![]() | Longues propagandistes, série 16 |
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En extra: Les éditos du Monde |
O n sait tout de la grippe aviaire depuis longtemps. Voilà une maladie "documentée" qui ne présente aucune énigme pour les spécialistes, contrairement à la maladie dite de la "vache folle". Ce pourrait être un facteur très rassurant si la communauté internationale n'avait pas fait la preuve d'un manque de solidarité confondant depuis deux ans en ne portant pas une assistance résolue aux pays pauvres de l'Asie et de l'Asie du Sud-Est, qui furent les premiers touchés.
Résumons: le virus en cause est le sous-type H5N1, un virus hautement pathogène, clairement repéré et identifié pour la première fois il y a plusieurs décennies parmi les oiseaux sauvages. L'épizootie dont il est question aujourd'hui s'est déclarée à la fin de l'année 2003. Elle a principalement touché, dans un premier temps, le Vietnam, la Thaïlande et la Corée du Sud, puis la Chine, Taïwan, le Japon, le Cambodge et le Laos. Dans cette zone géographique, environ 150 personnes ont été infectées en plumant des volailles et une soixantaine sont mortes. Parallèlement, les autorités des pays concernés ont fait procéder à l'abattage de plus de 100 millions de volailles.
A ce stade, l'équation H5N1 était assez facile à résoudre. Le vaccin pour immuniser les volailles existe. Les pays riches auraient dû immédiatement réagir en dégageant les moyens financiers pour que cette peste des oiseaux soit jugulée dans son foyer. L'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a estimé à 100 millions de dollars les investissements nécessaires dans les trois prochaines années. Mais seulement 20 millions ont été à ce jour promis, tandis que les Etats-Unis, à eux seuls, s'apprêteraient, selon le quotidien britannique Financial Times, à passer commande d'un médicament antiviral pour plus de 1 milliard de dollars.
Du coup, l'équation commence à changer de nature. Au départ localisée, circonscrite, l'épidémie prospère et se mondialise. On l'a repérée en Russie et au Kazakhstan en août; en Turquie et en Roumanie aujourd'hui. D'imaginaire, le risque d'une pandémie frappant l'Europe devient palpable. Et, de fait, le ton de la Commission européenne a brusquement changé jeudi 13 octobre. Elle était distraitement attentive. La voici mobilisée.
Paris entend aussi multiplier les signaux. Le premier ministre cherche à rassurer en déclarant: "Nous avons un dispositif d'ores et déjà opérationnel." Heureuse nouvelle. La France est l'un des pays les plus concernés puisqu'elle est le premier producteur de volailles de l'Union européenne et le troisième exportateur mondial, derrière le Brésil et les Etats-Unis. Cette situation lui impose une vigilance toute particulière.
A force de voyager et de se diffuser, même lentement, l'équation H5N1 est en effet devenue une équation à une inconnue. Comme en Asie, le risque existe que ce virus infecte, ici aussi, les hommes. La panique est mauvaise conseillère. Le respect d'une politique sanitaire sérieuse et d'une hygiène stricte est en revanche souhaitable.
Article paru dans l'édition du 15.10.05
Roger Dumont ♦ 15.10.05 | 16h05 ♦ Et si des terroristes étaient capables de faire muter ce virus H5N1 pour déclencher une pandémie meurtrière notamment dans leurs pays-cibles préférés, en Europe et aux États- Unis ?
TiboUK ♦ 15.10.05 | 16h00 ♦ à Marie-Claude: Non, pas de risque supplémentaire. Le virus peut muter en Asie comme en Europe. Le seul aspect préoccupant est l'augmentation de l'épizootie, qui va de paire avec un risque accru de la rencontre des 2 virus (humain et anmal) nécessaire à l'apparition d'une nouvelle souche. L'hystérie est complète et le gouvernement met de l'huile sur le feu en parlant du tamiflu et des 50 millions de masques. Les gvts doivent se concentrer sur l'éradication de la grippe animale en Eur ET en Asie
Rene ♦ 15.10.05 | 13h41 ♦ Toujours la même chose: Le tremblement de terre: 40000 morts La grippe aviaire: des millions de morts Et pendant cela nos hommes politiques agissent en sous mains pour privilégier leur clientèle et tout faire pour assurer leur réelection, le out couvert par les reportages de tus les journaleux Merci pour eux
Marie-Claude B. ♦ 15.10.05 | 13h22 ♦ Quelqu'un peut-il me répondre! Pourquoi le virus n'a pas "muté" - permettant ainsi une pandémie avec infection d'homme à homme- depuis sa présence en Asie (plusieurs années)? Pourquoi devrait-il "muter" rapidement lors de son développement en Europe? diversité climatique favorisant le virus de la grippe? nos poules (ou nous mêmes) ont-elles un patrimoine génétique particulier? hystérie? désinformation? (la commission a annoncé en premier l'absence du H5N1 en Turquie avant de se raviser...)
destripadore ♦ 15.10.05 | 02h00 ♦ LEMONDE.FR | 13.10.05: "le mot d’ordre de M. Kyprianou est simple: "Nous ne voulons pas créer de panique." "S’il y a une pandémie, il y aura un très grand nombre de morts", et surtout "[...]Le Laos, mystérieusement épargné par le virus depuis mars 2004 [...]" le lendemain: "Elle a principalement touché, dans un premier temps, le Vietnam, la Thaïlande et la Corée du Sud, puis la Chine, Taïwan, le Japon, le Cambodge et le Laos." Journalistes soyés serieux j’ais des copines qui paniquent!
VB ♦ 14.10.05 | 23h11 ♦ Puisqu’on ne peut pas faire de prévention, reste l’observation et la déduction. Restons vigilents: les pigeons parisiens sont-ils observés par nos spécialistes? C’est peut-être l’occasion d’inspecter les aérations dans les hopitaux? Ne soyons pas acteurs de la psychose car c’est l’occasion de faire fleurir de petits commerces comme la vente de masques,thermomètres etc. Difficile de ne pas spéculer quand on tient la population à l’écart, qui obéira, le cas échéant, aux consignes.
tokaido ♦ 14.10.05 | 21h33 ♦ on sait tout de la grippe aviaire depuis longtemps mais la psychose est à notre porte. la double attitude: - n’ayez pas peur ce n’est rien. - mais nous avons tout prévu au cas ou. toujours cette meme equation de la peur et de la reassurance. ne pourrait-on pas considerer les citoyens comme adultes et les informer en conséquence ?
FDMLDP ♦ 14.10.05 | 19h54 ♦ Lors de l’émergence du SIDA, les institutions médicales ont conforté l’idée que 10% des séropositifs deviendraient un jour malades. On sait ce qu’il en a été, et qu’à cette époque, le seule vraie vérité est qu’on ne savait RIEN. Que l’ignorance ne génère pas la psychose, soit. Que l’on nie l’ignorance totale ou partielle pour se rassurer faussement est coupable, gravement. Rien ne permet de dire que ce virus produira une hécatombe, rien ne permet non plus d’affirmer qu’il ne la produira pas.
jacklittle ♦ 14.10.05 | 16h26 ♦ L’O.M.S et la F.A.O. sont des organismes qui ont vocation à alerter les autorités responsables de chaque pays dans le monde,elles doivent être appuyées par des instances scientifiques irréfutables et préconiser des mesures de prévention et de lutte contre la pandémie de grippe aviaire.A partir de ces recommandations,il appartient à chaque autorité responsable de mettre en oeuvre dans son propre pays toutes les dispositions qui s’imposentet,en priorité les pays hautement développés.PASde PSYCHOSE
Olivier C. ♦ 14.10.05 | 15h48 ♦ N’oublions pas que le virus mutant qui serait capable de se transmettre d’homme à homme n’existe peut-être pas encore. En tout cas il n’est pas identifié clairement. C’est cette souche qui représenterait le plus fort risque pour la santé public. Et rien ne permet de dire que le vaccin contre le H5N1 sera effectif contre cette mutation. L’équation devient donc nettement plus complexe: comment lutter contre un ennemi futur qui n’existe peut-être pas encore ?
konsterné ♦ 14.10.05 | 15h46 ♦ "preuve d’un manque de solidarité confondant": Des offres d’aide ont été faites, des aides ont été apportées là où cette aide était (bien) reçue. Faut-il déclarer une guerre aux pays qui refusent de communiquer, et d’appliquer les procédures ? J’ai à peine commencé à lire cette éditorial, et pourtant, je n’en ai plus la moindre envie. Si le reste est de la même eau: au secours le journalisme.
JEAN-LOUP G. ♦ 14.10.05 | 14h55 ♦ Trop tard .... La situation est "anormale" en Iran (message d’alerte del’OIE http://www.oie.int/Messages/051012IRN.htm) l’Irak se protège, les oiseaux ont survolé (sans se poser!) la Russie, la sarcelle d’hiver arrive cette semaine de Sibérie. La surveillance de la grippe humaine a repris depuis une semaine, la question est devenue: que fera le virus issu du croisement ?
alain sager (nogent sur oise) ♦ 14.10.05 | 14h16 ♦ Il y a plus de deux siècles, le vieux Kant éditait un opuscule intitulé: "Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique". Il y défendait l’idée d’une société des nations propre à mettre fin au fléau de la guerre. Aujourd’hui, en bien des domaines, l’urgence d’un "point de vue cosmopolitique" ne cesse de s’affirmer. L’autre branche de l’alternative, c’est l’anarchie mondiale dans laquelle nous vivons, et dont les effets frappent cette fois directement à notre porte.
D éfinition. La grippe aviaire est une maladie hautement contagieuse pouvant toucher les oiseaux, domestiques ou sauvages. Le virus responsable de l'actuelle épizootie est un sous-type H5N1 qui se caractérise par sa très forte pathogénicité.
Origine de l'actuelle épizootie. Un virus de sous-type H5N1 a été identifié il y a plusieurs décennies chez des oiseaux sauvages. Les premiers foyers épizootiques touchant les volailles d'élevage ont été observés au début des années 1990 en Europe et aux Etats-Unis. En mai 1997, on a identifié les premiers cas humains et mortels d'infection par un H5N1à Hongkong.
Le rôle des oiseaux. Les oiseaux sauvages et aquatiques constituent des réservoirs "naturels" de virus grippaux. A compter de la fin 2003, une épizootie de grippe aviaire de grande ampleur due a un sous-type H5N1 a émergé dans un nombre croissant de pays d'Asie et du Sud-Est asiatique, entraînant la mort ou la destruction directe ou indirecte de plusieurs centaines de millions de volailles. On a depuis peu la preuve que des oiseaux migrateurs ont également été atteints et les résultats obtenus en Turquie plaident en faveur du rôle des oiseaux migrateurs dans la dissémination géographique de ce virus.
Les modes de contamination. Le risque pour un homme d'être infecté par le H5N1 impose des contacts avec les oiseaux infectés. La plupart des personnes infectées en Asie n'étaient pas des éleveurs mais des personnes qui avaient acheté des volailles vivantes avant de les tuer, les plumer et les vider. La transmission semble pouvoir se faire par voie respiratoire et oculaire. La consommation de viande de volaille cuite est sans risques, le virus étant détruit à une température de 70°C.
Les risques de transmission à l'espèce humaine. Tout indique que l'actuel H5N1 ne passe pas aisément des infectés à l'homme. En deux ans, on a recensé une centaine de cas dont la moitié ont été mortels. On redoute toutefois que ce virus modifie, brutalement ou non, sa composition génétique et qu'il puisse, comme c'est le cas des virus grippaux responsables des épidémies saisonnières, devenir hautement contagieux d'homme à homme.
Faut-il redouter une catastrophe sanitaire mondiale ? Oui. Une pandémie due à un virus de la grippe hautement pathogène peut survenir à tout moment mais rien ne permet de quantifier et de dater ce risque. Selon l'OMS, une pandémie pourrait faire jusqu'à 100 millions de morts.
Les moyens de protection. Aucun vaccin protecteur n'est actuellement disponible. Parmi les antiviraux, le Tamiflu a démontré une certaine efficacité in vitro . Il faut enfin compter avec les masques individuels de protection dont la France a décidé de constituer un stock de 200 millions d'unités.
Jean-Yves Nau
Article paru dans l'édition du 15.10.05
L e gouvernement français cherche à prévenir toute panique parmi les consommateurs français à propos de la grippe aviaire. Réunis à Matignon, vendredi 14 octobre, les ministres concernés par le dossier devaient notamment faire le point sur les stocks de Tamiflu du laboratoire Roche, un antiviral efficace dans les infections grippales et disponible sur prescription médicale. Des ruptures de stock ont été constatées chez de nombreux grossistes français, et les autorités sanitaires craignent une ruée injustifiée. En Turquie, où la présence du virus a été détectée, mais aussi en Belgique, en Suisse ou en Allemagne, les demandes sont massives.
"Nous avons des demandes croissantes en France, maintenant que le nom du médicament commence à être connu, explique Danièle Paoli, responsable de l'exercice professionnel à la Fédération nationale des syndicats pharmaceutiques. Nous rassurons les gens en leur rappelant que le gouvernement a constitué à temps des stocks qui seront disponibles en cas de pandémie." "Nos confrères reçoivent un nombre très important de demandes relatives à la grippe aviaire, explique Irène Kahn-Bensaude, membre du conseil national de l'Ordre des médecins. Les gens cherchent à se faire prescrire du Tamiflu."
Le ministre de la santé, Xavier Bertrand, a précisé, jeudi 13 octobre, qu'il ne servait "à rien de chercher à se faire prescrire du Tamiflu pour faire des stocks" . "Si nous étions face à une pandémie, c'est l'Etat qui assurerait la distribution pour tous les malades", a t-il ajouté. La France dispose à ce jour de 5 millions de traitements anti-viraux et devrait en avoir 13,8 millions à la fin de l'année.
La Pharmacie centrale des armées fabrique, à partir de la matière première achetée à Roche, les millions de doses de Tamiflu prévus dans le plan gouvernemental, sous forme de comprimés sécables. "Cette production pourra être accrue, précise le docteur Pascale Maisonneuve, de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Une autorisation de mise sur le marché de type médicament générique sera utilisée."
Jusqu'à présent, les consommateurs ne semblent pas bouder la volaille, première viande consommée en France. La Confédération française de l'aviculture (CFA) ne disposait, vendredi, d'aucun chiffre témoignant d'une baisse des ventes. Selon la CFA, la baisse récente de 10% des achats de volaille observée à Rungis ne reflète pas un début de méfiance des consommateurs mais une évolution du marché, les consommateurs préférant les poulets pré-découpés à la volaille entière.
Article paru dans l'édition du 15.10.05
L es expertises de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (Afsse) sur d'éventuels risques sanitaires liés à la téléphonie mobile sont au centre d'une nouvelle controverse entre l'agence et les associations de défense de l'environnement et de la santé, qui jugent les avis de l'Afsse sur la téléphonie "partiels et partiaux" .
Le débat a été relancé par les propos du président de l'Afsse, Guy Paillotin. Lundi 10 octobre, dans le cadre des entretiens écologiques du Sénat organisés par l'association Orée et le magazine Valeurs vertes , M. Paillotin a indiqué que "l'expertise de l'Afsse sur la téléphonie mobile n'a jamais suivi les règles que l'Afsse s'est fixées elle-même" . "C'est une expertise que je considère, en tant que président du conseil d'administration, comme n'existant pas, n'étant pas le fait de l'Afsse, puisqu'elle ne correspond pas aux textes que le conseil d'administration a lui-même adoptés" , a-t-il poursuivi devant une salle comble.
L'intervention de M. Paillotin faisait suite à une question du délégué général de l'association Agir pour l'environnement (APE), Stéphen Kerckhove, pour qui "l'expertise de l'Afsse [sur la téléphonie mobile] ne fut ni indépendante, ni contradictoire, ni transparente" .
Les associations APE et Priartem (Pour une réglementation des implantations d'antennes relais de téléphonie mobile) mènent campagne pour obtenir des règles plus contraignantes sur l'implantation des antennes relais et l'utilisation des téléphones portables, dont elles redoutent les effets sur la santé. Selon ces associations, l'expertise en France sur ce thème est "confisquée par un petit nombre de scientifiques" , qui ne prendraient pas en compte les résultats de recherches mettant en évidence des effets sanitaires des ondes électromagnétiques. Pour elles, les propos de M. Paillotin confirment leur analyse et elles renouvellent leur exigence d'une expertise "contradictoire" .
Après les remous provoqués par ses déclarations, M. Paillotin revient sur ses propos en précisant que "la qualité scientifique du rapport n'est pas remise en cause". Le scientifique affirme que ses dires "concernaient les procédures, qui n'étaient pas en place, mais nullement le travail de fond des experts" auteurs du rapport sur la téléphonie mobile paru en mars 2003. "Au moment où le rapport a été terminé fin 2002, le conseil d'administration de l'agence [créée par la loi du 9 mai 2001] était en train d'être nommé. Nous étions dans un vide, explique le président de l'Afsse. Les procédures prévues par le conseil commencent aujourd'hui à être mises en place." Elles prévoient, lors de la constitution de comités d'experts spécialités (CES) qui doivent être nommés par arrêté ministériel, l'examen des compétences des experts et de leurs éventuels conflits d'intérêts.
Denis Zmirou, professeur de santé publique à la faculté de médecine de Nancy et chercheur à l'Inserm, était le responsable scientifique de l'Afsse jusqu'à sa démission le 19 mai 2005. Selon lui, l'Afsse a "suivi les règles de l'art" en constituant le groupe consacré à la téléphonie mobile et a calqué ses procédures sur ce qu'elles auraient été en cas de constitution d'un CES, même si celui-ci n'était pas encore nommé, du fait du retard pris dans la publication de l'arrêté ministériel (finalement effectuée le 13 juillet 2005).
"Le groupe est représentatif de tous les champs disciplinaires et de tous les points de vue exprimés au sein de la communauté scientifique compétente sur le sujet" , affirme M. Zmirou. Le chercheur déclare "endosser la totalité de l'avis" rendu par l'Afsse le 7 juin 2005, qui actualise celui de 2003.
Cet avis mentionne "la persistance d'un doute sérieux quant à la possibilité d'effets sanitaires associés à l'exposition directe du crâne aux champs des téléphones mobiles" . Il recommande de renforcer l'information des consommateurs sur la puissance des téléphones (DAS) et d'encourager l'utilisation du kit mains libres. L'avis note en revanche qu'"aucune donnée scientifique nouvelle (...) ne révèle un risque lié aux rayonnements émis par les stations de base -antennes relais- de la téléphonie mobile". Ces débats interviennent au moment où un groupe de députés de toutes tendances politiques, emmenés par le député apparenté au groupe communiste Jean-Pierre Brard (Seine-Saint-Denis), propose une loi pour durcir la réglementation imposée aux opérateurs.
Gaëlle Dupont
Article paru dans l'édition du 15.10.05
P endant le ramadan, les détenus qui sont en grève de la faim à la prison de Guantanamo continuent à être nourris de force, mais avant le lever du jour ou après le coucher du soleil. Selon les avocats et organisations de défense des droits de l'homme qui ont pu obtenir des éléments d'information sur la situation à la base américaine ouverte en janvier 2002 sur l'île de Cuba, le mouvement de protestation observé en alternance depuis des mois par les détenus ne concerne plus qu'une vingtaine de prisonniers, mais ils forment un noyau déterminé.
Vendredi 14 octobre, une juge fédérale a examiné à Washington la plainte d'un groupe d'avocats du Centre pour les droits constitutionnels (CCR), l'organisme qui est à l'origine de la plupart des contestations de la détention sans jugement des "ennemis combattants" arrêtés par les forces américaines au Pakistan ou en Afghanistan. Les avocats se plaignent de l'absence d'informations concernant leurs clients. Ils veulent pouvoir obtenir des détails sur leur état de santé et la manière dont sont effectués les "plans d'alimentation" des autorités militaires.
L'avocat du gouvernement, Terry Henry, a affirmé que sept grévistes étaient nourris de force à l'hôpital et que dix-sept autres étaient aussi en grève de la faim, dont certains nourris à l'aide de tubes, mais sans être hospitalisés. Le Pentagone refuse d'indiquer quels sont les détenus concernés. "Les familles ne savent pas si leurs proches font la grève de la faim ni dans quel état ils sont", déplore l'avocate Gitanjali Gutierrez, coauteur d'un rapport du CCR sur les grèves de la faim publié le 8 septembre.
Après en avoir compté jusqu'à 600, Guantanamo abrite désormais 505 détenus. Depuis un arrêt de la Cour suprême de juin 2004, ils ont obtenu le droit de contester leur détention devant la justice mais aucune audience n'a jamais eu lieu. Plus d'un tiers des détenus ont des avocats, dont certains issus de grands cabinets américains, qui travaillent bénévolement. A chaque visite, les avocats doivent remettre leurs notes à la censure militaire. Ils n'ont pas le droit de parler aux familles ou à la presse tant que leurs notes ne leur sont pas rendues, ce qui peut prendre des semaines. Mais leur présence a produit un net changement. Des bribes d'informations circulent, même si c'est avec retard. Dans une note déclassifiée, rédigée par un membre du cabinet Shearman and Sterling, on apprenait en juillet que certains prisonniers revendiquent de pouvoir "voir la lumière du soleil" et non pas à "rester des mois sans voir la lumière du jour".
Selon le collectif, le mouvement de grèves de la faim a été récurrent depuis 2002. Au départ, les détenus réclamaient surtout une amélioration de leurs conditions de détention et, notablement, de l'eau en bouteille, élément distribué en fonction du degré de "coopération" des détenus. Plus récemment, ils ont réclamé de pouvoir contester leur détention en justice.
Selon le Pentagone, qui qualifie de grève de la faim tout refus de neuf repas consécutifs, les grévistes ont été 52, fin juillet, puis 131 en août. Conformément à la pratique en vigueur dans les prisons américaines, indique l'armée, les détenus sont alimentés par perfusion et voie orale. Certaines sources indiquent que les grévistes sont attachés à leur lit. D'autres que les gardiens leur laissent au moins une main libre. L'armée préfère parler de détenus "nourris involontairement" et non pas "nourris de force".
"Ils sont affaiblis. Ils ne peuvent pas s'asseoir, affirme Me Gutierrez. A long terme, il y a des conséquences physiques à une alimentation par simple perfusion." Selon le Pentagone, les inquiétudes des avocats sont "exagérées", les détenus faisant la grève par roulement. "Ils ont une manière de communiquer les uns avec les autres et de comprendre comment attirer l'attention du public au-delà de leur incarcération", indiquait le 6 octobre le porte-parole du Pentagone, Lawrence Di Rita. Les détenus sont suivis par les médecins. Comme l'a souligné vendredi l'avocat du gouvernement, "personne n'est mort jusqu'à présent".
Corine Lesnes
Article paru dans l'édition du 16.10.05
S ur les poufs en velours colorés du Writers's corner (le coin des écrivains), Taslima Nasreen, l'écrivaine bangladaise pourchassée par les islamistes, boit un thé en préparant son intervention. Quelques mètres plus loin, dans la grande salle du Centre international de Deauville, Elisabeth Guigou débat de la "crise du politique" avec la présidente du Medef. A l'étage au dessus, on peut se faire photographier par le portraitiste Arnaud Baumann à la Chambre blanche , rencontrer Claudia Andujar, une photographe brésilienne qui défend les droits des Indiens ou se rendre au Be beautiful corner pour une séance de maquillage.
Le Women's Forum for the Economy and Society n'est ni une assemblée de féministes ni un Davos ou un Porto Alegre au féminin. Il a ses rites mondains - on y croise Barbara Hendricks, Irène Frain ou Simone Veil - , ses moments de réflexion - une conférence de l'anthropologue Françoise Héritier ou une rencontre avec le paléoanthropologue Yves Coppens -, ses engagements en faveur du tiers-monde - un solidarity corner avec une militante indienne du travail féminin ou un responsable de la prévention du sida au Swaziland - et ses petits coins réservés au chouchoutage du moi - un stand pour travailler sa voix ou découvrir la mode.
Pour sa première édition, du jeudi 13 au samedi 15 octobre, le Forum a réuni plus de 500 femmes: des chefs d'entreprises, des cadres, des élues, des militantes venues du monde entier. Lancé il y a quatre ans, le projet est financé par une trentaine d'entreprises privées, comme Cartier, Le Printemps, Accor ou Havas. " Le Forum n'est pas un lieu de combat contre les inégalités mais un lieu d'échang e et de débats , souligne la fondatrice, Aude Zieseniss de Thuin. La voix des femmes doit enfin être entendue, respectée, écoutée et comprise."
Jeudi 13 octobre, lors de la table ronde sur la crise - française - du politique, la voix des femmes est plutôt désenchantée. "Dans un parti, être une femme est un inconvénient majeur, affirme Françoise de Panafieu, députée (UMP) de Paris et maire du 17e arrondissement. Le pouvoir politique a été pensé pour les hommes et ils n'ont pas envie de le partager. Aux élections législatives, ils préfèrent payer des amendes plutôt que de respecter la parité hommes-femmes ." A Paris, où plus de 53% de l'électorat est féminin, 17 maires sur 20 et 16 députés sur 21 sont des hommes. "Cherchez l'erreur !" , conclut-elle.
A ses côtés, Laurence Parisot, la nouvelle présidente du patronat français, acquiesce dans un sourire, avant de raconter son accession inattendue à la tête du Medef. "Quand j'ai dit autour de moi que je voulais me présenter, personne n'y a cru mais tout le monde a trouvé cette idée très sympathique, ironise-t-elle. La présence d'une femme dans une campagne électorale, ça met un peu d'animation et ça créé un bénéfice d'image ! J'ai finalement gagné, et je veux faire souffler le vent de la parité dans l'organisation."
Mais le Women's Forum ne s'arrête pas aux frontières françaises: quelques heures plus tard, les débats font entendre la voix d'une Nigerianne qui lutte contre la violence domestique et celle d'une Koweïtienne qui dit "envier les Françaises de pouvoir voter depuis si longtemps" . "Quand j'étais étudiante, je n'avais pas le droit de voter, pas le droit d'avoir un passeport sans l'autorisation de mon père ou de mon mari, pas le droit de me marier sans la permission de mon père ou de mon frère, explique Rola Dashti, la première femme à diriger la Kuwait Economic Society. Le voyage a été long mais le 16 mai, les femmes koweïtiennes ont obtenu le droit de vote. Ce soir-là, ma mère a pleuré. Je lui ai dit: "Tu vois, les rêves deviennent réalité"."
Au même moment, non loin du Centre de conférences, dans une luxueuse salle à manger de l'hôtel Royal Barrière, Françoise Héritier raconte de sa voix posée la longue histoire de la domination masculine à une quarantaine de femmes chefs d'entreprises, cadres ou avocates. "Il existe et il a existé, partout, une inégalité foncière entre les sexes, commence-t-elle. Pour légitimer ce modèle dominant archaïque qui reste encore aujourd'hui extrêmement puissant dans nos têtes, il a fallu, depuis la préhistoire, inventer des systèmes de représentations."
Il est maintenant 16 h 30, le déjeuner est terminé depuis longtemps, mais un petit cercle attentif continue d'écouter, captivé, l'anthropologue, parler du masculin et du féminin, de la prohibition de l'inceste, de l'obligation de l'exogamie, du mariage légitime et de la répartition sexuelle des rôles. "Peut-on sortir de cet engrenage ? conclut Françoise Héritier. Oui, sans doute: tout ce qui a été socialement construit peut être socialement déconstruit." Elle s'arrête un instant. "Mais ce sera peut-être long et nous sommes des gens pressés" , ajoute-t-elle en souriant.
Anne Chemin
Article paru dans l'édition du 16.10.05
L a Grande-Bretagne s'est empressée de condamner dimanche 16 octobre le double attentat meurtrier la veille commis dans une ville du sud-ouest de l'Iran et répété qu'elle n'était nullement impliquée dans les violences qui secouent cette région riche en pétrole et à forte majorité arabe.
"L'ambassade de Grande-Bretagne exprime sa répulsion et condamnation des attaques terroristes à Ahvaz", la capitale de la province du Khouzistan, limitrophe de l'Irak, a annoncé la chancellerie dans un communiqué publié à Téhéran. "Au nom du gouvernement et du peuple britanniques, nous présentons nos condoléances aux familles des victimes. Le gouvernement britannique condamne sans équivoque toute activité terroriste", ajoute le texte.
Quatre personnes ont été tuées et 90 blessées samedi par l'explosion de deux bombes placées sur un marché d'Ahvaz. Le double attentat a été imputé par les autorités à des "terroristes". Cette province connaît une certaine agitation depuis plusieurs mois, notamment des affrontements entre la population arabe et les forces de sécurité et une série d'attentats meurtriers.
