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Voir aussi le rapport Kriegel «La violence à la télévision»
et la Lettre de mission d'évaluation, d'analyse et de proposition

Décembre 2002

LES ENFANTS FACE AUX IMAGES ET AUX MESSAGES VIOLENTS DIFFUSÉS PAR LES DIFFÉRENTS SUPPORTS DE COMMUNICATION

Rapport de Madame Claire Brisset, Defenseure des Enfants,
A Monsieur Dominique Perben, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice.


SOMMAIRE
Introduction
  1. LES EFFETS DU SPECTACLE DE LA VIOLENCE SUR L’ENFANT ET L’ADOLESCENT
    1. LA DIVERSITE DES REACTIONS FACE AUX MESSAGES VIOLENTS
    2. LES EFFETS DE LA PORNOGRAPHIE
  2. LE DISPOSITIF ACTUEL DE LA PROTECTION DES MINEURS
    1. LA COMMISSION DE CLASSIFICATION DES ŒUVRES CINEMATOGRAPHIQUES
      1. Les enjeux de la classification
      2. Les critères de classification
      3. L’interdiction aux moins de 18 ans
    2. LE CONSEIL SUPERIEUR DE L’AUDIOVISUEL
      1. La mise en place d’une nouvelle signalétique
      2. Les pouvoirs de sanction du CSA
      3. Des programmes pour la jeunesse insuffisants
      4. Le principe de l’interdiction de diffusion de certains programmes
      5. Les mineurs et la radio
    3. LA COMMISSION DE CONTROLE DES SUPPORTS VIDEO
      1. Les vidéocassettes pornographiques
      2. Les vidéocassettes non pornographiques
      3. Les jeux vidéo
    4. LA COMMISSION DE SURVEILLANCE ET DE CONTROLE DES PUBLICATIONS DESTINEES A LA JEUNESSE
      1. Les publications destinées à la jeunesse
      2. Les publications susceptibles de présenter un danger pour la jeunesse
    5. INTERNET
      1. Les dangers spécifiques à Internet
      2. Une utilisation insuffisante du cadre juridique
      3. Les limites de la techniques
    6. L’ENFANT ET LA PUBLICITE
      1. De faibles outils de régulation
      2. L’interdiction des enfants prescripteurs
      3. Distinguer programmes et publicité
  3. LA NECESSITE DE REFORMER LE DISPOSITIF
    1. DEFINIR UNE BASE JURIDIQUE COMMUNE
      1. Assurer l’équilibre des droits
      2. Réaffirmer le principe de la protection de l’enfance
      3. Définir la nature des messages
    2. CREER UNE INSTANCE PLURIMEDIA
      1. Une instance indépendante de protection des mineurs
      2. Une instance dotée d’une double fonction
    3. REAFFIRMER LE ROLE DE L’EDUCATION
      1. L’éducation à l’image et aux médias
      2. L’éducation sexuelle
      3. L’éducation à l’utilisation d’Internet
Liste des personnes auditionnées

ñ Introduction

Comment les images et messages violents de toutes natures dont sont environnés les enfants et les adolescents interfèrent-ils avec leurs comportements ? De tels messages sont-ils déterminants dans le passage à l’acte, et notamment le passage à l’acte délinquant ? Quelles réponses est-il possible d’apporter à de telles interrogations dans le domaine précis de la protection de l’enfance et de l’adolescence ?

C’est sur ces questions, cruciales à un moment où notre société s’interroge et sur la violence qu’elle secrète et sur les moyens et d’y remédier, que M.Dominique PERBEN, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, a demandé à notre Institution, par une lettre du 10 juin 2002 d’apporter des éléments de réponse.

Ce travail a exigé une étude très approfondie que nous avons menée au sein de notre équipe, et à laquelle ont bien voulu se joindre plusieurs experts extérieurs à notre institution(1), que je remercie très vivement de leur précieuse collaboration. Je remercie également les très nombreux experts et responsables d’organismes que nous avons interrogés(2) d’avoir accepté de répondre à nos interrogations sans ménager leur temps.

Répondre à la question posée par le Ministre de la Justice supposait une interrogation préalable: quel constat les praticiens – en particulier psychiatres et magistrats – établissent-ils, dans leur exercice quotidien, sur ce sujet ? Leurs réponses nous ont paru essentielles pour fonder les propositions qui sont au cœur de ce travail.

C’est pourquoi celui-ci comporte trois parties: la première porte, précisément, sur les éléments de diagnostic qui fondent leur réflexion; la seconde analyse les mécanismes sociaux et institutionnels qui tentent de réguler la violence des messages enregistrés et subis par les enfants et adolescents. La troisième partie propose des solutions qui, selon les travaux que nous avons menés, permettraient de répondre aux questions posées.

L’évolution de tous les médias depuis une quinzaine d’années a vu l’arrivée en masse – et même leur généralisation – de contenus présentés de façon répétée et intense, dont le climat d’agression, de sexualisation et de domination des personnes ne peut être ignoré. La violence dans les divers médias, qu’il s’agisse de la radio, de la télévision, de la presse écrite, de la vidéo, des jeux vidéos et plus récemment d’Internet, suscite des débats récurrents à propos de ses effets éventuels sur les spectateurs et lecteurs, en particulier les plus jeunes d’entre eux.

L’augmentation indéniable de la violence des jeunes, telle qu’elle est reflétée par les statistiques de la justice et de la police, redonne corps à ce débat et aux interrogations qu’il suscite. Diverses études, menées en particulier par le Conseil supérieur de l’Audiovisuel démontrent qu’un enfant peut assister, en moyenne, à près de 9 séquences violents (crimes ou agressions) par heure dans une fiction télévisée, et que 45% des émissions pour enfants reposent sur des scénarios de violence dans laquelle un enjeu de survie pour le héros, ainsi qu’un affrontement physique, constituent la trame de l’histoire.

Quant à la banalisation de l’érotisme, voire de la pornographie, elle est relevée aussi bien dans les films que dans diverses émissions de télévision, dans la publicité et dans la presse écrite, y compris lorsque ces différents supports s’adressent au jeune public. La question n’est évidemment pas exempte d’implications économiques considérables, qui se situent même au cœur de cette problématique. Par exemple, la classification d’un film, pour sa diffusion en salle, dans la catégorie «interdit aux mois de 12 ans» (62 interdictions en 2001) impose sa diffusion en dehors des heures de grande écoute (sauf quatre fois par an), diminuant ainsi sa valeur marchande. Celle-ci est évidemment amoindrie encore par un classement «interdit au moins de 16 ans» et plus encore «interdit au moins de 18 ans».

Le secteur de la production pornographique représente lui aussi des enjeux financiers majeurs. En effet, les droits de diffusion de ces films sont faibles (entre 2.500 et 6.000 euros par film) alors que de telles diffusions drainent vers la chaîne un public considérable. Selon les estimations, la suppression de la diffusion des films pornographiques entraînerait une baisse de 10 à 15% du nombre d’abonnés au câble et au satellite. La chaîne «XXL» du groupe AB productions, chaîne qui ne diffuse que de la pornographie, compte à elle seule 800.000 abonnés, ce qui représente environ deux millions de téléspectateurs, parmi lesquels des enfants et des adolescents. Selon l’Institut Médiamétrie, 11% des enfants âgés de 4 à 12 ans ont été confrontés à des images pornographiques dans les foyers abonnés à Canal +.

Bien entendu, la violence n’est pas que sexuelle et elle n’utilise pas comme supports exclusifs le cinéma, les vidéos et la télévision. C’est pourquoi, la présente recherche inclut dans son champ d’investigation la violence brute, qui s’ajoute à la violence pornographique, également lorsqu’elle s’exprime par d’autres canaux de diffusion: radio, presse écrite, jeux vidéos et internet. C’est cet ensemble de médias, en effet, qui diffuse images et messages de violence, que notre société a le devoir de maîtriser et de réguler.

La présente étude, dans ses propositions, est exclusivement dirigée par le souci de protection de l’enfance et de l’adolescence inscrit dans les textes de la législation française comme dans les traités de droit international ratifiés par la France. Ainsi, la Convention internationale sur les droits de l’enfant précise-t-elle explicitement: «Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toutes formes de violence, d’atteintes ou de brutalités physiques ou mentales».

Reste une dernière précision, essentielle: le débat sur la délinquance des mineurs ne peut évidemment se réduire aux interrogations légitimes portant sur la violence des messages auxquels la société les expose. Le présent rapport n’est qu’une contribution partielle à ce débat, la délinquance des mineurs trouvant en notre société de multiples sources dont la violence des adultes n’est pas la moindre. Enfin, rappelons que les actes délinquants émanent à 80% … des adultes eux-mêmes, et que l’immense majorité des enfants et adolescents de notre pays n’ont jamais sombré dans la violence ni dans la délinquance.




ñ I - Les effets du spectacle de la violence sur l’enfant et l’adolescent

Que le spectacle de la violence soit préjudiciable au développement d’un enfant et d’un adolescent peut paraître relever d’une évidence pédagogique. Mais la réalité n’est pas si simple. La violence se situe en effet au cœur de l’existence de chacun et se prête donc, par nature, à la résistance, au détournement, à l’évitement ou à la soumission. Affirmer cela, c’est poser de multiples questions, c’est interroger non pas seulement sa propre expérience mais surtout celle de professionnels qui se consacrent à l’étude et à la réparation des effets de la violence.

Première constatation: les études psychologiques et sociologiques sur l’impact de la violence sur les jeunes sont, en France, lacunaire et fragmentaires, à une exception près, l’enquête qu’a réalisé de 1997 à 2000, à la demande de la Direction générale de l’action sociale du Ministère de la Culture, le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron sur les effets des images sur les enfants de 11 à 13 ans, et publiée sous le titre Enfants sous influence. Les écrans rendent-ils les jeunes violents (Editions Armand Colin).. Des recherches sur ce thème ont certes été menées aux Etats Unis sur cette question mais elles sont relativement peu transposables à notre culture. Force est de constater que, si notre société est prête à condamner les effets de la violence subie par les enfants et les adolescents, ou celle qu’ils expriment, elle ne déploie pas la même énergie pour en identifier les causes et tenter d’y porter remède, loin de là. L’on ne peut que déplorer une telle lacune. Il est donc apparu aux auteurs de la présente recherche indispensable de procéder à de nombreuses auditions de ceux qui côtoient quotidiennement le phénomène dans leur pratique et sont, de ce fait, en mesure de le décrypter, à commencer par les psychiatres, pédopsychiatres, enseignants, policiers, magistrats.

