoniques.
Au-delà de la difficulté persistante à définir le terrorisme, l'extension de la garde à vue soulève des réserves ou des critiques.
Les partis d'opposition ne s'y sont pour l'instant pas ralliés. Les conservateurs, d'ordinaire pointilleux sur la loi et l'ordre, ont laissé entendre qu'ils pourraient ne pas voter la loi. Amnesty International craint des abus tels que cette mesure "constituerait un internement qui ne dirait pas son nom".
La future loi antiterroriste a été dévoilée le jour où les polices de Londres et de Manchester ont placé en détention sept étrangers, dans l'attente de leur expulsion "pour des raisons de sécurité nationale". L'identité des détenus n'a pas été – et ne sera pas – publiée. Selon des sources anonymes citées par la BBC, tous sont algériens et la plupart d'entre eux appartiendraient à un groupe de suspects acquittés en avril lors d'un procès sur un complot à la ricine.
Un Algérien présumé membre d'Al-Qaida, Kamel Bourgass, avait alors été condamné à 17 ans de prison. En août, la police avait déjà arrêté dix étrangers à des fins d'expulsion, dont Abou Qatada, chef spirituel d'Al-Qaida en Europe.
Dans les deux cas, les procédures d'expulsion risquent d'être longuement retardées par les nombreux recours possibles. Le principal obstacle pour le gouvernement reste son devoir de respecter la Convention européenne sur les droits de l'homme et la Convention des Nations unies sur la torture, qui l'empêchent de renvoyer des suspects dans leur pays d'origine s'ils risquent d'y être maltraités.
Jean-Pierre Langellier
Article paru dans l'édition du 17.09.05
L a polémique enfle à Bruxelles contre la volonté du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, de retirer près de 70 projets législatifs européens jugés inutiles, ou bloqués par le Parlement et le conseil européen. Les discussions entre les commissaires se poursuivent pour préciser la liste des mesures concernées d'ici au 27 septembre. "Pendant des années, la Commission a légiféré sans vérifier l'impact sur les gens et les entreprises", a expliqué Françoise Le Bail, porte-parole de la Commission. Parmi les textes menacés de retrait figurent une législation sur l'étiquetage des produits alimentaires, une autre sur la promotion des ventes et un troisième projet d'harmonisation des interdictions de circuler le dimanche pour les routiers.
Le patronat européen se réjouit, par la voix de l'Unice, de voir la Commission tenir sa promesse de "moins, mais mieux légiférer". La Confédération européenne des syndicats (CES) s'est élevée contre une initiative susceptible "de mettre en péril l'important débat sur le futur de l'Europe sociale" . "La CES ne participera pas à ce débat si des frappes préventives sont effectuées contre des règlements-clés de l'Union", a indiqué son secrétaire général, John Monks.
Au Parlement européen, le groupe socialiste a "averti qu'il insistera pour préserver les progrès accomplis dans les politiques sociales et de défense des consommateurs" . Alors que certains commissaires entendent "déréguler" , les socialistes entendent au contraire débattre d'une "meilleure régulation". Ils notent que la Commission agit dans un seul sens. Pour l'eurodéputé socialiste Gilles Savary, "cette étonnante capacité de retrait pur et simple d'un texte en cours de procédure législative démontre, s'il en était encore besoin, que la Commission européenne dispose du pouvoir d'utiliser la même procédure pour d'autres textes comme... le fameux projet de directive Bolkest ein" sur les services, que la Commission entend maintenir malgré la controverse qu'il suscite.
Philippe Ricard
Article paru dans l'édition du 17.09.05
![]() AFP/MAXIM MARMUR
Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, devait s'exprimer samedi 17 septembre à l'ONU pour rassurer Américains et Européens sur le programme nucléaire de l'Iran.
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L a communauté internationale était suspendue à un discours du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, samedi 17 septembre à l'ONU, dans lequel il doit exposer ses vues sur le programme nucléaire de son pays, sur fond de menaces américaines d'en appeler au Conseil de sécurité.
Le président américain, George W. Bush, s'est déclaré vendredi "confiant dans le fait que le monde estimera que l'Iran doit aller devant le Conseil de sécurité s'il ne respecte pas ses engagements". "La date à laquelle se produira une telle saisine relève de la diplomatie", a cependant ajouté M. Bush à l'issue d'un entretien avec le président russe, Vladimir Poutine, à la Maison Blanche.
Washington et Moscou partagent "le même but" et ne souhaitent pas voir l'Iran se doter de l'arme nucléaire, a dit M. Bush, tandis que M. Poutine a assuré : "Nos positions sont très proches." Mais M. Poutine a semblé toujours réticent à saisir le Conseil de sécurité. Il a assuré que les voies diplomatiques étaient "loin d'être épuisées" et a mis en garde contre le risque de prendre des décisions qui "aggravent" les choses.
Les ministres des affaires étrangères britannique, français et allemand, qui ont rencontré M. Ahmadinejad jeudi en marge du sommet de l'ONU à New York, ont indiqué que son discours samedi conditionnerait l'avenir de leurs laborieuses discussions pour tenter de sortir de l'impasse.Les Européens "jugeront sur pièces" la proposition que doit faire M. Ahmadinejad, a déclaré vendredi le ministère français des affaires étrangères. "On évaluera, en fonction de l'équilibre de leur proposition, si on peut poursuivre le dialogue, comme on le souhaite, ou si nous devons entrer dans une étape plus exigeante qui serait la saisine du Conseil de sécurité", a dit le porte-parole adjoint du ministère, Denis Simonneau.
Le président ultra-conservateur iranien s'exprimera devant l'Assemblée générale de l'ONU, juste avant une réunion de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) lundi à Vienne. La possibilité que l'AIEA renvoie le dossier devant le Conseil de sécurité de l'ONU se heurte toutefois aux objections de pays comme la Chine ou l'Inde, en plus de la Russie.
Selon le quotidien britannique Financial Times, qui cite de hauts responsables iraniens, M. Ahmadinejad va proposer l'établissement de "joint ventures" (entreprises communes) internationales pour son programme nucléaire, afin de tenter d'apaiser les craintes d'un éventuel détournement à des fins militaires.
La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a elle-même reconnu que "beaucoup de pays estimaient que le moment n'était pas venu de saisir" le Conseil de sécurité.
Elle a toutefois ajouté, dans un entretien à la chaîne de télévision NBC, que "pratiquement tout le monde" était opposé à l'idée de voir l'Iran maîtriser totalement le cycle du combustible nucléaire, une perspective qui lui permettrait, par des détournements, de se doter de l'arme atomique.
Elle a ajouté, dans un entretien au New York Post, que les Etats-Unis n'étaient pas opposés à ce que l'Iran ait un programme civil, seulement à ce qu'il dispose des moyens de parvenir à l'arme atomique.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 17.09.05 | 12h14
V oilà maintenant trois ans que le monde des économistes est radicalement partagé en deux camps, ceux qui pensent que les déséquilibres croissants de la planète vont nous conduire à un énorme krach et ceux qui considèrent, au contraire, que la croissance mondiale se consolide.
Le centre de la dispute est aux Etats-Unis, première puissance mondiale, qui croît à une vitesse enviée de 3 ou 4 % l'an mais qui aspire, pour ce faire, une part toujours plus importante des capitaux du monde entier. Cette année, près de 70 % de l'épargne mondiale s'investira en dollars américains.
Cet argent qui coule à flots outre-Atlantique a des bienfaits évidents : le consommateur américain se sent riche, il achète à tour de bras des objets, de plus en plus souvent importés. Il s'endette pour son sweet home : les prix des maisons ont gonflé comme jamais dans l'histoire. Les Etats-Unis ont créé 2,2 millions d'emplois l'an passé. Le chômage est au plus bas à 4,9 %. Les entreprises investissent et améliorent leur productivité. Leurs profits représentent 7,9 % du PIB, un taux que l'on n'avait plus atteint depuis... 1951.
La croissance vogue toujours à vents portants et elle n'est pas vraiment ralentie par la hausse du pétrole : les 3,6 % attendus devraient être au rendez-vous pour l'ensemble de 2005.
Certes, mais cette machine lancée à plein régime consomme l'argent des autres. Les ménages américains ont réduit leur épargne à 0,9 % de leur revenu. Les importations creusent le déficit commercial qui ne date pas d'hier mais qui atteindra plus de 650 milliards cette année, soit 6,5 % du PIB. Par ailleurs, le gouvernement fédéral vit lui aussi largement au-dessus de ses moyens : les 412 milliards de dollars de déficit l'an passé vont être dépassés si on prend en compte l'impact de l'ouragan Katrina (le coût de la reconstruction est estimé à 200 milliards). Combien de temps cette croissance en déséquilibre peut-elle tenir ?