Après ces attentats, revendiqués au nom de trois groupes séparatistes arabes, les autorités de Téhéran avaient accusé Washington et Londres de chercher à "attiser les tensions ethniques et religieuses" au Moyen-Orient. Début octobre, la Grande-Bretagne a démenti avec force de nouvelles accusations portées par la presse conservatrice iranienne, laquelle accusait les renseignements britanniques d'avoir joué un rôle dans les violences au Khouzistan.
"Il y a eu des spéculations dans le passé sur une implication présumée britannique au Khouzistan. Nous rejetons ces allégations. Lier le gouvernement britannique à ces atrocités terroristes est sans fondement", a répété dimanche l'ambassade britannique."Comme nous l'avons dit clairement au gouvernement d'Iran, le gouvernement britannique et les forces britanniques en Irak se tiennent prêts à aider comme ils peuvent pour prévenir de telles attaques ou identifier les responsables et les traduire en justice", a encore écrit l'ambassade.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 16.10.05 | 10h53
L a Grande-Bretagne s'est empressée de condamner dimanche 16 octobre le double attentat meurtrier commis la veille dans une ville du sud-ouest de l'Iran, et répété qu'elle n'était nullement impliquée dans les violences qui secouent cette région riche en pétrole et à forte majorité arabe.
"L'ambassade de Grande-Bretagne exprime sa répulsion et condamnation des attaques terroristes à Ahvaz", la capitale de la province du Khouzistan, limitrophe de l'Irak, a annoncé la chancellerie dans un communiqué publié à Téhéran. "Au nom du gouvernement et du peuple britanniques, nous présentons nos condoléances aux familles des victimes. Le gouvernement britannique condamne sans équivoque toute activité terroriste", ajoute le texte.
Quatre personnes ont été tuées et 90 blessées samedi par l'explosion de deux bombes placées sur un marché d'Ahvaz. Le double attentat a été imputé par les autorités à des "terroristes". Cette province connaît une certaine agitation depuis plusieurs mois, notamment des affrontements entre la population arabe et les forces de sécurité et une série d'attentats meurtriers.
Après ces attentats, revendiqués au nom de trois groupes séparatistes arabes, les autorités de Téhéran avaient accusé Washington et Londres de chercher à "attiser les tensions ethniques et religieuses" au Moyen-Orient. Début octobre, la Grande-Bretagne a démenti avec force de nouvelles accusations portées par la presse conservatrice iranienne, laquelle accusait les renseignements britanniques d'avoir joué un rôle dans les violences au Khouzistan.
"Il y a eu des spéculations dans le passé sur une implication présumée britannique au Khouzistan. Nous rejetons ces allégations. Lier le gouvernement britannique à ces atrocités terroristes est sans fondement", a répété dimanche l'ambassade britannique."Comme nous l'avons dit clairement au gouvernement d'Iran, le gouvernement britannique et les forces britanniques en Irak se tiennent prêts à aider comme ils peuvent pour prévenir de telles attaques ou identifier les responsables et les traduire en justice", a encore écrit l'ambassade.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 16.10.05 | 10h53
L e scrutin s'est déroulé sans importants déferlements de violence, samedi. Les insurgés sunnites, hostiles au projet de Loi fondamentale rédigé par le Parlement majoritairement chiite et kurde, avaient pourtant menacé de s'en prendre aux électeurs comme lors des élections législatives de janvier, durant lesquelles plus de quarante personnes avaient été tuées.
Cinq soldats américains ont cependant été tués samedi par l'explosion d'une bombe artisanale au passage de leur véhicule à Ramadi, dans l'ouest du pays, a annoncé dimanche l'armée américaine, précisant qu'ils appartenaient à la Deuxième division de marines. Au moins 1 970 Américains ont trouvé la mort depuis le début de la guerre d'Irak. Des membres de la guérilla sunnite ont affronté dans la journée les forces américaines et irakiennes de la ville, avait indiqué un correspondant de Reuters sur place.
Côté irakien, le bilan s'établirait à sept morts. Trois soldats ont été tués dans un attentat à la bombe dans le nord-est de Bagdad alors qu'ils emportaient des bulletins pour le dépouillement. Trois autres, qui inspectaient des bureaux de vote dans la région de Saadiya, près de la frontière iranienne ont été tués et trois de leurs collègues blessés, samedi avant l'aube, a indiqué une source du ministère de l'intérieur.
A Bagdad, des bureaux de vote ont essuyé des tirs à l'heure de l'ouverture du référendum. Un civil a été tué lorsqu'un homme armé a ouvert le feu sur un bureau dans le quartier Gazaliyah, à l'ouest de la capitale. Toujours dans ce quartier, une femme a été blessée par erreur par des tirs de policiers sur une voiture suspecte, selon une source du ministère de l'intérieur.
Dans le quartier de Amiriya, lui aussi à l'ouest, plusieurs engins piégés ont explosé à l'ouverture de la consultation, devant un bureau de vote de l'école primaire d'Al-Anfal. Un policier a été blessé, selon la première source. Une heure et demie plus tard, une roquette de type Katioucha est tombée sur un cimetière du quartier sunnite Adhamiya, au nord de la ville, sans faire de victime.
Par ailleurs, "un certain nombre de bureaux ont été visés par des tirs dans les quartiers Doura et Al-Ilaam [au sud et sud-ouest de Bagdad], qui n'ont fait ni tués ni blessés", a déclaré à la presse Adel Lamy, responsable de la Commission électorale indépendante. Trois bureaux de vote de cette même zone de Bagdad ont été visés par des tirs dans la nuit qui n'ont pas non plus fait de victime.
Dans le bastion sunnite de Fallouja, à 50 km à l'ouest de Bagdad, une bombe a explosé à 8 heures au passage d'un convoi américain sans faire de victime, selon un photographe de l'AFP accompagnant les troupes américaines.
Un important dispositif de sécurité a été mis en place dès vendredi minuit: les frontières terrestres ont été bouclées jusqu'à 18 heures dimanche (17 heures à Paris), et l'aéroport international de Bagdad a été fermé. Un couvre-feu a été imposé sur tout le territoire national de 22 heures à 6 heures locales. Le trafic routier, excepté les convois gouvernementaux et militaires, a été interdit, tout comme le port d'armes pour les civils et les gardes de sécurité. Les Irakiens ont été mis en congés trois jours.
Avec AFP et Reuters
L e "oui" au référendum de samedi sur la Constitution irakienne a de grandes chances de l'emporter, les dirigeants de la communauté chiite, qui représente 60% de la population, et les partis politiques kurdes ayant appelé à soutenir la Constitution. Le oui l'a "probablement" emporté a estimé dimanche la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice. Mme Rice, qui avait téléphoné plus tôt dans la matinée à l'ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad, Zalmay Khalilzad, a cependant voulu se montrer prudente, soulignant qu'elle ne disposait pas de chiffres sur les résultats du référendum.
La principale inconnue est la participation des sunnites. Le texte sera rejeté si le "non" l'emporte avec une majorité des deux tiers dans trois provinces au moins (sur dix-huit).
La province à majorité sunnite de Salaheddin (nord), qui comprend Tikrit, la ville natale de Saddam Hussein, s'est prononcée à 71% contre le projet de Constitution, selon des résultats provisoires fournis dimanche par un responsable de la commission électorale de la province, Salah Khalil Faraj, précisant que le chiffre officiel serait annoncé à 17 heures (16 heures à Paris). Selon lui, le taux de participation dans la province est de 88%. A Samarra, a-t-il ajouté, 95% de votants se sont exprimés contre le texte, contre 3% qui l'ont approuvé. Le province d'Anbar dans l'ouest, devrait elle aussi avoir massivement voté "non".
Mais dans les deux autres provinces à majorité sunnites, celle de Diyala et de Ninive, le "oui" serait majoritaire. Les électeurs de la première ont voté "oui" à 70%, a annoncé dimanche le responsable de la commission électorale locale, Adil Abdel-Latif. Ce résultat - 20% de "non" et 10% de bulletins non valables - provient d''un premier décompte des quelque 400 000 bulletions de vote, qui devra être suivi d''au moins un recompte. Dans la province de Ninive, plus au nord, avec la ville de Mossoul qui abrite deux millions de Sunnites et de Kurdes, selon le décompte des bulletins de 260 des 300 bureaux de vote de la province, environ 300 000 électeurs ont voté "oui" et seulement 80 000 "non", a déclaré Samira Mohammed, porte-parole de la commission électorale, à Mossoul.
Un des porte-parole à Bagdad de la Commission électorale indépendante, a contesté ces résultats. "La Commission n''a publié aucun chiffre jusqu''à présent en ce qui concerne le référendum et travaille d''arrache-pied pour achever le dépouillement des bulletins de vote et pouvoir donner des résultats partiels lundi ou mardi", a affirmé Farid Ayyar dans un communiqué. "Les chiffres qui circulent sur les votes des provinces ne sont que pure spéculation ou invention, et se basent sur des suppositions ou des chiffres partiels qui ne peuvent être pris en compte comme des résultats définitifs", a-t-il indiqué. M. Ayyar avait expliqué plus tôt que "quand le résultat non officiel sera rendu public, le comité légal examinera les plaintes sur des violations constatées et les entérinera". Ce n''est qu'après que le résultat sera officialisé, probablement vers le 24 octobre, a-t-il poursuivi, précisant que les plaintes devaient être déposées dans un délai de trois jours après le référendum.
Si la Constitution est adoptée, des élections législatives auront lieu d''ici au 15 décembre et un nouveau gouvernement sera investi avant la fin de l''année. Si le "non" l''emporte, le processus devra reprendre à zéro avec l''élection d''ici à la mi-décembre d''un parlement intérimaire chargé de rédiger un nouveau projet de constitution, lequel sera soumis à référendum au plus tard en octobre 2006.
Avec AP, AFP et Reuters
L a Commission électorale dépouillait dimanche le vote du référendum sur le projet de Constitution, une consultation qui s'est déroulée sans violences notoires.
Le dépouillement a commencé dès la fermeture des bureaux de vote, ouverts samedi pendant dix heures aux électeurs à travers le pays, et la Commission "affine le taux de participation", a déclaré un haut responsable de l'organisme indépendant, Abdel Hussein Hindaoui. Entre 61% et 65% d'Irakiens ont participé au référendum, selon les premières estimations de responsables de la commission électorale. Les bureaux de vote, ouverts à 7 heures, ont fermé comme prévu à 17 heures (16 heures à Paris). Plus de 15,5 millions d'Irakiens étaient appelés à se rendre aux urnes pour se prononcer sur le projet de Constitution, qui doit jeter les bases de l'Irak de l'après Saddam Hussein.
"Je pensais que nous atteindrions peut-être les onze millions de votants. Mais cela semble avoir été un peu plus calme, en outre, c'est le ramadan", a déclaré Farid Ayar, membre de la commission électorale, qui pense "que cela pourrait être supérieur à dix millions." Si cette estimation - supérieure à celle d'un de ses collègues, qui évoquait "plus de 61%" - se confirme, les deux tiers des 15,5 millions d'inscrits se seront déplacés aux urnes pour se prononcer sur le projet de Constitution. La participation s'annonce en tout cas supérieure aux 58% enregistrés en janvier, lors des législatives. Dans huit des 18 provinces, la participation dépasse les 66% d'inscrits; dans sept autres, elle est inférieure à 33%, a précisé la commission.
Un haut responsable de cette commission, Adel Lamy, a indiqué un peu plus tôt que "le taux de participation est très bon dans les zones sécurisées du nord et du sud" du pays. A Bassorah, au sud, à Falouja, à l'ouest, et Kirkouk, au nord, les électeurs se sont apparemment mobilisés en nombre. La participation semble en revanche très basse à Ramadi. A Mossoul, troisième ville du pays et métropole du nord où la guérilla s'est montrée très active, des adversaires du texte ont distribué des tracts exhortant la population à boycotter le scrutin. "Restez chez vous ! Ne croyez pas à la Constitution !", indique la feuille, qui montre un électeur représenté sous les traits d'un âne glissant son bulletin dans l'urne sous le regard de l'oncle Sam.
Selon des sources de l'ONU, il y a eu dix-sept incidents, qui ont été réglés, allant de l'absence de noms sur des listes électorales, à Sadr City à Bagdad, à des pressions d'assesseurs sur les électeurs pour voter "non", comme à Diyala. M. Lamy pour sa part indiqué, sans préciser, qu'il a reçu "des plaintes selon lesquelles des partis politiques et des forces de sécurité ont essayé d'interférer dans le déroulement du scrutin". Mais la commission affirme qu'elle n'a pas eu connaissance de violations majeures, les quelques tentatives recensées n'ayant pas réussi. M. Lamy a indiqué que sur les 6 235 bureaux de vote prévus,"5 617 sont ouverts". Les bureaux restés fermés se concentraient dans les provinces sunnites d'Al-Anbar (ouest) et Ninive (nord), a-t-il précisé, faisant état de "problèmes de communications avec ces régions". Ainsi, à Al-Anbar, 144 bureaux de vote étaient ouverts sur les 207 prévus, alors qu'à Ninive, trois bureaux n'ont pas ouvert, selon un autre haut responsable de la commision. Un bureau de la province a dû fermer après avoir reçu des menaces. Des sources onusiennes ont indiqué qu'en milieu d'après-midi, seuls dix bureaux fermés avaient été recensés dans cette province.
Le démarrage du scrutin a été lent, en raison des délais de livraison du matériel. Dans le quartier de Doura à Bagdad, les bureaux de vote ont ouvert en retard en raison d'une attaque contre un camion transportant les urnes, selon Adel Lamy. Un autre responsable a fait état d'incidents à Bassora (sud) et Babylone (centre), où des coups feu ont été tirés en direction de centres de vote.
Avec AFP, AP et Reuters
L' ONU s'est félicité du déroulement du référendum, la deuxième consultation en Irak, après les élections générales du 30 janvier, depuis la chute du régime dictatorial de Saddam Hussein, il y a deux ans et demi. "Quel que soit le résultat, le secrétaire général (de l'ONU Kofi Annan) estime que ce référendum offre une chance à tous les Irakiens de s'éloigner de la violence et de s'unir dans un esprit de réconciliation nationale pour bâtir un Irak démocratique, uni et prospère", selon un communiqué diffusé à New York. "Les Nations unies continueront de faire tout leur possible pour aider les Irakiens à réaliser cet objectif", ajoute le communiqué.
Les Etats-Unis ont salué le vote, eux dont la stratégie en Irak, y compris un éventuel retrait de leurs troupes, dépend du succès de cette consultation.
"C'est un développement positif et significatif. La participation a été élevée, la violence basse et le vote largement libre et transparent", a déclaré un responsable du département d'Etat, affirmant que samedi a été "manifestement un mauvais jour pour les terroristes".
Avec AFP
LEMONDE.FR | 16.10.05 | 17h17
L a Roumanie, où a été confirmée samedi la présence du virus H5N1 de la grippe aviaire, a annoncé dimanche que le virus n'était présent que dans deux villages du delta du Danube, importante zone de transit des oiseaux migrateurs. Selon le ministre de l'agriculture, Gheorghe Flutur, l'épidémie est limitée aux villages de Ceamurlia de Jos et de Maliuc, où un abattage systématique a été mené dans tous les élevages de volailles. "Dans un rayon de dix kilomètres autour de Ceamurlia de Jos, les analyses n'ont pas révélé [d'autres cas de grippe aviaire]", a-t-il dit à la presse.
Six secteurs administratifs du Sud-Est du pays ont été bouclés et tout véhicule en sortant doit passer par un bain désinfectant. Les volailles, mais aussi les porcs d'élevag - les experts craignent qu'ils puissent contracter le H5N1 - ont été enfermés pour éviter tout contact avec des oiseaux sauvages, nombreux à passer par le delta du Danube au cours de leurs migrations. "Nous avons agi conformément aux décisions de l'Union européenne", explique un membre des services vétérinaires de Roumanie.
Avec Reuters
E n Turquie, où la présence du H5N1 est avérée depuis jeudi dernier dans le nord-ouest du pays, aucun cas humain n'a été signalé: les neuf villageois qui avaient été placés en observation médicale ont pu quitter l'hôpital samedi, les analyses ayant prouvé qu'ils n'étaient pas contaminés.
Dans la province orientale d'Agri, près de la frontière iranienne, un millier de poulets acheminés du nord-ouest de la Turquie ont été retrouvés morts. Les premières analyses laissent penser que la grippe aviaire ne serait pas responsable de ces décès, mais les autorités régionales ont imposé un embargo sur tous les transports de volailles.
Avec Reuters
L iam Donaldson, médecin chef du National Health Service, a estimé dimanche qu'une éventuelle pandémie pourrait causer la mort de 50 000 Britanniques, alors qu'en moyenne, une épidémie saisonnière de grippe classique tue 12 000 personnes. "Mais ce chiffre pourrait être bien supérieur, tout dépend de la virulence de la souche", a-t-il ajouté sur les ondes de la BBC, précisant que "cela ne veut pas dire qu'il y aura une pandémie de grippe aviaire, cela veut dire qu'à un moment donné, le virus de la grippe aviaire va se combiner avec un virus de la grippe humaine et deviendra alors facilement transmissible" d'un humain à l'autre. "On ne peut pas la faire partir. C'est un phénomène naturel et il viendra", a insisté le directeur général de la santé tout en estimant "peu probable" que la pandémie frappe cet hiver en Europe. Si tel était le cas, il a indiqué que les aéroports devraient continuer de fonctionner, mais qu'il "pourrait être nécessaire" de fermer les écoles et les bâtiments publics.
Le chiffre de 50 000 morts est "complètement hypothétique", a cependant tempéré Martin Wiselka, spécialiste des maladies infectieuses à l'hôpital de Leicester. "Je pense que cela devrait être pire que cela au début. Quand une nouvelle souche arrive, elle tend à être plus virulente, puis elle ralentit. Mais la réponse honnête est que l'on ne sait pas", a-t-il déclaré, tout en estimant que "Cela pourrait ne jamais arriver (...) Si j'étais joueur, je parierais que nous nous en tirerons probablement bien".
Avec AFP et Reuters
E n France, le plan de préparation à la lutte contre une pandémie grippale de l'Institut national de veille sanitaire (InVS) évoque dans son hypothèse la plus pessimiste 200 000 morts et plus d'un million d'hospitalisations.
Le gouvernement a prévu 200 millions d'euros pour la prévention de la grippe aviaire en 2005, a déclaré dimanche le ministre de l'économie Thierry Breton sur Europe 1. "Si jamais ça ne suffisait pas, on se donnerait les moyens en 2006", a-t-il indiqué.
Avec AFP et Reuters
U ne nouvelle réunion des experts vétérinaires de l'UE est prévue jeudi pour faire le point sur la grippe aviaire en Europe. Elle pourrait être avancée en fonction des circonstances. La question sera également au menu de la réunion des ministres des affaires étrangères des Vingt-Cinq, mardi au Luxembourg.
Sans attendre, les autorités polonaises ont ordonné que les volailles d'élevage soient confinés à partir de lundi dans des espaces totalement fermés. La Bulgarie, limitrophe de la Roumanie et de la Turquie, a renforcé ses contrôles aux frontières et accru la surveillance vétérinaire des fermes avicoles le long du Danube et sur les rives de la mer Noire. Les analyses menées jusqu'à présent n'ont pas révélé la présence du virus, selon Jeko Batchev, qui dirige l'institut national vétérinaire.
Avec Reuters
LEMONDE.FR | 16.10.05 | 19h51
L e continent africain possède plusieurs lacs très dangereux car ils contiennent une grande quantité de gaz carbonique ou de méthane dissous dans leur eau. Ceux de Nyos et de Monoun, au Cameroun, sont hélas les plus connus, car ils ont provoqué au total, en 1984 et en 1986, la mort de 1 800 personnes et de nombreux animaux à la suite de l'émission brutale d'une grande quantité de CO2.
Désaccord sur les lacs Nyos et Monoun Le nombre de systèmes d'extraction du gaz carbonique nécessaire aux lacs Nyos et Monoun pour assurer la sécurité des populations environnantes suscite une polémique entre spécialistes. George Kling (department of ecology and evolutionary biology , université de Michigan) et plusieurs de ses collègues estiment dans les Proceedings de l'Académie nationale des sciences américaines du 4 octobre que deux colonnes de dégazage supplémentaires sont nécessaires à Monoun et cinq colonnes à Nyos. Michel Halbwachs, professeur de physique à l'université de Savoie à Chambéry, qui a installé les systèmes d'extraction qui existent actuellement, et trois chercheurs du Swiss Federal Institute of Aquatic Science and Technology de Seestrass (Suisse), spécialistes de la structure et du comportement des lacs, sont en désaccord complet avec George Kling. Ils estiment qu'une colonne de dégazage en plus à Nyos et deux à Monoun sont suffisantes. |
Depuis, pour contenir les risques, les deux lacs ont été "appareillés" en 2001 pour Nyos et 2003 pour Monoun avec un système de dégazage artificiel mis au point par Michel Halbwachs, professeur de physique à l'université de Savoie, et la société Data Environnement, qu'il a créée.
Un autre lac est potentiellement très dangereux, le lac Kivu, situé dans le creux du rift africain entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC). "Il contient mille fois plus de gaz dissous que le lac Nyos, et pourrait provoquer une émission gazeuse, en cas de déstabilisation de ses eaux stratifiées par une éruption volcanique par exemple", explique M. Halbwachs, qui a étudié le site avec des spécialistes internationaux. Cette menace pèse sur les 2 millions de personnes vivant à proximité du lac, et notamment les 400 000 habitants de la ville de Goma (RDC).
Le gaz du lac Kivu composé pour un cinquième de méthane et pour quatre cinquièmes de gaz carbonique provient pour une grande part des déchets liés à l'activité humaine. Pour Nyos et Monoun, le gaz résulte d'une activité tectonique. "Le méthane représente le vrai danger, car il est vingt fois moins soluble que le C02: avec vingt fois moins de gaz, on approche plus vite de la saturation", explique M. Halbwachs. Or, des mesures réalisées sur le lac Kivu ont montré que le taux de méthane avait augmenté de 15% depuis trente ans et que la saturation serait acquise d'ici à la fin du siècle.
Le risque volcanique est réel, expliquent M. Halbwachs et trois chercheurs du Limnological Research Center de Kastanienbaum (Suisse) dans la revue Geochemistry, Geophycs, Geosystems du 26 juillet. Deux volcans actifs sont en effet situés près de la rive nord, le Nyiragongo, qui a connu une éruption en 1977 et en 2002, et le Nyamulagira. L'Union européenne avait mandaté plusieurs experts internationaux pour étudier les effets de l'éruption sur le lac. Après cette crise, l'hypothèse d'une intrusion magmatique, voire d'une éruption volcanique apparaissant dans les profondeurs mêmes du lac ne peut plus être totalement écartée. Des sédimentologues américains ont mis en évidence la trace laissée il y a quatre mille ans par d'anciens volcans.
L'éruption du Nyiragongo s'est propagée en direction du lac par des bouches éruptives le long d'une faille tectonique, jusqu'à 5 km du bord du lac. Si cette progression avait continué 6 à 7 km plus au sud, des épanchements magmatiques se seraient produits à 300 m de profondeur, provoquant une remontée des eaux chargées en gaz.
Pour toutes ces raisons, "le lac Kivu représente un risque énorme, beaucoup plus important qu'on ne le pensait , ajoute M. Halbwachs. Il faut s'y préparer en extrayant le méthane, à la fois pour diminuer le risque et pour valoriser cette ressource énergétique".
Le scientifique français et son équipe étudient depuis 2002 un système d'extraction du méthane du lac Kivu à des fins industrielles. Une partie du procédé est similaire à celui utilisé à Nyos et Monoun. Une autre est destinée à enrichir le gaz extrait, pour atteindre un taux de 80%.
Le Rwanda, qui n'a pas d'énergie propre, est intéressé par le procédé mis au point par les Français. "A la fin de l'année, le gouvernement rwandais devrait choisir l'entreprise qui installera sur le lac Kivu une station destinée à extraire 6 millions de m3 de méthane par an", précise M. Halbwachs. Ce qui implique aussi de trouver le financement de la station (1,5 million d'euros).
Si tout se passe bien, le lac Kivu pourrait être équipé mi-2007. La station d'extraction devrait servir dans un premier temps à fournir de l'énergie à la brasserie Heineken, installée près du lac. A plus long terme, il devrait être possible de produire de l'électricité à partir des énormes quantités de méthane stockées dans le lac Kivu.
Christiane Galus
Article paru dans l'édition du 16.10.05
L e ministère de l'agriculture grec a annoncé, lundi 17 octobre, un premier cas de grippe aviaire en Grèce. Le virus a été détecté sur un dindon dans une île de la mer Egée, à l'est du pays. Le gouvernement grec a activé le dispositif d'urgence. Il s'agit du premier cas du virus H5 dans l'Union européenne.
D'après l'agence de presse AP, le dindon en question provient d'un élevage d'une vingtaine de bêtes, à Inoussa, une île de 14 kilomètres carrés non loin des côtes turques. Selon AP, le propriétaire de l'élevage aurait informé les autorités sanitaires après avoir détecté "la présence de symptômes étranges et des pertes parmi les dindons". Une équipe vétérinaire de l'île voisine de Chios se serait alors rendue sur les lieux pour prélever des échantillons. Mais d'autres agences de presse ont indiqué que les dindons testés venaient directement de Chios.
Les échantillons de sang qui se sont révélés positifs ont été soumis à un laboratoire à Athènes, le 13 octobre, a indiqué le ministère. L'un des neuf dindons testés s'est avéré infecté par le virus H5. Des tests complémentaires ont été commandés par le gouvernement pour déterminer s'il s'agit du virus H5N1, possiblement mortel pour l'homme. Ces tests seront effectués dans un centre vétérinaire du port de Salonique.
Des responsables du gouvernement ont affirmé qu'il n'était pas nécessaire d'abattre d'autres volailles. "Aucune mesure d'abattage n'a été décidée dans la zone. Mais le transport de volailles, d'œufs, de personnes et la circulation de véhicules sont interdits", a affirmé un haut responsable du gouvernement.
Par ailleurs, le ministère de l'agriculture russe a annoncé que le virus de la grippe aviaire a été détecté dans des élevages de volailles de deux villages de Sibérie, 19 autres étant placés sous surveillance à la suite de cas suspects. Les deux villages touchés se trouvent dans l'ouest de la Sibérie, dans la région de Kourgan, tandis que les autres se trouvent dans l'est, a annoncé le ministère. Les services vétérinaires russes avaient annoncé début octobre 2005 l'abattage de 460 000 volailles dans un élevage de la région de Kourgan.
La Russie avait commencé en juillet l'abattage massif de volailles, après la découverte des premiers cas. Six régions au total avaient été officiellement déclarées infectées par la grippe aviaire en Sibérie. Selon les experts, le virus a probablement été introduit en Russie par les oiseaux migrateurs venant des régions frontalières chinoises.
Avec AFP, AP, Reuters
LEMONDE.FR | 17.10.05 | 18h28
![]() AP/MARIUS NEMES
En Roumanie, des techniciens éliminent les oiseaux susceptibles d'être contaminés par le virus de la grippe aviaire.
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L' arrivée de la grippe aviaire en Turquie et en Roumanie, où a été confirmée la présence du virus H5N1, devient le sujet central des ministres européens. Ils se réuniront à trois reprises, mardi, jeudi et vendredi, pour discuter de l'état de préparation de l'Union européenne (UE) face à une éventuelle pandémie.
Roche va donner du Tamiflu à la Roumanie et à la Turquie Un porte-parole de Roche a indiqué que le laboratoire était en train de faire parvenir 20 000 boîtes de Tamiflu à la Turquie pour protéger les personnes ayant travaillé en contact avec la volaille infectée et qu'elle avait donné 2 400 boîtes à la Roumanie. Roche, qui a fait savoir que sa production de Tamiflu serait augmentée aussi vite que possible, a également donné trois millions de boîtes à l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Le laboratoire a indiqué mercredi qu'il sous-traiterait dans ce cadre une partie de sa production, mais qu'il ne renoncerait pas à ses brevets. "Roche et ses partenaires entendent pleinement rester les seuls fabricants de Tamiflu et sont les mieux placés pour augmenter la production", avait déclaré vendredi un porte-parole du groupe. – (Reuters.) |
Mardi à Luxembourg, la réunion des chefs de la diplomatie de l'UE, largement consacrée aux négociations en cours à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), sera aussi l'occasion d'une première discussion des Vingt-Cinq au niveau politique depuis la découverte du H5N1 en Europe.
Leurs homologues de la santé prendront le relais jeudi et vendredi au Royaume-Uni. Le commissaire à la santé européen, Markos Kyprianou, qui avait appelé jeudi les Etats membres à stocker des antivirus, doit de son côté présenter mercredi un exercice de simulation, organisé plus tard dans l'année et visant à tester la capacité de l'UE à répondre à une pandémie de grippe.