De ces auditions se dégagent un certain nombre d’enseignements qui nous sont apparus essentiels pour formuler les propositions de réformes que l’on trouvera en dernière partie du présent rapport. De plus en plus, les enfants et adolescents sont soumis au spectacle de la violence, qu’il s’agisse ce qu’ils voient et entendent à la radio, à la télévision, sur Internet (films, de fiction, documentaires, dans leurs jeux vidéos, les cassettes qu’ils peuvent louer, dans la presse écrite et via la publicité. C’est aussi l’impact d’un environnement violent qu’il faut analyser et non pas l’influence d’un média particulier. C’est donc aussi de «messages» qu’il convient de parler tout autant que d’«images» violentes.

ñ 1. La diversité des réactions face aux messages violents

Il apparaît, selon nos interlocuteurs, nécessaire de distinguer plusieurs types de réactions à cet environnement violent. La première est d’ordre physiologique et le développement récent des neurosciences permet de les approcher au plus près. Les sciences cognitives nous enseignent, selon le Dr Boris Cyrulnick neuropsychiatre, éthologue (Toulon) que certains apprentissages se font à l’insu du sujet lui-même. On peut alors parler d’imprégnation ou d’empreintes dont il n’est pas conscient. Tout le travail thérapeutique consistera ensuite à rendre conscients des phénomènes qui ne le sont pas, et à provoquer des remaniements qui permettront au sujet, après coup, de modifier sa perception c’est-à-dire d’en maîtriser l’impact. Un tel travail de réparation passera par un dialogue, donc par la mise à jour des effets de la rencontre avec des images ou messages violents. C’est ici qu’intervient le rôle de l’environnement propre à celui qui perçoit images et messages. La dangerosité des messages violents quels qu’ils soient, explique le Professeur Philippe Jeammet, professeur de pédo-psychiatrie à l’Université Paris VI est liée aux faits qu’ils sont perçus hors de tout contexte permettant de les interpréter. Il ne s’agit plus que de perceptions brutes incompréhensibles par l’enfant ou l’adolescent. Si, ajoute-t-il, il est très difficile d’établir des causalités linéaires, il n’en demeure pas moins que les images ou messages violents et pornographiques peuvent provoquer une réorganisation de la personnalité de l’enfant d’une façon qui entrave en partie son développement. L’enfant peut en effet perdre confiance en l’adulte qui l’a soumis ou l’a laissé assister à des scènes incompréhensibles pour lui, et retrouver dès lors la plus grandes difficulté à s’identifier à ceux, plus âgés que lui, dont il a besoin pour se structurer. Peut alors survenir chez ces enfants une trop grande précocité qui entravera le processus de développement et d’apprentissage, un refus apparemment paradoxal de participer au monde des adultes qui a tenté de les absorber trop tôt.

En effet, nos auditions de policiers et de magistrats ont permis de constater qu’un certain nombre d’adultes exposent des enfants et des adolescents à des images d’une grande violence, y compris pornographique. Il peut s’agir de familles ou même d’enseignants qui y soumettent délibérément leurs enfants, utilisant pour cela les justifications hasardeuses mais parfois «théorisées». Il peut encore s’agir d’une exposition non délibérée des enfants à de telles images, ou parfois seulement à la bande –son, elle aussi ininterprétable par l’enfant. Celui ci est d’autant plus vulnérable s’il est seul face à un écran, de télévision ou d’ordinateur ou face à une publication, à des messages de radio ou à ses jeux vidéo. Le groupe de pairs peut permettre de prendre des distances par rapport au message reçu. Mais lorsqu’il est seul, explique le Dr Patrice Huerre, pédopsychiatre, expert auprès des tribunaux, et dans une situation de passivité face à l’émetteur d’images violentes, il cherche à se défendre sans pour autant y parvenir. Sur ce point, estime le Dr Xavier Pommereau, pédopsychiatre, il faut évidemment être clair: l’objectif n’est pas de supprimer toute image violente, mais de protéger les mineurs des plus intolérables d’entre elles et d’apprendre aux enfants à se défendre des autres.

Les plus intolérables sont celles auxquelles il est impossible de donner un sens quelconque, c’est-à-dire les messages qui présentent la violence comme une entreprise gratuite d’anéantissement, de sacrifice, de soumission de l’autre, sans aucun élément de compréhension. Dès lors qu’il y a interprétation possible, souligne le Pr. Jeammet, dès qu’il y a débat avec d’autres, en particulier avec des adultes, s’instaure alors une forme de pondération, de limitation, de distance. Selon les recherches menées sur cette question par le Dr Serge Tisseron, les enfants malmenés par des images violentes, cherchent à en parler avec un adulte afin de se forger des repères et de se réapproprier les images qui les ont blessés. Encore une fois, le groupe des pairs peut jouer ici un rôle quasi-thérapeutique, l’enfant malmené cherchant à reconstruire ses propres repères en adhérant aux valeurs du groupe.

ñ 2. Les effets de la pornographie

Une place particulière doit être faite, selon nos interlocuteurs, aux images pornographiques. Selon le Dr Roland Coutanceau, psychiatre et psycho-criminologue, celles-ci comportent un impact spécifique de déstabilisation qui peut, sur les plus fragiles, entraîner des effets d’une très grand toxicité. Hyperréalistes, les images pornographiques fournissent une représentation de la sexualité que les enfants ne peuvent intégrer. Il arrive, ajoute-t-il, que de telles images figurent dans les ingrédients du passage à l’acte.

Chez un jeune enfant, pré-pubère, et l’on sait qu’un certain nombre d’élèves des écoles primaires ont eu accès à de telles images, celles-ci le renvoient à la représentation de sa propre conception par ses parents, représentation qu’il avait imaginée, fantasmée, bien autrement; les images très crues auxquelles il est confronté n’ont aucun rapport avec ce qu’il avait imaginé. Il est alors soumis à des représentations dont le potentiel émotionnel le débordent totalement. Il s’agit là, ajoute le Pr Jeammet, d’une véritable effraction, de l’intrusion d’une problématique d’adultes dans le monde des enfants qui brise l’un des ressorts de son respect pour le monde des adultes. Il peut y avoir là, soulignent les Pr Jeammet et Bernard Golse Professeur de pédo-psychiatrie à l’hôpital Necker (Paris), un effet littéralement traumatique qui se traduit parfois, chez certains enfants, par un désinvestissement scolaire, le refuge dans l’imaginaire, l’impossibilité de passer à l’abstraction. Ce traumatisme, ajoute le Pr Huerre peut être absorbé en apparence, par le système de défense de l’enfant, demeurer en sourdine dans son appareil psychique et resurgir plus tard, à l’occasion d’un évènement, même d’apparence minime, qui entrera en résonance avec ces images enfouies. L’effet peut alors être véritablement dévastateur.

Les policiers et magistrats expriment eux aussi des constatations analogues et de fortes inquiétudes. Philippe Chaillou, président de la Chambre des mineurs de la Cour d’Appel de Paris, souligne l’augmentation importante du nombre d’enfants ayant visionné seuls des cassettes pornographiques et dont témoignent certains de leurs comportements, notamment à l’école (y compris primaire). Certains d’entre eux se livrent en effet à des jeux sexuels sans rapport avec les jeux de «découverte» de la sexualité de leur âge.

Philippe Chaillou souligne également qu’un certain nombre d’agressions sexuelles ou de viols survenant dans le cadre familial se sont produits lors du visionnage «en famille» d’une cassette pornographique. Enfin, tout aussi inquiétant, il arrive que des viols en réunion, des «tournantes», reproduisent des scénarios de films pornographiques, comme en témoigne la sophistication des scénarios utilisés. Certains de ces viols collectifs, dit-il, sont «littéralement scénarisés».

Selon nos interlocuteurs, concevoir des remèdes à un tel envahissement par les messages ou images violents, qu’ils soient pornographiques ou non, relève d’abord d’une prise de conscience par la société tout entière. Comme le souligne le Docteur Serge Tisseron, si l’Etat décide de limiter l’accessibilité aux images, notamment pornographiques, il convient bien entendu qu’il se donne les moyens de faire respecter ses décisions. Faute de quoi, le discrédit sera lourd et de longue portée.

Dans le même sens, il sera essentiel d’encourager les parents à faire respecter leurs propres décisions, l’Etat exerçant en ce domaine un rôle très modélisant. Souvent, souligne le Docteur Tisseron, les parents sont conduits à penser que tels images ou messages ne sont pas mauvais puisqu’ils sont licites. Une décision prise par l’Etat, ajoute-t-il, permet à un parent de prendre appui sur cette décision et ainsi de légitimer son autorité personnelle.

Un tel constat rejoint les conclusions du Docteur Cyrulnik, selon lesquelles la société doit ré-apprendre à énoncer l’interdit, et celle du Docteur Pommereau, selon qui la loi doit être posée, y compris au sein de la famille. Fournir à l’enfant une contrainte éducative, ajoute le Docteur Jeammet, c’est pour lui un facteur de liberté, c’est lui permettre d’affirmer sa différence, réintroduire une distance, donc protéger son espace propre, celui de l’enfance et de l’adolescence. Enfin, projeter trop tôt les enfants et adolescents, fut-ce par l’image ou le message, vers des activités pour lesquelles ils ne sont pas prêts, c’est les nier dans leur identité, c’est leur refuser le plaisir de la découverte.

Si nos interlocuteurs sont très critiques à l’égard d’une forme d’éducation à la sexualité qui, précisément, les heurte dans leur représentation par des images abusivement explicites – l’on serait ici passé d’un extrême à l’autre -, tous souhaitent que les enfants soient formés à décrypter les messages et les images dont ils sont abreuvés. Il ne s’agit évidemment pas, souligne le Docteur Pommereau, de faire absorber à l’enfant des images inassimilables par lui mais de le conduire à comprendre les mécanismes de leur fabrication, de sorte qu’il cesse d’en être le jouet, qu’il puisse mettre une distance entre lui et ce que la société lui propose.

De tels constats fournissent une base essentielle aux réformes ici proposées. Ils établissent clairement que l’objectif éducatif ne consiste nullement à protéger l’enfant de toute forme de message ou d’image violents. Ils permettent d’entrevoir une sélectivité entre les messages acceptables par les enfants et ceux qui ne le sont pas, entre ceux qui sont explicables, parce que situés dans un contexte, et ceux qui paraissent ininterprétables en fonction du degré de maturité de ceux auxquels ils s’adressent. Ils sanctionnent sans appel certaines attitudes qui consistent à «adultiser» les enfants sans aucune considération pour les stades de leur maturation, que ce soit l’éducation sexuelle armée des meilleures intentions mais abusivement intrusive, ou l’exposition irresponsable ou cynique d’enfants ou d’adolescents à des messages intolérables pour eux.