Pour les Cassandre, le scénario est écrit d'avance. Puisqu'aucun mouvement de correction n'est apparu ces dernières années et qu'aucun ne pointe le nez, les risques d'un atterrissage brutal ne cessent de se renforcer. Il arrivera un jour, bientôt, où les marchés financiers vont refuser de vivre au bord du gouffre de la dette himalayenne américaine. Ils vont se défier du dollar, ce qui précipitera l'économie américaine dans une spirale : la baisse du dollar fera grimper l'inflation, les taux d'intérêt seront précipités vers le haut ce qui aura pour effet de faire exploser la "bulle immobilière" et d'étouffer la croissance. Krach et récession se répercuteront dans l'ensemble du monde.
Heureusement, ce scénario noir ne s'est toujours pas réalisé. On ausculte tous les hoquets de la monnaie américaine, on scrute l'indice des prix, on surveille la "bulle" des actifs immobiliers, on tremble après Katrina, on redoute de deviner un petit mot d'inquiétude dans la bouche du dieu Alan Greenspan, président de la Banque centrale (Fed), mais non, rien, tout rentre toujours dans le calme. Flambée du pétrole ou ouragan, l'édifice tient et la "croissance déséquilibrée américaine" poursuit sa route. On attend encore un bond du PIB de 3,3 % en 2006.
Les Cassandre finiront-elles par avoir raison ou se trompent-elles et pourquoi ? Il y a des explications à l'amortissement passé des chocs. Si la flambée du pétrole ne casse pas la croissance comme elle l'avait fait dans les années 1970, c'est que les économies occidentales sont deux fois moins dépendantes de l'or noir grâce aux économies faites depuis et aux énergies de substitution.
Si l'effet Katrina reste limité (0,5 % de baisse de croissance d'ici à la fin de l'année), c'est à cause des dépenses de reconstruction qui vont avoir un contre-effet de relance. Si le dollar reste étal, c'est par l'anticipation des marchés d'une modification de la politique budgétaire de George Bush (un abandon des promesses de baisse d'impôts pour limiter le déficit). Si la bulle immobilière n'a pas explosé, c'est qu'un début de correction s'opère dans la douceur.
Mais les économistes avancent maintenant une explication beaucoup plus profonde. Nous serions entrés dans une ère nouvelle dotée de trois caractéristiques majeures : la mondialisation, la "fin de l'inflation" et un excès mondial d'épargne. Les trois sont liées entre elles : c'est la mondialisation qui poussant la concurrence entre les entreprises et leur interdisant de hausser les prix et les salaires, permet le recul de l'inflation, partout, vers les 2 %.
La disparition du dragon des années 1970 fait renaître les rentiers à l'échelle globale. En tout cas, on constate que, dans beaucoup de pays les revenus sont supérieurs à la consommation. D'où un excès d'épargne, que Lord Keynes déplorait à l'échelle d'un pays dans les années 1930, se retrouverait aujourd'hui au niveau mondial, selon Ben Bernanke, économiste de la FED devenu conseiller économique de Bush.
Les motifs en sont nombreux. Les pays pétroliers gagnent beaucoup plus d'argent qu'ils n'en ont besoin pour investir et ils "recyclent " le trop reçu. Les multinationales gagnent elles aussi beaucoup plus qu'elles n'en dépensent et elles rachètent leurs propres actions ou accumulent des tas d'or. La Chine reçoit de ses exportations plus qu'elle investit. Au Japon et en Allemagne, le vieillissement des populations incite à grossir l'épargne. Tous ces mouvements, d'ordres divers, s'ajoutent.
Cet excès d'épargne est énorme : 11 000 milliards de dollars, soit la taille de l'économie américaine, selon le FMI. Il est pain bénit pour les gouvernements, qui sont nombreux à vivre largement au-dessus de leur moyens à peu de frais. Cet excès est aussi à l'origine des "bulles", celle de la Bourse en 2000, celle de l'immobilier aujourd'hui. Il permet même dorénavant aux pays en développement de bénéficier de taux d'intérêt en baisse. Il n'y a donc pas que les Etats-Unis qui en profitent, il en reste pour les autres. Pas de perdant : d'où la pérennité du système malgré ses déséquilibres.
Une correction de tendance est indubitablement nécessaire. Mais on comprend un peu mieux pourquoi, depuis trois ans, M. Tout-va-bien bat M. Au-bord-du-gouffre.
Eric Le Boucher
Article paru dans l'édition du 18.09.05
C' est un rite bien installé : quand les prix pétroliers grimpent, le ministre des finances donne de la voix. Prenant des accents de colère, il convoque les grandes compagnies à Bercy pour leur faire la leçon. Et les menacer d'éventuelles sanctions. C'est donc cette coutume à laquelle s'est plié, vendredi 16 septembre, Thierry Breton. Haussant le ton et brandissant la menace d'une "taxe exceptionnelle", il a sommé les compagnies de se présenter devant lui.
Et tout cela pour quoi ? Pour un résultat tout ce qu'il y a de plus modeste, on pourrait dire dérisoire : un simple engagement de transparence de Total dans la fixation de ses prix. Encore cet engagement n'a-t-il été pris que par la compagnie française. Rien de plus. Cela n'a pas empêché Thierry Breton d'oublier la taxe un instant évoquée et de chanter victoire. Bref, la réunion s'est achevée sur un échec, mais tous les protagonistes faisaient bonne figure. Et les pétroliers les premiers, qui ne s'attendaient sans doute pas à s'en tirer à si bon compte après les propos énergiques du ministre des finances, mais aussi du chef de l'Etat.
La mise en scène orchestrée par Bercy est donc doublement étonnante. D'abord, les mises en garde des pouvoirs publics à l'encontre des compagnies pétrolières n'auront, concrètement, que très peu de retombées pour les consommateurs. Et, quoi qu'il en soit, ces compagnies restent les grandes gagnantes de l'envolée des cours. Les cinq géants ExxonMobil, BP, Shell, Total et Chevron ne vont-ils pas engranger des bénéfices nets proprement mirifiques, de l'ordre de 100 milliards de dollars en 2005 ?
Et puis le comportement de l'Etat paraît marqué de beaucoup de mauvaise foi. Car, lui, il ne fait jamais son examen de conscience. Alors que la fiscalité (TIPP et TVA) explique pour près des deux tiers les prix à la pompe, la puissance publique a pris la mauvaise habitude de ne pas regarder cette réalité en face. Dans le débat fiscal, il y a même un paradoxe. Comme elle est réputée indolore – mais l'actualité pétrolière prouve que c'est faux –, la fiscalité indirecte n'est jamais durablement en débat. Et la controverse publique se focalise sur la seule fiscalité directe, au premier chef sur l'impôt sur le revenu, objet de réformes à répétition.
Or, à l'évidence, il y a là une part d'aveuglement.
Oublie-t-on que la fameuse TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) génère des recettes équivalentes à près de la moitié de l'impôt sur le revenu ? Et que la TVA porte sur des recettes près de trois fois supérieures ?
Le choc pétrolier a donc ceci d'utile qu'il permet de mettre de l'ordre dans le débat fiscal et de clarifier ce que devraient être ses priorités. Peut-être est-il nécessaire de remettre sans cesse sur le chantier la réforme de la fiscalité directe. Mais ne serait-il pas tout aussi opportun de rouvrir le dossier de la fiscalité indirecte, qui ne fait plus jamais débat, ou alors seulement en période de crise, quand cela peut permettre à un ministre de faire des effets de manche aux "20 heures" des grands journaux télévisés.
Article paru dans l'édition du 18.09.05
L e président iranien Mahmoud Ahmedinejad a défié les Etats-Unis et leurs alliés européens samedi 17 septembre, en affirmant à la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies que l'Iran avait un droit inaliénable de produire du combustible nucléaire.
Il a réfuté les arguments de ceux qui veulent empêcher l'Iran d'enrichir son uranium de crainte qu'il ne développe un programme nucléaire militaire, en affirmant que "l'usage pacifique de l'énergie nucléaire sans possession du cycle nucléaire n'est qu'une proposition vide" et en parlant de "droit inaliénable à avoir accès au cycle du combustible nucléaire". Il a également menacé de rompre toute discussion en cas d'aggravation des pressions. "Si certains essaient d'imposer leur volonté au peuple iranien en recourant à un langage de force et de menace envers l'Iran, nous reconsidèrerions toute notre approche sur la question nucléaire", a-t-il dit.