Sans attendre ces réunions, l'UE a déjà pris une série de mesures de protection. Ainsi a-t-elle interdit jeudi les importations en provenance de Roumanie d'oiseaux vivants et de produits issus de la volaille, alors qu'un embargo similaire existait déjà à l'encontre de la Turquie depuis lundi. D'autres mesures de prévention, dans l'UE même, ont été renforcées vendredi pour réduire le risque d'introduction de la grippe aviaire dans les élevages avicoles.
En décidant l'intensification des mesures de précaution vendredi, les experts vétérinaires des Vingt-Cinq ont d'ailleurs tenu à rassurer la population, qui, dans plusieurs pays, s'est déjà ruée dans les pharmacies. Ils ont estimé que "pour le moment, la grippe aviaire ne représente pas un risque pour la santé publique".
Même si le président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, s'est dit disposé à proposer "des mesures plus drastiques", son équipe ne juge pas nécessaire, à ce stade, de compléter celles déjà prises.
Avec AFP et Reuters
LEMONDE.FR | 17.10.05 | 08h29
A ngela Merkel a annoncé, lundi 17 octobre, les noms des sept ministres conservateurs du futur gouvernement allemand. Sa composition est désormais achevée, après l'annonce vendredi des ministres sociaux-démocrates au sein de la "grande coalition".
Parmi les poids lourds du camp conservateur figure Edmund Stoiber, le chef de file des chrétiens-démocrates de Bavière (CSU). Comme il l'avait lui-même annoncé, M. Stoiber va devenir ministre de l'économie et des technologies. Défenseur des valeurs traditionnelles, pourfendeur du mariage homosexuel et, plus récemment, des "frustrés" qui, selon lui, peuplent l'est du pays, il est connu pour ses prises de position musclées et son absence de tact. M. Stoiber devra sans conteste mettre de l'eau dans son vin pour s'acquitter de sa tâche.
Le vice-président du parti bavarois, Horst Seehofer, a lui été désigné au ministère de l'agriculture et de la protection du consommateur. Cette nomination a été au centre d'intenses tractations entre les deux camps conservateurs, la CDU d'Angela Merkel et la CSU de M. Stoiber. La chancelière aurait souhaité éviter l'arrivéeau gouvernement de M. Seehofer, jugé trop à gauche sur le plan social. Il s'était notamment montré très critique vis-à-vis du concept de réforme de santé élaboré en 2004 par la CDU-CSU. Mais M. Stoiber s'est imposé pour qu'il obtienne un portefeuille.
L'intérieur a été attribué à l'ex-président de la CDU, Wolfgang Schäuble. L'ancien bras droit d'Helmut Kohl a déjà tenu ce portefeuille de 1984 à 1989. En octobre 1990, M. Schäuble a été la cible d'un déséquilibré qui lui avait tiré plusieurs balles dans le corps, le laissant paraplégique. Il avait toutefois repris ses fonctions après seulement quatre mois de convalescence. Il est depuis l'un des hommes les plus populaires du pays. Mais, en 2000, le scandale des caisses noires du parti conservateur avait terni son image. Wolfgang Schäuble avait alors dû abandonner ses fonctions à la présidence du parti.
L'avocat Franz Josef Jung est nommé à la tête du ministère de la défense. Le chef du groupe parlementaire CDU de l'Etat régional de Hesse est ainsi récompensé, à 56 ans, pour ses loyaux services. Ancien militaire, M. Jung a enchaîné les postes politiques à responsabilité depuis 1987, date à laquelle il est devenu secrétaire général de la CDU de Hesse.
Deux femmes font partie des ministres désignés par la chancelière. Annette Schavan, célibataire catholique de 50 ans, va devenir ministre de l'éducation. Elle a fait ses preuves pendant dix ans comme ministre de la culture au niveau régional. Le portefeuille de la famille est confié à une mère de sept enfants, Ursula von der Leyen. Enfin, le poste de ministre à la chancellerie – sorte de chef de cabinet du chancelier – est attribué à Thomas de Maizière. Il est le cousin du dernier dirigeant de la RDA, qui avait signé l'acte de réunification en 1990.
Le gouvernement Merkel étant au complet, la CDU-CSU et le SPD vont commencer lundi les négociations pour définir la ligne politique de cette nouvelle équipe. A partir de 17 heures, les dirigeants des partis doivent se retrouver pour discuter concrètement des réformes qu'ils entendent mener durant les quatre prochaines années. La chancelière a déjà fixé ses priorités: faire baisser le chômage et assainir les finances publiques. Peer Steinbrück, retenu par le SPD pour être ministre des finances, a déjà prévenu qu'il n'accepterait pas une nouvelle baisse des impôts.
Les deux camps ont prévu de se rencontrer les lundi, vendredi et, si nécessaire, les samedi, pendant quatre semaines. A l'issue des négociations, à la mi-novembre, le gouvernement d'Angela Merkel devrait entrer en fonction, une fois sa confirmation votée par les députés du Bundestag.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 17.10.05 | 17h02
L e ministre de l'économie et des finances, Thierry Breton a confirmé, dimanche 16 octobre, que le gouvernement accepterait un amendement au projet de loi de finances 2006 prévoyant une exonération partielle d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les actions détenues par les salariés et les dirigeants d'une entreprise. La commission des finances de l'Assemblée nationale devrait l'adopter mardi.
"Aujourd'hui il y a beaucoup de salariés qui investissent dans leur entreprise par le biais de l'actionnariat salarié, et je trouve personnellement que c'est une très bonne chose", a déclaré M. Breton lors de l'émission"Grand rendez-vous" d'Europe 1-TV5. "On est en train de réfléchir, avec les parlementaires, pour voir si (...) tous ceux, que ce soit les salariés ou les dirigeants, qui investissent une partie de leurs avoirs dans les actions de l'entreprise dans laquelle ils travaillent (...) peuvent avoir une exonération de l'ISF", a-t-il déclaré.
"Par exemple, si vous prenez l'engagement de détenir au moins cinq ans ces actions de l'entreprise dans laquelle vous travaillez ou dans laquelle vous avez travaillé, eh bien dans ce cas-là vous pourriez avoir une exonération de l'ordre de 75% de l'ISF." Cette exonération ne vaudrait que tant que les salariés ou anciens salariés, dirigeants ou anciens dirigeants en question, détiennent ces actions, a-t-il ajouté.
Le ministre de l'économie a estimé qu'une telle mesure permettrait notamment de favoriser la création de "noyaux stables" d'actionnaires au sein des entreprises. "Au moment où, effectivement, on voit des OPA ici ou là, ce n'est pas idiot", a-t-il souligné. Il s'agirait aussi de "corriger" les "effets pervers, négatifs" de l'ISF "sur l'attractivité du territoire".
Avec AFP et Reuters
LEMONDE.FR | 17.10.05 | 09h15
S ubrepticement, les cinq centrales syndicales représentatives ont dressé un constat d'échec de leur mobilisation. La journée nationale d'action du 4 octobre s'est située un cran en dessous de la précédente, le 10 mars. Le constat est rude: le mécontentement social est bien réel en France et la victoire du non au référendum européen du 29 mai en a aussi été une traduction , mais il ne passe pas par les syndicats.
Depuis deux semaines, le syndicalisme a enregistré une série de défaites. Il y a d'abord eu le calamiteux épisode de la Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM) mettant aux prises un Etat mauvais gestionnaire et mauvais actionnaire et un syndicalisme d'un autre âge muré dans ses archaïsmes et son immobilisme. Le Syndicat des travailleurs corses (STC) a affiché sa radicalité et son nationalisme. Le syndicat des marins CGT a joué la carte du jusqu'au-boutisme, ne s'arrêtant qu'au bord du précipice pour éviter le dépôt de bilan.
Si la fermeté de Dominique de Villepin a payé à la SNCM, il aurait tort de se livrer à un exercice de triomphalisme. Etat et syndicats ont déployé un jeu "perdant-perdant". Le gouvernement, après s'être défaussé sur un préfet de région, a multiplié les volte-face et a montré son incapacité à négocier. Il n'a pas su saisir la main tendue par Bernard Thibault, qui ne mettait plus en avant l'exigence d'une SNCM détenue à 51% par l'Etat. Et, à l'arrivée, la CGT, après avoir donné du syndicalisme sa pire image, a été incapable d'empêcher la privatisation de l'entreprise.
Les confédérations s'apprêtent à subir une nouvelle défaite. Le 14 octobre, le commissaire du gouvernement a estimé, devant l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat, que la requête d'annulation des syndicats contre le contrat nouvelles embauches (CNE) n'était pas justifiée. Il y a donc de fortes chances pour que la haute juridiction reconnaisse la validité de ce CNE que M. de Villepin avait lui-même qualifié d'"ovni" alors que les syndicats ont eu recours à la voie juridique pour le faire annuler, à défaut d'avoir obtenu son retrait par leur mobilisation.
Au bout du compte, les syndicats ont fait, le 4 octobre, une redoutable démonstration: ils peuvent mettre, selon leurs chiffres, plus d'un million de personnes dans la rue et n'obtenir aucun résultat. Il n'est donc pas étonnant qu'ils se gardent bien de décréter une nouvelle journée nationale d'action. Il serait suicidaire d'entretenir pareille spirale de l'échec.
Pour autant, il n'est pas sain dans une démocratie, surtout quand elle est, comme en France, si malade, d'avoir un syndicalisme affaibli ou humilié. Quand la colère ne passe plus par le "filtre" syndical, elle peut donner lieu à bien des débordements, voire à des actes de désobéissance civile. Le climat social peut favoriser de tels dérapages. Le premier ministre, qui a promis aux confédérations, dès le 6 octobre, d'ouvrir un dialogue sur plusieurs chantiers, dont l'emploi, serait avisé de ne pas trop attendre et de prendre des initiatives pour revivifier la démocratie sociale.
Article paru dans l'édition du 18.10.05
louis breg. ♦ 19.10.05 | 12h27 ♦ Combien de "Syndicats ou Coodinations" en France qui représentent environ 5% de vrais Syndiqués à jour de leurs cottisations?... Bien sûr parmi eux il existe de vrais militants dévoués corps et âme mais combien sont-ils?...et la plupart du temps le Medef s’arrange pour les éliminer!...à quand le sabordage des restes des centrales syndicales pour reconstruire UNE ou DEUX Cantrales au maximum.... un voeu pieu sans doute....hélas
alain e. ♦ 18.10.05 | 18h54 ♦ Rien n’avancera tant qu’il ne sera pas mis fin à la scandaleuse présomption légale de représentativité des "grands" syndicats qui, sur le terrain, ne sont que des groupuscules sans réelle base militante. Quant à la CGT, plus spécialement, elle n’a toujours été ( et elle reste) q’une simple courroie de transmission du PC et sa principale "pompe à fric". Le ménage, vite!
jean-louis F. ♦ 18.10.05 | 14h03 ♦ Vous écrivez qu’il n’est pas sain pour une démocratie..........oui mais doit on pour autant discuter avec des syndicats "archaïques " , exclusivement corporatistes et de plus décrédibilisés,(cf) l’affaire des trafics sur les bateaux de la SNCM? Ne peut on chercher --en complément--à aider l’émergence de nouveaux interlocuteurs, même s’ils ne se sont pas distingués pendant la gerre de 1939/45 et pourquoi pas d’ailleurs celle de 1870 faute d’être nés à cette époque?
Denis P. ♦ 18.10.05 | 13h26 ♦ Ce n’est tout de meme pas au gouvernement de refonder le milieu syndical. Cette tendance bien Francaise a tout attendre de l’Etat. Le probleme sans doute, c’est que personne ne veut s’engager, tout le monde veut etre defendu, reconnu comme victime averee ou potentielle. Nos societes sont attentistes. Entre liberalisme debride et corporatisme psycho-rigide, on se tate. La France ne se gouverne plus, elle s’assiste, s’observe et se complait a ruminer ses aigreurs d’une fin qui ne finit pas.
henrikardo ♦ 18.10.05 | 10h52 ♦ En France, en général on ne réagit qu’à la suite de catastrophes et on s’agenouille alors devant un "sauveur". Napoléon à la suite du chaos révolutionnaire et de Gaulle après le désastre de juin 40. Cette fois que va-t-il se passer et qui sera le prochain dieu ? Villepin avec un nouveau "changement dans la continuité" giscardien, miterrandien et chiraquien ou Sarkosy en pétard mouillé. Quant aux autres... ils en sont encore à lire les horaires du train dans lequel ils ne monteront pas.
YANN100 ♦ 18.10.05 | 00h15 ♦ Depuis des décennies la SNCM n’a pas été vraiment dirigée. L’Etat s’est contenté de combler les déficits creusés par les grèves à répétition et par l’entreprise devenue "la chose" des syndicats. On s’est arrêté juste au bord du gouffre. Je souhaite qu’un journaliste courageux, à défaut un jeune chercheur inconscient du risque pris, ose conduire une investigation sur les coûts, pour la France, de la main mise de certains syndicats qui, pour un oui pour un non, paralysent l’économie !!!
orbi ♦ 18.10.05 | 00h14 ♦ S’il faut annoncer les défaites syndicales à venir, on peut sans crainte parler de la défense du service public de l’EDF. Après le scandale de la SNCM, il sera trés difficile aux syndicats de populariser leur message, si on n’a pas apporté un début de solution à la question du scandaleux Comité d’Entreprise EDF. Vraiment un patient travail de reconquête du "service public" au service du public et non des syndicats doit être entrepris.
Michel C. ♦ 17.10.05 | 22h12 ♦ Dure réalité que celle que vous décrivez. On ressent une énorme contradiction, comme si les syndicats, CGT en tête, étaient les derniers restes d’une société où l’on pouvait encore parler de solidarité. Il existe ailleurs des récitations trotskistes(Force Ouvrière) qui font les délices comiques des comités d’entreprises des grands groupes. Enfin on peut chercher une voie d’opposition structurée à une autre récitation tout aussi insensée "le dieu du marché"; je vais présenter une motion au Mans.
Bacalan ♦ 17.10.05 | 21h27 ♦ Très bien de vouloir que les syndicats évoluent. Encore faudrait-il que ceux qui posent de bonnes questions, soient entendus, et qu’ils trouvent des interlocuteurs qui aient envie de négocier. Or, il s’agit de réunions, de petites phrases, mais rarement de négociations. Il y’a beaucoup d’efforts à faire partager mais pas beaucoup à donner en échange !
Roger D. ♦ 17.10.05 | 21h03 ♦ En France les syndicats imprégnés d’une lutte des classes d’un autre âge sont de plus en plus corporatistes, poujadistes, rétrogrades, et en fin de compte peu soucieux de l’intérêt général. Voilà pourquoi ce syndicalisme-là, qui est aux antipodes de celui des pays du nord, fonctionne mal et est peu susceptible d’attirer à lui de nouveaux adhérents. De plus l’autoritarisme régnant dans la société française ne favorise pas le dialogue Les décisions sont prises d’abord, on négocie après
Cyrille Z. ♦ 17.10.05 | 21h02 ♦ Je rebondis sur le mot d’Henrikardo: c’est même bien avant la libération qu’on trouve les germes de nos difficultés d’aujourd’hui. A vouloir faire perdurer un "combat syndical", une "lutte des classes" marxistes dans une société dans laquelle Marx ne se reconnaitrait pas, on favorise les divisions, les fractures, les rivalités, et on perd totalement de vue le bien commun en effet. Azebolu et jacklittl ont raison: nos syndicats DOIVENT se révolutionner, notre démocratie en a besoin.
MICHEL U. ♦ 17.10.05 | 20h35 ♦ La perte d’efficacité des luttes syndicales n’est peut-être qu’un signe supplémentaire de la montée inexorable et dangereuse de l’individualisme.L’adéquation entre un système économique et l’idéologie ambiante marque la fin des revendications collectives, mais la violence croissante inhérente au culte de soi finira par être manifeste. L’affaiblissement organisé des corps intermédiaires favorisera des explosions sociales .Il sera trop tard pour regretter des syndicats puissants.
JEAN PHILIPPE G. ♦ 17.10.05 | 20h27 ♦ Un nouvel éditorial clair, net et sobre. Comment vous encourager autrement? Quand cesserons-nous de poursuivre à vivre en "perdant-perdant". Merci.
Laurent G. ♦ 17.10.05 | 19h37 ♦ Les syndicats semblent il est vrai un peu vieillots, comme englués dans un corporatisme conservateur. Là où ils sont encore assez bien représentés "fonction publique" ils ne servent qu’à défendre certains acquis sans proposer d’idées nouvelles. Les syndicats ont perdu de leur superbe sans doute aussi avec la fin de la culture ouvrière.
clo.clo ♦ 17.10.05 | 19h28 ♦ Enfin, ce que j’écrivais de politiquement incorrecte il n’y a pas longtemps dans ces colonnes, est écris officiellement dans le monde !! Les défaites syndicales ne datent pas d’hier. Il y a longtemps que la société n’est plus en phase avec les drapeaux rouges et les "toujours les mêmes" 500 000 personnes qui défilent de la république à la bastille. La bataille des retraites perdue, les jours de greve non payés ont révélé cette lente agonie commencée dans les années 80 avec la chute du socialisme
Karl G. ♦ 17.10.05 | 19h09 ♦ La pire image du syndicalisme, ce n’est pas la CGT qui se bat jusqu’au bout à la SNCM, mais la division. Si l’action du 4 octobre s’achève en eau de boudin, c’est qu’au fond, l’unité ne s’était pas faite sur les revendications. Une nouvelle journée d’action, au-delà de la question de son utilité, aurait nécessité la précision du contenu revendicatif et de ce fait, comporté le risque de l’éclatement syndical. La spirale des défaites est bien née en mai 2003 avec la défection de la CFDT !
sixcylindres ♦ 17.10.05 | 19h06 ♦ Je suis entièrement d’acord avec azebolu. Les syndicats sont nécessaires, mais ils sont en effet resté en retard par rapport avec l’évolution des problèmes qu’ils devraient traiter. Leur très faible représentativité est cachée derriere leurs droits à l’écoute prioritaire excessifs. Je ne sais pas si le patronat (de toute façon toujours fautif) l’a voulu, mais je comprends que cela l’arrange. Quant aux formes d’innovation syndicale, les syndicats sont capables de s’y opposer
quentin ♦ 17.10.05 | 18h47 ♦ Les syndicats ne fonctionnent plus, merci la politique quasi thatchérienne de monsieur Raffarin. Sur l’exemple allemand, ils ont aussi plus de pouvoir qu’en France du fait de leur unité et de la cogestion. La culture du compromis allemande ne tient pas seulement à des syndicats plus modéré mais aussi à une plus grande puissance syndicale au sein des entreprises en échange d’une "obligation de paix sociale".
popol691 ♦ 17.10.05 | 18h34 ♦ Les syndicats officiels ne servent que les gouvernements et le patronat francais car le taux de syndicalisation des salariés du privé ne les autorise pas à parler au nom de ses derniers. Si les permanents de ces syndicats étaient uniquement par les cotisations des adhérents, les 3/4 seraient virés. On comprend pourquoi ils s’accrochent à ce qu’ils appellent "service public" car pour l’essentiel il mange dans la gamelle public comme les dirigants des partis politiques.Alors:"tous pourris"???oui
monrog ♦ 17.10.05 | 18h08 ♦ Tout cela sent l’automne d’un pays. Le corps social français en son entier est en crise. Maladie de la démocratie et maladie du syndicalisme ne font qu’un; ce sont deux théâtres d’ombre mais le drame est que sont les spectateurs que nous sommes qui tiront si mal les fils. si les hommes politiques sont si mauvais c’est que nous ne voulons pas qu’ils soient meilleurs. Autant pour le syndicalisme: nous lui demandons de maintenir en vie un système en coma dépassé.
cohelet ♦ 17.10.05 | 17h37 ♦ C’est aussi l’échec du dialogue social à la française: agitons beaucoup mais surtout ne changeons rien! Au lieu de proner l’immobilisme et la préservation des acquis de 36 ou 68, il serait urgent de s’attacher à des réformes de fond comme la "sécurité sociale professionnelle" et la "formation et l’activité tout au long de la vie professionnelle". Au fait: la perruque a été un sport syndical et ouvrier depuis longtemps.
Yannick M. ♦ 17.10.05 | 17h36 ♦ La crise du syndicalisme c’est sa représentativité hérité d’après guerre et qui n’est plus en phase avec la réalité. Comment faire croire que la CFTC et la CGC sont représentatifs avec des pouillèmes de pourcentage aux élections alors que l’union syndicale Solidaires vient d’être rejeté au conseil supérieur de la fonction publique par le gouvernement avec presque 9% aux élections. Celà irait mieux si déhà il y avait la reconnaissance du vote des salariés.
henrikardo ♦ 17.10.05 | 17h23 ♦ Rappelons-nous les images des grèves de 95 - qui moi m’avaient choqué !-: des braseros, comme en 1936, sur les bords des quais où stationnaient des TGVs... deux planètes différentes ! Un tel anachronisme est bien à l’image du blocage du pays: des comportements patronaux parfois dignes de Germinal et des dirigeants syndicaux qui viennent à peine d’abandonner la lecture du "Kapital" de Marx.
1941 ♦ 17.10.05 | 17h23 ♦ - la faiblesse numerique du syndicalisme français est une des causes de la surenchère de certains dont on a vu recemment le caractère archaïque l’attitutude gouvernementale - s’aveugler sur les problèmes et negocier le couteau sous la gorge plutôt que discuter préalablement - n’est pas de nature non plus à nourrir un dialogue social qui devrait - democratiquement - etre permanent et non osciller de crises en crises
MICHEL F. ♦ 17.10.05 | 17h07 ♦ Toujours la même hypocrisie. D’abord, la presse s’acharne à abaisser les syndicats et, ensuite, indique que les syndicats sont utiles à la démocratie, en particulier pour prévenir les réactions violentes. Bref, c’est toujours la même vision d’un syndicat accompagnateur des réformes gouvernementales et patronales, synonyme de syndicalisme moderne et responsable, comme la presse nous le répète si souvent.
azebolu ♦ 17.10.05 | 16h37 ♦ Ce qui arrive aux syndicats est normal. Ils en sont restés aux «luttes» nécessaires et justifiées de 1936. Depuis, les choses auraient mieux évoluées si ces messieurs avaient évolué. L’évolution passe peut-être par le système allemand des «compromis». L’évolution passe peut-être par l’instauration de syndicats «corporatifs». L’évolution passe en tout cas par la cessation du fait de couvrir systématiquement les travailleurs «syndiqués» même en cas de faute grave.
jean ♦ 17.10.05 | 16h31 ♦ Pauvre syndicalisme, corrompu au niveau de ses dirigeants, humilié au niveau de ses militants ! A force de servir "d’accompagnement" des décisions patronales, il n’est plus qu’un faire valoir des forces économico-financières qui gouvernent le pays. Avec ce système des organisations syndicales dites "représentatives", toute forme d’innovation syndicale est systématiquement combattue. C’est la sclérose totale du syndicalisme, et c’est le résultat voulu par le patronat. Tout le monde est content !
jacklittle ♦ 17.10.05 | 16h02 ♦ Les syndicats français,la C.G.T. en tout premier lieu,en sont restés aux grandes conquêtes sociales (droit de grève,congés payés,40 heures etc,etc,)leurs actions en ces domaines sont incontestables,quoiqu’en disent certaines personnes,mais il est également indéniable qu’ils n’ont pas su évoluer au fil des transformations profondes du monde économique et social.La meilleure preuve c’est qu’aujourd’hui ils ne sont plus représentatifs des salariés,alors que nous avons besoin de syndicats forts.
henrikardo ♦ 17.10.05 | 15h59 ♦ Mais...est-on encore en démocratie ? dans la Rome antique, c’était le bien commun qui était toujours mis en avant. De nos jours -en gros depuis la Libération- la société a apparemment entériné le fait que les intérets corporatistes puissent primer devant l’intéret général. L’Etat a accepté que ses serviteurs (agents,assimilés,élus,ministres... )se servent souvent avant les autres, passent devant les autres et s’insurgent quand on leur fait remarquer... quelle place alors pour le citoyen isolé ?
Flying-Lolo ♦ 17.10.05 | 15h56 ♦ Les syndicats doivent défendre une vision, mais aussi des principes - quitte à être qualifiés de "passeistes" par des gens qui condondent allégrement et très souvent modernité avec mieux-aller ...- être naturellement en phase avec les salariés, être cohérents dans leur ligne de conduite mais également "lisibles"...Hélas, de tout cela, nous en sommes loin... Ce qui somme toute n’est, en effet, bon pour personne...Il ne reste plus donc qu’à en tirer les conséquences...
prodomo ♦ 17.10.05 | 14h58 ♦ il serait utile se me semble de revoir cet article à l’aulne des révélations du Parisien de cd matin sur les sombres traffics ayant cours à la sncm. quelles responsabilités, quelles conséquences sur la situation actuelle et future de cette entreprise ? comment replacer dans cette perspective le jusqu’auboutisme de ce syndiact d’arrière garde ? que le débat s’ouvre enfin, pleinement et de manière éclairé que nous puissions enfin savoir qui a manipuler qui et pourquoi...
gérard B. ♦ 17.10.05 | 14h06 ♦ 1 million de personnes, c’est 1,5% de la population, 4% des actifs ou encore ... 40% des syndiqués (environ). Le taux de syndicalisation est dramatiquement faible, signe de très mauvaise santé de la démocratie sociale. En ce domaine, une analyse des situations des pays nordiques apporterait certainement d’utiles indications sur les remèdes à trouver et appliquer. Bientôt une enquête du"Monde" à ce sujet?
L e débat au Parlement sur le projet de loi de finance (PLF) 2006 risque de se focaliser sur quelques sujets.
L'ISF. La grande réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) n'aura pas lieu cette année, au grand dam de certains parlementaires de la majorité. Après de nombreuses tergiversations, l'UMP et le gouvernement sont parvenus à un terrain d'entente.
Ce dernier "réfléchit" à exonérer d'ISF les salariés et les chefs d'entreprise qui détiennent des actions de leur entreprise, a confirmé dimanche le ministre de l'économie, Thierry Breton, lors du "Grand rendez-vous Europe 1-TV5".
"Si jamais vous détenez (...) au moins cinq ans des actions de l'entreprise dans laquelle vous travaillez ou dans laquelle vous avez travaillé, vous pourriez avoir une exonération (...) de l'ordre de 75%", a-t-il assuré.
Il s'agirait d'un amendement au projet de budget 2006, afin de "corriger" les "effets pervers, négatifs" de l'ISF "sur l'attractivité du territoire" français, et de créer des "noyaux stables" dans le capital des entreprises, selon M. Breton.
Le bouclier fiscal. A partir de 2006, nul contribuable ne pourra voir la somme de ses impôts directs (impôt sur le revenu, ISF et taxes locales) dépasser 60% de ses revenus. C'est le fameux "bouclier fiscal" . Si c'est le cas, l'Etat lui reversera le trop- plein perçu. Pour le moment, il est prévu que ce dernier puisse se faire ensuite rembourser une partie des sommes qu'il devra reverser au contribuable par les collectivités locales soit, selon les estimations de Bercy, environ 43 millions d'euros. Mais ce dispositif irrite profondément les élus locaux, dont ceux de l'UMP. A l'issue du débat, l'Etat pourrait faire un geste et décider de prendre à sa charge ces 43 millions d'euros.
Les niches fiscales. Corollaire à la mise en place d'un bouclier fiscal, le plafonnement de certains avantages fiscaux devrait faire l'objet d'un nombre important d'amendements.
Le PLF prévoit que ces "niches fiscales" ne pourront plus permettre de diminuer de plus de 8 000 euros, majorés de 750 euros par enfant à charge et 5 000 euros lorsque le foyer comprend une personne handicapée, le montant de l'impôt sur le revenu chaque année.
Les avantages fiscaux liés à une décision d'investissement ou ayant pour contrepartie une prestation sont concernés. Toutefois, les investissements réalisés dans les DOM-TOM échappent partiellement à la mesure. Certains parlementaires voudraient que d'autres placements, notamment ceux qui favorisent directement ou indirectement les créations d'emplois, comme les fonds communs de placement dans l'innovation, sortent aussi du cadre du plafonnement.
La réforme de l'Etat. Beaucoup de parlementaires de l'UMP s'inquiètent que le budget 2006 ne s'accompagne pas d'une réforme de l'Etat et d'un réel effort pour limiter la dépense publique. Ils regrettent par exemple que le nombre de fonctionnaires ne soit pas réduit de façon plus importante.
Dimanche, M. Breton a indiqué que la suppression de 5 600 postes de fonctionnaires dans le projet de budget 2006 n'était "pas un objectif" mais "le minimum" à atteindre. Il a aussi indiqué qu'allonger le temps de travail des fonctionnaires était "une piste" à considérer.