En bref, ces professionnels appellent à un renouveau du respect à l’égard du développement physiologique, psychologique, social de l’enfant et de l’adolescent.




ñ II - Le dispositif actuel de protection de l’enfance

Le dispositif actuel de protection de l’enfance face aux images et messages violents est marqué par une grande diversité des structures. Celles-ci relèvent soit du ministère de la culture (cinéma) soit du ministère de l’intérieur (publications écrites, vidéos, jeux vidéos..). Pour Internet, il n’existe aucune structure spécifique si ce n’est une association loi de 1901 chargée de sa régulation et qui ne dispose d’aucun pouvoir particulier.

Ces structures interviennent sur des bases juridiques très diverses qui ont été élaborées à des époques différentes sans véritable cohérence, notamment au regard de la protection de l’enfance. Aux cotés de dispositions qui visent à protéger les mineurs figurent des références à une censure ayant vocation à protéger l’ordre public. La commission du cinéma assume une véritable fonction de classification prenant en compte plusieurs tranches d’âge, ce qui n’est pas le cas de la commission vidéo ou de celle des publications écrites qui ne se prononcent que sur l’interdiction aux mineurs; il existe également des possibilités de restriction d’exposition ou de publicité.

Dans la pratique, ces commissions fonctionnent de manière très diverse. Si la commission du cinéma examine tous les films et bandes annonces qui sortent en salle, celle des publications destinées à la jeunesse et, plus encore, celle des supports vidéos rencontrent de sérieuses difficultés de fonctionnement.

Enfin, ces commissions, qui ont toutes pour finalité de protéger les mineurs, sont placées soit sous la tutelle administrative du ministère de la Culture soit celle de l’Intérieur. Il est à noter que la commission des publications destinées à la jeunesse est instituée au ministère de la Justice. La participation des ministères des Affaires sociales, de la Santé, de l’enfance et de la Famille, quand elle existe, se réduit à la désignation de représentants.

ñ 1. La commission de classification des œuvres cinématographiques

Le dispositif administratif applicable au cinéma a pour fondement l’ordonnance du 3 juillet 1945, qui a subordonné la représentation et l’exportation des films cinématographiques à un visa ministériel. Ce régime de protection administrative «préventif» constitue une originalité parmi les règles régissant les œuvres artistiques en France. En effet, la presse comme le livre ne sont plus soumis à un régime d’autorisation préalable, pas plus que la télévision, qui fait l’objet d’un contrôle a posteriori par le CSA. Le ministre de la Culture est chargé, selon le code de l’industrie cinématographique, de délivrer un visa d’exploitation à l’œuvre cinématographique, valant autorisation de représentation publique de l’œuvre cinématographique sur tout le territoire de la République française, à l’exception des territoires d’outre-mer. Cette décision administrative peut être assortie d’une interdiction à certaines catégories de mineurs, sur le fondement du décret d’application des dispositions de ce code, en date du 23 février 1990, récemment modifié le 12 juillet 2001. L’interdiction d’accès à une œuvre cinématographique peut concerner les moins de 12 ans, les moins de 16 ans, et depuis le décret du 12 juillet 2001, les moins de 18 ans. Il existe également la possibilité de classer les films dans la catégorie des films X, pour leur caractère pornographique ou d’incitation à la violence; ils relèvent alors d’un circuit de distribution spécifique et d’une interdiction automatique aux moins de 18 ans. Reste la possibilité de l’interdiction totale de l’œuvre cinématographique. Cette dernière faculté n’a toutefois pas été utilisée depuis 1981.

Le visa d’exploitation n’est délivré par le ministre chargé de la culture qu’après avis de la commission de classification des œuvres cinématographiques du Centre national du cinéma (CNC), dont la mission trouve ses fondements dans l’ordonnance de 1945, mais dont le statut, la composition et le rôle ont été modifiés par un décret du 23 février 1990. Les vingt-cinq membres titulaires et les cinquante membres suppléants de la commission sont des représentants des administrations chargées de la jeunesse, des professionnels du cinéma, de la société civile, des personnalités qualifiées dans le domaine de la protection de l’enfance et de la jeunesse, et, depuis le 30 juin 2002, du Défenseur des Enfants. En 1990, un collège des jeunes a été créé, regroupant des jeunes de 18 à 25 ans.

Tout avis tendant à une décision comportant une restriction quelconque à l’exploitation d’une œuvre cinématographique ne peut être donné qu’en assemblée plénière, par un vote à bulletins secrets. Les avis émis concernent toutes les œuvres cinématographiques destinées à une sortie en salle, y compris les bandes annonces. La commission peut également proposer d’assortir chaque mesure d’un avertissement, destiné à l’information du spectateur, sur le contenu de l’œuvre ou certaine de ses particularités. Avant de statuer, le ministre a la possibilité de demander à la commission de revoir un film. Il s’agit fréquemment de films dont l’évaluation du degré de violence pose difficulté. Cela fut le cas pour le film français «La Squale», réalisé par F. Genestal, qui abordait notamment la question des viols collectifs dits «tournantes», ou pour le film «Les diables» de Christophe Ruggia. Si le ministre de la Culture souhaite prendre une mesure plus restrictive que celle proposée par la commission, il a l’obligation de demander un nouvel examen de l’œuvre par la commission. Dans la pratique, il n’utilise jamais cette possibilité. En dernier ressort, il peut passer outre l’avis de la commission, qui n’a qu’un pouvoir de proposition. En 2001, 81% des longs métrages (français et étrangers confondus) ont été classés tout public. L’interdiction aux moins de 12 ans a été décidée pour 12% de ces films, celle aux moins de 16 ans pour 3%, celle aux moins de 18 ans pour 0,1%. 4% ont été précédés d’un avertissement.

La commission de classification des œuvres cinématographiques est une structure originale. Sa composition hétérogène est révélatrice de la volonté de constituer un lieu de dialogue positif entre représentants de la profession cinématographique et de la protection des mineurs, dans un esprit d’équilibre. Le système des visas doit aussi permettre au cinéma d’échapper à l’insécurité économique et juridique que pourrait provoquer l’utilisation variable et parcellaire des pouvoirs d’interdiction dont disposent les maires des communes, en vertu de leurs prérogatives de police administrative. Le système préserve également l’activité cinématographique de toute tentative de systématisation d’actions judiciaires qui pourraient accompagner la sortie d’un film contesté, si le visa était supprimé dans son principe. Telles sont, du moins, ses finalités.

ñ A. Les enjeux de la classification

La commission est parfois confrontée à certaines contraintes inhérentes au système cinématographique français. Le classement d’un film comporte certaines conséquences, financières notamment, qui peuvent inciter les professionnels du cinéma à souhaiter que l’avis rendu par la commission soit conforme aux intérêts de la profession. De nombreux films sont en effet coproduits par les chaînes de télévision, et les contrats de coproduction insèrent des clauses limitant le montant de financement si le film fait, par la suite, l’objet d’une restriction d’accès au public. Les films sont, selon leur classification, soumis à des restrictions de diffusion à la télévision; il en est ainsi pour les films classés «moins de 12 ans» pour lesquels il existe une tolérance de diffusion en première partie de soirée limitée à 4 fois par an. En conséquence, l’appréciation des membres de la commission risque de ne pas être la même selon l’origine du film (français ou étranger). Le fonctionnement de la commission n’est pas exempt de rapports de force, dont certains s’inscrivent dans des logiques économiques, alors que le seul critère de classification devrait en principe être l’intérêt de l’enfant. Tel est, du moins, l’objet de la commission dont les avis sont d’autant plus importants que, selon une statistique récente du ministère de la Culture, les enfants et les adolescents sont plus cinéphiles que les adultes. On peut évaluer à 18 millions le nombre de sorties cinéma des 10-14 ans et à cinq leur nombre par enfant et par an. C’est deux fois et demi l’indice de la fréquentation nationale, qui est de deux sorties par habitants et par an.

La tâche de la commission est devenue plus complexe et plus difficile, dans un contexte général où les mœurs ont considérablement évolué, notamment en ce qui concerne l’apparition de nouvelles situations sociales et familiales. A cela s’ajoute la visibilité plus forte de nouveaux comportements, notamment sexuels, et sur d’autres médias que le cinéma. Les thèmes abordés par celui-ci représentent ces différentes mutations sociologiques. Certains, souvent graves, sont davantage exprimés par le cinéma, au risque d’être parfois banalisés. C’est le cas, notamment, de la drogue, du suicide, du sida, ou de la violence. La commission doit tenir compte de ces évolutions. Par exemple, il n’est pas certain que le film Les Oiseaux de Hitchcock, interdit aux moins de 12 ans lors de sa sortie, ferait aujourd’hui l’objet de la même appréciation.

ñ B. Les critères de classification

La violence (sociale, interindividuelle, mafieuse…) est une source d’inspiration importante pour les cinéastes, et elle constitue une préoccupation constante pour la commission, tant dans les différentes formes sous lesquelles elle apparaît, que dans la manière de la mettre en scène. Néanmoins, les critères de jugement ne sont pas strictement définis, car la commission tente de comprendre l’œuvre dans sa globalité, dans son unicité et dans son originalité. Elle peut se référer à des décisions prises auparavant, mais ce n’est en aucun cas une obligation. La commission s’interroge sur la façon dont, par exemple, une scène de violence, de suicide, de viol ou d’inceste est représentée, sur le contexte dans lequel elle se situe et sur le degré de perception que peuvent en avoir les enfants et les adolescents lorsqu’ils ne sont pas accompagnés d’adultes. Certains éléments peuvent déterminer un avis de classification, notamment quand la scène est empreinte de voyeurisme, qu’elle se rattache peu ou pas du tout à une histoire, et qu’il s’agit de scènes répétées, intenses et traumatisantes. La «mise en abîmes» (le film à l’intérieur du film) de scènes de violence, procédé qui fait perdre au spectateur les repères entre acteur, spectateur, fiction et réalité, peut être particulièrement déstabilisante pour des jeunes enfants.

Le circuit des films pornographiques étant très spécialisé, peu d’œuvres cinématographiques vues en commission relèvent d’un classement X (dix à vingt par an environ). Quant aux films d’une violence extrême ou d’ «incitation à la violence», ils n’ont jamais été classés X en application des mêmes dispositions légales, et il n’a jamais été créé de circuit de distribution spécifique à leur destination.