Dans le but de rassurer l'Assemblée, M. Ahmadinejad a notamment proposé que des sociétés publiques ou privées étrangères soient inclues dans un "partenariat sérieux" sur l'enrichissement de l'uranium en Iran. La participation de sociétés étrangères "représente la mesure la plus ambitieuse, après les obligations du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), que l'Iran propose pour approfondir encore la confiance", a-t-il affirmé.
Il a aussi proposé d'associer l'Afrique du sud aux négociations, jusqu'à présent menées par une troïka France-Allemagne-Grande-Bretagne, et demandé à l'ONU de former un "comité ad hoc" sur le désarmement nucléaire. Enfin, il a promis que la coopération avec l'AIEA serait "l'axe central de la politique nucléaire" iranienne.
Ces propos ont toutefois reçu un accueil glacial côté américain et européen. "Nous avons trouvé que c'était un discours très agressif, qui franchit certaines lignes rouges fixées par les Européens, en particulier pour ce qui concerne l'enrichissement de l'uranium", a déclaré un haut responsable du département d'Etat américain, sous couvert de l'anonymat.
La France a aussi estimé ce discours ne suffisait pas pour écarter la menace d'un recours devant le Conseil de sécurité de l'ONU. "Ce que j'ai entendu aujourd'hui me fait dire que l'option du rapport de l'Agence internationale pour l'énergie atomique au Conseil de sécurité des Nations unies demeure à l'ordre du jour", a déclaré le chef de la diplomatie française Philippe Douste-Blazy. "Je suis très préoccupé par le fait qu'il (M. Ahmadinejad) ait réaffirmé sa volonté de développer la technologie du cycle (nucléaire) sans tenir compte des inquiétudes de la communauté internationale", a-t-il ajouté.
Un responsable du Foreign Office britannique présent à New York a pour sa part jugé que ce discours "n'arrangeait rien" et que M. Ahmadinejad n'avait "rien apporté qui permette de dire que l'Iran va respecter ses engagements".
Avant l'allocution d'Ahmadinejad, Condoleezza Rice a pour sa part encouragé la communauté internationale à la plus grande fermeté face à l'Iran. "L'Iran devrait revenir à la table des négociations avec (l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni) et renoncer pour toujours à ses capacités d'armement nucléaire", a déclaré la secrétaire d'Etat américaine dans l'enceinte de l'ONU. "Lorsque tous les efforts diplomatiques ont été épuisés, le Conseil de sécurité doit être saisi."
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) se réunit lundi à Vienne pour étudier la possibilité d'une saisine du Conseil de sécurité de l'ONU après la reprise le mois dernier par Téhéran d'activités nucléaires sensibles. Des pays comme la Russie, la Chine et l'Inde ont, entre autres, fait savoir récemment qu'ils étaient réticents à faire remonter le dossier au Conseil de sécurité.
Une réunion est prévue dimanche entre à New York entre hauts responsables diplomatiques du groupe UE-3 et américains pour discuter de ce dossier, a indiqué le département d'Etat.
Avec AFP et Reuters
LEMONDE.FR | 18.09.05 | 08h39
P eut-on mieux prévoir et prévenir les inondations ? En France, quatre millions de personnes vivent en zone inondable. Vulnérable, le Gard a été une nouvelle fois touché en raison de violents orages, les 6 et 8 septembre.
Météo France, mise en cause pour ses estimations sur la journée du 8 septembre, où ses cartes de vigilance étaient au niveau orange, et non rouge, se défend d'avoir sous-estimé l'épisode orageux. Ce jour-là, le cumul des précipitations n'a pas atteint les 300 millimètres, seuil du passage au niveau rouge. Mais les sols déjà gorgés d'eau par les pluies tombées l'avant-veille ont favorisé les inondations.
Ce distinguo entre précipitations et crues n'est pas forcément très "lisible" pour les victimes des inondations. A compter de juillet 2006, celles-ci feront l'objet de cartes de vigilance spécifiques. La ministre de l'écologie, Nelly Olin, en visite à la météopole de Toulouse, jeudi 15 septembre, est venue constater la montée en puissance du Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (Schapi). Dépendant de son ministère, il sera chargé, en coopération avec Météo France, de la production de ces cartes (Le Monde du 31 août).
Destinées aux pouvoirs publics, aux élus et aux services d'intervention, elles seront diffusées deux fois par jour. Un code couleur (vert, jaune, orange, rouge) indiquera le risque d'inondation pour chaque cours d'eau. Leur établissement s'appuiera sur une multitude de paramètres : cumul et prévision des pluies, mais aussi état des sols – sont-ils ou non perméables ? –, relief, niveau des cours d'eau.
Le dernier épisode orageux du Gard montre que cette intégration des données est encore perfectible. "La prévision de la pluie a été assez bonne. La prévision de la conséquence de la pluie a été moins bonne le deuxième jour", est convenu le directeur de l'eau du ministère de l'écologie, Pascal Berteaud, qui invoque "les difficultés d'évaluation des ruissellements urbains" .
La coopération entre le ministère de l'écologie et Météo France (dépendant du ministère de l'équipement), contractualisée pour la période 2005-2008, prévoit plusieurs voies d'amélioration. L'un des aspects concerne le renforcement du nombre des radars météorologiques – 22 à la fin 2006 – capables de détecter les gouttes d'eau dans les nuages. Ce réseau devrait permettre de mieux déceler les phénomènes dangereux. Mais "la difficulté est de trouver une loi pour transformer le signal de réflexivité des gouttelettes en quantité de précipitations", indique cependant Emmanuel Legrand, de la direction de la prévision de Météo France.
Météo France met par ailleurs au point, avec l'université Paul-Sabatier de Toulouse et un réseau d'équipes européennes, un nouveau modèle numérique de prévision du temps à courte échéance et à échelle très fine. Baptisé Arome, cet outil vise tout particulièrement la prévision des orages. Les crues rapides sont occasionnées par ces phénomènes localisés, que les modèles numériques actuels ne peuvent pas appréhender. Leurs "mailles", d'une résolution de 10 km de côté sur la France, sont en effet trop lâches.
"Arome, avec une résolution de 2 à 3 km, permet enfin de simuler la croissance des nuages d'orage", indique Eric Brun, directeur scientifique de Météo France. Pour ce faire, il faut être capable d'estimer les déplacements d'air verticaux au sein de ces formations très actives, mais aussi de calculer les échanges thermiques, qui commandent la formation des gouttes. L'ensemble de ces phénomènes ayant un lien direct avec la surface du sol : une zone urbanisée, un lac ou une forêt n'auront pas le même impact sur la genèse des nuages.
Arome devra donc prendre en compte tous ces paramètres, au prix de calculs "300 fois plus coûteux qu'aujourd'hui", évalue Eric Brun. Pour le faire "tourner" en vraie grandeur, Météo France devra se doter en 2006-2007 d'un nouveau calculateur, capable d'effecteur 5 à 10 téraflops (milliers de milliards d'opérations par seconde). Le calculateur actuel ne pourrait livrer sa prévision qu'après que l'orage a eu lieu...
Hervé Morin
Article paru dans l'édition du 18.09.05
S elon une étude américaine publiée vendredi 16 septembre dans la revue Science, les cyclones tropicaux ont eu tendance, ces trente-cinq dernières années, à devenir de plus en plus violents. Les auteurs de ces travaux, dirigés par Peter Webster, professeur au Georgia Institute of Technology d'Atlanta (Etats-Unis), font un lien entre ces changements et l'augmentation de la température de surface des océans, due au changement climatique en cours.
Les résultats de M. Webster et de ses collègues tiennent compte de tous les bassins océaniques (Atlantique, Pacifique, océan Indien). Ils indiquent, sans équivoque, que la proportion de cyclones de catégorie 4 ou 5 (les deux niveaux les plus élevés de l'échelle de Saffir-Simpson) a eu tendance à augmenter continûment depuis 1970. Toutes régions du globe confondues, le taux moyen de ces ouragans – comparables en puissance à Katrina – est ainsi passé de 18 % environ entre 1970 et 1974 à plus de 30 % entre 2000 et 2004.
Dans le Pacifique-Ouest, par exemple, la proportion moyenne d'ouragans de catégorie 4 ou 5 a été de 25 % entre 1975 et 1989.