Joël Morio
Article paru dans l'édition du 18.10.05
En complément, un petit «dossier» concocté par le site Le Monde.fr sur ce sujet passionnant et si primordial pour les Français, l'ISF…
L' impôt sur la fortune (ISF) est une machiavélique bombe à retardement, habilement déposée par la mitterrandie. Exonérant les propriétaires de tableaux de grands maîtres, d'écuries de course, de jets ou de yachts"logés"dans des sociétés commerciales, les biens professionnels, l'ISF épargne les milliardaires pendant qu'il accable les millionnaires: mieux vaut posséder 27% de l'Oréal (15 milliards d'euros) que 2 ou 3 hectares de champs de patates sur l'île de Ré, devenus constructibles par la grâce d'une signature au bas d'un POS.
Mais, dans ISF, il y a"fortune", et dans l'imaginaire des Français, formatés par plus d'un siècle de démagogie, on ne saurait atténuer ou supprimer l'impact d'un impôt ainsi diaboliquement dénommé. Impossible pour la gauche de se renier. Quant à la droite, elle est tétanisée par les prochaines élections.
Si bien qu'aujourd'hui on peut s'attaquer non sans succès au carnage de la route, au cancer ou au sida, mais pas à un impôt qui bientôt, année après année frappera des dizaines de milliers de Français propriétaires de leur logement (s'ils sont parisiens) ou d'une maison de famille en résidence secondaire, par le seul fait de la flambée des prix de l'immobilier, qui ne rapporte absolument rien tant que l'on n'a pas revendu.
Si l'on continue ainsi, on va voir se multiplier les cas où l'addition"Impôt sur le revenu + ISF"excédera... le montant des revenus. En clair, il faudra chaque année vendre une partie de ses biens pour payer l'impôt sur ces biens. La boucle sera bouclée.
Claude Carpentier
Article paru dans l'édition du 24.03.05
B eaucoup de chefs d'entreprise sont persuadés de bénéficier de l'exonération de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sur les titres de leur société qui, pensent-ils, remplissent les conditions requises par la loi pour être qualifiés de "biens professionnels" et donc échapper à l'ISF.
Rappelons que le code général des impôts distingue trois conditions pour se voir gratifier d'une telle qualification: la nature de l'activité; le pourcentage de participation au capital de la société; la fonction et la rémunération du contribuable.
En ce qui concerne l'exercice des fonctions dirigeantes, il doit bien être réalisé et donner lieu à une rémunération normale. La jurisprudence a dû, au fil des ans, préciser la notion de normalité d'une rémunération qui, on s'en doute, revêt un caractère hautement subjectif. En l'état actuel des textes, une rémunération est dite "normale" lorsqu'elle est en rapport avec le travail effectué et qu'elle représente plus de la moitié des revenus professionnels du redevable.
Dans un arrêt du 15 novembre 2001, la cour d'appel de Paris avait suivi l'administration fiscale qui dénonçait le caractère insuffisant de la rémunération versée à un contribuable ayant successivement occupé les fonctions de président du conseil de surveillance puis de président-directeur général d'une société. Après que la cour de cassation a censuré cette décision le 21 janvier 2004, la Cour d'appel de Rouen a rétabli l'exonération contestée par le fisc.
Parmi les allégations contestées de l'administration, la cour d'appel retient que celle-ci a comparé la rémunération annuelle perçue par le contribuable à un montant global de rémunérations internes à l'entreprise, cumulant les salaires versés pour l'exercice de fonctions techniques et ceux rétribuant l'exercice du mandat social. Ainsi, l'administration n'a-t-elle pas tenu compte du fait que le directeur général, au titre de son seul mandat, percevait une rémunération bien inférieure à celle du redevable. Pour la cour d'appel, il convient donc de comparer ce qui est comparable. Et de ne faire porter la comparaison que sur la rémunération perçue en la seule qualité de dirigeant social.
Cela étant, cette position, qui peut sembler équitable de prime abord, trouve aussi ses limites. Car il ne suffit pas que la rémunération soit normale. Il faut en outre qu'elle représente plus de la moitié des revenus professionnels du contribuable. Et ses revenus auront pour autre composante la rétribution de fonctions techniques.
L'intérêt que soulève cette jurisprudence est de mettre en exergue la complexité de l'application de la qualification de bien professionnel à des titres sociaux. Des schémas de plus en plus complexes sont mis en effet en place par les dirigeants d'entreprise pour bénéficier de l'exonération au titre des biens professionnels.
Mais l'administration veille et accroît ses contrôles, notamment sur le caractère normal d'une rémunération. Aujourd'hui, la plupart des redressements en matière d'ISF concernent les biens professionnels, le fisc ayant compris que c'était là qu'il pouvait opérer les redressements les plus importants.
Selon un professionnel averti de la place, près d'un dirigeant d'entreprise sur deux, qui se trouve à la tête d'un bien professionnel au sens économique du terme, ne remplit pas, sans le savoir, les conditions nécessaires pour que son entreprise soit un bien professionnel exonéré d'ISF au sens fiscal.
Philippe Bruneau
Article paru dans l'édition du 02.10.05
L e président de l'Union syndicale des magistrats (USM), Dominique Barella, a réitéré, samedi 15 octobre, sur Europe 1 les attaques contre le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, qu'il avait tenues la veille lors du congrès de son organisation (Le Monde du 16 et 17 octobre). Il avait suggéré au ministre de "faire cesser les viols commis par des policiers, les agressions sexuelles de policiers à l'égard de leurs collègues féminins, des claques à des mineurs de huit ans" .
L'inimitié entre M. Sarkozy et M. Barella est ancienne. Le 3 octobre, un rendez-vous en tête-à-tête entre le ministre de l'intérieur et le président de l'USM a été annulé au dernier moment. M. Sarkozy avait demandé à voir l'ensemble du bureau de l'organisation; M. Barella lui avait rétorqué qu'il ne pouvait pas choisir ainsi ses interlocuteurs.
Cette fois, cependant, la querelle prend un tour plus politique. Au ministère de l'intérieur, on souligne le caractère "politicien" de la démarche de Dominique Barella, en affirmant que celui-ci est candidat à la mairie de Saintes (Charente-Maritime), sous l'étiquette du Parti socialiste. Le président de l'USM dément formellement.
Les déclarations de M. Barella ont aussi provoqué de nombreuses réactions parmi les syndicats de policiers. "C'est vraiment lamentable, s'emporte Bruno Beschizza, secrétaire général de Synergie-officiers. Il y a un décalage énorme entre ce que dit l'USM et les attentes de nos concitoyens. Barella s'est lancé dans un djihad personnel contre Nicolas Sarkozy et entraîne avec lui son organisation. Moi qui croyais qu'on devait tout faire pour travailler ensemble !"
Le secrétaire général du Syndicat des commissaires et des hauts fonctionnaires de la police nationale (SCHFPN), Jean-Marie Salanova, a également dénoncé les propos de M. Barella, qui se "complaît dans l'excès". "On attend de la justice qu'elle soit sereine, explique-t-il. Les Français veulent que tous les maillons de la chaîne travaillent de concert. Je ne souhaite pas, pour ma part, comptabiliser les manquements personnels des magistrats et des policiers. On aurait des surprises..."
Jean-René Lecerf, secrétaire national de l'UMP à la justice, et Gérard Léonard, secrétaire national à la sécurité, ont fait part dans un communiqué de leur "profonde indignation" suite aux propos "scandaleux" de M. Barella, qu'ils ont qualifiés de "nouveau dérapage" , histoire de transformer le président de l'USM en multirécidiviste.
Sans citer l'USM, le ministre de l'intérieur ne manque pas une occasion, depuis plusieurs mois, de lui envoyer des piques. Le 27 septembre, alors qu'il s'exprimait à Paris devant une assemblée de policiers et gendarmes, le ministre avait évoqué la nécessité d'équiper les voitures des brigades anticriminalité de caméras. "Ça vous protégera des professionnels de la polémique qui n'ont aucune idée du travail d es gendarmes et des policiers" , avait-il lancé. Applaudissements de l'assistance.
Piotr Smolar
Article paru dans l'édition du 18.10.05
L' ensemble des députés en convient: la fonction première du projet de loi de finances (PLF) pour 2006, dont la discussion débute mardi 18 octobre à l'Assemblée nationale, est de préparer... celui de l'année suivante. Reportant à plus tard l'essentiel des décisions majeures et ne rechignant pas aux astuces de présentation, il s'appuie sur des prévisions de croissance du produit intérieur brut (PIB) 2,25% que les mieux disposés qualifient de "volontaristes" . "Je croise les doigts pour que la croissance soit au rendez-vous" , a déclaré le rapporteur général du budget, Gilles Carrez (UMP, Val-de-Marne), dissimulant à grand-peine son scepticisme. "J'y crois" , a jugé nécessaire de préciser le ministre de l'économie, Thierry Breton. En écho, l'ancien ministre du budget, Alain Lambert, conseiller du président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, faisait remarquer qu'"un budget n'est bon que sincère".
Allégements d'impôts en trompe-l'oeil Avant même que le projet de loi de finances (PLF) ne soit examiné, près de 3,9 milliards d'allégements d'impôts ont été adoptés pour 2006. La loi Sarkozy du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation a dégrevé la taxe professionnelle pour les entreprises réalisant des investissements nouveaux entre juin 2004 et décembre 2005 (coût sur 2006: 1,3 milliard d'euros). La loi de finances initiale pour 2005 a aboli, en deux ans, la surtaxe de l'impôt sur les sociétés (550 millions d'euros). La loi Jacob du 2 août en faveur des petites et moyennes entreprises et la loi Breton du 26 juillet pour la modernisation de l'économie contiennent des mesures fiscales pour près de 100 millions d'euros. La loi du 13 août 2004 sur l'assurance-maladie a permis de déduire de la contribution sociale des sociétés les bénéfices imposables à l'IS. Or les mesures fiscales contenues dans le PLF pour 2006 portent sur "seulement" 800 millions d'euros. "Il apparaît que les grandes données de l'équilibre du budget pour 2006 ont largement préexisté au débat budgétaire réel" , note le rapporteur général du budget à l'Assemblée, Gilles Carrez (UMP, Val-de-Marne). |
"C'est le meilleur budget possible" , défend Hervé Mariton (UMP, Drôme), qui sera le porte-parole de son groupe durant la discussion. "Mais , ajoute-t-il, nous aurons besoin de créer d'autant plus d'air pour 2007 que ce sera une année électorale." Aussi la majorité ne cache-t-elle pas son souhait de dégager de nouvelles économies, dans la partie dépenses. "Ce budget, à la différence de celui de l'an dernier, ne maîtrise pas totalement les déficits , estime le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie (UMP, Ille-et-Vilaine). La question est de savoir comment on peut faire pour être bien à 2,9% du PIB fin 2006 -c'est-à-dire dans les critères européens-, et non à 3,6%."
Les critiques les plus sévères proviennent cependant de l'UDF. Son président, François Bayrou, tout en assurant que "toutes les options sont ouvertes" , laisse peu d'incertitude sur son vote défavorable à un budget qu'il juge "loin de la réalité" . Le porte-parole de son groupe sur les questions budgétaires, Charles de Courson, s'est livré en commission des finances à un exercice de dépeçage en règle. Le député de la Marne a jugé que "la limitation à 1,8% de la progression des dépenses de l'Etat n'est qu'une apparence" . Evoquant le transfert à l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) des allégements de cotisations patronales, il juge l'augmentation plus proche des 5%.
"Le recours aux recettes non fiscales , précise-t-il, atteint les sommets de l'artifice." Et M. de Courson de citer le dividende exceptionnel de 950 millions d'euros versé par les sociétés d'autoroutes "qu'on privatise par ailleurs" , le prélèvement de 1 400 millions d'euros du fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété ou encore la vente pour 350 millions d'euros d'éléments du patrimoine de Réseau ferré de France (RFF) dont le produit n'est pas affecté au service ferroviaire. "En d'autres termes , tranche-t-il, le gouvernement boucle son budget avec des recettes tout à fait exceptionnelles et non reconductibles."
Certaines de ces critiques trouvent un écho jusque dans les rangs de l'UMP. A tel point que la commission des finances a rejeté l'article 48 portant création d'une société de valorisation des biens immobiliers de RFF. "Cet article pose problème , relève Michel Bouvard (UMP, Savoie). La commission des finances n'a pas à être complice de ce montage."
L'ancien rapporteur du budget, Didier Migaud (PS, Isère), parle, lui, de "tricherie organisée" . Pascal Terrasse (PS, Ardèche) ajoute que "ce projet de budget, présenté par ses auteurs comme vertueux, ne mérite guère ce qualificatif" . Il s'étonne des "tuyauteries supplémentaires des plus contestables" introduites par le gouvernement.
Le PLF devrait pourtant, en définitive, subir peu de modifications. L'UMP a fait une croix sur les possibilités de l'amender de manière significative. La deuxième partie du projet de loi de finances sera néanmoins l'occasion d'engager le débat sur certaines des mesures phares que le premier ministre, Dominique de Villepin, a annoncées pour 2007: refonte du barème de l'impôt sur le revenu, qui devrait coûter 3,5 milliards d'euros au budget de l'Etat, réforme de la taxe professionnelle, avec l'instauration d'un plafonnement des cotisations à 3,5% de la valeur ajoutée (1 milliard d'euros), amélioration du régime de la prime pour l'emploi (500 millions). "De ce fait , note M. Carrez, les recettes de l'année 2007 sont déjà préemptées dès aujourd'hui à hauteur de 5 milliards d'euros."
Si chacun s'accorde à reconnaître que les marges de manoeuvre sont réduites, les députés posent cependant le besoin de clarifier le financement des allégements de cotisations sociales patronales, correspondant en 2006 à 18,9 milliards d'euros de charges transférées. "Pure folie" , estime M. de Courson. Pour M. Bouvard, il importe de "mener à bien le nécessaire travail d'évaluation sur l'efficacité des allégements de charges" . Plusieurs députés de l'UMP, emmenés par M. Méhaignerie, entendent déposer un amendement, sans espoir de le voir aboutir, proposant de convertir les 2 milliards supplémentaires d'allégements de cotisations patronales en hausses de salaire. A plus long terme, ils souhaitent engager un débat sur la "barémisation" de ces allégements, s'opposant en cela à l'aile la plus libérale de l'UMP, qui plaide pour la suppression pure et simple des cotisations sociales sur les bas salaires.
De même la mensualisation de la prime pour l'emploi suscite-t-elle de nombreuses réflexions. "Le danger est grand , souligne M. Carrez, de substituer à une nécessaire revalorisation des salaires un complément de rémunération versé par l'Etat."
Patrick Roger
Article paru dans l'édition du 18.10.05
T els des généraux préparant la bataille, Laurent Fabius et François Hollande ont passé en revue leurs troupes avant de s'affronter face-à-face, pour la première fois, mardi 18 octobre à la Mutualité, devant les militants parisiens. Chacun, dans un style très différent, a sonné la mobilisation vendredi 14 et samedi 15 octobre, à trois semaines du vote des militants prévu avant le congrès du PS au Mans du 18 au 20 novembre.
François Hollande: "Etre candidat, ça se mérite" Lors de la réunion de la majorité du PS, samedi 15 octobre, à Paris, un militant s'est ému des "déclarations successives de candidatures" dans son propre camp. "Ça ne se fait pas , a-t-il souligné, ou alors cela veut dire que le parti, c'est uniquement une aventure personnelle." A la sortie, M. Hollande a affirmé que sa majorité allait mettre au point une "procédure" , une "coordination" pour désigner un candidat, et un seul. " Etre candidat, ça se mérite" , a-t-il ajouté. La multiplication des déclarations, officielles et officieuses Dominique Strauss-Kahn, Jack Lang, Ségolène Royal, François Hollande lui-même est devenu l'un des arguments de campagne de la concurrence. Dans un entretien au Journal du dimanche , Arnaud Montebourg estime que l'horizon du parti "s'assombrit" . "Trois ans après 2002, le PS n'a toujours pas de projet mais huit candidats déclarés" , dénonce le député de Saône-et-Loire. Lundi 17 octobre, sur RTL, M. Hollande a répondu: "Je préfère avoir trop de candidats qui acceptent une procédure qu'un seul qui ne l'accepterait pas." |
Laurent Fabius avait choisi, vendredi, la formule d'un meeting classique, gymnase Japy, dans le 11e arrondissement de Paris, qui a réuni quelque 600 supporters. Ambiance surchauffée, scène orange avec le poing et la rose, et un slogan: "rassembler à gauche".
Samedi matin, François Hollande a préféré une salle de spectacle, le Bataclan, pour réunir 300 correspondants régionaux et des responsables nationaux du parti, parmi lesquels Dominique Strauss-Kahn, Jack Lang, et Bertrand Delanoë. Tribune sobre sur fond noir, aucune affiche, échanges avec la salle: le genre réunion de travail a été privilégié. Un document de 30 pages est distribué. Il donne des "argumentaires" et compare les motions soumises au vote des militants.
Laurent Fabius, qui s'est fixé "un objectif tout simple, gagner le congrès" , a laissé à son allié Jean-Luc Mélenchon le soin de porter les coups. Le sénateur de l'Essonne a dénoncé "le style littéraire Constitution européenne" de la motion Hollande et son programme: "Je lis: "la priorité est de porter à 60% le niveau Bac +3", alors que nous ne sommes même pas arrivés à 65% pour le bac tout court. La social-bobocratie devrait penser à tous les enfants du peuple, pas seulement aux siens." M. Fabius, lui, a insisté sur la nécessité d'un congrès "utile: Il n'existera pas d'autre occasion. C'est cette fois-ci ou jamais que les militants diront ce qu'ils pensent des retraites, des loyers, des services publics." "Soyez sereins, tranquilles, convaincants !" , a-t-il lancé à ses partisans.
"On peut être sereins" , a estimé comme en écho le lendemain matin, Daniel Vaillant à l'ouverture de la réunion de la majorité. La direction du PS ne doute pas de sa victoire, mais voudrait creuser l'écart. "Nous ne devons pas gagner à 52% mais à 62%" , a prévenu le député européen Robert Navarro, responsable de la fédération de l'Hérault, en exhortant l'assistance à "retrouver de l'enthousiasme sur le terrain".
L'idée de M. Vaillant d'envoyer aux militants un "second texte" , après la motion, "pour donner le sens du congrès" a été retenue. "Nous n'avons pas le droit de rater ce congrès pour la gauche et pour le pays , a approuvé François Hollande, en liant cette étape à celle des élections de 2007. Si nous ratons cette marche, alors le reste de l'escalier sera difficile à gravir."
Dans une ambiance très "Tout sauf Fabius", Dominique Strauss-Kahn s'en est pris à la proposition de l'ancien premier ministre de porter progressivement le Smic à 1 500 euros, "bien modeste et qui sera atteinte presque automatiquement" . Les plaies du référendum sont promptes à se rouvrir. Sans prononcer directement le nom de Laurent Fabius, Jack Lang a vivement dénoncé son "social-chauvinisme", qui constitue, a-t-il affirmé , "un danger mortel". Pour l'ancien ministre, "un responsable socialiste qui tourne le dos à l'internationalisme n'est plus à mes yeux un homme de gauche".
"Je vous demande de ne jamais accepter d'être désignés par la formule vexatoire de socialisme d'accompagnement", a souligné François Rebsamen, secrétaire national chargé des fédérations, qui a insisté, à l'unisson de la salle, sur le "respect" et la "discipline" de parti. "Ils nous ont pourris la vie pendant six mois" , a lâché M. Rebsamen en désignant les partisans du non.
Plusieurs intervenants ont fait part de leur agacement face à la multiplication des candidatures pour la présidentielle de 2007. François Hollande s'est voulu rassurant: "Les conditions de la victoire sont réunies, a-t-il déclaré. Les Français ont envie de changement d'autant plus qu'ils se sont trompés en 2002."
Isabelle Mandraud
Article paru dans l'édition du 18.10.05
![]() REUTERS/ROBERT PRATTA
L'efficacité du Tamiflu suscite des doutes et pousse certains pays à constituer des stocks d'un autre antiviral, le Relenza.
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Q ue pensez-vous de l'article paru sur le site de la revue Nature, vendredi 14 octobre, qui indique que le virus H5N1 peut devenir résistant au Tamiflu chez les personnes traitées avec ce médicament antiviral, dont la France a constitué un stock de 17 millions de traitements ?
Cette publication intéressante ne concerne qu'un cas, mais vient confirmer des éléments parus dans The New England Journal of Medicine . Cette observation conforte l'idée selon laquelle la préparation à la lutte contre la pandémie impose de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. C'est pourquoi la France est actuellement en pourparlers avec la multinationale GlaxoSmithKline afin de constituer un stock de Relenza, l'autre antiviral ayant démontré une efficacité contre les virus de la grippe. Nous pourrions ainsi améliorer notre stratégie thérapeutique en cas d'émergence de résistances au Tamiflu.
Nous avons constitué un premier stock important de cet antiviral et nous préparons un deuxième stock sans avoir de véritables certitudes, qu'il s'agisse de l'efficacité de ces médicaments contre un nouveau virus ou de l'importance des phénomènes de résistance à venir.
Nous savons en revanche que si l'on fait aujourd'hui un usage immodéré du Tamiflu, on complique beaucoup les choses. Ce médicament doit être réservé à des malades chez lesquels, pour des raisons médicales, il est important de maîtriser rapidement une infection grippale. Ce serait une erreur majeure que d'user très largement du Tamiflu à titre prophylactique.
Quelle est votre analyse de l'évolution de l'épizootie et, notamment, de la découverte de foyers de H5N1 chez des oiseaux en Turquie et en Roumanie ?
Nous devons impérativement nous intéresser au possible rôle des oiseaux migrateurs dans la propagation de certaines épidémies animales. Ce qui se passe en Turquie et en Roumanie renforce beaucoup l'hypothèse, défendue par l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), mais parfois contestée, du rôle des migrateurs dans la diffusion du H5N1. Cela nous permet aussi d'anticiper sur les événements ultérieurs.
A quoi pensez-vous ?
Ce qui est connu des voies de migration des oiseaux à partir de la Sibérie occidentale ouvre deux possibilités. La première est un accès direct vers l'Europe de l'Ouest. L'on peut s'attendre à des contacts entre oiseaux infectés et oiseaux sains dans les zones humides d'Europe occidentale, mais, au vu du nombre d'oiseaux migrants, ce scénario est toutefois jugé assez peu probable.
La seconde possibilité est en revanche beaucoup plus probable. Elle concerne la voie Méditerranée-mer Noire, qui est plus directement en connexion avec la Sibérie occidentale. Cet axe laisse redouter l'émergence de foyers au Moyen-Orient puis en Afrique. Il s'agit là d'une menace très sérieuse. On peut imaginer l'installation endémique du virus en Afrique, comme c'est le cas dans plusieurs pays d'Asie. Nous serions alors confrontés à de très grandes difficultés de contrôle de l'épizootie, puis, dans quelques mois, à la menace d'une remontée d'oiseaux migrateurs potentiellement infectés de l'Afrique vers l'Europe occidentale.
Cela impose de réfléchir rapidement à la manière dont nous pourrions aider les pays africains concernés à lutter en urgence contre les premiers foyers d'épizootie. Pour les semaines à venir, l'enjeu est clair: il concerne la capacité de la communauté internationale à se mobiliser contre l'épizootie et à répondre à l'appel lancé sur ce thème par la FAO et l'Office international des épizooties.
La situation actuelle impose-t-elle de prendre de nouvelles mesures en France ?
Nous allons devoir renforcer la surveillance des oiseaux migrateurs et de leur environnement proche dans les zones humides. Il faudra de ce fait informer les chasseurs et mobiliser les ornithologues. En cas de découvertes d'oiseaux malades ou morts, l'alerte devra être lancée au plus vite, de manière à faire des analyses biologiques spécialisées. Nous n'envisageons pas de réduire ou de limiter la pratique de la chasse, mais les chasseurs doivent prendre des précautions dans la manipulation d'oiseaux retrouvés morts ou manifestement malades.
Partagez-vous l'opinion de Liam Donaldson, votre homologue britannique, qui, dans un entretien à la BBC, le 16 octobre, a déclaré que l'émergence d'une pandémie grippale était inéluctable ?
Je partage cette analyse. Une telle pandémie émergera un jour où l'autre. Mais faire une telle prévision n'expose pas à un grand risque dès lors que l'on se situe à l'échelle de l'espèce humaine. Il en va différemment si l'on s'intéresse à une échelle de temps plus réduite. Parler pour le siècle à venir est une chose; évoquer l'année prochaine en est une autre. Nous devons malgré tout nous préparer comme si la pandémie était pour demain.
La préparation de la lutte contre la grippe aviaire a longtemps été un exercice théorique. Désormais, c'est une entreprise très concrète, même s'il n'est pas facile d'agiter une menace importante sans générer de l'anxiété.
Propos recueillis par Jean-Yves Nau
Article paru dans l'édition du 18.10.05
![]() REUTERS/FATIH SARIBAS
Un expert prépare un désinfectant contre la grippe aviaire dans une rue de Kiziksa, en Turquie.
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C' est la première fois, dans l'histoire de la pharmacologie et de la lutte contre les maladies infectieuses, que des pays constituent des stocks nationaux d'un médicament qui n'a pas véritablement démontré son efficacité contre une maladie virale contagieuse à venir; et une maladie dont on ne connaît pas encore précisément à quel agent pathogène elle pourrait être due.
Ce médicament est le Tamiflu, un antiviral de la multinationale suisse Roche, devenu célèbre, ces dernières semaines, au motif qu'il pourrait constituer une parade médicamenteuse efficace, à titre curatif ou préventif. Cette menace a fait que le Tamiflu, molécule initialement connue des virologues sous le nom d'oseltamivir, est depuis plus d'un an un "blockbuster" (un grand succès commercial) médicamenteux sans précédent.
Peut-on raisonnablement parier sur les vertus du Tamiflu ? Les fabricants de vaccins sont-ils en mesure de répondre au plus vite à la menace de cette catastrophe que constituerait l'émergence d'une nouvelle pandémie grippale ? Parce qu'ils sont désormais placés sous le feu de l'actualité épidémiologique internationale, les laboratoires pharmaceutiques et les producteurs de vaccins sont confrontés à des questions de santé publique d'ampleur planétaire.
Depuis des mois, ces questions à fort pouvoir anxiogène ont mobilisé les responsables sanitaires nationaux et internationaux. Mais elles commencent de plus en plus largement à entrer dans le domaine public. Outre l'intensification de la fabrication industrielle de masques individuels de protection la France disposera bientôt d'un stock de 200 millions de ces masques , la lutte contre une prochaine pandémie repose sur deux axes essentiels: les médicaments antiviraux comme le Tamiflu d'abord, les vaccins ensuite.
Comment comprendre ? Pour ce qui concerne le Tamiflu, de nombreuses questions n'ont toujours pas trouvé de véritables réponses. A commencer par celle concernant les raisons qui ont conduit l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à recommander à ses Etats membres la constitution en urgence de stocks nationaux de ce produit. Mais la situation vient de se modifier radicalement avec la publication dans la revue scientifique britannique Nature d'une étude montrant que le virus H5N1, responsable de l'actuelle épizootie, pouvait devenir résistant à cette molécule (Le Monde daté 16-17 octobre).
Cette observation faite chez une adolescente vietnamienne ayant été infectée par le virus H5N1 est d'autant plus inquiétante que cette jeune fille semble impliquée dans le premier cas documenté de transmission interhumaine de ce virus. Un scénario qui pourrait préfigurer l'émergence d'une pandémie tant redoutée des autorités sanitaires. Demain, comment lutter contre elle ?
Découvert par la société californienne Gilead Sciences mais produit par la multinationale pharmaceutique suisse Roche, le Tamiflu n'est pas la seule parade médicamenteuse contre les infections grippales. Dans la même famille celle des "inhibiteurs de la neuraminidase" un autre traitement existe, le Relenza ou zanamivir, développé par une société australienne et commercialisé par la multinationale GlaxoSmithKline.
Au vu de ce premier cas de résistance, des experts estiment qu'il conviendrait de compléter les stocks nationaux de Tamiflu avec des stocks équivalents de Relenza. A dire vrai, l'émergence de phénomènes de résistance du virus H5N1 aux médicaments était redoutée des spécialistes. Interrogé sur ce qu'il pensait de la multiplication de stocks nationaux de Tamiflu (Le Monde du 7 septembre), le professeur Alain Goudeau, chef du service de bactériologie-virologie du CHU de Tours, mettait en garde contre l'illusion sécuritaire inhérente à la constitution, très coûteuse, de tels stocks.
Pour leur part, les responsables sanitaires français se sont régulièrement félicités, ces derniers mois, d'avoir constitué un stock approchant les 17 millions de traitements. Aucune précision n'a été donnée quant au coût de cette mesure. Il y a peu, une série d'autres analyses publiées dans la presse scientifique internationale a démontré avec quelle rapidité les virus de la grippe pouvaient trouver les solutions génétiques leur permettant de résister de manière durable et croissante aux rares antiviraux disponibles.