Il est assez difficile d’opérer une comparaison sur un plan international, car les législations relatives à la classification cinématographique sont diverses, et restent propres à la culture du pays. Certains pays, comme la France, possèdent des commissions qui émettent de simples avis, d’autres ont le pouvoir de censurer les scènes litigieuses d’un film. Certains pays interdisent l’accès à une œuvre cinématographique à partir de 6 ans (ex.: l’Allemagne), d’autres interdisent aux mineurs non accompagnés d’adultes (ex.: les Etats-Unis). Par ailleurs, les décisions de classification sont en elles-mêmes extrêmement variées d’un pays à l’autre, notamment en raison des conceptions différentes sur lesquelles reposent les critères de classification. Par exemple, la crudité du langage peut être, en elle-même, sanctionnée en Angleterre ou en Irlande, alors qu’en France elle est analysée dans le contexte du film. Une comparaison des mesures de restriction prononcées à l’encontre d’une même œuvre dans différents pays révèle que, par exemple, le film American Beauty classé tous publics en France, a fait l’objet d’une interdiction aux moins de 12 ans en Allemagne, aux moins de 13 ans au Québec, aux moins de 16 ans aux Pays-Bas, aux moins de 17 ans non accompagnés aux Etats-Unis, et aux moins de 18 ans en Grande-Bretagne.

ñ C. L’interdiction aux moins de 18 ans

Depuis le décret du 12 juillet 2001, la commission a la possibilité de prononcer un avis d’interdiction aux mineurs, indépendamment de la classification X. Cette nouvelle disposition était nécessaire dans la mesure où le classement X n’a pas spécifiquement pour objet la protection des mineurs, mais a surtout des retombées fiscales et économiques. La loi de finances du 30 décembre 1975 institue, en effet, un prélèvement spécial de 33% sur les bénéfices imposables pour les films faisant l’objet d’une classement sur une liste spéciale destinée aux films «pornographiques ou d’incitation à la violence», dits classement X, et exclut ceux-ci de tout type de soutien financier, direct ou indirect, de l’Etat.

Cette législation avait pour objectif de limiter le développement des films pornographiques et des salles spécialisées, alors nombreuses (environ 140 et une dizaine de films dépassant les 100 000 entrées). En 1975, l’effet était indirect, un classement entraînant nécessairement la diffusion dans une salle spécialisée, interdite d’accès aux mineurs. Le décret du 23 février 1990 avait précisé que l’inscription X «entraîne l’interdiction de la représentation du film à toutes les personnes mineures».

Cela n’était toutefois pas suffisant, dans la mesure où, comme l’a relevé le Conseil d’Etat dans sa décision du 30 juin 2000, un film proposant un message pornographique et d’incitation à la violence susceptible d’être vu ou perçu par un mineur, pouvant éventuellement relever des dispositions de l’article 227-24 du code pénal, ne pouvait qu’être classé X, en l’absence de mesure d’interdiction aux moins de 18 ans prévue par le décret du 23 février 1990. Le gouvernement a pris un décret le 12 juillet 2001 qui, en créant une nouvelle interdiction aux moins de 18 ans, permet de ne pas adopter la classification X, tout en rendant ce type de films inaccessible aux mineurs lors de la diffusion en salle.

Cette mesure devant revêtir un caractère exceptionnel, le décret du 12 juillet 2000 exige la majorité des deux tiers des membres présents de la commission pour le prononcé d’un avis d’interdiction aux moins de 18 ans. Il convient toutefois de relever que cette exigence risque d’avoir pour effet d’atténuer la portée de la mission de protection des mineurs confiée à la commission de classification. En effet, cette majorité qualifiée rend presque impossible l’adoption par la commission d’un avis d’interdiction aux moins de 18 ans. Ainsi, lors du visionnage d’un film qui représente une longue scène de viol, seule une interdiction aux moins de 16 ans a finalement été proposée au ministre, faute d’un vote de la commission à la majorité des deux-tiers. Il est à cet égard révélateur que, depuis le décret du 12 juillet 2001, seuls deux avis d’interdiction aux moins de 18 ans aient été prononcés, l’un pour le film Baise-moi, précisément à l’origine de cette modification réglementaire, et l’autre pour un film du début du siècle présentant une succession de scènes pornographiques, Galipettes et polissons.

Il serait donc souhaitable de revoir ces dispositions afin de supprimer cette exigence d’un vote à la majorité qualifiée des deux tiers, laquelle avait d’ailleurs été jugée par le Conseil d’Etat (section de l’intérieur, 27 février 2001) comme aboutissant en pratique à conférer une minorité de blocage aux membres de la commission représentant les secteurs professionnels de l’industrie du cinéma. Aucun autre organe consultatif, comme la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence, ou la commission chargée d’examiner les vidéocassettes et les jeux interactifs, n’obéit d’ailleurs à un tel régime.

Enfin, les outils de classification sont parfois d’un maniement délicat, et comme l’indiquait le rapport d’un groupe de travail mis en place au sein de la commission de classification des œuvres cinématographiques (mai 1996) «si l’objectif de protéger les mineurs est clair, chaque membre de la commission est nécessairement conduit, en compensant son inévitable subjectivité par une exigence d’honnêteté, à privilégier tel ou tel aspect que son expérience et sa sensibilité mettent en relief».

Les moyens mis à la disposition de la commission seraient susceptibles d’être affinés. Par exemple, la typologie formelle des âges est parfois en décalage avec la maturation réelle d’enfants et d’adolescents dont l’évolution est complexe et dépend aussi fortement du milieu social, culturel et géographique dans lequel ils évoluent. Aussi, il pourrait être envisagé de prendre en compte une classe d’âge se référant aux tous petits (moins de 6-7 ans). Il est par ailleurs tout à fait regrettable que la commission n’ait pas de site Internet sur lequel enfants, parents, exploitants de salle, etc. pourraient être informés en temps réel des motivations des avis de la commission.

ñ 2. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA)

La liberté de communication audiovisuelle a été consacrée par la loi du 30 septembre 1986 modifiée, qui ne prévoit de limites à cette liberté que dans la mesure requise par un certain nombre de principes, au rang desquels figure «le respect de la dignité de la personne humaine» (article 1).

Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a été créé par la loi du 17 janvier 1989, afin de garantir l’exercice de cette liberté de communication audiovisuelle. Le CSA est une autorité administrative indépendante, compétente pour nommer les présidents des télévisions et des radios publiques, et délivrer des autorisation aux stations de radio MF (modulation de fréquence) et MA (modulation d’amplitude), aux télévisions nationales et locales, aux chaînes de télévision diffusées par câble et par satellite. Il attribue les fréquences destinées à la radio et à la télévision, et gère les problèmes de réception que peuvent rencontrer les auditeurs et les téléspectateurs. Il s’assure du respect par tous les diffuseurs de la réglementation en vigueur. Il veille également au respect du pluralisme politique et syndical sur les antennes, et organise les campagnes officielles radiotélévisées des différentes élections. Enfin, le CSA rend des avis au gouvernement sur les projets de loi et de décrets relatifs à l’audiovisuel. Le CSA est composé d’un Collège de neuf membres, nommés par décret du président de la République. Parmi les Conseillers, trois sont désignés par le président de la République, trois par le président du Sénat, trois par le président de l’Assemblée nationale. Des groupes de travail sont organisés entre les Conseillers et les différentes directions, et des acteurs du secteur audiovisuel sont régulièrement reçus en audition. Les décisions sont toujours prises à l’occasion d’assemblées plénières.

Concernant plus précisément la protection de l’enfance et de l’adolescence, l’essentiel des dispositions figurent dans l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, qui confie une mission primordiale au CSA, celle de «veille(r) à la protection de l’enfance et de l’adolescence et au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle (…)» (alinéa 1). Cet article a été renforcé par la loi du 1er août 2000, dans une perspective de mise en conformité avec le droit européen, plus particulièrement avec la Directive «Télévision sans frontières».


Le Traité de l’Union européenne, entré en vigueur le 1er novembre 1993, fait référence au secteur audiovisuel en confiant à la Communauté la responsabilité d’encourager, dans ce domaine, la coopération entre les Etats membres. L’enjeu pour l’Union européenne est considérable, d’une part parce que le secteur de l’audiovisuel emploie directement plus d’un million de personnes, d’autre part parce que la télévision constitue la principale source d’information et de distraction dans les sociétés européennes, le citoyen européen moyen regardant la télévision plus de 200 minutes par jour.

Au cours des années 1990, la Commission élabore un cadre réglementaire de nature à permettre la réalisation d’un marché commun de l’audiovisuel et visant à protéger les mineurs contre les contenus préjudiciables de l’audiovisuel. La Directive «Télévision sans frontières» (TSF) est adoptée le 3 octobre 1989 et modifiée le 30 juin 1997 par une autre directive du Parlement européen et du Conseil.

Cette directive fixe le cadre légal de référence pour la libre prestation des services télévisuels dans l’Union européenne. A cette fin, elle coordonne au niveau communautaire les législations nationales dans différents domaines, dont celui de la protection des mineurs.

La Directive TSF vise à créer les conditions propices à la libre circulation d’émissions de télévision dans la Communauté. Elle dispose que les Etats membres ne peuvent entraver la réception ou la retransmission d’émissions de télévisions en provenance d’autres Etats membres pour des raisons relevant de domaines coordonnés par la Directive, c’est-à-dire la promotion d’œuvres européennes ou de producteurs indépendants, la publicité, la protection des mineurs et de l’ordre public, et le droit de réponse.

L’article 22 de la Directive TSF établit une graduation dans l’interdiction de certains programmes au regard de la nécessité de protection des mineurs. Le principe d’une interdiction des programmes susceptibles de nuire «gravement» à l’épanouissement des mineurs est ainsi posé: «Les Etats membres prennent les mesures appropriées pour que les émissions des organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence ne comportent aucun programme susceptible de nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, notamment des programmes comprenant des scènes de pornographie ou de violence gratuite». Cette interdiction est ensuite étendue aux programmes susceptibles de nuire (et non plus gravement) à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, sauf s’il est assuré, par le choix de l’heure de l’émission ou par toute mesure technique, que les mineurs se trouvant dans le champ de diffusion ne sont normalement pas susceptibles de voir ou d’entendre ces émissions.

Autrement dit, les programmes comportant des scènes de pornographie ou des scènes de violence gratuite sont, selon le droit européen, totalement interdits de diffusion parce qu’ils nuisent gravement à l’épanouissement des mineurs tandis que les programmes moins agressifs (films érotiques, films présentant des scènes violentes justifiées par le propos de l’auteur…) peuvent être diffusés dans des conditions ne permettant pas «normalement» leur accessibilité à des mineurs. L’article 22 de la directive exige également la mise en place d’une signalétique lorsque les programmes susceptibles de nuire (mais non «gravement») à l’épanouissement des mineurs sont diffusés en clair.