Cependant, les observations de M. Webster et de ses coauteurs indiquent que, parallèlement, le nombre d'ouragans des catégories 1, 2 et 3 a chuté au cours de la même période. En conséquence, le nombre total de cyclones n'a globalement pas varié. La vitesse maximale des vents générés par les phénomènes cycloniques n'a pas, elle non plus, subi de changements sensibles depuis 1970. De même, la durée moyenne des cyclones n'a pas sensiblement évolué.
La publication de ces travaux intervient alors que la communauté scientifique n'est pas parvenue à un consensus sur la responsabilité du réchauffement climatique dans l'augmentation de l'activité cyclonique remarquée depuis le début des années 1990. Pour certains climatologues, l'actuelle suractivité peut être mise au compte de cycles sans rapport clair avec le réchauffement. Ils rappellent, par exemple, que les saisons cycloniques des années 1920-1930 et 1950-1960 ont été particulièrement actives. De plus, argumentent certains, les zones à risques sont de plus en plus peuplées et les dégâts matériels occasionnés – à magnitude cyclonique égale – s'en trouvent accentués. L'attention médiatique portée à ces catastrophes naturelles parachèverait de donner l'impression fallacieuse que les ouragans sont aujourd'hui plus dévastateurs que par le passé.
Pour leurs contradicteurs, l'augmentation de la puissance des cyclones est un fait et le changement climatique est le principal suspect pour expliquer cette évolution. Les travaux de M. Webster et ses collègues viennent accréditer un peu plus ces idées.
Les débats n'en promettent pas moins d'être vifs. En début d'année, un climatologue américain réputé, Chris Landsea, a démissionné avec fracas du Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (GIEC), accusant un autre membre non moins réputé de cette institution, Kevin Trenberth, d'avoir évoqué devant la presse un lien entre changement climatique et suractivité cyclonique. Alors même que la question n'est, formellement, pas scientifiquement tranchée.
Dans une tribune publiée en juin par Science , M. Trenberth, patron du département d'analyse climatique du National Center for Atmospheric Research (NCAR), a précisé sa position. "On peut s'attendre à ce que [les] changements [environnementaux] affectent l'intensité des ouragans et les précipitations qu'ils engendrent, mais les effets sur leur fréquence demeurent peu clairs, écrivait-il en conclusion de son article. La question-clé n'est pas de savoir s'il y a plus ou moins de cyclones mais, plutôt, de savoir comment ils sont en train de changer."
La publication de M. Webster et de ses collègues donne raison à M. Trenberth.
Stéphane Foucart
Article paru dans l'édition du 18.09.05
![]() AFP Photo de cellule souche. |
U ne étape expérimentale nouvelle vient d'être franchie dans l'utilisation des cellules souches embryonnaires dans la réparation de tissus aussi essentiels que le muscle cardiaque lésé après un infarctus du myocarde. Chez l'animal, il est possible de régénérer des cellules du coeur, endommagées par un infarctus, grâce à une greffe de cellules souches embryonnaires préalablement orientées vers une différenciation en lignée cardiaque.
Un privilège immunologique Il existe des spécificités individuelles et d'espèces qui expliquent qu'en cas de greffe un traitement immunosuppresseur soit indispensable pour éviter le rejet du greffon par l'hôte. Les travaux de l'équipe de Michel Pucéat et Philippe Menasché donnent à penser que les cellules souches embryonnaires posséderaient le "privilège immunologique" de ne pas être rejetées lors d'une greffe entre espèces animales aussi différentes que la souris et le mouton. Et ce même en l'absence de traitement immunosuppresseur. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer ces propriétés que n'ont pas les cellules souches adultes. Ces cellules pourraient ne pas être reconnues comme étrangères par l'hôte car elles n'exprimeraient pas ou peu à leur surface les antigènes du "complexe majeur d'histocompatibilité" , autrement dit ceux des gènes dont la fonction est la reconnaissance du soi et du non-soi. Elles pourraient peut-être induire chez l'hôte un état de tolérance à leur égard. En tout cas, il existe des interactions locales qui permettent à des cellules préorientées d'achever leur différenciation une fois greffées. |
C'est ce que rapporte l'article de l'équipe française réunie autour du docteur Michel Pucéat (Centre de recherche de biochimie moléculaire, CNRS FRE2593, Montpellier) et du professeur Philippe Menasché (pôle cardio-vasculaire, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris), publié dans la revue britannique The Lancet, datée du 17 septembre. Bien qu'encore non éprouvée chez l'homme, cette technique ouvre la perspective d'une réponse thérapeutique aux graves séquelles de l'infarctus, à commencer par l'insuffisance cardiaque.
Celle-ci traduit l'incapacité du coeur à assurer son rôle de pompe et de moteur de la circulation sanguine. Elle est le plus souvent la conséquence d'accidents ischémiques, où des zones de la paroi musculaire cardiaque ne sont plus irriguées par les artères coronaires, ce qui entraîne la nécrose de cellules cardiaques, les cardiomyocytes, comme cela se passe lors d'un infarctus. La force de contraction du muscle cardiaque va être d'autant plus diminuée que la zone concernée est importante.
Cette dégradation a pour conséquence une baisse de l'irrigation des organes en sang oxygéné et un mauvais retour du sang veineux vers le coeur. Le travail supplémentaire demandé au muscle cardiaque indemne atteint tôt ou tard un stade où il ne peut plus faire face aux besoins.
Quand on sait que la maladie coronarienne est responsable de la moitié des 165 000 décès dus chaque année en France aux maladies cardio-vasculaires, on mesure l'ampleur du problème chez les personnes n'ayant pas succombé à un infarctus et qui en gardent des séquelles. S'il n'existe pas de données précises sur la prévalence de l'insuffisance cardiaque, diverses études donnent une fourchette allant de 3 % à 10 % de la population âgée de plus de 65 ans.
Les cellules du myocarde possèdent peu de capacités régénératives. D'où l'idée d'oeuvrer à une restauration du tissu musculaire cardiaque lésé par la greffe de cellules souches. L'équipe de Michel Pucéat et Philippe Menasché avait déjà apporté en 2002 la preuve de l'efficacité de ce procédé, en greffant des cellules souches embryonnaires de souris chez des rats ayant eu un infarctus provoqué expérimentalement. Elle s'est ensuite attelée à l'étape suivante : démontrer sur un animal plus gros, le mouton en l'occurrence, que la technique était viable.
Pour cela, les auteurs ont mené chez 18 moutons l'expérience suivante : ils ont provoqué chez chacun d'eux un infarctus du myocarde en bouchant par une embolisation une artère coronaire. Après s'être assurés que le territoire cardiaque concerné ne se contractait plus normalement, les chercheurs ont réparti les moutons en deux groupes. L'un servait de groupe contrôle, tandis que les 9 moutons de l'autre groupe recevaient la greffe de cellules souches, par injection dans la zone affectée par l'infarctus (de 1 à 2 millions de cellules dans chacun des 25 lieux d'injection pour chaque animal).
Les cellules souches embryonnaires utilisées étaient les clones de cellules de souris, cultivées pour les orienter vers un lignage de cellules cardiaques, et portant des gènes permettant de les suivre à la trace.
"Nous avons apporté la preuve du principe que les cellules souches embryonnaires correctement préorientées vers un lignage cardiaque achèvent de se différencier complètement en cellules cardiaques une fois qu'elles sont implantées dans le tissu où a eu lieu l'infarctus", résume le professeur Menasché. Ces cellules repeuplent ainsi le territoire cicatriciel.
A l'inverse, d'autres travaux ont montré que les cellules souches multipotentes issues de la moelle osseuse pas plus que les cellules musculaires ne possèdent cette capacité à se différencier en cellules cardiaques.
Le contrôle par échographie chez les 18 moutons a permis de constater que les animaux ayant reçu les cellules souches embryonnaires avaient une amélioration de leur fonction cardiaque, tandis que celle-ci se dégradait chez les animaux du groupe contrôle. La différenciation des cellules greffées se traduit donc par une amélioration fonctionnelle.
Le travail de l'équipe française attire également l'attention sur ce que les auteurs évoquent comme un possible "privilège immunologique" des cellules souches embryonnaires qu'ils ont greffées. En effet, bien qu'appartenant à une autre espèce animale que le mouton, ces cellules n'ont pas suscité de réaction inflammatoire ou de rejet, sans avoir recours à un traitement immunosuppresseur.
"Ce privilège immunologique des cellules souches embryonnaires, constaté lors de greffes chez le rat et à présent chez le mouton, pourrait faire envisager une application requérant des conditions d'immunosuppression moins drastiques qu'on ne le pensait" , commente le professeur Menasché.