C'est dans ce contexte que Roche doit faire face à une offensive menée par des pays qui souhaitent produire cet antiviral sous une forme générique. Confrontée à une situation de crise hors normes, la multinationale suisse vient de faire un don de 20 000 traitements de Tamiflu à la Turquie pour protéger les ouvriers travaillant dans des élevages de poulets. Deux millions de doses ont également été mises à disposition de l'OMS.
Pour ce qui concerne les vaccins, l'ensemble des multinationales concernées au premier rang desquelles Sanofi-Pasteur MSD, GlaxoSmithKline (GSK) et Chiron ne produisent annuellement pas plus de 400 millions de doses de vaccin conte la grippe "saisonnière". Le groupe Sanofi-Pasteur MSD en produit 160 millions, GSK et Chiron assurant le reste.
Dans l'hypothèse de l'émergence d'une pandémie grippale résultant d'une "humanisation" du virus H5N1, aucun vaccin ne serait disponible à court terme. Pour autant Sanofi-Pasteur MSD a, le 15 septembre, conclu un contrat de cent millions de dollars (83 millions d'euros environ) avec le gouvernement américain pour la production d'un vaccin expérimental contre l'actuelle souche H5N1 qui infecte les volailles. Un vaccin dont rien n'indique qu'il pourrait être d'une quelconque efficacité pour l'espèce humaine. La France a pris une initiative de même nature, à hauteur de deux millions de doses vaccinales, sans jamais fournir les éléments rationnels et financiers d'un tel choix.
Yves Mamou et Jean-Yves Nau
Article paru dans l'édition du 18.10.05
C omment parler au mieux et au plus grand nombre de cette nouvelle menace que constitue le risque d'émergence d'une pandémie due à un virus mutant de la grippe ? Deux hospitalo-universitaires parisiens, l'un spécialiste des maladies infectieuses et tropicales, l'autre de pneumologie et de réanimation, viennent de relever le défi. Ils offrent un ouvrage ambitieux qui ne cache pas avoir été rédigé dans la fièvre de l'urgence et dont la publicité alarmiste n'est nullement en phase avec la volonté affichée des deux auteurs de lancer "un message de confiance et d'espoir".
Rappelant ce que furent les pandémies dans l'histoire de l'humanité, les professeurs François Bricaire et Jean-Philippe Derenne ne craignent pas, au fil des pages, de se transformer en virologues, en ornithologues et même en vétérinaires.
Mais l'essentiel de leur propos n'est pas dans la vulgarisation des données scientifiques nécessaires à la compréhension de la situation créée par l'apparition de la souche virale H5N1. Il réside dans la très vive alerte lancée aux responsables politiques et dans la volonté de voir s'ouvrir, sur le thème de la prévention et de la sécurité, un véritable débat de citoyens.
Mais les responsables gouvernementaux français ont réagi avant même la sortie de l'ouvrage. A la demande de Jacques Chirac, Dominique de Villepin a, en août, mobilisé les ministères et les administrations concernés. La France a augmenté notablement son stock d'un médicament censé être efficace, constitué une réserve de 200 millions de masques individuels et a déjà réservé des millions de doses d'un vaccin qui, dans l'avenir, pourrait protéger contre l'infection.
Tout en se félicitant de ces initiatives, les deux auteurs estiment que la France doit aller bien plus loin dans l'effort et continuer à augmenter ses stocks tout en manifestant quadrature du cercle sa solidarité avec les pays les plus démunis. Ils exposent aussi la nécessité qu'il y a, dès aujourd'hui, à anticiper en examinant collectivement la somme des conséquences d'une pandémie sur d'innombrables aspects de la vie en collectivité. C'est ici qu'ils font oeuvre utile.
Jean-Yves Nau
Article paru dans l'édition du 18.10.05
S amedi 15 et dimanche 16 octobre, les chasseurs de gibiers d'eau canards sauvages, sarcelles d'hiver, colverts et autres souchets étaient postés dans leurs tonnes (sortes de huttes), un peu partout en Gironde. Comme tout le monde, ils ont entendu parler de la grippe aviaire. "Au début, on pensait même que c'était un coup des anti-chasse pour nous faire fermer la chasse , lâche Didier Blanchet, un mordu de la chasse à la palombe, au canard, au renard et au lièvre. Avec le recul, on commence à prendre conscience des enjeux, on prend l'affaire au sérieux et on va se mettre d'équerre en informant au maximum les copains."
Dans les campagnes girondines, l'information sur l'impact de cette éventuelle épizootie sur la faune sauvage a du mal à passer. La fédération départementale des chasseurs, la plus importante de France par le nombre d'adhérents (55 000), a bien envoyé une lettre sur le sujet, le 8 septembre, aux présidents de sociétés de chasse et d'associations communales de chasse agréées. "La grippe aviaire semble encore éloignée géographiquement de la France, mais il convient d'être vigilant" , écrivait alors Henri Sabarot, le président de la fédération girondine.
Sa lettre était accompagnée d'un communiqué de la Fédération nationale des chasseurs et d'un courrier du préfet de Gironde, ainsi que d'une note d'informations conjointe des ministères de l'écologie et de l'agriculture. Ce dernier document détaillait les "précautions générales pour éviter les contacts entre animaux" et celles à prendre concernant les "appelants", ces canards sédentarisés servant d'appât aux migrateurs sauvages.
Si un chasseur girondin trouve un animal suspect, malade ou mort, il doit le signaler, voire l'apporter, à la fédération, qui devra transmettre l'information au réseau Sagir. Créé en 1986 par l'Office national de la chasse (ONC), ce réseau constitue le système de surveillance sanitaire de la faune sauvage nationale. Son objectif premier est la mise en évidence des principales causes de mortalité de la faune.
"Nous avons accentué la surveillance des espèces sensibles susceptibles de venir de l'Est , indique Pascal Pouzenc, directeur départemental de l'ONC. Mais nous ne faisons pas encore de contrôles de tonnes, car nous sommes trop occupés par le braconnage, qui se développe en raison de l'arrivée des petits migrateurs."
Désormais, tous les agents de l'Office effectuent prélèvements et baguages d'oiseaux sauvages avec des gants et des masques. "Le risque de contagion de la faune sauvage aux animaux domestiques est minime, mais il existe, assure M. Pouzenc. Aux chasseurs de faire attention et d'appliquer les consignes sans céder à l'affolement. Car ce n'est pas en interdisant la chasse que les risques de contagion vont disparaître."
Claudia Courtois
Article paru dans l'édition du 18.10.05
"C e fut un grand moment de bonheur." Un homme aurait parlé de "grande réussite" . Aude de Thuin, fondatrice du Women's Forum (Forum des femmes), qui s'est tenu, pour sa première édition, à Deauville, du jeudi 13 au samedi 15 octobre, utilise des mots de femmes. Comme la Sud-Africaine Wendy Luhabe, qui a qualifié d'" intelligence émotionnelle" l'apport des femmes.
"Bonheur" ? En tout cas, les 550 participants (dont 25% d'hommes), venus de 41 pays, étaient très contents. D'abord parce que ce fut l'occasion de mesurer la misogynie de la France économique. Les femmes gagnent 30% de moins que les hommes aux mêmes postes. Les conseils d'administration ne comptent que 6% de femmes en France, contre 8% en Italie, 16% aux Etats-Unis et 34% en Norvège. "Même sur ce chapitre, le modèle français a échoué" , commente Anne Meaux, la patronne de la société de communication Image 7. Et de ne pas lâcher les PDG hommes qui étaient présents avant qu'ils ne prennent "des engagements concrets" , ce qu'ont fait notamment Philippe Wahl (Havas), Denis Olivennes (Fnac) et Didier Quillot (Orange France).
Mais le Forum ne veut pas être une CGT pour cadres supérieurs. Le but est beaucoup plus large. "La moitié des diplômés sont des femmes, c'est devenu un phénomène de société, les entreprises doivent s'y adapter" , soulignait Patricia Barbizet (Artémis).
Et, comme ces femmes "veulent tout" , c'est-à-dire réussir leur vie professionnelle sans louper leur vie privée, elles développent des qualités particulières, absentes chez les hommes et utiles aux entreprises. L'intelligence émotionnelle résume cette faculté de ne rien ignorer de ce qui est nécessaire dans le métier, mais d'avoir les pieds dans la vie réelle, avec un goût assumé du raisonnement intuitif. Mme Barbizet nuance en parlant d'affaire de génération plus que de sexe. Mais l'idée reste bien celle-là: les femmes "s'y prennent différemment" .
Or ce "différent" leur est commun. Peu importe le pays d'origine. Là sont la découverte des participantes et l'origine du "bonheur" éprouvé. Leurs soucis, leurs mots, leur idéalisme sont les mêmes en Chine ou aux Etats-Unis. Il faut s'appuyer dessus pour "faire le lien" avec les femmes du tiers-monde, rêve Mme de Thuin.
Humiliation, esclavage, violences quotidiennes, Taslima Nasreen est venue rappeler, dans un discours poignant, la situation des femmes dans son pays, le Bangladesh. La distance est grande entre les préoccupations des executive women du Nord et la misère des pauvres du Sud. Mais quand les hommes perdent la foi, 400 femmes affirment qu'elles croient encore à l'humanisme.
Elles le diront sans doute à nouveau lors du prochain forum, prévu pour octobre 2006.
Eric Le Boucher
Article paru dans l'édition du 18.10.05
Pour parvenir à l'égalité salariale hommes-femmes, le projet de loi du gouvernement prévoit des négociations dans les entreprises et une taxe en cas de résultats insuffisants. Est-ce...
| ... ou pas adapté: il n’est pas assez contraignant pour faire évoluer la situation Sans opinion |
U ne réunion qui à l'origine devait être largement consacrée aux négociations à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a été transformé en réunion d'urgence, suite à l'annonce d'un cas de grippe aviaire dans une petite exploitation d'une vingtaine de dindes située sur l'îlot d'Inousses, au large de l'le de Chios sur la mer Egée. Il s'agit de la première réunion au niveau politique concernant la grippe aviaire, depuis l'arrivée en Turquie et en Roumanie du virus H5N1.
L'Europe est prise entre la nécessité d'effectuer des tests pour vérifier la présence de foyers de grippe aviaire et la volonté de rassurer une population de plus en plus inquiète face à un virus qui pourrait muter et finir par se transmettre entre humains et provoquer une pandémie. Javier Solana, haut représentant de l'UE pour la politique étrangère et de sécurité commune, a estimé qu'il ne voyait aucune raison de "céder à la panique"
Je vais devoir insister sur la nécessité d'une coopération internationale", a déclaré, pout sa part, le commissaire européen à la Santé et à la Protection des concommateurs, Markos Kyprianou."Nous avons déjà pris toutes les mesures nécessaires", a-t'il affirmé à son arrivée à la réunion de Luxembourg. Le commissaire n'a cependant donné aucune information supplémentaire sur la situation en Grèce.
Le ministre des affaires étrangères britannique, Jack Straw, a, de son côté, estimé mardi que l'UE devait assurer " qu'il y a les plans d'urgence les plus adéquats en Europe pour faire face à toute transmission du virus aviaire aux êtres humains" en insistant sur le fait que le principal objectif de la réunion de Luxembourg serait de rassurer l'opinion publique européenne.
Alors que le commissaire européen à la Santé n'a donné aucune information supplémentaire l'Union européenne s'est déjà dit prête lundi à interdire les mouvements de volailles de la région grecque touchée, mais attend ce mardi des résultats d'analyses pour passer à l'acte.
Avec AFP et Reuters
LEMONDE.FR | 18.10.05 | 12h40
![]() AFP/GERARD CERLES
Philippe Douste-Blazy, arrive une réunion extraordinaire des 25 ministres des affaires des étrangères à propos de la grippe aviaire, le 18 octobre.
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L es ministres des affaires étrangères de l'Union européenne doivent se réunir en urgence mardi, tandis que la Grèce poursuivait ses tests sur un dindon touché par la grippe aviaire, pour établir si l'animal était infecté par la forme mortelle H5N1 du virus déjà rencontrée en Turquie et en Roumanie.
Le dindon analysé vient d'une petite exploitation d'une vingtaine de dindes située sur l'îlot d'Inousses, au large de l'île de Chio, a précisé le ministère de l'agriculture grec. Sur neuf échantillons de volailles, un a été testé positif aux anticorps H5 de la grippe aviaire, et de nouveaux tests sont menés pour "vérifier l'exactitude de l'analyse".
La Commission européenne a annoncé qu'elle se préparait à interdire le transfert des volailles vivantes et des produits aviaires hors de la zone de Chio. De son côté, le préfet de l'île, Polidoras Lambrinoudis, a indiqué qu'aucune volaille et aucun œuf n'étaient autorisés à quitter l'île. Si la présence de la souche H5N1 est confirmée, ce serait le premier cas de ce type dans l'Union européenne.
L'Europe est prise entre la nécessité d'effectuer des tests pour vérifier la présence de foyers de grippe aviaire et la volonté de rassurer une population de plus en plus inquiète face à un virus qui pourrait muter et finir par se transmettre entre humains. Les ministres des affaires étrangères de l'UE ont convoqué pour mardi une réunion d'urgence afin de discuter de l'attitude à adopter face à la menace potentielle que représente le virus.
Si l'UE appelle les Etats membres à pratiquer des tests sur les oiseaux morts, le Centre de l'Union européenne pour les maladies transmissibles a tenté de minimiser la menace pour la population."Le risque pour la santé humaine, pour la santé publique, est minime", a estimé Zsuzanna Jakab, directrice de ce centre lors d'une conférence de presse.
De nouveaux cas suspects ont été décelés en Roumanie. Après l'abattage massif de volailles lundi dans la région du delta du Danube, une zone étape pour les oiseaux migrateurs, douze cygnes retrouvés morts la semaine dernière sont en train d'être examinés.
Malgré les propos rassurants des autorités roumaines, la Bulgarie voisine préparait lundi une cellule de crise nationale après avoir renforcé les contrôles aux frontières et la surveillance d'élevages et de marécages près du Danube.
Avec Reuters
LEMONDE.FR | 18.10.05 | 08h39
L e conservateur Norbert Lammert a été élu président du Bundestag, la chambre allemande des députés, mardi 18 octobre, à Berlin, lors de la première session de la nouvelle assemblée après les élections législatives du 18 septembre. M. Lammert, âgé de 56 ans et député de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) depuis 25 ans, a été élu à une large majorité en obtenant 564 voix sur 607 députés présents alors que 25 ont voté contre et 17 se sont abstenus.
Il a obtenu plus de cent voix par rapport à la majorité que formera la "grande coalition" entre conservateurs et sociaux-démocrates. Dans la nouvelle assemblée, outre ces deux groupes, les libéraux du FDP ont 61 députés, le Parti de gauche 54 et les Verts 51. Le nouveau président a ensuite été félicité chaleureusement par la présidente de la CDU et future chancelière, Angela Merkel, qui l'a embrassé et lui a remis un bouquet de fleurs. Il succède au social-démocrate (SPD) Wolfgang Thierse pour devenir le deuxième homme d'Etat en Allemagne, derrière le président conservateur Horst Köhler.
Outre ses solide connaissances du fonctionnement du Bundestag, M. Lammert, originaire de Bochum, a occupé plusieurs postes de secrétaire d'Etat entre 1989 et 1998. Ce licencié d'Oxford en sciences politiques et en économie était chargé de la Culture dans l'équipe de campagne d'Angela Merkel. La réunion de la chambre basse du parlement, qui totalise 614 députés, soit 13 de plus que lors de la précédente législature, était présidée par le doyen de l'hémicycle, le ministre de l'Intérieur sortant Otto Schily, 73 ans.
Le Bundestag devrait ensuite élire les six vice-présidents de l'Assemblée, jamais aussi nombreux depuis l'après-guerre.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 18.10.05 | 12h59
L es ministres des affaires étrangères de l'Union ont appelé mardi 18 octobre à une "réaction internationale coordonnée" pour faire face à la "menace mondiale" que représente la grippe aviaire, à la sortie d'une réunion qui s'est tenue à Luxembourg. La veille, le premier cas suspect de l'Union avait été détecté, en Grèce.
"Nous ne pouvons pas nous protéger seuls, il faut une action internationale", a renchéri le commissaire à la santé européen, Markos Kyprianou. Son idée est notamment d'aider "les organisations internationales" qui mènent le débat sur le sujet. L'Organisation mondiale de la santé (OMS), celle de la santé animale (OIE) et la Banque mondiale sont concernées. Une réunion de l'ONU sur la grippe aviaire doit avoir lieu à Genève du 7 au 9 novembre.
Par ailleurs, le commissaire s'est voulu rassurant. "Je veux souligner que le fait que nous ayons ces apparitions en Europe n'augmente pas la probabilité" d'une pandémie, a insisté Markos Kyprianou, avant d'ajouter: "Mais, au cas où, nous devons nous préparer de façon appropriée". "Nous n'avons pas atteint le niveau de préparation que nous devrions" avoir, a-t-il précisé, en soulignant que les pays de l'UE ne s'étaient "pas tous" mis en conformité avec les recommandations de l'OMS, qui prévoit que 25 % de la population puisse être couverte.
Le Royaume-Uni, qui assure actuellement la présidence tournante de l'UE, "est en train d'élaborer un plan d'action complet qui sera soumis prochainement aux experts", a indiqué Jack Straw, le ministre des affaires étrangères britannique. Le document en préparation portera à la fois "sur les actions européennes pour prévenir et contrôler une propagation de la grippe aviaire" et sur "des mesures pour améliorer la préparation à une pandémie", a-t-il précisé.
Avec AFP, Reuters
Plus de 1 000 volailles mortes ont été découvertes pendant le week-end en Macédoine, dans les villages de Germijan et Mogila, au sud-ouest de Skopje. Un périmètre de sécurité de 3 km a été dressé autour de Mogila, d'où provient l'échantillon suspect.
En Grèce, où un premier cas du virus H5 a été détecté lundi 17 octobre, d'autres examens sont en cours. Un laboratoire de Salonique, spécialisé dans la grippe aviaire, examinait mardi une dinde morte et neuf nouveaux échantillons de sang, en provenance du même élevage familial que celui de la dinde porteuse du virus H5. Les premiers résultats sont attendus pour mercredi. Mais il faudra attendre lundi ou mardi pour savoir si ces volailles sont atteintes par le sous-type H5N1.
Selon les médias grecs, de nombreux autres éleveurs signalaient mardi des décès suspects. La télévision privée Méga a notamment cité le cas d'un éleveur ayant signalé le décès de 95 poulets, dans le nord du pays. Le ministère de l'agriculture n'a pas confirmé ce cas.
Avec AFP, Reuters
L e premier ministre, Dominique de Villepin, a annoncé mardi qu'il réunirait la semaine prochaine l'ensemble des groupes parlementaires pour faire le point sur la grippe aviaire. L'épizootie, qui "continue de s'étendre" avec de "nouveaux cas signalés" en Europe, est "vraisemblablement véhiculée par des oiseaux migrateurs, la France n'est donc pas à l'abri", a-t-il indiqué lors de la séance des questions d'actualité au gouvernement.
"Tous les Français seront tenus au courant en temps réel de l'évolution de la situation et des différentes mesures prises par le gouvernement. Je réunirai les représentants des groupes parlementaires la semaine prochaine afin de leur présenter les mesures et d'écouter leurs éventuelles propositions", a annoncé M. de Villepin.
"Face à ce risque, le gouvernement a mobilisé tous les moyens nécessaires. Nous avons d'ores et déjà un dispositif qui est opérationnel (...), nous avons défini un plan de prévention et de lutte contre la pandémie grippale, qui comporte un volet d'information, un volet de prévention et un volet de protection des Français", a-t-il ajouté.
"50 millions de masques sont en cours de livraison dans les hôpitaux. Notre stock atteindra les 200 millions au début de l'année prochaine. En ce qui concerne les antiviraux, nous disposerons de la fin de l'année des quantités nécessaires pour traiter 14 millions de personnes", a confirmé le premier ministre.
"Quant aux vaccins, nous avons réservé 40 millions de doses qui seront disponibles dès que le vaccin aura été élaboré", a ajouté M. de Villepin, qui a rappelé que la France, comme le reste de l'UE, avait "interdit toute importation de volailles en provenance des différents pays contaminés". "Nous avons également décidé de renforcer la surveillance des oiseaux migrateurs et des volailles d'élevage", a-t-il dit.
Avec AFP, Reuters
E n Espagne, le gouvernement a annoncé mardi la création d'une commission interministérielle permanente "de suivi et d'analyse" du virus. Cette commission, à peine constituée, a décidé de commander entre 6 et 10 millions de doses d'antiviral, pour faire face à une éventuelle épidémie humaine, a-t-on annoncé mardi de source officielle. Le pays avait déjà commandé deux millions de doses de Tamiflu au laboratoire Roche. En comparaison, la France et la Grande-Bretagne ont commandé chacune 15 millions de dose.
En Italie, les autorité de la région du Latium, où se trouve Rome, devaient discuter mardi d'une proposition visant à suspendre la chasse. "Parmi les mesures radicales à prendre contre la grippe aviaire, figure la suspension de la chasse, car il est désormais évident que le virus est transmis par les oiseaux migrateurs", a indiqué Franco Frattini, le commissaire européen en charge de la justice. Lundi 17 octobre, un expert avait estimé que "l'arrivée du virus de la grippe aviaire en Italie pourrait désormais n'être qu'une question de jours". "La Grèce et l'Italie sont sur la même latitude et cela signifie que si les oiseaux migrateurs porteurs du virus ont atteint la Grèce, certains sont déjà arrivés en Italie", avait précisé Ilaria Capua, spécialiste de l'institut de zooprophylaxie de Venise.
En Suède, l'administration nationale des douanes a annoncé mardi le renforcement de ses contrôles dans plusieurs aéroports, auprès des voyageurs en provenance de Turquie et de Roumanie. La mesure a pour but de "prévenir l'introduction dans le pays" de volaille ou de ses dérivés, a expliqué l'administration. Huit aéroports sont concernés.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 18.10.05 | 19h00
U n "possible" nouveau cas de grippe aviaire a été découvert en Roumanie, dans le delta du Danube (Sud-Est), à proximité de la frontière avec l'Ukraine, a déclaré mardi le ministre de l'agriculture, Gheorghe Flutur. "Des anticorps de la grippe aviaire ont été détectés sur un cygne", a-t-il indiqué. Des anticorps similaires ont également été décelés sur des cygnes retrouvés morts à proximité du village de Rosetti (Est) et sur un canard. Pour le ministre roumain, l'important est de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que le virus soit transmis aux volailles de basse-cour.
PLUS DE 1 200 ANALYSES
Selon lui, des tests doivent encore être effectués pour confirmer s'il s'agit bien du H5N1, souche mortelle déjà identifiée samedi à Ceamurlia de Jos par le laboratoire britannique de Weybridge. La Roumanie attend toujours les résultats des tests menés par ce même laboratoire sur des échantillons prélevés à Maliuc, considéré comme un deuxième foyer de grippe aviaire.
Au total plus de 1 200 analyses ont été effectuées ces derniers jours sur des échantillons prélevés dans le delta du Danube, a indiqué M. Flutur. Il se peut que ces tests révèlent la présence du virus de la grippe aviaire sur d'autres volatiles. Le ministre a également souligné que jusqu'ici aucun cas de grippe du poulet n'avait été signalé en dehors du delta, région "à haut risque" abritant l'une des principales réserves ornithologiques d'Europe et lieu privilégié d'hivernage pour des centaines de milliers d'oiseaux migrateurs.
Pour le moment, la Roumanie n'a signalé aucun cas de grippe aviaire chez les êtres humains.
Avec AFP
LEMONDE.FR | 18.10.05 | 09h54
F ace à la menace de l'émergence d'une pandémie grippale issue de l'épizootie due au virus H5N1, la Commission européenne commence à manifester de réels signes d'inquiétude. Rompant avec une politique caractérisée par le refus de toute forme de catastrophisme, elle a, pour la première fois, lundi 17 octobre, exhorté les Etats membres à améliorer leur arsenal préventif en renforçant leurs stocks nationaux de médicaments antiviraux, tout en incitant au développement de prototypes de vaccins.
L'Australie pour une vaccination généralisée L'Australie envisage de vacciner l'ensemble de sa population, soit une vingtaine de millions d'habitants, contre le virus de la grippe aviaire dès lors que des essais cliniques auront démontré l'efficacité d'un tel vaccin. "La meilleure chose que le gouvernement australien puisse faire est de s'assurer que, si une pandémie survient, nous soyons aussi bien préparés que possible pour y faire face" , a déclaré, le 18 octobre, Tony Abbott, ministre australien de la santé. M. Abbott a précisé qu'il attendait les résultats d'essais menés à partir d'un vaccin développé par la firme australienne CSL. L'Australie a déjà stocké quatre millions de traitements à partir des antiviraux Relenza (médicament développé par la multinationale britannique GlaxoSmithKline) et Tamiflu (Roche). Ces deux médicaments sont considérés comme les plus efficaces pour le traitement de la grippe aviaire chez l'homme. Pour répondre notamment à la demande du gouvernement australien, les responsables de GlaxoSmithKline viennent d'annoncer leur décision de rouvrir une unité de Melbourne afin d'y fabriquer du Relenza à partir de la mi-2006. |
Bruxelles recommande ainsi aux Etats membres de se conformer aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui estime que les réserves d'antiviraux disponibles doivent permettre de protéger 25 % de la population de chaque Etat. Si l'on en croit les services de la Commission, cet objectif est bien loin d'être atteint au sein de l'Union où, en moyenne, une personne sur dix pourrait bénéficier d'un traitement médicamenteux en cas de pandémie.
Neuf pays dont les noms ne sont pas précisés n'ont, sur ce thème, fourni aucune donnée à Bruxelles. "Nous ne sommes pas satisfaits de l'état des stocks. Tous les Etats membres ont des efforts à faire dans ce domaine", a déclaré Philip Tod, porte-parole de Markos Kyprianou, commissaire européen à la santé. Plusieurs petits pays européens redoutent aujourd'hui les conséquences de la compétition à laquelle se livrent les principaux pays industriels pour acquérir au plus vite de gros volumes de Tamiflu (ou Oseltamivir). Cet antiviral, pour lequel la multinationale pharmaceutique Roche détient une licence exclusive, est, en pratique, le seul médicament à avoir démontré une relative efficacité contre l'infection humaine par le virus H5N1.
Pour tenter de limiter les effets néfastes de cette compétition, M. Kyprianou vient de demander aux Etats membres de se coordonner pour obtenir une augmentation des capacités de production. Mardi 18 octobre, à Bâle, la direction de Roche a, pour sa part, annoncé être en mesure d'augmenter rapidement son volume de production de Tamiflu grâce au feu vert donné par la Food and Drug Administration américaine pour un nouveau site industriel. Les dirigeants de la multinationale suisse ont, à cette occasion, rappelé leur souhait d'entrer en négociation avec les gouvernements et d'autres fabricants pharmaceutiques afin d'étudier les modalités pratiques d'une intensification de la production mondiale de Tamiflu. Ils ont par ailleurs indiqué avoir été, il y a peu, contactés sur ce sujet par le gouvernement de Taïwan et procéder à l'examen de cette proposition. Selon Roche, il s'agit là de la seule offre de collaboration présentée par un pays reçue à ce jour par la multinationale. Il y a quelques jours, un responsable taïwanais de la santé avait indiqué que son pays avait produit de petites quantités de Tamiflu et qu'il cherchait à obtenir une licence secondaire pour la fabrication de ce médicament.
Le commissaire européen à la santé devait d'autre part faire le point, mardi 18 octobre au Luxembourg, sur les risques d'émergence d'une pandémie grippale lors d'une réunion extraordinaire des ministres des affaires étrangères. "Il n'y a rien de très concret à attendre de cette rencontre ; elle pourrait néanmoins permettre de coordonner les efforts en direction des pays tiers, là où transitent les oiseaux migrateurs qui semblent à l'origine de l'épizootie en Europe" , confie un diplomate. Les ministres européens de la santé devraient, quant à eux, approfondir les discussions lors d'un conseil informel santé, jeudi 20 et vendredi 21 octobre à Londres.
C'est dans ce contexte qu'une série d'informations a priori inquiétantes en provenance du front de l'épizootie ont été rendues publiques. On a ainsi appris, lundi 17 octobre, qu'après ceux de Turquie et de Roumanie, un nouveau foyer épizootique avait été identifié en Grèce. Des examens complémentaires sont en cours pour vérifier si le virus retrouvé chez un dindon élevé dans une petite exploitation située sur l'îlot d'Inousses, au large de l'île de Chios, est bien un sous-type H5N1. Si tel était le cas, il faudrait en conclure que l'épizootie a désormais atteint l'espace de l'Union européenne et que les oiseaux migrateurs doivent bien être considérés comme le vecteur principal de diffusion du virus H5N1.