L’article 22 ter de la Directive confie à la Commission le soin de mener, en liaison avec les autorités compétentes des Etats membres, une enquête sur les avantages et les inconvénients possibles d’autres mesures visant à faciliter le contrôle exercé par les parents ou les éducateurs sur les programmes que les mineurs peuvent regarder. Il d’agit essentiellement d’obliger à équiper les nouveaux récepteurs de télévision d’un dispositif technique permettant aux parents et aux éducateurs de filtrer certains programmes, de mettre en place des systèmes de classement appropriés, d’encourager les politiques de télévision familiale et d’autres mesures d’éducation et de sensibilisation, de prendre en compte l’expérience acquise dans ce domaine en Europe et ailleurs, ainsi que les points de vue de parties intéressés, telle qu’organismes de radiodiffusion télévisuelle, producteurs, pédagogues, spécialistes des médias et associations concernés.

Cette directive s’impose aux Etats membres de l’Union européenne, et implique donc que toute évolution législative ou réglementaire envisagée par la France soit menée dans un objectif de transposition de cette réglementation européenne.

Le principe de liberté de communication audiovisuelle, tel que consacré par la loi du 30 septembre 1986 modifiée, interdit tout contrôle a priori des programmes. Le CSA n’intervient donc jamais auprès d’une chaîne de télévision ou d’une station de radio avant la diffusion d’un programme. Cela ne fait toutefois pas obstacle à un travail de prévention mené par le CSA à partir d’un dialogue avec les diffuseurs. Ainsi en 1996, les cahiers des charges des chaînes publiques et les conventions avec les chaînes privées ont intégré une série de mesures relatives à la protection de l’enfance et de l’adolescence. A titre d’exemple, les chaînes ont globalement admis la notion de «période de protection» consistant à ne pas diffuser des programmes susceptibles de nuire aux mineurs entre 6 heures et 22 heures 30. Les opérateurs se sont engagés à ne pas diffuser de films interdits aux moins de 12 ans avant 22 heures sauf dérogation accordée au cas par cas par le CSA, le nombre de dérogations ne pouvant dépasser quatre. De même, certains programmes sont interdits de diffusion le mardi, le vendredi, le samedi et lors des périodes de congés scolaires.

ñ A. La mise en place d’une nouvelle signalétique

Le CSA doit veiller à ce que «des programmes susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient pas mis à disposition du public par un service de radiodiffusion sonore et de télévision, sauf lorsqu’il est assuré, par le choix de l’heure de diffusion ou par tout procédé technique approprié, que des mineurs ne sont normalement pas susceptibles de les voir ou de les entendre» (article 15, alinéa 2).

A la suite de la directive européenne Télévision sans frontière, la loi du1er août 2000 est venue modifier la loi du 30 septembre 1986 et a donné une base légale à la signalétique qui a été mise en place entre 1996 et 1998. L’article 15 de la loi prévoit désormais dans son alinéa 3 que «lorsque des programmes susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs sont mis à disposition du public par des services de télévision, le CSA veille à ce qu’ils soient précédés d’un avertissement au public et qu’ils soient identifiés par la présence d’un symbole visuel tout au long de leur durée». La signalétique comprend cinq grandes catégories représentées à l’écran par un pictogramme coloré et particulier (Catégorie I: tous publics; Catégorie II: certaines scènes risquent de heurter le jeune public; Catégorie III: œuvres interdites au mineurs de 12 ans; Catégorie IV: œuvres interdites aux mineurs de 16 ans; Catégorie V: œuvres interdites aux mineurs de 18 ans). Le CSA a dégagé, en concertation avec les diffuseurs, un certain nombre de critères communs destinés à orienter les chaînes dans la catégorisation des programmes. Cette signalétique se développe en Europe, la Belgique francophone et la Bulgarie ayant adopté la signalétique française, la Pologne et la Grèce s’en étant inspirées.

Une étude réalisé en novembre 2001 par l’Institut de Médiamétrie à la demande du CSA a néanmoins montré que cette signalétique avait une efficacité limitée en révélant la méconnaissance par beaucoup d’adultes et d’enfants du sens des pictogrammes. Ainsi, les programmes relevant de la catégorie 2 restent encore regardés par un très jeune public âgé de 4 à 12 ans. De même, les programmes interdits aux moins de 18 ans restent accessibles à des mineurs, faute de la mise en place d’un double cryptage. Le CSA a donc décidé en juin 2002 la mise en place d’une nouvelle signalétique jeunesse, afin de rendre les pictogrammes plus explicites et de clarifier les avertissements. Après avoir consulté parents et fédérations de parents d’élèves, recueilli l’avis du public grâce à l’ouverture, en juin, d’un forum de discussion sur son site Internet, et reçu en audition le Collectif Interassociatif Enfance et Médias (regroupement de plus de 25 associations, créé à l'initiative de l'UNAF et de la Ligue de l'enseignement), le CSA a proposé le principe, admis par les responsables des chaînes, d’une signalisation par âge. La nouvelle signalétique se calque donc sur ce qui existe pour le cinéma, et délivre à présent des recommandations en terme d’âge, avec l’introduction d’un nouveau seuil à 10 ans. La Catégorie I vise les programmes destinés à tous publics, et ne comporte pas de signalétique, contrairement aux autres catégories (déconseillé aux moins de 10 ans, déconseillé aux moins de 12, 16 et 18 ans ou interdit en salle aux moins de 12, 16 et 18 ans). La Catégorie II vise les programmes dont certaines scènes sont susceptibles de heurter les moins de 10 ans. La Catégorie III vise les programmes pouvant troubler les moins de 12 ans, notamment lorsque leur scénario recourt de façon répétée et systématique à la violence physique ou psychologique. La Catégorie IV concerne les programmes à caractère érotique ou de grande violence, susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des moins de 16 ans. Enfin, la Catégorie V vise les programmes réservés à un public adulte et qui, en particulier par leur caractère obscène, sont susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des moins de 18 ans. Par ailleurs, les pictogrammes apparaissent désormais pendant toute la durée de la diffusion des bandesannonces, et font l’objet d’une durée de présence plus longue dans les programmes.

La signalétique est un outil de protection des enfants et des adolescents indispensable, afin de protéger l’épanouissement de leur personnalité, de préserver leur équilibre affectif et psychologique, et de soutenir les adultes dans leur souci de veiller à la qualité des programmes regardés par les plus jeunes. L’instauration d’une classe d’âge se référant aux tout petits (moins de 6-7 ans) manque toutefois, alors que de l’avis de nombreux pédopsychiatres, elle correspondrait à un seuil particulier de maturité chez l’enfant. La signalétique «jeunesse» est en fait mise en œuvre de façon différenciée selon le type de programmation, en clair ou en crypté.

La diffusion des programmes relevant de la catégorie IV de la signalétique ne peut intervenir qu’après 22h30 pour les chaînes hertziennes et les chaînes du câble, tandis qu’elle peut intervenir à partir de 20h30 pour Canal + et les chaînes cinéma avec code d’accès parental. La différence est également importante en ce qui concerne la diffusion de programmes relevant de la catégorie III qui ne doivent pas être diffusés avant 22h sauf exception par les chaînes hertziennes et chaînes du câble, mais qui peuvent être diffusés par Canal + chaque jour de la semaine, à l’exception du mercredi avant 20h30.

Certaines chaînes, notamment les chaînes cinéma, ont des contraintes allégées en matière d’horaires. Le fait qu’elles soient disponibles sur abonnement spécifique et qu’elles disposent du système de code d’accès parental n’est toutefois pas un motif suffisant, dans la mesure où la possibilité de brouiller les chaînes existe pour tout abonnement en numérique par satellite. Même si elles veillent à ce que les émissions pour la jeunesse et les émissions et bande-annonces jouxtant celles-ci ne comportent pas de scènes susceptibles de heurter les plus jeunes téléspectateurs, ces chaînes apprécient librement les horaires de programmation des programmes de catégorie II et III. Elles ont également moins de contrainte que les chaînes hertziennes pour la diffusion des programmes relevant de la catégorie IV. Quant à la diffusion de programmes réservés à un public adulte, elle peut être opérée de minuit à 5h par les chaînes cinéma, tandis qu’elle est strictement et totalement interdite pour les chaînes hertziennes.

Par ailleurs, la mise en œuvre de la signalétique jeunesse dépend de la nature du service proposé par les chaînes thématiques. Par exemple, les chaînes musicales ne signalisent pas les clips, en raison de la brièveté de ceux-ci et de l’absence de bandes-annonces spécifiques. Certaines diffusent néanmoins des émissions composées d’une succession de clips regroupés autour de thématiques érotiques ou violentes et qui de ce fait, ne s’adressent ni aux enfants ni aux adolescents. A défaut d’engagement spécifique des chaînes concernées, le CSA recommande la diffusion après 22h, ainsi que l’application de la signalétique pour de tels clips ou émissions susceptibles de heurter la sensibilité des plus jeunes.

ñ B. les pouvoirs de sanction du CSA

Le CSA dispose de certains pouvoirs de sanction. Il peut adresser une mise en demeure aux éditeurs et distributeurs de services de radiodiffusion sonore ou de télévision de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs ou réglementaires et par les principes définis par la loi de 1986. Si cette mise en demeure n’est pas suivie d’effet, le CSA peut prononcer à l’encontre de l’éditeur ou du distributeur une sanction administrative. Cette sanction peut alors consister en une suspension de l’autorisation de diffuser ou d’une partie du programme pour un mois au plus; une réduction de la durée de l’autorisation dans la limite d’une année; et, dans les cas les plus graves, une sanction pécuniaire assortie éventuellement d’un retrait de l’autorisation si le manquement n’est pas constitutif d’une infraction pénale. Le fait que le CSA ne puisse prononcer une sanction financière lorsque des poursuites pénales sont encourues limite sensiblement la possibilité de recourir à ce type de sanction d’autant que les poursuites pénales sont, en l’espèce, très rarement engagées. Le CSA peut également demander la diffusion à l’antenne d’un communiqué. Enfin, en cas d’infraction pénale, le CSA peut saisir le Procureur de la République aux fins de voir engager des poursuites pénales, comme par exemple en cas d’émissions «pirates» de radio ou de télévision, ou de non-respect des conditions techniques d’autorisation d’une radio.

De telles sanctions sont rarement prononcées. Le CSA revendique son choix de privilégier «le dialogue et la prévention» plutôt que la sanction.