De même, les cellules souches embryonnaires sélectionnées par les chercheurs français n'ont pas entraîné la formation de tumeurs, l'un des effets secondaires redoutés avec l'utilisation clinique de cellules souches embryonnaires.
Ce travail ouvre donc une perspective thérapeutique qui devra passer par d'autres étapes animales (le singe) avant de passer à l'expérimentation humaine.
Paul Benkimoun
Article paru dans l'édition du 18.09.05
Des représentants de la communauté arabe d'Israël ont élevé de vives protestations et menacé dès samedi de faire appel à des instances internationales si une telle décision était prise. "C'est une décision inique que nous ne sommes pas prêts à accepter. Nous ne ne sommes pas disposés à passer l'éponge et à permettre aux policiers coupables de ne pas être inquiétés et s'il le faut nous nous adresserons à des instances internationales", a déclaré dimanche aux journalistes, Shawki Khatib, le président d'un comité représentatif de la minorité arabe israélienne.
"On ne peut faire ainsi fi du sang de nos fils. C'est une affaire ultra sensible et potentiellement explosive", a averti le député arabe israélien Azmi Bishara . "Depuis le début, il était clair que la police des polices couvrirait les auteurs de ces crimes plutôt que de les poursuivre", a-t-il ajouté.
De son côté, une députée de gauche, Zaava Galon, a dénoncé cette décision qui "constitue, selon elle, un mépris de la vie humaine et contredit les recommandations d'une commission précèdente".
En octobre 2000, douze Arabes israéliens et un Palestinien installés en Israël avaient été tués par des tirs de la police lors de manifestations violentes de solidarité avec les Palestiniens, peu après le début de l'Intifada, à la fin du mois de septembre de la même année.
Dans un rapport rendu public en septembre 2003 après deux ans et demi de travaux, une commission étatique présidée par le juge Théodore Orr avait infligé un blâme sévère à la police, sans réclamer de poursuites judiciaires spécifiques.La commission avait lié les violences d'octobre 2000 à "l'incapacité des différents gouvernements israéliens à traiter de façon équitable la minorité arabe" qui représente 19 % environ de la population globale. L'Etat "n'a pas fait assez pour mettre fin à la discrimination (subie par cette population) pour lui donner des droits égaux ni pour imposer en son sein la loi et l'ordre", soulignait la commission.
La police était accusée d'avoir eu une attitude "a priori hostile" envers la minorité arabe et d'avoir caché aux responsables politiques le fait qu'elle avait tiré à balles réelles pour réprimer des émeutes.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 18.09.05 | 14h35
V oici les différents scénarios de coalition gouvernementale en Allemagne, la "grande coalition" entre chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates étant, mathématiquement, la plus sûre.
Une "grande coalition" ou "noire-rouge", entre l'Union chrétienne-démocrate d'Angela Merkel (CDU, représentée par la couleur noire) et le Parti social-démocrate du chancelier Gerhard Schöder (SPD, couleur rouge).
La CDU et sa soeur bavaroise, l'Union chrétienne-sociale (CSU), disposeraient, ensemble avec le SPD, de la majorité la plus confortable, avec moins de 70 % des suffrages.
Déjà expérimenté entre 1965 et 1969, ce type de coalition entre les deux grands partis populaires est pourtant décrié comme porteur de risques d'immobilisme en matière de réformes. CDU et SPD l'avaient tous deux catégoriquement rejetée pendant la campagne.
Gerhard Schröder a encore exclu dimanche soir de négocier une grande coalition sous la direction de la candidate conservatrice, Angela Merkel. Il a revendiqué pour lui-même la direction d'une telle coalition.
Une coalition "feu tricolore" entre le SPD (rouge), les libéraux du FDP (jaune) et les Verts. Jugée purement hypothétique il y a quelques jours, elle est à nouveau d'actualité depuis que le chancelier Gerhard Schröder a dit vouloir entamer des négociations "avec tous les partis" sauf la gauche contestataire. Le FDP, qui s'est déjà allié au SPD dans les années 1970/80, a réalisé le score très honorable de 10 % des voix environ.
Jamais expérimentée au niveau fédéral, la coalition de type "feu tricolore" a déjà existé au niveau régional, mais brièvement. Si elle peut tenir sur les questions de société, elle pourrait vite apparaître divisée sur les questions économiques et sociales.
La direction du FDP s'y oppose catégoriquement et le SPD ne peut espérer rallier que des députés dissidents.
La coalition "noire-jaune" (conservatrice-libérale), qui était l'objectif affiché d'Angela Merkel, est renvoyée aux calendes grecques. Les conservateurs et les libéraux sont loin d'arriver à la majorité de sièges nécessaires.
La coalition "rouge-verte" sortante de Gerhard Schröder et du ministre des affaires étrangères, Joschka Fischer, n'a quant à elle aucune chance d'être reconduite.
La coalition "rouge-rouge-verte" (entre sociaux-démocrates, la gauche contestaire du Parti de gauche et les Verts) est exclue. Le SPD et les Verts l'ont catégoriquement rejetée. Le Parti de gauche, avec 8,5 % des suffrages, permettrait pourtant au chancelier d'avoir une majorité.
Toutefois, il ne peut être exclu que des députés de ce nouveau groupe parlementaire soutiennent un governement Schröder.
La coalition "jamaïcaine noire-jaune-verte" (en référence aux couleurs du drapeau jamaïcain) entre CDU-CSU, les libéraux du FDP et les Verts. Nouvelle dans le jargon journalistique, c'est la coalition la moins probable, en raison des divergences idéologiques entre chréteins-démocrates et libéraux d'une part, et écologistes de l'autre.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 18.09.05 | 22h18
Gael : Comment expliquez-vous le résultat décevant d'Angela Merkel ? Son manque de charisme, les propositions de Kirchof en matière fiscale, le report de voix sur le FDP ?
Daniel Vernet : Je pense que plusieurs éléments ont joué. Les trois que vous mentionnez se sont cumulés. Angela Merkel a fait sans doute une campagne beaucoup moins bonne que M. Schröder. Ensuite, les propositions fiscales de Kirchhof ont un peu semé le trouble dans l'esprit des Allemands, d'autant plus qu'Angela Merkel a paru hésiter entre les mesures radicales proposées par Kirchhof et le programme plus modéré de son parti. Et enfin, en effet, certains électeurs, pour renforcer l'allié éventuel de la CDU, ont donné leur deuxième voix aux libéraux, ce qui explique à la fois le score élevé du parti libéral et la faiblesse du score chrétien-démocrate.
Gael : Les Allemands ont voté, mais in fine ce sont les partis politiques qui vont choisir la coalition qui va gouverner l'Allemagne et donc l'orientation politique du pays pour les années à venir. Cela ne pose-t-il pas un petit problème démocratique ?
Daniel Vernet : C'est le système allemand qui est comme ça. C'est un système parlementaire, donc ce sont des élections indirectes, en quelque sorte. Le chancelier n'est pas élu au suffrage universel. On n'est pas dans une République plébiscitaire. En principe, en votant pour des partis, les électeurs se prononcent aussi pour des coalitions, et donc, indirectement, pour le chancelier. Sauf cas exceptionnel, quand il y a une forte dispersion des voix et pas de majorité évidente, comme c'est le cas aujourd'hui.
Panorama : Que pensez-vous des propos de M. Schröder qui a réclamé la chancellerie pour lui hier soir ?
Pariso-berlinois : Personnellement, je ne comprends pas que Schröder s'accroche à la chancellerie. Il a convoqué ces élections, sur un mode plébiscitaire. Il voulait provoquer une réaction de rejet ou d'adhésion claire. Il n'y a pas de réponse claire. Quel est son plan B ?
Daniel Vernet : Ce sont effectivement des déclarations qui peuvent étonner. Gerhard Schröder emploie un argument un peu spécieux en essayant de dire que la CDU et la CSU sont deux partis différents, et que donc le Parti social-démocrate est arrivé en tête, devant la démocratie-chrétienne. Je crois que Schröder sait bien que l'issue la plus probable, c'est une grande coalition, mais avant d'entamer les négociations, il veut faire monter les enchères.
Nico : La coalition qui devrait se former prochainement peut-elle durer ? Que ce soit CDU + SPD, SPD+FDP+Verts,...