La Commission européenne a annoncé que, dans l'attente des résultats virologiques, elle se préparait à interdire le transfert des volailles vivantes et des produits aviaires hors de la zone de Chios. Bruxelles exige aussi que la Croatie procède au plus vite à des analyses approfondies pour déterminer la cause du décès d'étourneaux, eux aussi soupçonnés d'être victimes de la grippe aviaire.
On apprenait enfin, dans la matinée du mardi 18 octobre, qu'un nouveau foyer épizootique avait été identifié en Roumanie, dans le delta du Danube où un cygne a été découvert porteur des anticorps dirigés contre un virus de la grippe aviaire.
Jean-Yves Nau et Philippe Ricard (à Bruxelles)
Article paru dans l'édition du 19.10.05
F ace à la crainte d'une pandémie de grippe aviaire, le laboratoire indien Cipla (acronyme anglais de Laboratoire chimique, industriel et pharmaceutique) a annoncé, samedi 15 octobre, qu'il avait commencé à fabriquer une version générique du Tamiflu, médicament commercialisé par le géant pharmaceutique suisse Roche. "Juste ou non, nous allons fabriquer et commercialiser l'Oseltamivir -nom générique du Tamiflu-", a affirmé au New York Times Yusuf K. Hamied, président de Cipla, sans nier le risque potentiel de problèmes liés à la propriété intellectuelle avec Roche.
Interrogé à Marbella, en Espagne, où il se trouve, M. Hamied a, d'autre part, expliqué à l'Indian Express : "Notre effort vise à sensibiliser la population et le gouvernement. Si la grippe aviaire s'étend, la population doit être préparée. Je ne sais pas quelles mesures de représailles -pourrait prendre Roche-, mais notre démarche est humanitaire." "Nous avons déjà commencé la production de l'Oseltamivir et, maintenant, le processus de commercialisation est en route. Le marché, incluant l'Inde, est ouvert" , a ajouté M. Hamied, en soulignant que son laboratoire pourrait commercialiser de petites quantités d'Oseltamivir dès le début de 2006.
Depuis janvier 2005, les lois indiennes sur les brevets, devenues plus sévères pour répondre aux exigences de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), protègent non seulement comme c'était le cas jusque-là les procédés de fabrication, mais les molécules. Toutes les molécules déclarées après le 1er janvier 1995 bénéficient d'une protection en Inde. Le brevet du Tamiflu a été déposé en Inde le 26 février 1995 : il est donc protégé, mais, en cas d'épidémie, le gouvernement indien pourrait se trouver moins regardant sur les dates.
Pour l'instant, l'Inde n'a pas décelé de cas de virus H5N1, mais Roche a déposé devant le ministère de la santé une demande de permission pour vendre le Tamiflu. Le ministère affirme qu'il va rapidement examiner cette demande pour répondre à une éventuelle menace. A 60 dollars par traitement, le Tamiflu risque toutefois d'être inaccessible à la majorité des Indiens, dont plus de 300 millions vivent avec 1 dollar par jour.
Fils du fondateur de Cipla, Yusuf Hamied n'est pas un novice dans la copie de médicaments. Il s'était déjà rendu célèbre, en 2001, en concluant un accord avec l'organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF) pour lui vendre la trithérapie de lutte contre le sida, reprise à partir de produits développés en Europe et aux Etats-Unis, à 350 dollars par patient et par an et à 600 dollars pour les gouvernements, au lieu des 10 000 ou 15 000 dollars pratiqués alors aux Etats-Unis ou en Europe.
Depuis, approuvé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), cette trithérapie est utilisée par 500 000 personnes dans le monde. Le docteur Hamied se défend d'être l'ennemi des multinationales, mais il affirme se battre pour le droit à la santé des pauvres. Basé à Bombay, Cipla est le troisième fabricant de médicaments en Inde. Il manufacture plus de 400 médicaments dans 20 centres ultramodernes et exporte dans 125 pays.
Françoise Chipaux
Article paru dans l'édition du 19.10.05
L e rapport Guerre et paix au XXIe siècle, publié lundi 17 octobre par le Human Security Center, va à l'encontre de beaucoup d'idées reçues, notamment en Europe, sur l'évolution des conflits armés depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Fruit de trois années d'études menées par un ancien directeur de la planification stratégique de l'ONU, Andrew Mack, ce document tente de combler une véritable lacune scientifique et statistique.
Les enseignements sont multiples sur les changements intervenus depuis 1990 et la fin de la guerre froide : réduction de 80 % du nombre de génocides et autres massacres d'ampleur ; réduction de 40 % du nombre de conflits ; réduction phénoménale du nombre de morts par conflit (38 000 en moyenne dans les années 1950 ; 600 aujourd'hui), réduction de 30 % du nombre de réfugiés dans le monde, etc. Reste une indication très négative: alors que des conflits du passé frappaient souvent majoritairement les combattants, les victimes des guerres actuelles sont à 90 % des civils.
Au cours de la période 1945-1990, le monde était donc à feu et à sang. Depuis 1990, il est plus sûr. On s'y fait moins la guerre, on y meurt moins. Ces informations vont à l'encontre des croyances des opinions publiques occidentales, touchées par des conflits très meurtriers (Bosnie, Rwanda, Tchétchénie...).
Elles traduisent pourtant une évolution fondamentale : tandis que la diplomatie de la guerre froide était créatrice de conflits (hormis sur le sol occidental lui-même), la diplomatie, depuis 1990, cherche avec constante à devenir créatrice de paix. On ne compte plus les initiatives dans le domaine de la recherche et du maintien de la paix, de la justice internationale, même si certaines se soldent par des échecs sanglants comme à Sarajevo ou à Kigali.
Le monde est plus sûr parce qu'aucun Etat ne peut aujourd'hui anéantir sa propre population ou envahir son voisin sans que cela pose un problème à la communauté internationale. C'est elle ensuite qui décide d'intervenir (Kosovo, Timor-Oriental...) ou de fermer les yeux (Tchétchénie).
Cette diplomatie post-guerre froide de la recherche de la paix a aussi entraîné un changement d'attitude des armées, notamment occidentales. La préoccupation des militaires n'est plus seulement d'anéantir l'ennemi ; elle est aussi d'assurer la protection et la survie de leurs hommes.
Il est toutefois impossible de prétendre que la sécurité du monde n'est pas en danger. Comme l'explique Gareth Evans, le président de l'International Crisis Group, l'un des meilleurs observatoires des conflits, trois types de menaces guettent le monde : la prolifération des armes de destruction massive, notamment nucléaires , le terrorisme et enfin la remise en cause par la première puissance mondiale, les Etats-Unis d'Amérique, d'un ordre international, et notamment de l'ONU qui, malgré ses échecs, a considérablement aidé le monde, depuis 1990, à éteindre certains de ses feux.
Article paru dans l'édition du 19.10.05
gerald+n
♦ 19.10.05 | 09h01 ♦ Doit on dire un monde plus sûr ou un monde moins incertain ? ... et une analyse globale a-t-elle valeur ponctuellement ? Autrement dit, pour qui le monde est-il plus sûr ? Qui donc ne se fait plus de guerres comme autrefois et qui s’en fait maintenant , et au profit de qui ? Les innocents victimes d’une guerre, si petite soit-elle, manipulée par des grandes puissances avec un objectif cahché sont-ils en droit de croire que le monde est plus sûr ?!
-amanda-
♦ 19.10.05 | 08h05 ♦ Le monde est plus sûr pour qui, pour les touristes ? C’est choquant dans Le Monde. Cette définition de "guerre" semble exclure tous les conflits armés, indirectement dirigés, non officialisés, non médiatisés (Amérique du sud, Amérique centrale, Afrique) les guerrillas, les famines organisées (spoliations, appauvrissement volontaire des terres) les génocides silencieux. Elle passe sous silence la guerre économique, et son travail des enfants, ses populations entières asservies etc
Emmanuel H.
♦ 19.10.05 | 00h01 ♦ Je n’ai droit qu’à 500 signes pour répondre à cet article qui en compte plus de 3000!! Le XXeme siècle est l’un des plus meurtriers et des plus cruels de l’histoire humaine et sur une plus longue échelle depuis l’avènement de nos prétendus démocratie je n’ose compter. "Depuis 1990, il est plus sûr", des fois je regrette vraiment que Coluche ne soit plus là. Bon je m’en vais dormir sur mes deux oreilles :0)
♦ 18.10.05 | 20h05 ♦ d accord avec azebolu il faudrait nous fournir le mode de calcul quid des conflits en Afrique ? en Colombie ? en Irak ? voir au Mexique ? au Brésil ? en Tchétchénie ? au nord de l’Inde et du Pakistan ? au Népal ? a Haitie ? et j’en oublie...
ALBERT F.
♦ 18.10.05 | 18h50 ♦ Merci à la mondialisation. Le global village, qui permet de tout savoir sur tout n’isole pas seulement les dictateurs. Il sape peu à peu et inexorablement la sacro sainte "raison d’Etat", qui a toujours servi à justifier l’inqualifiable et le crime au plus haut niveau. Merci à la menace réelle que fait peser sur les assassins d’Etat le tribunal pénal international.La guerre devra bien un jour être mise hors la loi et les fauteurs de guerre poursuivis pour crime contre la paix.
Deathwind
♦ 18.10.05 | 18h37 ♦ Un très bon exemple de l’intérêt à prendre du recul et à ne pas réagir aux nouvelles au "jour le jour" des médias. Et ce qui vaut pour les conflits vaut aussi pour l’écologie, l’économie. De manière générale, notre monde va mieux. Bien sur tout n’est pas parfait mais en exagérant les difficultés, on fausse le calcul nécessaire entre les couts et les avantages de tel ou tel choix.
ompin
♦ 18.10.05 | 18h29 ♦ La "troisième" source d’inquiétude, à savoir le non respect par le plus puissant des états (USA) et d’autres (Israel avec le soutien du premier), est la plus dangereuse Comment précher le respect du droit défini et accepté généralement pas la communauté des états alors qu’on s’en exonère?
azebolu
♦ 18.10.05 | 17h23 ♦ 600 morts par conflit aujourd’hui. Je rêve ou quoi. Combien de morts a fait le conflit en Irak ? En moyenne par année me direz-vous, éclairés que vous êtes, idiot que je suis. Alors on met dans la moyenne les morts par conflit décomptés au Luxembourg, à Monaco, à Madère !!! Là bien sûr, la moyenne fait une chute vertigineuse. C’est quoi une moyenne de morts dans une année ? C’est un scandal comme dirait Georges, de la poudre aux yeux, une berceuse pour nous endormir et nous faire croire.........
JPG
♦ 18.10.05 | 17h03 ♦ Un monde plus sûr ? on y meurt moins ? Acceptons-en l’augure. Toutefois, afin d’équilibrer un peu ces "statistiques" bien optimistes, il serait bon de mettre en face les victimes civiles et de faire un bilan global. Le "résultat" pourrait en être bien plus troublant..
jacklittle
♦ 18.10.05 | 16h43 ♦ Un monde plus sûr,on s’y fait moins la guerre,on y meurt moins.Oui,c’est un fait.Mais,décidément le temps présent est plein de paradoxes:le terrorisme tue à l’aveugle partout :crainte.La quasi-planète est menaçée d’une pandémie d’influenza :crainte.L’industrialisation mal maîtrisée cause des pollutions :crainte.La consommation effrénée qui en découle fait peser une menace de pénurie d’énergie :crainte.Globalement la surpopulation mondiale voit poindre à long terme le spectre de la famine:crainte
donostib
♦ 18.10.05 | 16h36 ♦ Un monde plus sûr mais un univers moins certain.Il paraît en effet que rien ne va moins bien qu’avant. La pauvreté a diminué de 8 à 10 points depuis les années 70, les guerres sont plus rares et moins coûteuses en vies, les gens vivent plus vieux et plus longtemps, le nombre des morts baisse sur les routes de manière significative, les maladies cardiaques tuent moins qu’avant, les réfugiés ne se comptent plus par millions... Bref, nous nageons quasiment dans le bonheur sans finalement le savoir.
clo.clo
♦ 18.10.05 | 15h35 ♦ En prenant beaucoup de recul par rapport au moment, en survolant par exemple les 50 dernières années, j’ai toujours pensé que je vis plus cool maintenant qu’il y a 20 ou 30 ans. Je me souviens du temps de la guerre froide, la peur "foide" et omnipresente de la "bombe" sur nous, des tensions et missiles pointés sur l’Europe, des chars sovietiques ( marrant ce mot !! ) à 3 heures de Paris, bref ce n’etait pas drole, et je suis d’accord, je prefere nettement vivre actuellement qu’avant.
Grichka10
♦ 18.10.05 | 15h25 ♦ L’intérêt qui commence à être porté par l’ONU au principe de défense d’une population contre les exactions de ses propres dirigeants est une grande lueur d’espoir pour l’évolution positives des droits de l’homme et la fin des phénomènes génocidaires. L’intervention des USA en irak a certe secoué l’ONU et la Communauté Internationale mais ces deux dernières n’avaient elles pas besoin d’etre un peu bousculée??? Les dictateurs se sentent un peu plus seuls aujourd’hui qu’à la fin du 20ème siècle.
C es deux-là ne s'aiment pas. Leur dernière rencontre en atteste. L'ambiance était électrique, ce mercredi 6 juillet, dans le bureau du président de l'UMP, à Paris, rue La Boétie. C'est là, et non Place Beauvau, que Nicolas Sarkozy, le ministre de l'intérieur, avait choisi de recevoir, en compagnie de son directeur de cabinet, Claude Guéant, le président de l'Union syndicale des magistrats (USM, modérée). Dominique Barella était venu avec un autre membre du syndicat, Luc Barbier, juge à Paris.
M. Barbier garde de cet entretien un souvenir "apocalyptique". Ce jour-là, M. Sarkozy a dressé lui-même le constat de son inimitié : "Sarkozy n'aime pas Barella. Et Barella n'aime pas Sarkozy", aurait dit, selon les deux magistrats, le ministre de l'intérieur, avant de convenir : "C'est moi qui ai allumé la mèche." Dans l'entourage de M. Sarkozy, on n'a pas la même version : "La rencontre a connu un début crispé, mais s'est bien terminée, affirme Claude Guéant. On s'était promis de travailler sur la responsabilité des magistrats."
Les relations entre M. Sarkozy et M. Barella sont tendues depuis longtemps. Début 2004, après l'émission de France 2 "100 minutes pour convaincre" dont le ministre de l'intérieur était l'invité, le responsable syndical lui avait demandé de lui transmettre son dossier établi par les renseignements généraux (RG). Il l'a finalement obtenu après avoir saisi la Commission nationale informatique et libertés (CNIL). Celui-ci contient de nombreuses informations personnelles, évoquant notamment un procès gagné contre le maire de Saintes (Charente-Maritime) pour radiation abusive des listes électorales.
La tension entre les deux hommes est montée d'un cran quand M. Sarkozy, le 22 juin, a appelé à faire "payer pour sa faute" un juge, après un meurtre commis par un homme en liberté conditionnelle. Le ministre avait été rappelé à l'ordre par Dominique de Villepin. La rencontre du 6 juillet est intervenue dans ce contexte.
"J'ai voulu partir, raconte M. Barbier. Je suis sorti de là choqué. Le ton du ministre était celui d'un homme qui ne supporte pas que quelqu'un se dresse sur son chemin." Responsabilité des juges, collaboration police-justice : au-delà des thèmes de travail, la conversation a dérapé. A trois reprises, le ministre de l'intérieur aurait lancé à M. Barella : "Vous ne me faites pas peur !"
Le ton est monté quand l'USM a affirmé que les magistrats allaient créer des "observatoires des erreurs policières" pour répondre aux "observatoires des bavures judiciaires" des syndicats de policiers. "Le directeur de cabinet m'a dit : mais vous aussi, vous avez eu affaire à la justice" , en référence au contenu de son dossier des RG, assure M. Barella. M. Guéant qualifie ce récit de "mensonge" . "Cela devient difficile de discuter avec M. Barella, à partir du moment où on ne peut plus avoir un dialogue sain et fr anc", souligne le directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy.
Le 14 octobre, Dominique Barella s'est de nouveau attiré les foudres du ministre pour avoir critiqué la police lors du congrès de l'USM. M. Barella a évoqué des bavures citées dans les rapports publics de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), notamment "les viols commis par les policiers."
Samedi 15, l'UMP a publié un communiqué titré : "Dominique Barella dérape." L'entourage de M. Sarkozy a en outre fait valoir que M. Barella menait un combat politique, soulignant qu'il était adhérent du Parti socialiste depuis l'âge de 19 ans et affirmant qu'il était candidat à la mairie de Saintes, ville où il est installé de longue date.
Le magistrat souligne qu'il n'a jamais fait état de son adhésion au PS et que celle-ci ressort de la sphère privée. S'il estime sa carrière de magistrat "fichue" en raison de son engagement syndical et des inimitiés que celle-ci lui a suscitées, il dément tout projet électoral pour 2008. "Dans un article publié dans Sud-Ouest -le 25 août-, j'ai répondu que ce ne serait pas illogique, que l'idée était intéressante, mais que ce n'était pas à moi d'en décider et que ce n'était pas le moment", explique-t-il. Tout est, en fait, parti d'une information publiée dans le numéro de janvier de L'écho des Arènes , le journal local du député (UMP) Xavier de Roux.
Le 3 octobre, les services de M. Sarkozy ont annulé, au dernier moment, le nouveau rendez-vous pris avec le patron de l'USM.
Nathalie Guibert et Piotr Smolar
Article paru dans l'édition du 19.10.05
L a demande suivra-t-elle l'offre ? A dix-huit mois de la présidentielle de 2007, candidats réels, candidats à la candidature, candidats masqués, candidats de témoignage dépassent la vingtaine. Tous les partis (LCR, LO, PCF, Verts, PS, UDF, UMP, MPF, FN, MNR) envisagent de se présenter sous leurs couleurs, sans compter les petites composantes qui revendiquent, elles aussi, un droit d'expression.
Les ambitions déclarées et les autres Ceux qui se sont déjà portés candidats : Jean-Marie Le Pen, Bruno Mégret, Nicolas Dupont-Aignan, Nicolas Sarkozy, Jack Lang, Laurent Fabius, Ségolène Royal, Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn, Noël Mamère, Dominique Voynet, Jean Desessard, Yves Cochet, Arlette Laguiller. On peut ajouter les candidatures potentielles de François Hollande, François Bayrou et peut-être Dominique de Villepin, Marie-George Buffet, Olivier Besancenot et José Bové. |
La tendance à la multiplication des candidatures, constatée en 2002, se confirme et s'amplifie, faisant planer sur le scrutin de 2007 le risque d'un nouveau 21 avril. D'autant que, parallèlement, les Français continuent d'afficher leur méfiance pour leurs élus. Sondés par CSA pour Le Parisien du 10 octobre, ils sont 76 % à ne "pas leur faire confiance". Seuls 22 % d'entre eux disent avoir une bonne image des politiques, bien après les infirmières, les enseignants, les juges ou les journalistes...
Pour Dominique Reynié, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, ces deux mouvements sont l'expression d'un même problème : "En accélérant le temps politique, le quinquennat a normalisé la fonction présidentielle et, en lui faisant perdre son caractère exceptionnel, il l'a déclassée. L'accès à la fonction est désormais envisagé par un plus grand nombre de gens."
"Ce phénomène est la traduction d'une recherche confuse de thématiques et de personnalités alternatives par les Français, explique Pascal Perrineau, directeur du Cevipof. Il ne faut pas déplorer l'éclatement de l'offre politique, mais y voir au contraire une manière de sortir de la crise de la représentation." "Encore faudrait-il que les "fournisseurs d'idées" différencient leur production", ironise le chercheur Thierry Pech, animateur du club La République des idées. Le nombre de candidatures paraît inversement proportionnel à la différence réelle de leur contenu politique. La cause de cette inflation est davantage à rechercher dans les stratégies personnelles, notamment au PS."
Car aux divisions traditionnelles de la gauche s'ajoutent à présent les clivages à l'intérieur d'un même parti, notamment au PS. Exacerbés par la question européenne et par la campagne référendaire sur le traité constitutionnel européen, les affrontements internes ont fait naître une nouvelle "revendication de représentation" chez les partisans du non, qui souhaitent faire fructifier leur victoire du 29 mai 2005. Pour Henri Rey, chercheur au Cevipof, "cette diversité devient traditionnelle et atteste la complexification de la gauche". En témoignent, au PS, les candidatures à la candidature de Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, Jack Lang, Ségolène Royal ou encore celle, attendue, de François Hollande.
Professeur de science politique à Nice et à Paris, Laurent Bouvet souligne un paradoxe : "Le PS a parfaitement intégré les mécanismes de la Ve République à son logiciel , analyse-t-il. Les socialistes ont fini par admettre que tout découle de la présidentielle, comme le prouve l'abondance d'ambitions personnelles, mais ils n'admettent toujours pas que ce scrutin procède de la rencontre d'un homme et d'un peuple. Le candidat doit préexister au projet et non pas l'inverse."
L'UMP, toutefois, n'est pas en reste. L'annonce de candidature, samedi 15 octobre, du député (UMP) de l'Essonne et souverainiste républicain Nicolas Dupont-Aignan pourrait porter à trois le nombre de candidats de l'ex-parti chiraquien. Elle vient en effet enrichir l'offre déjà présentée par le président du parti, Nicolas Sarkozy, et peut-être par Dominique de Villepin.
Dans ces conditions de concurrence extrême, nombreux sont les politologues qui doutent de la capacité des primaires, au PS comme à l'UMP, à "écrémer" les candidats potentiels. Pour M. Reynié, les "procédures de démocratie partitaire" ne garantissent plus l'unicité des candidatures ni la discipline. Selon lui, le référendum interne au PS sur l'Europe, remporté par les partisans du oui, a montré les limites de la discipline militante, puisque les partisans du non n'ont pas abdiqué leurs convictions.
"Le déroulement des élections internes risque cette fois d'échapper à leurs organisateurs, poursuit M. Reynié. En disant "Je suis libre" comme Sarkozy et Fabius, on sacralise à l'extrême la démarche et un projet personnel au détriment de la règle collective. Cela me paraît relever d'une forme de désobéissance civile." "Il y a désormais des candidats qui ont intérêt à court-circuiter l'appareil" , note Thierry Pech.
Est-il alors encore possible de limiter les candidatures, en relevant le nombre des parrainages nécessaires ou en assurant la traçabilité des soutiens à tel ou tel prétendant ?
"Difficile à faire, admettent les chercheurs, surtout dans un contexte où le premier tour peut se jouer à moins de 15 % et où les règles de financement politique limitent le risque. Dans ces conditions, tout le monde peut jouer."
Reste alors l'"autodiscipline" et, peut-être, une juste appréciation du rapport de forces pour décourager les moins téméraires. Mais l'émiettement des candidatures apparaît bel et bien comme une nouvelle donne. En 1965, lors de la première élection présidentielle au suffrage universel, ils étaient 6 candidats en lice, 7 en 1969, 12 en 1974, 10 en 1981, 9 en 1988 et en 1995, 16 en 2002. Record à battre.
Philippe Ridet
Article paru dans l'édition du 19.10.05
L a place particulière qu'occupe Lionel Jospin dans le paysage socialiste ne le met pas au-dessus de la mêlée. L'ancien premier ministre, qui ne s'était plus exprimé depuis le référendum sur la Constitution européenne, revient avec un livre, Le Monde comme je le vois , à paraître le 27 octobre chez Gallimard, dont le titre tient plus du programme d'un candidat que du témoignage d'un retraité.
Lundi 17 octobre, il y a ajouté un commentaire. Devant les portes de sa section PS, dans le 18e arrondissement de Paris, Lionel Jospin s'est arrêté quelques instants pour assurer que le livre n'a "rien à voir" avec le congrès du parti prévu au Mans du 18 au 20 novembre.
Du PS, toutefois, il en a bien été question, lundi soir, dans le local de la rue de Trétaigne, qui accueillait à huis clos un débat sur les textes soumis au vote des militants pour le congrès. A la veille, du duel très attendu, mardi, entre François Hollande et Laurent Fabius à La Mutualité, il s'est frayé une place : "Je soutiens la motion 1 -de Hollande- parce que je pense qu'elle représente une orientation clairement à gauche, et qui a l'avantage d'être réaliste , a-t-il indiqué. Je la soutiens parce que la majorité qui peut se constituer derrière elle est plus cohérente que la coalition des minorités , si on pense aux positions différentes prises dans le temps par les uns et les autres." Dernier argument, avant de s'engouffrer dans la salle : "Le fait de choisir François Hollande pour premier secrétaire me paraît un bon choix."
A l'intérieur, toutefois, ce "soutien" s'est manifesté de façon nettement plus distante. Selon plusieurs participants, qui avaient pris des notes, l'ancien premier ministre a exprimé des doutes sur les chances de la gauche, dans la configuration actuelle, de l'emporter en 2007. "Nous espérons l'alternance, mais rien n'est moins sûr" , a-t-il expliqué en évoquant un PS "tourné vers lui-même", ce qu'il trouve "bien normal dans la période actuelle". Il a poursuivi en pointant le "risque d'une succession de la droite" , qualifiée au passage de "très mauvaise gestionnaire". "Pour conjurer ce risque" , a-t-il souligné, "il faut un parti en ordre de marche, un projet réaliste et une stratégie de rassemblement de la gauche autour du PS".
Pour Lionel Jospin, les élections régionales et cantonales du printemps 2004, que François Hollande met souvent en avant afin de défendre son bilan, "ont été effacées par le travers du référendum du 29 mai 2005". Il en veut à Attac, et a exhorté les militants PS qui en seraient membres à interpeller les dirigeants de l'organisation altermondialiste. Il en veut à l'extrême gauche "à quelle réforme peut-elle attacher son nom depuis 1936 ?" et conseillé le PS d'en "finir avec le révolutionnarisme".
Pour autant, l'ex-dirigeant socialiste n'a pas trouvé de "divergences" fondamentales entre les motions, même si "pour certaines, il manque la capacité à transformer le réel". Dans cette section acquise à la majorité du parti, aucun représentant de la motion Fabius n'était présent pour la défendre. Contre le parlementarisme d'Arnaud Montebourg et de son courant Nouveau Parti socialiste (NPS), Lionel Jospin a opposé "le droit des Français à élire le président de la République, même s'ils l'ont escamoté en 2002" . Au PS, a-t-il assuré, "le candidat sera choisi par les militants". Voire . Les prétendants sont désormais si nombreux qu'une simple primaire, comme en 1995, lorsque les adhérents avaient choisi entre Lionel Jospin et Henri Emmanuelli, ne semble plus suffire. Face à Laurent Fabius, les candidats, dans le camp de François Hollande, sont déjà quatre : Dominique Strauss-Kahn, Jack Lang, Martine Aubry, Ségolène Royal auquel s'ajoutera sans doute François Hollande en cas de victoire de sa motion au congrès.
Du coup, la direction étudie le scénario d'une "procédure" spécifique. Selon François Hollande, les cadres de la majorité, et non l'ensemble des militants, pourraient voter pour celui ou celle qui leur paraît le mieux placé... Cette hypothèse éliminerait de la course Lionel Jospin qui ne se confrontera jamais aux autres candidats. Son retour n'est possible que si le parti et François Hollande lui demandent de "faire son devoir", un peu comme Henri Emmanuelli avait tenté d'en persuader Jacques Delors en 1995.
Lundi soir, Lionel Jospin a convié tous les militants parisiens à une séance de dédicaces de son livre, le 5 novembre, à Paris.
Isabelle Mandraud
Article paru dans l'édition du 19.10.05
B ien qu'approuvée à l'unanimité par le bureau politique (BP) du 17 octobre, la nomination de Louis Aliot au poste de secrétaire général du Front national inquiète des cadres du parti.. Ils voient dans la promotion de ce dernier un début de mainmise de Marine Le Pen sur l'appareil.
Proche du président du FN, cet ancien directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen est aussi un maillon essentiel de l'entourage de la vice-présidente du FN. Il était jusqu'à la semaine dernière le secrétaire général de Génération Le Pen, une association qu'elle préside, et surtout son chef de cabinet et conseiller.
Certains membres du bureau politique proches de Bruno Gollnisch, sont, comme Christian Baeckeroot, convaincus qu'en faisant de M. Aliot le numéro 3 du parti, M. Le Pen prépare sa succession en faveur de Marine. Qu'il installe "un dispositif pour que sa fille puisse se porter candidate à l'élection présidentielle si lui-même en est empêché" . "C'est une hypothèse qui se tient, estime Marie-France Stirbois. Regardez ce qui s'est passé en PACA, lors des élections régionales. Jean-Marie Le Pen n'a pas pu être candidat. Pourquoi cela ne se renouvellerait-il pas ?"