Le CSA a mis en place une observation systématique des chaînes hertziennes nationales et une observation par sondage des chaînes du câble et du satellite ainsi que des chaînes locales. Il complète ce contrôle par des visionnages ponctuels d’enregistrement réalisés par ses services ou transmis par les chaînes à sa demande. Les chaînes locales doivent conserver l’enregistrement de leurs programmes que le CSA peut se faire communiquer.

Les engagements en matière de protection de l’enfance, tels que contractés par les différents diffuseurs avec le CSA dans les cahiers des missions et des charges et dans les conventions, obéissent à des régimes distincts selon les chaînes.

Les pratiques des chaînes au regard de la protection de l’enfance sont donc variables, le CSA n’ayant pas défini les obligations des chaînes de la même façon selon les conventions. En conséquence, le pouvoir de sanction du CSA, en réponse aux manquements des diffuseurs à leurs engagements, s’exerce avec une latitude différente selon les chaînes hertziennes ou cryptées. La contrainte est plus forte pour les chaînes hertziennes, pour lesquelles les mises en demeure prononcées pour la diffusion de programmes portant atteinte au principe de protection du jeune public sont plus nombreuses. A titre d’exemple, France 2 a ainsi été mise en demeure par une décision du 14 mai 2002, en raison de la diffusion dans l’émission Envoyé spécial du 11 avril 2002 d’un reportage consacré à l’industrie du film pornographique. Le CSA avait estimé que ce reportage, diffusé avec une signalétique de catégorie 2 seulement, ainsi que le contenu de la bande-annonce contrevenaient à l’impératif de protection de l’enfance et de l’adolescence.

ñ C. Des programmes pour la jeunesse insuffisants

L’offre en matière de programmes de télévision destinés à la jeunesse est insuffisante. En 2000, les programmes pour la jeunesse constituaient, d’après Médiamétrie, environ 8% de l’offre de programme des chaînes en clair, et en assuraient 3,2% de l’audience globale. Sous la pression économique, les programmes pour enfant ont subi deux types d’évolution: ou bien ils ont été marginalisés, à des heures de très faible audience (le matin notamment), ou bien ils ont été transformés en simple vecteur promotionnel de produits associés (Pokémon). A TF1, la part des programmes jeunesse est passée de 10% du budget en 1996 à 3% en 2000. Les émissions concernées sont concentrées chez France 5, qui offre plus de 60% des programmes d’information, magazines ou documentaires destinés à la jeunesse, mais dont l’audience reste faible chez les enfants et adolescents.

Par ailleurs, l’offre à destination des enfants manque de diversité. Elle est sur l’ensemble des chaînes hertziennes tournée à plus de 90% vers la fiction. Chez France 3, les programmes pour enfants sont composés à 90% de dessins animés, alors que la chaîne leur consacre 20% de son antenne. Quant à l’offre à destination des adolescents, elle évolue dans un genre télévisuel réduit, fonctionnant sur le mode de la régression, de la dérision ou de la transgression, et offrant souvent une vision cynique et individualiste de la société marchande. Loin des objectifs pédagogiques et éducatifs qui devraient prévaloir dans la programmation jeunesse, ce genre télévisuel favorise une offre majeure de divertissement, par des programmes similaires, fédérateurs de certaines tranches d’âge, mais dont la concurrence reste économique. La téléréalité constitue à cet égard une nouvelle forme de télévision, mais également une nouvelle économie des programmes: le coût des appels téléphoniques de vote pour favoriser ou éliminer certains candidats, les résultats de la vente de CD et de produits dérivés en font une opération commerciale hautement rentable. Certaines émissions, comme Loft Story, Popstars, Star Academy, ont rencontré, sans être à proprement parler des programmes jeunesse, une audience très large auprès du jeune public. Les idéaux de consommation ou de réussite ainsi véhiculés, ainsi que les représentations des relations entre individus que ces programmes proposent, peuvent être constitutifs de véritables violences à l’égard de jeunes, en quête d’identification, de repères et de moyens d’exister socialement.

ñ D. Le principe de l’interdiction de diffusion de certains programmes

Le CSA a également pour mission de s’assurer qu’aucun programme susceptible de nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne peut être diffusé par les services de radiodiffusion sonore et de télévision (article 15, alinéa 4). Cette graduation dans l’intervention du CSA selon la «gravité» de l’atteinte éventuelle à l’épanouissement des mineurs a été introduite par la loi du 1er août 2000, reprenant ainsi la distinction opérée par la Directive Télévision sans frontières.

Si les termes de l’article 15 de la loi sont aujourd’hui presque identiques à ceux de l’article 22 de la Directive, le législateur a cependant supprimé la référence à la pornographie ou à la violence gratuite, contenues dans la directive, comme exemples de programmes susceptibles de nuire gravement à l’épanouissement des mineurs. La conséquence de cet «oubli» est de faire échapper à l’interdiction de diffusion des programmes pornographiques ou de violence gratuite en les faisant entrer dans la catégorie des programmes qui ne doivent pas être accessibles aux mineurs. A la suite de la demande adressée le 2 juillet 2002 aux pouvoirs publics par Dominique Baudis, le président du CSA, de transposer intégralement la directive TSF, la Commission européenne a estimé le 15 octobre 2002 que les scènes pornographiques ou de violence gratuite étaient citées «à titre d’exemples», et que la France avait correctement transposé l’article 22 de la directive. La Commission a néanmoins estimé que «rien, (dans la directive), ne l’empêche de prendre des mesures plus strictes à l’égard des radiodiffuseurs qui relèvent de sa compétence».

Il convient également de remarquer que ce n’est pas le message en tant que tel qui est incriminé mais ses éventuelles conséquences sur les mineurs, ce qui suppose pour faire application de ce texte que le CSA se place du point de vue du mineur. Dans cette perspective, il serait intéressant que des représentants de la société civile, notamment d’organismes s’exprimant au nom des droits de l’enfant, figurent dans la composition du CSA.

La diffusion à la télévision de films pornographiques

Depuis la prise de position publique du président du CSA demandant une réforme de la loi sur l’audiovisuel, le débat sur l’interdiction de diffusion à la télévision de programmes pornographiques a été très vif. La question que nous abordons ici n’est pas celle de l’interdiction de la pornographie mais celle de son accès aux mineurs. La télévision n’est évidemment pas le seul média concerné par cette question.

Afin de mieux comprendre les enjeux de la diffusion de la pornographie à la télévision, il convient de rappeler l’importance du public touché par le satellite et le câble. Bien sûr, tous les abonnés ne reçoivent pas nécessairement une chaîne qui diffuse de la pornographie. Il est d’ailleurs difficile de connaître l’audience télévisuelle de la pornographie compte tenu du fait que la plupart des abonnements portent sur un bouquet de chaînes comprenant une chaîne ou des programmes pornographiques.

Trois bouquets de chaînes sont proposés par satellite (diffusion en numérique): Canal Satellite touche environ 1,7 millions d’abonnés, TPS environ 1 million d’abonnés et ABSat environ 25 000 abonnés. Ce sont donc un peu plus de 2,7 millions de foyers qui reçoivent les programmes par satellite, soit (sur la base de 2,3 personnes par foyer) environ 6,2 millions de téléspectateurs.

Le câble est installé dans un peu plus de 1600 communes et touche environ 3,2 millions d’abonnés, soit (sur la base de 2,3 personnes par foyer) environ 7,3 millions de téléspectateurs. L’essentiel de cette diffusion est par analogique. 5 opérateurs recouvrent 90% des abonnés: Noos (filiale de Suez ancienne Lyonnaise des Eaux) avec plus d’1 million d’abonnés, France Télécom Câble avec environ 850 000 abonnés, NC NumériCâble (filiale de Canal+) avec environ 760 000 abonnés, UPC France et NTL France.

La chaîne spécialisée XXL, qui abonne environ 1 million de foyers, diffuse à partir de minuit des films X. En moyenne, 13 films différents sont diffusés dans la semaine. La situation est identique pour les deux chaînes de paiement à la séance, Kiosque (dépendant de Canal Satellite) – 19 films différents- et Multivisions (dépendant de TPS) – 9 films différents. Seuls des adultes peuvent accéder aux programmes payés à la séance car ces paiements se font par débit de carte bancaire ou par virement bancaire.

A elles seules ces trois chaînes diffusent une quarantaine de films X différents par semaine.

Canal + diffuse le même film X parfois quatre fois dans la semaine. TPS Star diffuse un film X et Ciné Cinéma Frissons, trois films X différents.

Ce sont donc entre quarante et cinquante films X différents qui sont diffusés chaque semaine sur les écrans des télévisions en France. En dehors même des chaînes spécialisées, il y a chaque soir au moins un film X diffusé sur l’une des chaînes grand public.

Les droits de diffusion d’un tel film sont faibles: entre 2500 et 6000 euros. Canal+ paierait moins de 27000 euros pour quatre diffusions. «Une suppression de la diffusion des films pornographiques entraînerait une baisse de 10 à 15% du nombre d’abonnés au câble et au satellite. Cela aurait des conséquences commerciales lourdes», s’alarmait l’association des chaînes du câble et du satellite (Le Figaro, 14 octobre 2002). De même, on estime que Canal+ perdrait de 5 à 6% de son chiffre d’affaires à la suite de la suppression des programmes pornographiques. Un réalisateur de ce genre, J.B. Root, reconnaît lui-même que la prohibition de la pornographie aurait pour conséquence «la mort de la production française. Les seuls à gagner de l’argent aujourd’hui sont les vidéoclubs et les diffuseurs.» dit-il. (Le monde, 17 octobre 2002). Les vidéo pornographiques sont également écoulées dans plus de 300 sex shops.

De nombreux experts entendus par l’institution du Défenseur des enfants affirment que les mineurs ne doivent pas avoir accès aux programmes de «catégorie 5», c’est à dire pornographiques. Ce constat est d’ailleurs partagé par tous les responsables des chaînes auditionnés. Il ne s’agit pas d’interdire la pornographie aux adultes mais d’éviter que celle-ci n’entraîne des conséquences dommageables sur la construction des enfants et des adolescents. Cette question dépasse largement le champ de la télévision. C’est la raison pour laquelle les réponses doivent être données quel que soit le support médiatique concerné.

Il n’en reste pas moins que la télévision occupe une place spécifique au sein des familles parce qu’elle est de loin le média le plus utilisé. Elle est aussi un instrument qui, à travers les programmes, diffuse des normes de comportements et banalise des attitudes. A cet égard, la présence de «stars du porno» dans des émissions qui s’adressent à un large public, aux côtés de personnalités de la vie politique ou de la société civile, brouillent les repères auprès des enfants et de leurs parents. Comment exiger que ces derniers fixent des limites à leurs enfants quand les interdits deviennent aussi difficiles à identifier, y compris pour les adultes ? Rien d’étonnant dans ces conditions que 11% des enfants âgés de 4 à 12 ans ait été confrontés à des images pornographiques dans les foyers abonnés à Canal + (brochure CSA, p.54).