Daniel Vernet : C'est très difficile de faire un pronostic quand on ne sait pas quel type de coalition va sortir des négociations. Mais il est en effet fort possible que les partis qui vont s'entendre pour former un gouvernement concluent un programme limité, à la fois sur la substance et dans le temps, autrement dit, ils vont sans doute prévoir quelques réformes pour une durée de quelques années, peut-être la moitié de la législature, deux ans, avant de se retourner vers les électeurs pour qu'ils tranchent de nouveau entre le centre-droit et le centre-gauche.
Fabrice : Peut-on considérer que le système allemand, très favorable à la représentation des petits partis, pose problème au vu de la difficulté pour les deux grandes formations populaires que sont le SPD et la CDU/CSU de former un gouvernement de coalition ?
Daniel Vernet : Le système allemand n'est pas a priori très favorable aux petits partis, parce qu'il prévoit un minimum de 5 % des suffrages pour qu'un parti soit représenté au Parlement. Et pendant de longues années, il n'y a eu que trois partis représentés au Bundestag : la démocratie-chrétienne, les sociaux-démocrates et les libéraux. Et les libéraux, en penchant tantôt d'un côté tantôt de l'autre, décidaient finalement de la nature du gouvernement. La situation a changé à partir de 1983, quand les Verts sont entrés au Parlement, et maintenant on a un nouveau parti, le parti de la gauche radicale, qui change en effet le paysage politique. On assiste en Allemagne, comme dans d'autres pays européens, en France par exemple, à un émiettement des forces politiques qui, à terme, pourrait changer la nature des institutions.
Gael : Une coalition "Jamaïque" entre la CDU, le FDP et les Verts est-elle viable alors que sur les questions diplomatiques et environnementales, qui relevaient jusqu'à présent de la compétence de Fischer et Trittin, leurs positions paraissent antagonistes?
Daniel Vernet : Après les résultats d'hier, tout est possible. Cependant, cette coalition "jamaïcaine" entre les Noirs, les Jaunes et les Verts me paraît peu probable. Elle n'a jamais existé encore en Allemagne, et je crois qu'avant qu'elle soit possible, il faudrait qu'elle ait été expérimentée dans les gouvernements régionaux. Mais il est quand même théoriquement possible de penser qu'un compromis limité pourrait être trouvé entre ces trois partis.
Ardéa : Comment expliquez-vous que les Verts soient parvenus à se maintenir à peu près au même score qu'il y a trois ans ?
Daniel Vernet : Je crois que c'est dû essentiellement à l'excellente campagne électorale de Joschka Fischer, comme il y a trois ans aussi. Les Verts sont capables d'attirer vers eux un électorat plus contestataire, écologiste, voire pacifiste, mais qui n'a pas voulu voter pour l'extrême gauche parce que ce parti d'extrême gauche comprend des anciens communistes de l'Est, alors que du côté des Verts, il y a eu, après la réunification, quelques dissidents d'Allemagne de l'Est, des défenseurs des droits de l'homme en Allemagne de l'Est, qui ont rejoint le parti des Verts. Donc il y a un antagonisme entre les Verts et la gauche radicale.
Ardéa : De quelle droite européenne le FDP est-il le plus proche ? J'ai du mal à le situer : ressemble-t-il au parti libéral britannique ? Aux "sarkozystes" ? A l'UDF ?
Daniel Vernet : C'est vrai qu'il est très difficile à situer, et il n'y a pas beaucoup de comparaisons possibles avec des formations d'autres pays européens. Dans une certaine mesure, en effet, il est assez proche du parti libéral britannique, mais historiquement, les libéraux allemands viennent de deux familles politiques différentes : d'une part, les libéraux au sens économique du terme, qui sont pour la libre entreprise, qui représentent les professions libérales, et d'autre part, les libéraux au sens politique du terme, qui sont plus attachés au respect des droits de l'homme, au respect des libertés individuelles. Je dirais que les premiers ont plus de facilité à former des coalitions avec la démocratie-chrétienne, et les seconds, avec les sociaux-démocrates. Actuellement, ce sont les libéraux "économiques" qui semblent dominer dans le parti libéral allemand.
Gael : L'Allemagne a un système de vote à la proportionnelle et les deux principaux partis réalisent 70% des voix. La France est adepte du système majoritaire et Jacques Chirac et Lionel Jospin n'ont réalisé que 35% des voix à eux deux. Comment expliquez-vous cette situation?
Daniel Vernet : Il faut bien voir que les deux systèmes sont totalement différents et qu'il est difficile de comparer une élection législative en Allemagne et une élection présidentielle en France. Le système allemand a ceci de particulier que la moitié des députés sont élus au scrutin uninominal à un tour, dans les circonscriptions. Là, il suffit d'avoir la majorité relative pour être élu. Et l'autre moitié est élue à la proportionnelle sur des listes établies par les partis politiques. Par exemple, hier, Oskar Lafontaine, le chef du parti de la gauche radicale, était candidat dans une circonscription de la Sarre, il n'a pas été élu, mais il était en même temps numéro un sur la liste de son parti en Rhénanie-Westphalie, et donc il entrera au Bundestag par ce scrutin de liste. L'autre particularité, qui est la conséquence de la première, c'est que chaque électeur allemand a deux voix. Avec la première, il vote pour un candidat dans la circonscription où il habite. Et avec la deuxième, il vote pour la liste d'un parti. Et ce sont les deuxièmes voix qui déterminent la composition du Bundestag. Autrement dit, la force des partis au Parlement est déterminée à la proportionnelle, selon le décompte des deuxièmes voix.
Saturday night fever : D'après vous, la confusion issue du vote est-elle de nature à pousser les Allemands à réformer leur système électoral en réduisant le rôle de la proportionnelle ?
Daniel Vernet : Evidemment, c'est une question que l'on peut se poser. Mais je ne crois pas, car les Allemands sont attachés à la stabilité de leurs institutions. Ils ont fait l'expérience dans les années 1920, sous la République de Weimar, des dangers de l'instabilité institutionnelle, qui est une des raisons de l'arrivée au pouvoir des nazis. Donc je crois qu'ils hésiteront longtemps, beaucoup, avant de changer leur système électoral.
Nico : Peut-on avoir des majorités minoritaires du type CDU+FDP ou SPD+Verts avec accord tacite du camp adverse, mais blocage sur tous les sujets sensibles ?
Daniel Vernet : Théoriquement c'est possible. Mais pratiquement, c'est difficilement envisageable, surtout parce que la démocratie-chrétienne dispose d'une large majorité au Bundesrat, la Chambre des Etats. Or plus de 60 % des lois doivent avoir l'accord de cette deuxième chambre. Donc pour gouverner, quelque gouvernement que ce soit aura besoin de faire des compromis avec la démocratie-chrétienne.
Saturday night fever : La coalition qui se profile, avec ce qu'elle promet d'immobilisme et d'absence de leadership, n'est-elle pas de triste augure pour ceux qui espéraient voir le couple franco-allemand rétablir son influence dans l'UE ?
Daniel Vernet : C'est vrai que la difficulté d'obtenir un gouvernement stable en Allemagne ne va pas faciliter la relance de l'Europe, surtout parce que le partenaire français va entrer lui aussi en campagne électorale pour la présidentielle de 2007. Donc il ne faut pas s'attendre à de grandes initiatives européennes du côté franco-allemand.
Fabrice : Pourquoi l'Est a-t-il autant voté pour le parti Linkspartei ? Réflexe identitaire ? Problèmes économiques ? Les deux à la fois ?
Daniel Vernet : Je crois en effet les deux à la fois. Le chômage à l'Est est le double de ce qu'il est à l'Ouest. Dans certains endroits, il atteint 30 à 35 %. Et puis les Allemands de l'Est se sentent souvent un peu méprisés par leurs concitoyens de l'Ouest. Et Edmund Stoiber, le leader bavarois, n'a rien arrangé en laissant entendre que c'était des "frustrés" et qu'il ne fallait pas que ces Allemands de l'Est décident de l'issue des élections.
Michel : Comment les exclus, les chômeurs, les travailleurs pauvres ont-ils voté ?
Daniel Vernet : Je n'ai pas encore vu d'enquête très précise sur qui a voté quoi. Mais parmi les électeurs du parti de la gauche radicale, il y a 25 % de chômeurs. C'est le seul chiffre que j'ai vu jusqu'à maintenant, mais qui est significatif.
Alex : Comment la situation économique en Allemagne va-t-elle souffrir de ce blocage politique ?