"Mais d'où tiennent-ils ce renseignement ? D'une confidence que je leur aurais faite sur l'oreiller ?" , ironise Jean-Marie Le Pen . "Je suis un homme franc, droit du collier. J'ai dit que j'étais candidat. Je ne fais pas de pacte sur une succession future. Cette idée est farfelue, le fruit de supputations de quelques personnes" , déclare-t-il.
"Décidément Christian Baeckeroot fait une fixation sur moi, lance Marine Le Pen. Il n'y a aucune raison pour que Jean-Marie Le Pen ne puisse pas se présenter. Il n'est pas dans notre culture de baisser les bras et nous ferons tout pour qu'il obtienne ses signatures. Je ne pense pas que ce sera plus dur qu'en 2002. Je vois en effet difficilement comment on pourrait refuser à quelqu'un qui a été au deuxième tour de l'élection présidentielle de 2002 de se présenter en 2007." "Je n'imagine pas une seconde que Jean- Marie Le Pen puisse donner sa place à sa fille" , répond, catégorique, M. Aliot.
"Le Pen mourra sur scène. Vous l'avez vu à la fête des Bleu-Blanc-Rouge -BBR- ? Il était heureux comme tout de serrer les mains, de lécher les pommes des petites vieilles, et de se faire prendre en photo. Jamais il ne laissera sa place à Marine. En plus ce serait une erreur. Marine doit attendre encore un peu pour s'affirmer dans l'appareil. 2007 c'est trop tôt. Ce serait un suicide", affirme Yann Le Pen, cadette de la famille et organisatrice des BBR.
"Je ne crois pas que Le Pen souhaite passer la main ", reconnaît un membre du bureau exécutif, proche de Bruno Gollnisch. "Mais l'hypothèse d'un passage de témoin entre lui et sa fille n'est pas absurde, surtout dans le contexte actuel" , poursuit-il en faisant référence à l'approbation par le dernier bureau politique de la nomination d'Alain Vizier, le directeur de la communication, un fidèle de M. Le Pen, qui a favorisé la montée médiatique de Marine Le Pen.
De même ce membre du bureau exécutif note-t-il la "mise à l'écart" de Philippe de Beauregard, secrétaire départemental du Var proche de M. Gollnisch, et qui a été remplacé par Jean-Louis Bouguerau. Une décision motivée par "le fai t qu'il -M. Beauregard- est employé de la mairie d'Orange", a expliqué M. Le Pen. L'argument n'a pas convaincu Mme Stirbois. Celle-ci regrette que les votes en bureau politique ne soient pas "à bulletin secret". "M. Le Pen réclame l'anonymat pour les signatures de maires. Il pourrait accepter que les décisions du BP se prennent à bulletin secret, car bon nombre de membres sont des salariés du mouvement", explique-t-elle en soutenant qu'"alors il y aurait eu plus de quatre personnes", comme cela a été le cas, à s'opposer à la révocation de M. de Beauregard. "Jean-Marie Le Pen chasse tous ceux qui ne sont pas d'accord à 100 % avec lui ou avec fifille", déplore Mme Stirbois.
Christiane Chombeau
Article paru dans l'édition du 19.10.05
À la recherche du candidat de gauche idéal. En lançant, le 8 octobre, un processus d'"auditions civiques" des candidats potentiels à la présidentielle, le collectif Voter Y qui réunit des revues (Mouvements ou Vacarme), des militants associatifs ou syndicaux, des journaux engagés comme les Inrockuptibles, des animateurs de réseaux issus du mouvement des chercheurs ou des intermittents veut clarifier le débat à gauche.
Avec ses quelque 15 candidats à la candidature, proclamés ou virtuels, la gauche affiche une division sans pareille. L'objectif de ce réseau informel est de ne plus laisser les partis politiques élaborer leur programme et choisir, seuls, leur candidat. Pour ce faire, Voter Y propose la mise en place d'"un espace collectif d'interpellation publique" qui permette aux citoyens de donner leur avis. "Nous voulons parvenir à montrer qu'il y a appropriation du débat politique par des personnes qui n'ont pas nécessairement l'habitude d'être entendues en les faisant participer à la définition d'un programme", explique Jade Lindgaard, journaliste aux Inrockuptibles.
Ces "primaires civiques" verraient les candidats potentiels interrogés par des "auditeurs", politologues, sociologues ou juristes représentants d'associations, de lieux culturels, de collectifs militants et par un panel de citoyens. Un peu à l'image des débats publics organisés sur les OGM ou le nucléaire. Les séances publiques seraient filmées et retransmises via Internet.
"Il s'agit de questionner les aspirants à la candidature sur le contenu de leurs propositions et de parvenir à mieux cerner les points de désaccord", explique Gilbert Wassermann, rédacteur en chef de la revue Mouvements. Pour préparer ces jurys, des ateliers de travail ont été réunis sur les enjeux politiques du moment comme la crise du logement, la prévention sanitaire ou l'emploi avec des acteurs des mouvements sociaux Droit au logement (DAL), la Ligue des droits de l'homme, le Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti), l'association de chômeurs AC !, le Syndicat de la magistrature ou la CGT. Un site internet (www.voter-y.org) diffuse les notes de leurs travaux. "Nous voulons discuter des contenus et désembourber le processus à gauche", insiste Jean-Pierre Séréni, co-auteur d'un livre 2007 : Y président (e) ! paru aux éditions Mille et une nuits.
Le collectif lancera ses "auditions" à partir de la mi-décembre. Les premiers auditionnés pourraient être un candidat des Verts comme Yves Cochet, José Bové et "un ou une" socialiste. Après ces bancs d'essai prévus jusqu'en septembre 2006 "avant la désignation des candidats officiels" , les initiateurs ne désespèrent pas d'oeuvrer à une candidature commune à gauche du PS.
Sylvia Zappi
Article paru dans l'édition du 19.10.05
Q uatre jours après la reprise du travail au sein de la Société nationale Corse-méditerranée (SNCM), les regards se tournent désormais vers les éventuelles dérives qui auraient joué un rôle dans la déconfiture de l'entreprise.
Le secrétaire CGT du comité d'entreprise de la SNCM, Bernard Marty, a dénoncé, lundi 17 octobre, la publication le même jour dans Le Parisien d'articles accusant les marins et les syndicats de se partager une partie de l'argent des ventes à bord des navires de la compagnie maritime.
La direction de la SNCM, qui affiche un chiffre d'affaires annuel de 20 millions d'euros lié à la restauration, a déclaré lundi qu'elle "n'avait pas connaissance d'un tel système de détournement". Le Monde , de son côté, a eu connaissance de plusieurs dérives.
L'affaire du bar du Méditerranée. Quelques jours après une grève en avril 2005, des officiers navigants surprennent un caissier au bar du salon du navire Méditerranée se livrant à des opérations suspectes. Le salarié, délégué CGT du personnel, est également accusé par un passager. La direction ouvre une procédure de licenciement. Mais étant donné notamment le statut protégé du marin, l'inspection du travail réfute ce renvoi. La direction a déposé un recours auprès du ministère des transports pour faire appel de cette décision.
"Selon nos informations, dit-on à la préfecture de région de Marseille, il existe un noyau dur d'une trentaine de personnes, dont une grande partie travaille sur le Méditerranée, qui pose problème à la SNCM." "Nous ne souhaitons pas commenter ces faits", indique pour sa part, la SNCM.
"Lorsque j'étais à la tête de l'entreprise, se remémore un ancien patron de la compagnie, j'avais d'autres priorités que de faire la chasse à ce genre d'expédients mais j'ai tout de même dit aux syndicats que si le bar du salon du Méditerranée n'augmentait pas davantage ses recettes, je le fermais, ce qui a permis d'améliorer un peu les choses."
SARA, la filiale restauration rackettée. Le 26 octobre 1990, un attentat détruit, à Aubagne (Bouches-du-Rhône), la moitié des locaux de la Société aubagnaise de restauration et d'approvisionnement (SARA), filiale de restauration de la SNCM. L'opération est revendiquée par les nationalistes corses qui réclament son transfert sur l'île. L'enquête judiciaire met en évidence des soupçons de racket portant sur des marchandises.
Plusieurs affaires d'attentats commis sur le continent entre 1990 et 2002 ont permis, par ailleurs, de constater que des voitures et des armes appartenant à ces groupes clandestins transitent par les navires de la SNCM avec l'aide de complices travaillant à bord.
Enfin, sous la présidence d'Eric Giuily, entre 1992 et 1995, la direction a engagé une procédure de révocation de salariés de SARA qui étaient soupçonnés d'avoir détourné des stocks de nourriture et d'alcools. "Il ne s'agissait pas de personnels SNCM" , précise Jean-Paul Israël, secrétaire général des marins CGT de Marseille.
"L'ambiance qui règne au sein de la SNCM pèse lourdement sur le fonctionnement de la compagnie, explique M. Giuily. Son sureffectif, le manque de productivité, l'insuffisance de contrôle et ce climat de tension permanente rendent la SNCM ingérable et peuvent donner le sentiment qu'on vit sur la bête."
Trafics de marchandises. Les soupçons d'irrégularités sont régulièrement portés sur les lignes desservant le Maghreb. En 1994, une première affaire a conduit à la révocation d'un salarié du service de transit chargé de contrôler les camions et la facturation liée au poids de leur chargement. L'enquête interne avait démontré l'existence d'une sous-facturation et d'une contrepartie en liquide.
Sous la présidence de Pierre Vieu, entre 2000 et 2004, un salarié de la SNCM a été incarcéré dans le cadre d'une affaire de trafic de voiture entre l'Algérie et la France. Selon le parquet de Marseille, c'est l'un des rares dossiers ayant donné lieu à une procédure judiciaire.
Remèdes et contrôles. Depuis l'installation de caméras de surveillance sur les points de ventes de billets, l'actuelle direction de la SNCM a pu constater l'augmentation des recettes en liquide sans être en mesure d'affirmer qu'il y avait des détournements. Par ailleurs, le président Bruno Vergobbi, nommé en février 2004, a mis en place des contrôles d'huissier sur les ventes réalisées par les "duty free" à bord des navires effectuant les liaisons avec le Maghreb.
Enfin, la préfecture de police de Marseille effectue désormais des opérations Vigiport associant la police judiciaire, les CRS, les affaires maritimes, les douanes et les renseignements généraux. Créées pour lutter contre l'immigration clandestine, "ces opérations permettent aussi de réduire les effets de l'économie souterraine de la SNCM" , dit-on à la préfecture.
Jacques Follorou
Article paru dans l'édition du 19.10.05
L a biographie de l'équation E = mc 2 est loin d'être complète. Laremarquable illustration qu'en donne le documentaire fiction diffusé par Arte le dimanche 16 octobre (Une biographie de l'équation E = mc2, de Gary Johnstone) pourrait connaître bientôt un nouveau chapitre passionnant. Au laboratoire d'optique appliquée (LOA), commun à l'Ecole nationale supérieure de techniques avancées (Ensta), à l'Ecole polytechnique et au CNRS, de Palaiseau (Essonne), Gérard Mourou se rapproche du moment où il pourra faire jaillir de la matière à partir du vide...
"Le vide est mère de toute matière" , lance-t-il avec une certaine jubilation. A l'état parfait, "il contient une quantité gigantesque de particules par cm3... et tout autant d'antiparticules" . D'où une somme nulle qui conduit à cette apparente absence de matière que nous nommons... le vide. De quoi contester la définition du dictionnaire pour lequel, depuis le XIVe siècle, ce dernier est un "espace qui n'est pas occupé par de la matière" . C'était compter sans l'antimatière et sans la célèbre formule E = mc 2, qu'Albert Einstein a déduit de la relativité restreinte il y a cent ans, en 1905.
Pourquoi inverser cette formule en produisant de la matière à partir du vide ? Pour Gérard Mourou, les applications iront de la création d'une nouvelle microélectronique relativiste à l'étude du Big Bang et à la possibilité de simuler des trous noirs. Ce qu'il nomme la "lumière extrême" permet de développer laprotonthérapie, capable d'attaquer des tumeurs sans détériorer les cellules environnantes, une "pharmacologie nucléaire" et la possibilité de contrôler la radioactivité d'un matériau avec un simple bouton. Sans parler de la fabrication d'accélérateurs extrêmement compacts pouvant concurrencer les gigantesques installations du CERN de Genève. La maîtrise de la lumière est donc loin d'avoir atteint ses limites. Le LOA travaille avec le laser, l'un des aboutissements les plus spectaculaires des découvertes qui ont valu à Albert d'Einstein le prix Nobel en 1921.
Gérard Mourou a joué un rôle majeur dans l'augmentation de la puissance de ce rayon de lumière cohérente obtenu pour la première fois en 1960. En 1985, il a mis au point une méthode baptisée chirped pulse amplification (CPA) (Le Monde du 8 juin 1990). "Du jour au lendemain, nous avons fabriqué une source qui tenait sur une table et dont l'intensité égalait celle d'installations de la taille d'un terrain de football" , explique Gérard Mourou.
Les physiciens butaient depuis une vingtaine d'années sur l'apparition de phénomènes non linéaires aux intensités d'environ 1014 W/cm2 (W/cm2) qui dégradaient l'onde et provoquaient la destruction des solides dans lesquels naissaient les lasers. Gérard Mourou utilisait des sources produisant des impulsions très courtes (picoseconde, soit 10 12 seconde), dont l'une des caractéristiques était de contenir une large gamme de fréquences. "Pour résoudre le problème, avant d'amplifier l'impulsion, nous l'avons étirée en ordonnant les photons" , indique le chercheur qui, pour expliquer la CPA, utilise l'analogie d'un peloton de cyclistes face à un tunnel. Pour éviter un blocage lors d'un passage de front, il faut ralentir certains coureurs avant l'obstacle.
Gérard Mourou procède de même avec les fréquences. Après les avoir séparées, il impose des parcours différents à chaque couleur à l'aide d'un réseau de diffraction. Après l'amplication de chaque fréquence, il "suffit" de réaliser l'opération inverse afin de retrouver une impulsion au profil identique mais beaucoup plus intense. Avec la CPA, l'intensité s'est remise à grimper pour atteindre... 1022 W/cm2 aujourd'hui, 1024 W/cm2 en 2006.
"Jusqu'à une certaine valeur de l'intensité, la composante magnétique de l'onde incidente reste négligeable par rapport à sa composante électrique, explique Gérard Mourou. Mais à partir de 1018 W/cm2, elle exerce une pression sur l'électron." Ce dernier, jusque-là soumis à une simple "houle", se trouve soudain emporté par une vague déferlante qui l'entraîne jusqu'à lui faire atteindre sa propre vitesse, c'est-à-dire celle de la lumière. On entre alors dans l'optique non linéaire relativiste. Les électrons arrachés transforment leurs atomes en ions qui "tentent de retenir les électrons, ce qui crée un champ électrique continu, c'est-à-dire électrostatique, d'une intensité considérable" . On transforme ainsi le champ électrique alternatif de l'onde lumineuse incidente en champ électrique continu.
Ce phénomène "extraordinaire" engendre un champ titanesque de 2 teravolts par mètre (1012 V/m). "Le CERN sur un mètre..." , résume Gérard Mourou. A 1023 W/cm2, le champ électrostatique atteindra 0,6 petavolt par mètre (1015 V/m)...
A titre de comparaison, le Stanford Linear Accelerator Center (SLAC) accélère les particules jusqu'à 50 giga-électronvolts (GeV) sur 3 km. "En théorie, nous pourrons faire de même sur une distance de l'ordre du diamètre d'un cheveu" , assure le chercheur. En son temps, Enrico Fermi (1901-1954) estimait que, pour atteindre le petavolt, l'accélérateur devrait faire le tour de la Terre.
"Les électrons poussés par la lumière finissent par tirer les ions derrière eux", poursuit M. Mourou. Désormais, la barque entraîne son ancre. La lumière initiale a engendré un faisceau d'électrons et d'ions. Le LOA est parvenu à accélérer des électrons jusqu'à des énergies de 150 méga-électronvolts (MeV) sur des distances de quelques dizaines de microns. Il compte d'abord pousser jusqu'au GeV, et "beaucoup plus loin ensuite" .
Parallèlement à ce développement qui pourrait, à terme, concurrencer les grands accélérateurs de particules, Gérard Mourou se dit très proche, toujours grâce aux énormes intensités lumineuses obtenues, de "claquer le vide" , c'est-à-dire de faire apparaître "quelque chose" là où il n'y avait rien en apparence. En réalité, il ne s'agit pas d'une opération magique mais, "simplement" , de faire apparaître ce qui était invisible. L'objectif théorique est une intensité de 1030 W/cm2. Pour obtenir cette valeur, les physiciens considèrent le vide comme un diélectrique, c'est-à-dire un isolant. De la même façon qu'une intensité trop forte fait "claquer" un condensateur, il est possible de "claquer le vide" . Mais que se passera-t-il alors ? Quelles particules étranges jailliront-elles du vide ? Là encore, le mystère est éventé. Il s'agira d'un couple électron-positron. Une particule et son antiparticule, qui sont les plus légères et donc celles qui, selon la formule d'Einstein, réclameront le moins d'énergie pour apparaître. Et ce minimum est également parfaitement connu : 1,022 MeV.
Ainsi, tout semble prêt pour que la matière fasse sa première apparition à partir du vide dans un laboratoire. Ce mini-Big Bang pourrait même se produire avant les 1030 W/cm2. M. Mourou pense qu'en faisant appel à des rayons X ou gamma, il serait possible de ramener ce seuil aux alentours de 1023 à 1024 W/cm2. Or c'est justement l'objectif du LOA pour les prochaines années.
Michel Alberganti
Article paru dans l'édition du 19.10.05
G érard Mourou fait partie de ces chercheurs que le ministère de la recherche a réussi à convaincre de revenir travailler en France. "J'étais très bien dans le Michigan", note, tout de même, le nouveau directeur du laboratoire d'optique appliquée (LOA) installé dans les locaux de l'Ensta, à Palaiseau (Essonne). Toute sa carrière s'était, jusqu'au premier janvier 2005, déroulée dans les universités de Rochester, à partir de 1977, et du Michigan, à partir de 1984. Son retour en France a eu lieu dans le cadre des "chaires d'excellence" créées, en 2004, par le ministre délégué à la recherche de l'époque, François d'Aubert. Huit Français en ont bénéficié, dont Gérard Mourou, qui a obtenu une chaire de niveau 2, la mieux dotée.
Le chercheur a ainsi reçu un financement de 500 000 euros pour ses recherches sur trois ans, hors salaires. "La prise en charge des frais de déménagement n'était pas prévue mais a été finalement effectuée" , note-t-il en remarquant que la gestion de telles modalités ne pose pas de problème aux Etats-Unis. Pourquoi rentrer après si longtemps ? "Avec mon épouse, nous étions partis pour trois ans... Nous nous sentons toujours français, et l'Europe est attirante. Sans parler du challenge que représentent mes nouvelles fonctions" , répond-il. Pour ce qui est de l'épineux problème du salaire, qui crée souvent un obstacle insurmontable au retour en France, Gérard Mourou reconnaît qu'il a dû accepter une baisse de ses revenus.
Aux Etats-Unis, il gagnait 200 000 dollars par an (166 000 euros). Désormais, il doit se contenter de 130 000 euros, soit une baisse, après conversion des monnaies, d'environ 25 %. Preuve que l'attrait d'un retour en terre natale permet d'accepter un sacrifice important. "J'aime beaucoup le LOA , explique le physicien. Même si le travail administratif est plus compliqué en raison des trois tutelles du laboratoire." Mais il apprécie aussi le revers de la médaille. "Aux Etats-Unis, les structures sont plus simples mais plus rigides, et il est difficile de louvoyer..." Il semble donc que, même après un 28 ans d'absence, les vieux réflexes reviennent vite.
Michel Alberganti
Article paru dans l'édition du 19.10.05
L es responsables de la recherche scientifique de la Commission européenne ont annoncé, vendredi 14 octobre à Mestre (Italie), le lancement d'un nouveau programme destiné à créer des milliers de souris mutantes pour mieux comprendre la physiopathologie des maladies humaines. La Commission prolonge ainsi l'effort de financement communautaire des recherches sur la génétique de la souris (135 millions d'euros entre 2002 et 2005) et annonce un nouveau soutien, de 13 millions d'euros, qui sera poursuivi lors du 7e programme-cadre actuellement en cours de discussion.
Baptisé European Conditional Mouse Mutagenesis (Eucomm), ce programme se fonde sur le fait que les génomes humain et murin ont des structures identiques à 99 %. Il prend aussi en compte le fait que les entreprises internationales de séquençage des patrimoines génétiques des mammifères, si elles ont bien atteint les objectifs qu'elles s'étaient fixés, n'ont pas vraiment réussi à éclairer les fonctions des structures génétiques ainsi découvertes. Plus de la moitié des 20 000 à 25 000 gènes du génome humain ne sont pas aujourd'hui rattachés à une fonction précise.
Les manipulations du génome de la souris et la création d'animaux de laboratoire mutants pourraient, pensent les biologistes, permettre de progresser dans le décryptage du patrimoine génétique de notre espèce et de saisir ainsi les fondements de la physiologie et de la pathologie humaines. D'autant qu'on dispose aujourd'hui d'outils puissants.
Ainsi, depuis près de vingt ans, on a appris à maîtriser la technique d'inactivation de tel ou tel gène du patrimoine héréditaire de l'espèce murine, espèce plébiscitée par les généticiens alors que leurs confrères physiologistes avaient préalablement choisi le rat.
Cette technique dite du "knock-out", au vu des impasses auxquelles se sont heurtées les entreprises de séquençage, est apparue comme des fils d'Ariane dans ce labyrinthe moderne de la biologie moléculaire.
A cette nouvelle perspective se sont ajoutés les progrès réalisés quant à la maîtrise de la culture et de la conservation des lignées de cellules souches embryonnaires de la souris. Ils permettent, en effet, de décupler l'acquisition des connaissances en facilitant la création de souris porteuses de mutations et en multipliant, in vivo et in vitro, les possibilités d'études.
"Nous sommes persuadés, explique Jacques Remacle, responsable scientifique d'Eucomm, que nous pouvons dépasser les obstacles du réductionnisme générés par les premières découvertes des lois de la génétique, puis par les entreprises de décryptage des génomes des organismes vivants."
Concrètement, les recherches menées à partir de ces nouvelles techniques concerneront des maladies relatives aux tissus musculaires (sous la responsabilité de Krzysztof Jagla, unité 384 de l'Inserm), à la fonction rénale (Thomas E. Willnow, Centre Max-Delbrück de médecine moléculaire, Berlin) ou à la fonction auditive (Christine Petit, Inserm, Institut Pasteur de Paris), l'ensemble du dispositif étant coordonné par le docteur Wolfgang Wurst, directeur de l'Institut de développement des génétiques de Munich-Nuremberg.
"Certes, nous ne promettons pas de résultats à court terme, concède Jacques Remacle. Mais nous savons que nous inaugurons une entreprise qui, dans dix, vingt ou trente ans, apportera ses premiers fruits et, avec eux, la démonstration que nous avions, en 2005, raison de continuer à croire dans les vertus de la science biologique au service de la médecine".
Jean-Yves Nau
Article paru dans l'édition du 19.10.05
U ne petite irritation de la gorge, une première douleur au genou, et le patient français se retrouve souvent avec une prescription d'antibiotiques ou d'anti-inflammatoires. Et comme il n'a plus d'aspirine dans son armoire à pharmacie, le médecin accepte de rajouter une ligne supplémentaire sur l'ordonnance.
Des habitudes qui creusent les dépenses Une étude de l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes), publiée lundi 17 octobre, montre que ce sont "les comportements de prescription et non le nombre de produits pris en charge qui expliquent les écarts de dépenses entre les pays" . Ainsi, les vasodilatateurs classés à service médical rendu (SMR) insuffisant ont représenté, en 2002, un coût de 3 829 euros pour 1 000 habitants en France, contre 1 440 euros en Allemagne et 181 euros en Angleterre. Parmi les 37 molécules recensées dans cette classe de médicament, 16 sont prises en charge en France, 15 en Allemagne et 9 en Angleterre. Quant aux benzodiazépines (utilisés pour les troubles du sommeil, l'angoisse et l'épilepsie) dont l'offre est régulée dans tous les pays , leur remboursement a représenté, en 2002, plus de 2 600 euros pour 1 000 habitants en France, contre 1 200 euros en Allemagne, où la quasi-totalité de ces médicaments sont soumis au système des "prix de référence". |
Avec 30 milliards d'euros de dépenses en 2004, la France demeure le premier pays prescripteur de médicaments en Europe. Pourquoi ? Parce que 90 % des consultations chez un médecin de ville se concluent par la délivrance d'une ordonnance contre 83 % en Espagne, 72 % en Allemagne et 43,2 % aux Pays-Bas. Ces chiffres, issus d'une enquête européenne réalisée par Ipsos-santé à la demande de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et rendue publique mardi 18 octobre, illustrent le fossé qui sépare la France de ses voisins dans la prescription médicamenteuse.
A l'heure où le gouvernement appelle les assurés sociaux et les professionnels de santé à un "changement de comportement" pour tenter de résorber le déficit de la Sécurité sociale, cette étude tombe à point nommé pour mesurer l'exception française en terme de dépenses pharmaceutiques. Une exception qui "n'a pas de fondement sanitaire et représente un enjeu pour la santé publique et pour la pérennité du système de soins", souligne la CNAM.
Réalisée auprès de 4 000 patients et 1 000 médecins dans quatre pays européens, l'enquête montre que les Français ne consultent guère plus que les autres (4,9 consultations en moyenne par an contre 5,2 en Allemagne et 3,2 aux Pays-Bas). En revanche, ils ne repartent quasiment jamais de chez leur médecin sans une liste de produits à acheter. Ainsi, dans les sept derniers jours, les personnes interrogées déclarent avoir pris, en moyenne, 1,6 médicament prescrit contre 1,2 en Allemagne et en Espagne et 0,9 aux Pays-Bas.
Si les médecins français concluent quasi systématiquement leurs consultations par le rituel de l'ordonnance, 46 % d'entre eux estiment qu'ils y sont contraints à cause de la "pression" exercée par les patients. 92 % des médecins ressentent "une attente de prescription" pour les troubles du sommeil, alors qu'ils ne sont que 27 % à estimer que ce problème nécessite forcément un médicament. Ce décalage entre les attentes supposées du patient et l'avis du professionnel se retrouve aussi pour le traitement du mal de dos ou celui des rhumes.
Pourtant, l'ordonnance est loin d'apparaître comme une évidence pour les assurés sociaux. Ainsi, 80 % des Français interrogés considèrent à l'image de leurs voisins européens qu'"une consultation ne doit pas forcément se terminer par la délivrance de médicaments" et ils sont autant à dire leur "confiance envers un praticien qui sait remplacer certains médicaments par des conseils utiles".
Finalement, tout se passe comme si la relation médecin-patient relevait d'un grand malentendu. Si les professionnels de santé parlent de "pression" en faveur de la prescription, les patients eux ne placent pas le médicament en tête de leurs attentes. Quand ils vont chez leur médecin, 78 % souhaitent "qu'il leur explique ce qu'ils ont" , 35 % attendant "des conseils" , 33 % "une écoute" et seulement 25 % "une ordonnance". Les médecins, de leur côté, privilégient le médicament aux conseils parce que 44 % d'entre eux pensent que "le patient ne suivra pas leurs conseils" et 34 % parce que "prescrire paraît le choix le plus prudent".
Ainsi, paradoxalement, dans un pays champion d'Europe de la prescription médicamenteuse, médecins et patients concèdent que celle-ci ne devrait pas être incontournable. Cet écart colossal entre ce qui est dit et ce qui est fait montre, selon les responsables de la CNAM, que "le système français de "l'ordonnance-reine" et de l'attente irrationnelle de médicaments paraît ouvert à des évolutions".
Comme elle l'a fait sur les antibiotiques, l'assurance maladie entend profiter des résultats de cette étude pour mener des campagnes sur le bon usage des médicaments auprès des assurés et des médecins. L'idée serait de "cibler" des spécialités comme les psychotropes ou les statines clairement surconsommées.
"Le moment pour inciter au changement est venu, d'autant plus qu'avec l'instauration du médecin traitant il sera plus facile pour le praticien d'engager un dialogue de fond avec ses patients", considère le professeur Hubert Allemand, médecin-conseil national de la CNAM. L'objectif est aussi de limiter le nombre de lignes sur les ordonnances. "Au-delà de trois médicaments prescrits, on ne sait plus ce que l'on fait, car il y a un risque de complications iatrogéniques -induites par les médicaments eux-mêmes-", souligne M. Allemand.
Les tables rondes organisées en septembre par la CNAM pour recueillir les réactions des médecins généralistes aux résultats de cette enquête montrent que l'organisation même du système de soins français pousse à la prescription. "Je suis formaté pour prescrire ", témoignait ainsi un généraliste lyonnais, qui regrettait que la formation des médecins soit centrée sur le curatif au détriment du préventif et du conseil.