Concernant la pornographie, il apparaît inimaginable que l’on puisse donner une réponse en terme d’éducation à l’image. Quand à l’accompagnement par un adulte dont la pertinence ne fait pas de doute concernant la violence, il tombe de toute évidence sous le coup de la loi pénale en matière de pornographie. Comme nous l’avons dit précédemment, des magistrats auditionnés rappellent que beaucoup de faits d’agressions sexuelles sur mineur, notamment d’incestes, étaient précédés d’un visionnage de films pornographiques. Une réponse en terme d’éducation sexuelle et d’échanges sur la question des relations garçons-filles est indispensable (cf. III, 3). Mais elle reste insuffisante au regard des difficultés générées chez les mineurs par le visionnage de films pornographiques. Ces derniers ne sont évidemment pas un outil d’éducation sexuelle, bien au contraire, puisqu’ils véhiculent une image de la sexualité déliée de toute implication affective.

Comment éviter l’accès des mineurs à la pornographie diffusée par la télévision ? Pour être sûrs d’atteindre cet objectif de la façon la plus simple, la logique voudrait que l’on conclue à l’interdiction de la diffusion de tels programmes, compte tenu de leur caractère néfaste. Une telle réponse priverait également les adultes de l’accès télévisuel à la pornographie.

Le double cryptage permet-il de répondre à la question posée ?

Techniquement, l’éditeur du programme crypte celui-ci à l’émission (image brouillée). A la réception, le possesseur du téléviseur, qui a souscrit un abonnement, doit composer un code spécifique pour ne pas avoir un écran noir. Les promoteurs du double cryptage précisent que le code parental doit être saisi à chaque entrée sur le film (même en cas de zapping) et qu’il doit être distinct de 0000.

Les promoteurs du double cryptage estiment qu’il est pertinent face au souci de protection de l’enfance et à la nécessité de responsabiliser les parents. Le 8 novembre 2002, le groupe Canal + a d’ailleurs annoncé l’extension du système de double cryptage déjà en place sur Canal + aux deux autres chaînes du bouquet Canalsatellite qui diffusent des films X, Ciné Frisson et XXL.

Concernant la réception en numérique, le double cryptage semble fonctionner effectivement. C’est la situation en matière de télévision par satellite. Il reste à exiger que le système des abonnements permette de bien isoler des bouquets les chaînes qui diffusent des films X. Nous en sommes encore loin.

Pour la réception en analogique, situation des téléspectateurs câblés, le double cryptage ne fonctionne pas. Il faut donc mettre au point des stratégies techniques efficaces si l’on veut respecter l’objectif de protection des mineurs.

Kiosque et Multivisions fonctionnent au paiement par séance. Seul un adulte peut, en principe, effectuer ce paiement, ce qui constitue une réelle garantie.

En ce qui concerne la chaîne XXL, ses responsables indiquent tout d’abord que le titre de leur chaîne est sans ambiguïté ce qui n’est pas le cas de leurs concurrents. Ils ajoutent que sur le câble, l’abonnement à leur chaîne est différencié. Il ne fait pas partie d’un bouquet et il est donc souscrit en toute connaissance de cause. Pour autant, cette garantie ne sera réelle que dans la mesure où le décodeur des câblo-opérateurs permettra effectivement le cryptage par l’usager tel que prévu par l’éditeur. Il ne saurait être question d’accepter cette proposition tant qu’elle n’aura pas été validée avec chacun des câblo-opérateurs par un expert indépendant. C’est effectivement la démarche prévue par le CSA. Tout vote de loi précédant cette validation technique serait tout à fait prématurée.

Concernant, la politique d’abonnement de Canal+, le communiqué précité indique également que l’abonné devra préciser s’il veut ou non l’option film X. Canal+ n’a pas encore décidé si la solution «par défaut» était avec ou sans film X. En tout état de cause, le prix devrait rester identique. Il paraît indispensable qu’il faille faire une démarche consciente, volontaire et adulte dans tous les sens du terme, pour avoir accès aux films X. De même, l’abonnement sans X devrait être d’un coût inférieur à l’abonnement avec X.

Pour Ciné Cinéma Frisson et TPS Star, les garanties paraissent extrêmement faibles. Ciné Cinéma Frisson est présenté comme une chaîne «de l’érotique» sans indication de diffusion de films pornographiques dans les dépliants publicitaires. Cette chaîne fait partie (non séparable) d’un bouquet de 6 chaînes de cinéma (Ciné Cinéma Premier, Emotion, Frisson, Auteur, Succès et Classic). Il serait absolument nécessaire que toutes les chaînes diffusant des films X soient séparées des autres chaînes et fassent l’objet d’un abonnement spécifique. Il faut également vérifier avec chacun des câblo-opérateurs s’il met effectivement en place les moyens techniques de garantir le double cryptage. Cela doit faire partie des exigences adressées à tous les diffuseurs et validées par une expertise indépendante.

Ces conditions doivent être réunies pour que le double cryptage, à défaut de l’interdiction de la diffusion de films X, soit acceptable.

ñ E. Les mineurs et la radio

En ce qui concerne les radios qui, selon les conventions de station, doivent conserver pendant un mois l’enregistrement de leurs programmes, le CSA procède à des écoutes ponctuelles. Ces dernières années, le CSA a procédé à plusieurs mises en demeure de stations de radio de respecter les obligations imposées. Par une décision du 15 mai 2001, le CSA a ainsi mis en demeure la société Vortex, exploitant de Skyrock, au motif que certains propos tenus lors d’émissions de «libre antenne» consistaient en des attaques nominales à l’égard des participants à l’émission de téléréalité «Loft Story»: (ces propos) «s’avèrent gravement attentatoires au respect de la dignité de la personne humaine et sont susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs». Sur le même fondement, la société CLT-UFA, exploitant de RTL, a également été mise en demeure le 20 juin 2001. Plus récemment, Fun Radio a été mise en demeure de respecter la convention conclue avec le CSA, qui précise que «dans le cadre des émissions en direct et en cas de doute, les animateurs doivent interrompre la diffusion des propos tenus par l’auditeur» (décision du 17 septembre 2002).

L’une de ces chaînes de radio (FM), qui a par ailleurs mis sur pied un réseau de couplage publicitaire, représente 10,7% d’audience cumulée. A titre de comparaison France Inter représente 12,1% et Europe 1 en représente 12,4%. (Sondage médiamétrie, novembre 2002).

Les émissions de libre antenne des radios jeunes font l’objet d’une audience forte chez les mineurs, en particulier chez les adolescents, et sont pour certaines diffusées avant 22h30. La sexualité des auditeurs en constitue un sujet quasi exclusif, mais sans que cela permette vraiment ni d’informer ou de rassurer l’auditeur, ni de faire passer des messages sanitaires ou sociaux. A l’inverse, les modèles de comportements sexuels et sociaux sont fréquemment violents et sexistes. La sexualité est présentée comme un rapport dominant / dominé, la figure du dominé étant toujours celle de la jeune fille. Les mots employés pour exposer les pratiques ou poser des questions sont parfois d’une très grande crudité, et l’image féminine véhicule les pires stéréotypes. A titre d’exemple, on peut citer des transcriptions partielles d’émissions de Skyrock du 2 au 10 mai, 13 et 14 juin, 8, 9, 11 octobre, 8 novembre 2001. Une jeune fille est ainsi qualifiée de: «salope» et de «viande» («si ça s’est bien passé, tu gardes (la fille), ouais ça fait toujours un bout de viande»). En même temps, la physiologie féminine est décrite comme répugnante, voire repoussante. Les animateurs, loin de jouer un rôle de régulateur, favorisent souvent des interventions et des dialogues avec les auditeurs sur un mode de surenchère. En réponse à la question d’une auditrice demandant, au sujet d’une scène qui est manifestement un viol collectif: «pourquoi son copain a ramené deux potes ?», l’animateur répond: «elle ne se rend compte de rien, il avait envie de faire profiter ses potes, c’est tout… elle s’est laissé faire c’est donc qu’elle en avait envie».

Une action est envisagée par le CSA afin de sensibiliser les responsables des différentes radios pour les jeunes à leurs responsabilités, en particulier dans le cadre des programmes de libre antenne. Cependant, au regard de ces «dérapages» fréquents, et compte tenu de la banalisation de certains propos, ayant des implications graves en terme de représentation des relations garçon / filles, mais également en terme d’atteinte à la dignité humaine, on peut considérer que l’action du CSA reste très insuffisante en la matière. Le CSA, s’il a procédé à plusieurs mises en demeure, n’utilise pas son pouvoir de sanction administrative. Il pourrait également disposer de pouvoirs plus importants dans ce domaine.

Enfin, contrairement à d’autres pays, comme les Etats-Unis, qui imposent des horaires de diffusion de certaines émissions, la radio ne fait l’objet d’aucune réglementation en matière d’horaires de diffusion par tranches d’âge.

ñ 3. La commission de contrôle des supports vidéo

Contrairement à certains pays européens, le Royaume-Uni notamment, dont l’instance qui visionne le cinéma est également compétente pour la vidéo et les jeux vidéo, la commission de classification des œuvres cinématographiques française n’a qu’un objet limité aux œuvres cinématographiques et aux bandes-annonces diffusées en salle.

Un dispositif spécifique a donc été mis en place pour les œuvres vidéo, par la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles et à la protection des mineurs. Cette loi a institué, dans son chapitre trois, intitulé «Dispositions relatives à l’interdiction de mise à disposition de certains documents aux mineurs», une commission administrative spécifique (article 32 et suivants). Le décret du 7 septembre 1999 fixe la composition et le fonctionnement de la commission dont le secrétariat est assuré par les services du ministère de l’Intérieur. La commission comprend, outre son président choisi parmi les membres du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, dix membres: cinq représentants des ministères concernés (justice, éducation nationale, intérieur, culture, communication), deux représentants des producteurs et éditeurs des documents concernés, et trois personnes chargées de la protection de la jeunesse.

Cette commission intervient a posteriori, les œuvres vidéo ne faisant pas l’objet d’un régime d’autorisation, contrairement aux œuvres cinématographiques pour lesquelles est instauré, par le biais du visa ministériel, un système de contrôle a priori.