Daniel Vernet : Blocage politique, il faut faire attention. Il est fort possible et même probable que dans trois semaines, un mois, une coalition gouvernementale aura été formée et ce délai peut paraître long, mais c'est le délai normal pour la formation d'un gouvernement en Allemagne, même quand la coalition annoncée avant les élections a obtenu la majorité absolue. Ensuite, il faudra voir quel est le programme de cette coalition, et c'est à ce moment-là que l'on pourra juger si l'économie risque de souffrir ou non de la situation politique.
Eric 1 : Ne pensez-vous pas, quel que soit le futur " vainqueur ", qu'il ou elle va manquer de crédibilité et de force politique pour reconquérir une population allemande encline au doute ?
Daniel Vernet : En effet, ça dépendra je pense de la manière dont la coalition va se former et si cette coalition n'apparaît pas trop artificielle, si elle a à sa tête un leader crédible, Merkel, Schröder ou quelqu'un d'autre. Dans ces conditions, le prochain gouvernement pourrait mener une politique courageuse qui redonne confiance aux Allemands. Mais c'est un pari qu'il est difficile de prendre aujourd'hui.
Chat modéré par Fanny Le Gloanic et Stéphane Mazzorato
LEMONDE.FR | 19.09.05 | 18h08
L' exécutif de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a commencé, lundi 19 septembre, une réunion d'une semaine à Vienne qui doit surtout être consacrée au refus de l'Iran de renoncer au combustible nucléaire. La"troïka" européenne et les Etats-Unis devraient presser le bureau directeur de l'Agence d'adopter une résolution exigeant le renvoi du dossier nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité des Nations unies.
Traditionnellement, le bureau directeur de l'AIEA ne vote pas les résolutions mais les adopte par consensus. Mais, d'après des diplomates, l'éventuelle résolution de l'Union européenne appelant à la saisine du Conseil de sécurité devrait être soumise au vote, comme ce fut le cas en février 2003 concernant le nucléaire nord-coréen.
Le conseil des gouverneurs de l'AIEA est composé de trente-cinq pays. L'Inde, le Pakistan, le Venezuela et l'Afrique du Sud sont opposés à une saisine du Conseil de sécurité, tout comme la Chine, la Russie et le Brésil. A l'issue de la réunion de l'AIEA, trois scénarios sont possibles :
Echec de la résolution : les pays occidentaux, emmenés par l'UE et les Etats-Unis, perdent le vote de la résolution. L'Iran échappe par conséquent à la menace de sanctions de la part de l'ONU.
Ultimatum : les Occidentaux acceptent le compromis proposé par le directeur général de l'AIEA, Mohamed ElBaradei. Ce dernier suggère qu'un ultimatum soit lancé à l'Iran pour qu'il suspende ses activités nucléaires sensibles, dont il a annoncé la reprise le mois dernier. Cette solution semble bénéficier d'un large soutien au sein du conseil des gouverneurs et permettrait de repousser une éventuelle confrontation avec Téhéran.
Résolution approuvée : si la résolution américano-européenne est approuvée, le Conseil de sécurité de l'ONU est alors saisi. Or l'Iran avait menacé dans ce cas de reprendre ses activités d'enrichissement sur le site de Natanz et de réduire sa coopération avec l'AIEA.
En cas de saisine du Conseil de sécurité de l'ONU, la Chine et la Russie, qui y bénéficient d'un droit de veto en tant que membres permanents, peuvent s'opposer à toute prise de sanctions. Dans le cas de la Corée du Nord, le Conseil de sécurité n'a pris aucune mesure depuis sa saisine, en février 2003. Si Moscou et Pékin n'usent pas de leur droit de veto, le Conseil de sécurité peut publier une déclaration soutenant le travail de l'AIEA et appelant Téhéran à suspendre ses activités d'enrichissement.
Le Conseil de sécurité pourrait accorder des pouvoirs accrus aux inspecteurs de l'AIEA, comme ce fut le cas en Irak avant le déclenchement de la guerre en 2003. Il exigerait alors des comptes rendus réguliers de la part e M. ElBaradei sur l'évolution des inspections. En théorie, le Conseil peut donner son feu vert à des actions miltaires, hypothèse peu probable selon des diplomates.
Les Etats-Unis et l'UE pourraient également presser l'ONU d'adopter des sanctions diplomatiques et des interdictions de déplacements pour les responsables du régime iranien. Des sanctions économiques, comme celles imposées à la Libye et à la Chine, pourraient aussi être décidées. Il semble cependant peu probable que l'Iran fasse l'objet d'un embargo commercial généralisé.
Avec AFP et Reuters
LEMONDE.FR | 19.09.05 | 11h53
D enis Vadeboncœur, un prêtre canadien de 65 ans accusé de viols sur mineur de 15 ans, s'est dit "responsable de tout", lundi 19 septembre, à l'ouverture de son procès devant la cour d'assises de l'Eure, à Evreux. Il est passible de vingt ans de réclusion criminelle.
Alors qu'il n'avait jamais reconnu, dans la relation "amoureuse" avec le jeune Jean-Luc, son accusateur, qu'une responsabilité limitée, parlant même de "détournement de majeur", il a déclaré : "Jean-Luc n'est pas responsable ; c'est lui la victime, c'est pas moi."
Denis Vadeboncœur, qui avait été condamné en 1985 au Canada à vingt mois d'emprisonnement pour "grossière indécence, sodomie et agressions sexuelles sur des adolescents", avait été nommé en 1988 curé de la paroisse de Lieurey, au contact de jeunes gens, par l'évêque d'Evreux d'alors, Mgr Jacques Gaillot.
L'évêché d'Evreux a été gravement mis en cause, lundi, par un policier du SRPJ de Rouen, qui a enquêté pour tenter de découvrir si Denis Vadeboncœur, qu'il surnomme le "prédateur", avait fait d'autres victimes que Jean-Luc entre 1988 et 2000 dans l'ouest de l'Eure.
Le commandant Jean-Yves Briand a dénoncé la disparition de pièces du dossier de Vadeboncœur à l'évêché, pour laquelle a été mis en cause un ancien secrétaire de Mgr Gaillot. Il a reproché au successeur de Mgr Gaillot, Mgr Jacques David, en fonction quand l'affaire a éclaté, d'avoir alors publié une lettre ouverte à ses paroissiens pour leur demander "compassion et miséricorde" pour le prêtre Vadeboncœur, "sans aucun mot pour la victime".
Il s'en est pris également à Mgr Gaillot, "parfaitement au courant" du passé judiciaire de Vadeboncœur, mais qui, "pensant que 'tout le monde il est beau et gentil', ne voit pas de difficulté à lui confier une paroisse avec des enfants".
Mgr Jacques Gaillot a déclaré qu'il "regrettait" d'avoir nommé Denis Vadeboncoeur alors qu'il avait déjà été condamné au Canada pour des actes de pédophilie et qu'il le savait. Laborieusement, il a expliqué qu'il avait été "sensible à un appel au secours" du prêtre canadien, ajoutant reconnaître aujourd'hui avoir "fait une erreur". Mgr Gaillot a indiqué qu'à l'époque "il était moins sensible à ce problème de la pédophilie qu'aujourd'hui".
Mgr Gaillot n'a pas pu expliquer la disparition de l'évéché du dossier de Vadeboncoeur, assurant toutefois qu'il était encore plein à son départ. Son successeur, Mgr Jacques David, a ensuite déclaré que le dossier était vide à son arrivée à Evreux. Les deux évêques se sont également contredits sur ce que Mgr Gaillot avait dit à Mgr David à propos de Vadeboncoeur en 1996, lors d'une brève rencontre à Paris avant que Mgr David ne s'installe à Evreux.
Mgr Gaillot a prétendu qu'il l'avait informé que Vadeboncoeur avait eu des "problèmes avec les jeunes" alors que Mgr David a dit qu'il avait fait état de problèmes sans autre précision et il ne s'en était pas plus soucié, ayant pris l'évéché d'Evreux dans une grande période de tension.
Mgr David a également déclaré que, "comme les Français moyens il n'avait perçu que tardivement la gravité" du problème de la pédophilie, "il y a 6 ou 7 ans".
Avec AFP
LEMONDE.FR | 19.09.05 | 18h28
![]() AFP/NASA
L'astronaute Edwin E. Aldrin, le 20 juillet 1969, sur la surface de la Lune. |
Q uatre astronautes seront envoyés sur la Lune en 2018 à bord d'une capsule lancée par une fusée qui doit être construite pour remplacer la navette spatiale, a annoncé, lundi 19 septembre, l'administrateur de l'Agence spatiale américaine (NASA), Michael Griffin."Nous parlons de retourner sur la Lune en 2018", a-t-il déclaré.