"Nous sommes les distributeurs de l'industrie pharmaceutique" , ajoutait un praticien strasbourgeois, qui pointait la promotion omniprésente des laboratoires. Les médecins relèvent néanmoins que des affaires récentes, comme celle du Vioxx, ont amené les patients à s'interroger sur le rapport bénéfice-risque du médicament.
Des médecins mettent aussi en cause le système de rémunération à l'acte qui ne différencie pas la consultation "courante" pour une rhinopharyngite et celle, plus longue, pour un patient atteint d'une maladie chronique ou un grand dépressif. L'ordonnance est alors souvent un "outil" pour mettre un terme à la consultation. Pour le professeur Didier Sicard, président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), "il faut revaloriser l'acte médical, car il doit rester un acte intellectuel aidé par la technique et non l'inverse".
Sandrine Blanchard
Article paru dans l'édition du 19.10.05
S i le slogan lancé en 2002 par l'assurance-maladie "Les antibiotiques, c'est pas automatique" a marqué les esprits, il n'a pas suffi à faire baisser de manière significative leur consommation. En trois ans, leur prescription en médecine de ville a diminué de 13 %, ce qui a permis d'éviter 11,6 millions de traitements inutiles. "Ces résultats sont encourageants, mais la surconsommation n'est pas enrayée pour autant" , indique les responsables de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM).
Afin d'atteindre une baisse de 25 % d'ici à 2007, "évalué comme un seuil clé pour commencer à agir efficacement sur le développement des résistances bactériennes et classer la France parmi les consommateurs moyens d'Europe", une nouvelle campagne de sensibilisation du grand public sur le bon usage des antibiotiques va être lancée le 22 octobre. Il s'agira cette fois de "combattre les idées reçues" et de donner des "repères" sur le mode d'action de ces médicaments.
Le baromètre annuel chargé de mesurer l'évolution des connaissances des Français sur l'antibiothérapie montre que 41 % des personnes interrogées ignorent toujours la différence entre bactéries et virus. Les spots télévisés rappelleront donc que les antibiotiques n'agissent que sur les infections bactériennes et qu'ils sont inefficaces face aux maladies virales courantes (grippe, rhinopharyngite, bronchite aiguë, etc.). Les spots radio expliqueront que les antibiotiques "ne permettent pas de guérir plus vite", "ne réduisent pas le risque de contagion" et "ne font pas baisser la fièvre".
Malgré une baisse de 14,8 % de la prescription chez les moins de 6 ans, "les enfants restent de gros consommateurs d'antibiotiques", indique le docteur Robert Cohen, pédiatre à l'hôpital intercommunal de Créteil. Si la résistance des pneumocoques à la pénicilline est passée de 50 % en 2001 à 41 % en 2003, "la mobilisation reste de mise au vu des pays du nord de l'Europe, où le pourcentage de résistance est inférieur à 5 %".
Les "six à huit épisodes infectieux par an chez le jeune enfant sont -souvent- bénins", rappelle le médecin. Pour les rhinopharyngites, les bronchites, les laryngites ou la grippe, "il n'y a pas lieu d'administrer d'antibiotiques". Ni pour la bronchiolite, dont le traitement doit se résumer à "un nettoyage du nez avec du sérum physiologique et à des séances de kinésithérapie respiratoire, si nécessaire, pour aider l'enfant à expectorer".
Seule l'angine, dans environ 20 % des cas, peut nécessiter une antibiothérapie. Pour savoir si elle est d'origine bactérienne, les médecins disposent d'un test de diagnostic rapide (TDR). C'est sans doute son utilisation qui a permis de diminuer de 26,1 % la prescription d'antibiotiques chez les 6-15 ans. "La prévalence de l'angine dans cette tranche d'âge constitue une cause fréquente de consultation", note la CNAM.
Face à ces premiers résultats, l'assurance-maladie estime que la campagne lancée depuis trois ans "démontre qu'il est possible de changer de regard et de comportement vis-à-vis d'un médicament".
Sandrine Blanchard
Article paru dans l'édition du 19.10.05
V ous êtes anthropologue, directrice de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et membre du Centre de recherche médecine, sciences, santé et société (Cermes). Quel regard portez-vous sur l'enquête européenne qui montre une exception française dans la consommation de médicaments ?
Il faut pondérer ce constat. Le premier phénomène est celui de la surprescription c'est-à-dire le comportement des médecins avant l'attitude des patients. Lorsque les médecins parlent de la "pression" des patients, ils oublient celle exercée, en amont, par l'industrie pharmaceutique.
Le décalage entre les attentes des patients et la perception des médecins montre qu'un grand malentendu existe sur le terrain. Du côté des patients, on observe une sous-consommation liée au problème de l'observance : tous les médicaments achetés ne sont pas absorbés. Il existe un phénomène de stockage qui rassure et qui assimile symboliquement l'espace corporel et l'espace domestique. Les médicaments sont souvent placés dans un endroit accessible, les pommades au milieu des produits cosmétiques ou les antibiotiques à boire pour enfants sur le rayon des aliments quotidiens.
Dans votre ouvrage Médicaments et société (éditions PUF), vous faites un lien entre l'origine culturelle religieuse du patient et le rapport qu'il entretient avec son ordonnance...
A partir de plusieurs années d'observations, notamment au domicile des malades, j'ai constaté qu'il y avait au-delà du milieu social des consommations et des pratiques différentes suivant les origines religieuses. Chez les catholiques et chez les musulmans, l'écrit l'ordonnance est sacralisé. On ne cherche pas à revenir sur une prescription qui émane de l'autorité médicale. Les protestants, en revanche, sont plus enclins à l'automédication, dans une volonté plus grande de se prendre en charge. Dans la religion juive, une chose écrite n'empêche pas que l'on puisse l'interroger, bien au contraire.
Comment agir sur la consommation médicamenteuse en France ?
Il faut avant tout développer l'information des patients. La campagne engagée par l'assurance-maladie pour limiter l'utilisation des antibiotiques a eu des effets positifs sur le niveau de consommation. Les patients ont compris le message. Toutefois, ils ont souvent tendance à ne pas respecter la durée du traitement prescrit par leur médecin et à l'interrompre dès qu'ils vont mieux. Pour changer les comportements, il ne faut pas délivrer une information minimale mais former les patients, leur donner un savoir.
Propos recueillis par Sandrine Blanchard
Article paru dans l'édition du 19.10.05
E n 1998, les Néerlandais ont créé une nouvelle fonction, généralisée en 2001, pour pallier l'une des nombreuses carences de leur système de santé : l'"assistant de triage". Face au manque de médecins généralistes, notamment le soir et les week-ends, les pouvoirs publics ont imaginé d'orienter les appels téléphoniques vers des "postes de médecin de famille", où ils sont interrogés par les assistants.
Ces professionnels de la santé, souvent des infirmiers ou des soignants qui ont suivi une formation complémentaire, évaluent la demande des patients avant de la relayer, ou non, auprès d'un médecin. Le système a apparemment allégé la charge de travail des praticiens. Il aurait aussi contribué à limiter les dépenses de santé et la consommation de médicaments.
Le ministère de la santé a mis au point un guide reprenant les recommandations à formuler dans 57 cas, lesquels représenteraient 80 % des demandes formulées auprès des 100 postes de médecin de famille du royaume. Près de 7 000 médecins y sont affiliés, soit neuf généralistes néerlandais sur dix.
Pour un refroidissement ou un mal de dos, pour un enfant qui a mal au ventre ou aux oreilles, l'assistant conseillera un médicament d'usage courant. Dans 45 % des cas, cette intervention suffira. Sinon, un médecin sera informé, qui fixera un rendez-vous ou se rendra au domicile du malade. Si une personne appelle deux fois le poste, on lui enverra immédiatement un docteur. Dans les deux heures au plus tard, un médecin devra avaliser tous les choix effectués par les assistants.
Chaque poste est doté de "méditaxis", des voitures équipées d'un fax, d'un système de navigation, d'un défibrillateur, d'un masque à oxygène, etc. Un chauffeur capable de prodiguer les premiers soins accompagne le généraliste pour faciliter son travail et l'aider dans les cas les plus lourds.
La mise en place du système n'a pas été simple, les patients ont souvent peiné à joindre les postes et avaient le sentiment d'être traités de manière impersonnelle. Croyant avoir affaire à de simples téléphonistes, certains se montraient très agressifs, invoquant leur liberté d'être soignés comme ils l'entendaient.
Au bout d'un an, des spécialistes du secteur ont plaidé pour une évaluation du système, et la Fédération néerlandaise des patients et des consommateurs a évoqué les nombreuses plaintes qui lui parvenaient, notamment au sujet de l'éloignement entre le domicile des malades et le cabinet du médecin. En deux ans d'expérience, une vingtaine d'erreurs graves de diagnostic avaient, en outre, été recensées.
La situation s'est, selon les pouvoirs publics, fortement améliorée, et le système du "triage" est entré dans les moeurs.
Les spécialistes de la santé plaident, quant à eux, pour qu'un dossier électronique reprenant le passé médical des patients soit accessible aux assistants, ce qui permettrait d'éviter certaines erreurs. Le système a sans doute engendré des bénéfices, mais il coûte aussi de l'argent : en 2003, le ministre de la santé a voulu réduire de 20 millions le budget du "triage", démontrant ainsi qu'il n'était sans doute pas la panacée.
Jean-Pierre Stroobants
Article paru dans l'édition du 19.10.05
S ur les murs des stands, on a affiché des photographies de soucoupes volantes un peu floues, souvent en noir et blanc. Sur les étals, on a disposé des DVD ou des livres censés prouver leur existence. Des posters décrivent les "petits gris" ou les "petits hommes verts", ces extraterrestres débarqués sur Terre et que de rares humains disent avoir rencontrés. Plus loin, des conférenciers racontent cinquante ans de chasse aux objets volants non identifiés (ovnis). Bienvenue dans la nébuleuse des ufologues, ces chasseurs d'UFO (Unidentified Flying Objects ), réunis du 14 au 16 octobre, à Châlons-en-Champagne (Marne) pour leurs premières Rencontres européennes.
Le CNES réactive son service de surveillance Le Centre national d'études spatiales (CNES) a annoncé, le 28 septembre, qu'il réactivait son service chargé de suivre les "phénomènes aérospatiaux non identifiés". Créé en 1977, le groupe d'études interne au CNES avait été mis en sommeil en 2000, en raison de critiques mettant en cause le sérieux de son travail. Depuis 1951, le CNES a recensé quelque 3 000 "phénomènes aérospatiaux non identifiés" en France, à partir de témoignages enregistrés par la gendarmerie ou la police. Dans 55 % des cas, une explication certaine ou quasi certaine a été trouvée (météorite, satellite, phénomène physique, etc.). Pour 35 %, les données n'étaient pas exploitables. Enfin, pour 10 % de ces événements, aucune explication scientifique n'a pu être apportée. L'activité du CNES dans ce domaine sera désormais encadrée par un comité de pilotage présidé par Yves Sillard, ancien directeur du CNES. |
On est venu d'un peu partout en France, et même d'Europe, pour cet événement. Des éditeurs de revues spécialisées, des associations d'"enquêteurs officiels", des animateurs de "repas ufologiques", des témoins du passage d'ovnis, des hommes enlevés par des extraterrestres... Ces quelques centaines d'amateurs, surtout des hommes, souvent à la retraite, représentent le noyau dur de l'ufologie, ce qui reste d'années de déclin, depuis la fin de l'âge d'or des années 1950 à 1980, quand télévisions et radios multipliaient les émissions sur le sujet, avec le journaliste Jean-Claude Bourret comme principal relais d'information.
"L'ufologie n'a jamais été aussi mal", se désole Ludovic Le Bihan, professeur de dessin et surtout "enquêteur" capable de passer des journées à recueillir des témoignages. La revue Lumières dans la nuit , qui fait référence en France depuis 1958, a vu le nombre de ses lecteurs passer de 5 000 abonnés à 850 aujourd'hui. La diffusion des livres a aussi chuté. "A l'époque, on pouvait vendre 10 000 exemplaires pour un bon livre. Maintenant, c'est plutôt 1 000 exemplaires", note Gérard Lebat, animateur des Repas ufologiques de Paris.
Les explications de cette désaffection paraissent nombreuses. Certains y voient la conséquence de films et de séries télévisées comme "X-Files", qui incitent l'opinion à considérer ces événements sous le seul angle de la fiction. D'autres estiment que ce sont les "délires" des ufologues les plus extrêmes, notamment ceux qui affirment avoir été enlevés, qui ont brouillé l'image du mouvement.
L'affaire de la fausse autopsie d'un extraterrestre, diffusée par Jacques Pradel sur TF1 en 1995, reste en travers de la gorge de certains. Gilles Pinon, un contre-amiral à la retraite, reconnaît qu'il s'agissait d'une escroquerie. Mais il y voit, comme beaucoup, la preuve d'une manipulation visant à décrédibiliser... les ufologues. "La conséquence est que les médias ne s'intéressent plus aux ovnis, alors qu'il s'agit d'un sujet grave" , regrette le contre-amiral, ufologue depuis l'âge de 12 ans.
De fait, le nombre d'observations a chuté depuis les années 1980. Les ufologues s'accrochent aux derniers épisodes comme ces "300 à 400 ovnis" observés au-dessus de la France, le 5 novembre 1990. Les autorités françaises sont certaines qu'il s'agissait de la rentrée dans l'atmosphère d'un étage d'une fusée soviétique Proton. Pas les ufologues. "C'était une vague d'ovnis, un événement considérable, mais il y a eu un black-out", croit savoir Jacques Garnier, 48 ans, agent à France Télécom, tombé dans l'ufologie il y a trente-trois ans.
La nostalgie n'empêche pas un travail acharné. Les amateurs d'ovnis se sont emparés d'Internet, multipliant les sites. Des "enquêteurs" à Châlons, ils étaient reconnaissables à leur appareil photo ou leur Caméscope collectent toujours des témoignages. Sur place, ils font des relevés et de patientes reconstitutions. "Je pourrais vous parler pendant des heures du 5 novembre 1990 et de tous les témoignages", affirme ainsi Joël Mesnard, le seul ufologue professionnel en France, qui vit de la diffusion de Lumières dans la nuit .
Des ufologues font aussi des veillées nocturnes pour apercevoir des ovnis. Depuis 1994, Pierre Beake, 48 ans, et ses amis retournent de 130 à 140 fois par an au col de Vence, où le journaliste dit avoir aperçu un gigantesque objet volant. "J'en ai revu d'autres en 1996, 1998 et 1999" , affirme-t-il. Depuis, le site du col de Vence est devenu légendaire dans le petit monde de l'ufologie, au point de susciter une concurrence entre plusieurs groupes.
Car, si l'on partage les mêmes loisirs, on se déteste aussi cordialement. Les chapelles sont nombreuses. Quelques-uns, minoritaires, croient aux ovnis mais pas aux extraterrestres on les appelle des "sceptiques" et une partie des scientifiques reconnaît leur sérieux. D'autres privilégient l'existence d'un monde parallèle, avec parfois une vision mystique. Les "lunatiques", de leur côté, sont convaincus d'avoir été enlevés par des extraterrestres. Des sectes comme Raël, absente à Châlons proposent d'autres interprétations.
Dans ce contexte maussade, les ufologues explorent de nouvelles pistes. Il y a les crop circles , ces formes géométriques observées dans des champs de blé qui suscitent la curiosité... bient qu'elles soient parfois l'oeuvre d'agriculteurs facétieux. Il y a aussi les catastrophes. Le 11 septembre 2001 donne lieu à des débats sur les hypothèses "alternatives". Un groupe suggère que le tsunami de décembre 2004 en Asie ne résulterait pas d'un phénomène naturel mais d'un complot mené c'est un peu flou par des extraterrestres et la CIA. Un conférencier surfe, lui, sur la mode du Da Vinci Code : il propose de repérer les "ovnis codés" dans l'oeuvre de Léonard de Vinci.
Luc Bronner
Article paru dans l'édition du 19.10.05
En complément, un article un peu ancien sur la question
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E n toute logique, le bien et le mal sont comme l'avers et le revers d'une même pièce, indissociables. On ne peut penser l'un sans l'autre, et le vrai suppose le faux. Ces catégories philosophiques, rudement ébranlées par Nietzsche, furent de moins en moins étanches avec les apports révolutionnaires de Max Planck et d'Albert Einstein, en 1900 et 1920, dont le bouleversement s'est propagé bien au-delà de la physique. Après eux, la science entre dans l'ère du relatif, n'énonce plus de certitudes éternelles. Elle procède par approximation sans prétendre atteindre à l'ultime Vérité, dont un Einstein laissait le fin mot à Dieu. Jamais autant qu'au XXe siècle la science n'aura été si entreprenante, à la fois ambitieuse et sceptique.
Dans le même temps sont nées des inventions qui, au début, ont entretenu un rapport équivoque avec la vérité. La photo (qui voit le jour en 1826 mais ne s'intègre à la vie quotidienne des familles que plus tard) fut d'abord censée restituer l'image du réel, sans intervention du photographe. L'objectif optique de l'appareil est a priori neutre, mécanique et l'on sait ce que finira par recouvrir ce mot et son dérivé, l'"objectivité" : l'impossible impartialité de l'observateur, ethnologue ou journaliste. Il ne fallut pas longtemps pour s'apercevoir que la photo n'était pas un thermomètre, un instrument d'enregistrement passif, et qu'elle témoignait également des intentions et du désir du photographe. L'état de grâce "objective" fut encore plus bref au cinéma. La projection inaugurale des frères Lumière au Grand Café eut lieu le 28 décembre 1895. Un an après, Georges Méliès réalisait ses premiers films à trucages, dévoilant l'infini des ressources fantasmagoriques du cinéma.
Notre regard sur la réalité a changé, on l'a dit. Sous la pression croissante du nombre des photos dans notre environnement, et parce que nous avons cédé à leur délectable puissance de persuasion. Nous en avons perdu la maîtrise, confondant le visible et le réel, le beau et le vrai, incapables de démêler le vrai du faux. Traquenard subtil : la responsabilité du piège n'est pas du côté de l'outil, mais de l'esprit qui l'a conçu, de l'oeil qui s'en sert et simultanément s'y désoriente. Car ni la photo ni le cinéma ne nous ont d'eux-mêmes abusés ; au contraire, ils n'ont cessé de revendiquer leur pouvoir d'illusion et d'en tirer profit.
Le remodelage des photos et les trucages au cinéma sont apparus très tôt, dès les premiers pas des caméras artisanales, le faux talonnant le vrai, comme toujours ; ils ont ensuite accompagné le prodigieux développement de leur industrie et s'en sont approprié les progrès techniques. Chacun peut transfigurer totalement une photo sur un ordinateur. Au cinéma, les successeurs de Méliès jouissent d'une gamme illimitée de trucages.
Les métamorphoses de Terminator II sont "fausses", mais le spectateur le sait. Avec son billet, il achète un mirage et l'escroquerie serait de ne le faire miroiter qu'à demi. Un faux consenti n'en est plus un. Matrix appartient, comme les Martiens de Welles (l'effet de surprise en moins), au registre honnête du faux ludique.
Il arrive pourtant toute image se doublant d'une déception que notre regard vacille à l'imprévu, que notre jugement trébuche, quand la frontière même du consentement est indéfinie. En 1950, Robert Doisneau, le Prévert de la photographie, saisit un jeune couple en train de s'embrasser dans la rue. L'image est tendre, naturelle, belle comme un baiser volé. Le Baiser de l'Hôtel de Ville fait le tour du monde. Pendant des années, elle passe pour une icône de l'instantané, jusqu'à ce qu'on apprenne que ce baiser, loin d'avoir été pris sur le vif, fut posé par deux acteurs. Pour certains, la "poésie" s'évapore aussitôt du chef-d'oeuvre (pas pour tous, un tirage original s'est vendu 155 000 euros aux enchères en avril 2005). Le négatif n'a pas été retouché, " le baiser était vrai ", a dit l'héroïne jadis embrassée. Peut-être, mais nous avons été dupés ; cet arrangement, sans tomber sous le coup de la loi, constitue une sorte de faux artistique. Un faux sentimental, un malaise.
Bien que prévenus des erreurs que véhiculent les photos, leur séduction est telle qu'une forme fossile de foi primitive subsiste en nous. Nous voudrions encore y croire. Comme des singes cherchant à attraper de la main leur reflet derrière le miroir, nous nous entêtons à penser qu'elles représentent fidèlement le monde réel, alors même qu'elles l'ont tué.
Une photo n'est en soi ni vraie ni fausse. Juste une photo. Avec les faussaires surgit la question de l'authenticité : on ne parle plus de faux bénins, "artistiques", mais de photos savamment truquées et avancées comme authentiques. Leurs conséquences sont évidemment plus lourdes : en politique, ces photos visent tantôt à tromper le camp adverse, tantôt le sien en réécrivant son passé collectif. On ne s'étendra pas sur le cas bien connu des photos officielles soviétiques ou chinoises dont on a effacé les silhouettes de personnalités désormais vouées aux gémonies, Trotski ou Kamenev, au gré des revirements de la ligne du Parti, comme si elles n'avaient jamais vécu.
Les photos truquées les plus nocives et florissantes poussent dans les serres de la propagande qui puise en elles des armes efficaces, et leur meilleure saison est celle de la guerre. Les exemples sont légion et on n'en citera que deux, encore récents : en Roumanie, les corps non inhumés d'un charnier de Timisoara furent filmés comme les cadavres des victimes de la répression, un faux qui contribua à précipiter la liquidation du régime Ceausescu en 1989.
Quand les troupes irakiennes envahirent le Koweït en août 1990, le bruit se répandit que les soldats de Saddam Hussein avaient coupé l'alimentation en oxygène des couveuses dans les maternités. A la télévision, une étudiante koweïtienne, Layra, raconta en larmes la mort par asphyxie de vingt-deux prématurés. Le président George Bush, heureux papa de W, s'indigna du sort affreux des bébés. Le pourcentage des Américains favorables à une intervention au Koweït s'éleva à 90 %. Une enquête prouva plus tard que l'agence de relations publiques Hill Knowlton avait reçu 10 millions de dollars du Koweït pour monter ce reportage et que Layra était la fille de l'ambassadeur du Koweït aux Etats-Unis.
Est-il si étonnant que d'aucuns doutent encore qu'on ait marché sur la Lune et soutiennent que les photos du 21 juillet 1969 ont été prises en studio par la NASA ? Sur un mur de l'hôtel Holiday Inn de Sarajevo, on a pu lire ces mots : " La vérité est la première victime de la guerre ."
La fameuse énigme de Roswell explosa néanmoins en temps de paix. En 1947, le fermier Brazel vit un gros engin ressemblant à un disque s'écraser dans son champ, près de Roswell (Nouveau-Mexique). Les "ovnis" (objets volants non identifiés) faisaient alors fureur. L'armée prit aussitôt le contrôle des investigations et boucla le sanctuaire. Comme elle mit quinze ans avant de rendre ses conclusions, les plus folles suppositions bouillonnèrent à loisir sous les crânes de tous et la presse fit ses choux gras du silence interminable des inspecteurs. S'agissait-il d'un véritable ovni, d'un missile russe égaré par la vodka ou d'une expérience secrète américaine ratée ?
On publia des photos spectaculaires de l'autopsie d'un "extraterrestre" filiforme. Les tenants rationnels de la bavure dissimulée s'affrontèrent aux sympathisants de l'extraterrestre, et malgré la publication du rapport de l'armée, assez cafouilleux il faut le dire, les uns et les autres continuent aujourd'hui encore de ferrailler autour de cette photographie. Après cinquante-huit ans, la rumeur de Roswell court toujours, sans queue ni tête, ni solution. Le poisson ne sera jamais noyé. Si la créature de Roswell ne fut qu'un trucage, ses auteurs et leurs mobiles demeurent inconnus. Et si ce n'en fut pas un... Ce faux parfait ouvre un abîme en nous.
Pour introduire le faux en Histoire, la photo n'est d'ailleurs pas nécessaire. Le journal télévisé y suffit, la fonction du présentateur, d'après l'historien Marc Ferro, étant "d'informer sans être informé lui-même de l'information ", donc à peu près libre, au nom de l'urgence, de répéter n'importe quoi pourvu qu'on l'ait dit avant lui, et d'attiser les peurs en vogue dans l'opinion. Les "informations" alarmantes sur la présence d'armes de destruction massive en Irak se sont propagées en l'absence de toute photo. Et pour cause. On n'a trouvé que des hangars désertés, des camions vides, jusqu'à ce que la fiction s'écroule, sans nuire aux faussaires ni gêner la réélection d'un Tony Blair (c'est ainsi l'esprit critique des démocraties qui a été massivement détruit). Le canular martien de Welles, lui, n'avait duré qu'une heure.
Il n'y a pas une Histoire ni une Vérité , plutôt des histoires, sous-tendues par des idéologies, mais tout en faisant la part de cette relativité, nul ne peut nier que notre perception des événements politiques ait été maintes fois torpillée par des faux, des images trafiquées ou des textes apocryphes. Il ne s'agit pas ici de savoir si un vénérable Evangile conservé dans une bibliothèque dit la vérité sur les actes de Jésus (le contenu), mais si l'objet lui-même (le contenant) est contrefait ou authentique. En 1995, on a contesté la véracité des faits rapportés par Marco Polo dans son Devisement du monde . Marco Polo ne serait pas allé plus loin que Constantinople. Qui sait ? Le Vénitien fut peut-être un faussaire, mais son livre est de lui et n'est pas un faux.
A l'inverse, les Poèmes d'Ossian , découverts en 1760, attribués à un barde gaélique du IIIe siècle, qui firent la fortune de leur auteur, James Macpherson, sont des faux, plus brillants que les messages loufoques de Cléopâtre à César rédigés en vieux français par Vrain-Lucas, mais ressortissant au même tonneau. De tels faux trichent avec l'Histoire de manière non ludique, sans lui faire trop de mal. On ne rit plus, en revanche, lorsqu'un journaliste confectionne de faux "journaux intimes" de Hitler et que l'hebdomadaire Stern en publie les bonnes feuilles. Les patrons de Stern durent démissionner et le faussaire fut condamné à 10 millions de marks d'amende. Hitler n'est pas un sujet de plaisanterie.
Une imposture plus grave fut commise avec les Protocoles des Sages de Sion , un faux réalisé en France à l'initiative de la police secrète tsariste, en 1901, alors que l'antisémitisme était virulent en Russie et la France déchirée par l'affaire Dreyfus. Les Protocoles décryptent en 24 conférences le dispositif confidentiel d'un complot ourdi par les juifs (les Sages de Sion) pour s'emparer du monde. Inspirés d'un pamphlet antisémite français de Maurice Joly paru en 1864, les Protocoles furent dénoncés comme un faux à plusieurs reprises, dès 1921 par le Times de Londres, mais en vain. L'ouvrage, traduit dans des centaines de langues, se vendit par millions.
Bréviaire des nazis, il connut une éclipse après la seconde guerre, et repartit de plus belle ensuite dans la plupart des milieux antisionistes, européens, soviétiques ou arabes. Il alimente maintenant quantité de courants judéophobes, des antisémites de base aux acrobates antijuifs par antiracisme, et prospère auprès des négationnistes. Peu importe à ses lecteurs qu'il soit un faux, dans la mesure où il apporte de l'eau à leur moulin. Son influence s'exercerait, selon certains, jusque chez les moins antisémites, à leur insu. Le succès phénoménal de romans médiocres en serait la preuve, le Da Vinci Code pour n'en prendre qu'un, dont le moteur principal repose sur le fantasme d'une organisation clandestine à l'échelle planétaire, d'une secte instruite de ce qui nous est caché, d'une société secrète nous manipulant, dont ce roman se fait fort de nous dévoiler les agents mystérieux. Ce ne sont pas les juifs des Protocoles , certes, ni des francs-maçons, mais cela y ressemble. La saveur d'une conspiration démasquée est la même.
La grande force des Protocoles est d'affirmer l'existence d'un complot qui expliquerait tout. Dans une époque de simulacres, beaucoup préfèrent la thèse du complot à une réalité dont le sens leur échappe. Le soupçon généralisé engendre la paranoïa. Et c'est en cela que le faux, ludique ou criminel, est finalement immoral. Parce qu'il nous vole l'idée que nous nous faisons de nous-mêmes et du monde.
Michel Braudeau
Article paru dans l'édition du 17.07.05
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En extra: Les éditos du Monde |
[*] «Longues propagandistes» parce qu'il existe aussi, dans cette rubrique, des «brèves propagandistes» reprenant surtout des dépêches de l'AFP. Ici, on trouvera pour l'essentiel des articles parus dans Le Monde, qui par le fait, sont beaucoup plus longs…