Le séjour des astronautes devrait durer une semaine, leur offrant "quatre fois plus de temps" sur la Lune que les missions Apollo, dont la dernière s'était achevée en 1972, a-t-il précisé. Le véhicule d'exploration avec équipage (CEV), qui pourra voler pour des missions limitées à l'orbite terrestre à partir de 2012, sera largement propulsé par des moteurs dont la technologie provient de la navette spatiale, qui doit être mise à la retraite en 2010. Ce plan laissera les Etats-Unis sans moyen d'accès à l'espace pendant deux ans, a cependant souligné Michael Griffin. A partir de 2012, le CEV devrait pouvoir transporter un maximum de six astronautes sur la station spatiale internationale.
Le coût du programme est estimé à "104 milliards de dollars pour le premier retour sur la Lune", a poursuivi le patron de la NASA en précisant malgré tout que ce budget ne représentait que "55 % du coût du programme Apollo" en dollars constants. Le programme "permettra d'établir une présence permanente sur la Lune" pour préparer les astronautes à des missions plus lointaines comme l'exploration de Mars, a-t-il expliqué.
Le CEV partira d'un nouveau lanceur constitué d'une fusée d'appoint du type de celles actuellement utilisées par la navette spatiale. Une fois dans l'espace, le véhicule ira s'arrimer à un vaisseau déjà en orbite comprenant l'unité permettant d'alunir. Ce vaisseau automatisé aura été lancé par un lanceur lourd constitué de deux fusées d'appoint et cinq moteurs de navette, l'ensemble de cette technologie étant dérivé du lanceur utilisé actuellement par la NASA pour placer la navette spatiale sur orbite. Ce nouveau lanceur pourra emporter une charge utile allant jusqu'à 125 tonnes. A son retour, la capsule, pouvant emporter quatre astronautes, ralentie par des parachutes, ira se poser dans le désert de l'ouest des Etats-Unis, près de la base aérienne d'Edwards (Californie).
Le plan annoncé par le patron de la NASA découle des objectifs d'exploration spatiale fixés par le président George W. Bush en janvier 2004.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 19.09.05 | 18h50
L e conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) se réunit, lundi 19 septembre, à Vienne. La "troïka" européenne (UE-3) et les Etats-Unis devraient presser le conseil des gouverneurs de l'agence d'adopter une résolution exigeant le renvoi du dossier nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité des Nations unies.
Téhéran doit "établir la confiance" sur ses activités nucléaires, a déclaré le ministre des affaires étrangères français, Philippe Douste-Blazy, en réaffirmant qu'une saisine par l'AIEA du Conseil de sécurité de l'ONU sur ce dossier est "à l'ordre du jour". "Nous demandons à l'Iran d'établir la confiance en offrant des garanties objectives sur la nature exclusivement pacifique de son programme", a-t-il affirmé.
De même, le sous-secrétaire d'Etat chargé des affaires politiques américain, Nicholas Burns, a déploré que le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, "ne se soit pas montré plus enclin au compromis" et n'ait "pas laissé beaucoup de marge pour la diplomatie". "Je pense qu'en fin de compte il y aura une saisine du Conseil de sécurité", a-t-il ajouté sur la BBC, sans se prononcer sur une date."Nous restons tous convaincus que l'Iran doit reprendre immédiatement le processus de négociation" avec les Européens, a également déclaré un responsable du département d'Etat américain, sous le couvert de l'anonymat.
Dimanche, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York, ministres et diplomates ont mené d'intenses tractations sur la suite à donner au dossier nucléaire iranien. Européens et Américains ont appelé l'Iran à assouplir sa position et à revenir à la table des négociations, après le discours offensif de son président, qui a réaffirmé samedi le "droit inaliénable" de son pays à maîtriser le cycle du combustible nucléaire. Le ministre des affaires étrangères britannique, Jack Straw, a lui aussi estimé que le discours de M. Ahmadinejad était "décevant" et "d'aucun secours", tout en insistant sur la nécessité de trouver une solution diplomatique.
Des diplomates occidentaux à New York estimaient que la rigidité des propos du chef de l'Etat ultraconservateur leur donnait des arguments pour convaincre les membres indécis de l'AIEA de faire remonter le dossier au Conseil de sécurité."On ne voit pas comment l'Iran pourrait se rallier des pays indécis après un tel discours", notait un diplomate européen.
Une proposition que des entreprises étrangères soient associées à l'enrichissement d'uranium en Iran, manifestement insuffisante pour calmer les inquiétudes, n'a pas trouvé d'écho côté américain et européen.
De son côté, le président russe, Vladimir Poutine, dont le pays a une importante coopération nucléaire avec l'Iran, a estimé que Téhéran coopérait "suffisamment" avec les organisations internationales sur son programme nucléaire. M. Poutine, dans un entretien à la télévision américaine Fox News enregistré avant l'intervention du président iranien mais diffusé dimanche, a mis en garde contre des sanctions onusiennes contre Téhéran, qui entraîneraient "plus de problèmes qui pourraient conduire à une impasse".
Au siège de l'AIEA à Vienne, des diplomates discernaient encore une marge de négociation. Face à ses divisions internes, l'AIEA pourrait reporter la perspective d'une saisine du Conseil de sécurité, et l'UE-3 donner un dernier délai à l'Iran pour renoncer à la maîtrise du cycle nucléaire, selon ces diplomates dans la capitale autrichienne.
Le conseil des gouverneurs de l'AIEA est composé de 35 pays, dont 14 font partie du Mouvement des non-alignés. Parmi ceux-ci, Singapour et le Pérou se disent favorables à une saisine du Conseil de sécurité. En revanche, l'Inde, le Pakistan, le Venezuela et l'Afrique du Sud y sont opposés, tout comme la Chine, la Russie et le Brésil.
Avec AFP et Reuters
LEMONDE.FR | 19.09.05 | 08h37
L a promesse de la Corée du Nord d'abandonner son programme militaire nucléaire apparaît comme un signe positif, mais doit être accueillie avec circonspection, tant le pays est coutumier des déclarations sans lendemain. Beaucoup d'analystes doutent en effet de la capacité de la dictature communiste à respecter ses engagements, souvent restés lettre morte par le passé.
En 1994 déjà, Pyongyang avait signé un traité bilatéral avec les Etats-Unis dans lequel il s'engageait à ne pas poursuivre de programme nucléaire. Mais en 2002, Washington révélait que la Corée du Nord avait rompu cet accord et développait en secret un programme à base d'uranium enrichi, ce que le pays dément.
Des responsables sud-coréens font également remarquer que la Corée du Nord a violé un accord bilatéral avec son voisin du Sud, signé en 1991, et dans lequel Pyongyang s'engageait à ne pas développer de programmes nucléaires.
Cependant, Jun Bong-geum, de l'Institut sud-coréen pour les affaires étrangères et la sécurité nationale, souligne que l'ampleur de la pression internationale pourrait infléchir la Corée du Nord. "Ils ont dit qu'ils allaient abandonner leurs programmes d'armement... Pouvons-nous leur faire confiance ? Ils ont rompu leur parole dans le passé sur des traités bilatéraux avec les Etats-Unis et la Corée du Sud... Mais, cette fois-ci, il s'agit d'un accord impliquant six participants [les Etats-Unis, la Chine, le Japon, la Russie et les deux Corées]. Cette fois-ci, nous avons d'autres témoins et d'autres donneurs de garanties. Il y a donc plus de choses en jeu", explique-t-il. "D'un côté, je peux imaginer les difficultés qu'il va nous falloir surmonter. Mais si la Corée du Nord a réellement arrêté une position, ce sera plus facile qu'en 1994", ajoute M. Jun.
"Je dirais qu'il ne s'agit ni d'une percée ni d'un échec", déclare de son côté Peter Beck, directeur à Séoul de l'organisation indépendante International Crisis Group. Si progrès il y a, il se fera "très lentement", avertit M. Beck, soulignant que la cinquième série de négociations n'est pas prévue avant deux mois.
Avec AFP et Reuters
LEMONDE.FR | 19.09.05 | 12h16
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En extra: Les éditos du Monde |
[*] «Longues propagandistes» parce qu'il existe aussi, dans cette rubrique, des «brèves propagandistes» reprenant surtout des dépêches de l'AFP. Ici, on trouvera pour l'essentiel des articles parus dans Le Monde, qui par le fait, sont beaucoup plus longs…