Elle est chargée de donner un avis au ministre de l’Intérieur sur les mesures d’interdiction envisagées à propos de documents fixés soit sur support numérique à lecture optique, soit sur support semi-conducteur, tels que les vidéocassettes, vidéodisques et jeux électroniques, lorsqu’ils présentent un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale, à l’incitation à l’usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants. La commission a également qualité pour signaler à l’autorité administrative les documents lui paraissant justifier une interdiction.

Le ministère de l’Intérieur peut, par arrêté motivé et après avis de la commission, interdire de proposer tel document, de le donner, de le louer ou de le vendre à des mineurs. Il peut également interdire de faire en faveur de tel document de la publicité par quelque moyen que ce soit, la publicité demeurant toutefois possible dans les lieux dont l’accès est interdit aux mineurs. En fonction du degré de danger pour la jeunesse que présente le document, le ministre peut prononcer la première interdiction ou les deux interdictions conjointement. L’arrêté d’interdiction est publié au Journal Officiel.

Les vidéos reproduisant des œuvres cinématographiques ayant fait l’objet d’un classement X sont soumises de plein droit à l’interdiction de proposer, de donner, de louer, ou de vendre à des mineurs (article 34 de la loi de 1998). Le ministre peut, en outre, prononcer à l’égard de ces documents, après avis de la commission mentionnée, l’interdiction de faire de la publicité en faveur de ce document par quelque moyen que ce soit. L’éditeur, le producteur, l’importateur ou le distributeur chargé de la diffusion en France du support soumis à l’interdiction de plein droit peut demander à en être relevé. L’autorité administrative se prononce alors après avis de la commission.

Les interdictions doivent être mentionnées de façon apparente sur chaque unité de conditionnement des exemplaires édités et diffusés, qui doivent comporter la mention «mise à disposition des mineurs interdite» ou «mise à disposition des mineurs et publicité interdite», accompagnée de la mention de la date de l’arrêté, de façon lisible, visible et inaltérable. La violation des interdictions prononcées et punie d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 euros. Le fait, par des changements de titres ou de supports, des artifices de présentation ou de publicité ou par tout autre moyen, d’éluder ou de tenter d’éluder l’application de ces mesures est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros.

La loi du 4 mars 2002 relative l’autorité parentale a renforcé le dispositif en prévoyant que la mention de l’interdiction de proposer, donner, louer ou vendre à des mineurs, soit insérée dans le document lui-même, quel que soit son support. Elle impose également que lorsque le document présente un caractère pornographique, soit également inséré le rappel des dispositions de l’article 227-22 du code pénal qui vise la corruption de mineur.

Faute de réels moyens, la commission de contrôle des supports vidéo a rencontré de sérieuses difficultés de fonctionnement. Son activité est restée embryonnaire pour ce qui concerne la vidéo; voire inexistante pour ce qui relève des jeux vidéo.

Le fonctionnement de la commission suppose, en fait comme en droit, un examen préalable par le ministère de l’Intérieur des documents vidéo qu’il entend soumettre pour avis à la commission. L’article 5 du décret précise en effet que «la commission est saisie par le ministère de l’Intérieur des mesures qu’il envisage de prendre». Elle doit alors émettre son avis dans un délai d’un mois. La mise en place de la commission fut longue, la première réunion ayant eu lieu le 20 octobre 2000. S’étant réunie à quatre reprises seulement depuis sa création, la commission ne s’est prononcée que sur 10 documents dont 8 à caractère pornographique. Elle ne se réunit plus depuis un an.

Par ailleurs, l’objectif de la commission n’ayant sans doute pas été suffisamment défini, quelques difficultés sont apparues quant aux critères de sélection des documents à examiner. Le principe d’un examen à domicile de documents pornographiques semble avoir choqué et suscité l’incompréhension de certains participants, pour qui le caractère dangereux pour les mineurs de tout document pornographique paraît manifeste et ne justifie pas l’intervention, au cas par cas, de professionnels de la protection de l’enfance (juges des enfants, représentants de la Protection judiciaire de la jeunesse, de l’éducation nationale). Il convient par ailleurs de rappeler que, compte tenu de la quasi disparition des salles de cinéma pornographiques, toute la production est désormais distribuée sous forme de cassettes. La commission, composée d’une dizaine de membres, n’est pas en mesure d’examiner ne serait-ce qu’une partie significative de ce flux. Les producteurs n’étant pas soumis à une obligation de dépôt à la commission, le ministère de l’Intérieur lui-même revendique parmi l’ensemble de la production une sélection qu’il soumet à la commission. Aucun des critères présidant à cette sélection n’est toutefois précisé par la loi.

ñ A. Les vidéocassettes pornographiques

L’activité de la commission est, en outre, pénalisée par l’existence d’un vide juridique concernant la vente et la location de vidéos pornographiques.

En effet, à ce jour, la vente et la location de cassettes pornographiques ne sont pas, en tant que telles, expressément interdites aux mineurs. Aucun texte de protection administrative ne vient en effet systématiquement interdire à des points de vente ou de location de mettre à disposition des mineurs des cassettes (ou des DVD) à caractère pornographique, à moins qu’un arrêté d’interdiction n’ait été pris par le ministère de l’Intérieur. La loi du 17 juin 1998 ne prévoit pas d’interdiction générale de vente de cassettes à caractère pornographique aux mineurs, mais constitue un régime de police spécial qui suppose un examen au cas par cas des supports vidéo dont seulement une partie du flux existant et soumis à la commission par le ministère de l’Intérieur.

Seul l’article 227-24 du code pénal réprime le fait soit de fabriquer, transporter, diffuser un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un seul message lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur.

ñ B. Les vidéocassettes non pornographiques

En son état actuel, la commission n’a pas véritablement une fonction de «classification», dans la mesure où, à l’instar de la commission de contrôle et de surveillance des publications destinées à la jeunesse, elle ne se prononce que sur les interdictions proposées par l’autorité administrative à des mineurs de moins de 18 ans, et le cas échéant, sur les mesures de publicité de la vidéo. Elle n’a pas la possibilité de proposer une classification par tranches d’âge, comme le fait par exemple la classification progressive opérée par la commission de classification des œuvres cinématographiques.

Le décret du 23 février 1990 relatif à la classification des œuvres cinématographiques indique que, pour ce qui concerne les œuvres cinématographiques ayant fait l’objet d’une interdiction accompagnant la délivrance du visa, les éditeurs de cette œuvre sous forme de vidéogramme doivent faire mentionner ce visa sur chaque exemplaire édité et proposé à la location ou à la vente (art. 5, alinéa 3). Pour les œuvres cinématographiques n’ayant pas fait l’objet d’une classification, les éditeurs attribuent, de leur propre initiative, une classification. Le Syndicat de l’Edition Vidéo a ainsi mis en place, à partir de 1999, un système normé basé sur une signalétique, fonctionnant par cartouches de couleurs, et calquée sur les tranches d’âge de la classification cinéma.

Mais juridiquement, rien n’interdit en l’état actuel des choses à un vendeur ou à un louer de cassettes vidéo ou de DVD de vendre ou de louer à un mineur de moins de 12 ans ou 16 ans, un film ayant fait l’objet d’une interdiction aux moins de 12 ou 16 ans, sauf à tomber sous le coup de la loi pénale (Art.227-24). Le marché de la vente étant très concentré (les deux tiers de la distribution se font par les hypermarchés, le reste par la grande distribution spécialisée), le risque est assez limité, au moins pour les vidéos reproduisant un film ayant fait l’objet d’une interdiction aux moins de 16 ans, les professionnels étant assez réticents à les mettre en vente. En revanche, le risque est plus grand concernant la location, notamment en raison de l’existence de distributeurs automatiques de cassettes (2500 en France), par carte bleue ou par carte privative du vidéoclub, pour lesquels aucun contrôle n’est réalisé.

La mention des interdictions sur les cassettes vidéo ou DVD, qu’elle repose sur une obligation légale (suivi par l’éditeur de la classification cinéma) ou sur une classification spontanée, ne constitue finalement qu’une simple information du consommateur, sans que ces interdictions ne revêtent de force contraignante pour la vente ou la location.

ñ C. Les jeux vidéo

Il convient d’abord de remarquer que 8,6 millions de foyers sont équipés d’ordinateurs individuels et 5,9 millions de consoles, ce qui représentent respectivement 35 et 24% des foyers. La diffusion officielle est de l’ordre de 20 à 25 millions de jeux par an. Mais l’on estime que les trois quarts des jeux qui entrent dans les foyers sont des contrefaçons.

La classification actuelle des jeux vidéo ne repose que sur un système d’autorégulation, dans la mesure où elle résulte d’une classification, faite par les professionnels eux-mêmes, de leurs produits, et non d’une classification qui serait faite par la commission vidéo. Le rôle de la commission est ici cantonné, comme pour les vidéocassettes, à un avis quant à l’interdiction aux mineurs de moins de 18 ans. Le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL) a mis en place en 1995 un dispositif de classification, basé sur une initiative professionnelle, et ayant pour seule finalité d’informer le consommateur sur le contenu des logiciels de loisir. La classification des jeux vidéo indique par tranche d’âge à quel public convient tel ou tel contenu. Ainsi, les différents logos de classification s’échelonnent de la catégorie «pour tous publics» à «déconseillé aux moins de 12 ans», «public adulte, déconseillé aux moins de 16 ans», et «interdit aux moins de 18 ans». Cette classification est inspirée de notions contenues dans le domaine de la presse, et de la classification opérée par le CSA. Les logos apparaissent sur les exemplaires et ont une dimension minimum, identique à celle prévue par le décret pour les mentions concernant l’épilepsie. Ils prennent place au dos des boîtes et boîtiers mis en vente, et une vignette complémentaire correspondant au logo «interdit aux moins de 18 ans» est ajouté sur le devant de l’emballage pour les titres destinés aux adultes. La procédure de saisie de la classification consiste en une mise à disposition des éditeurs d’un logiciel permettant de procéder, par un questionnaire, à la détermination de la classe d’âge à attribuer à un jeu. L’éditeur peut alors soit souscrire à la préconisation en la validant, soit s’en démarquer. D’autre part, la mise en œuvre de la classification reste la responsabilité de l’éditeur qui est le seul à connaître le contenu du jeu vidéo avant son lancement sur le marché. Il n’y a pas de vérification de la classification choisie par l’éditeur. Un suivi peut éventuellement être opéré par le SELL en cas de classification contestable qui pourrait être portée à sa connaissance. Là aussi, la classification reste une simple information du consommateur, et ne constitue, en aucun cas, une interdiction de vente aux mineurs d’un point de vue juridique.

Certains jeux vidéo, susceptibles de tomber sous le coup de la loi pénale pour un contenu comportant des messages violents (les jeux vidéo étant peu concernés par la pornographie), ne sont donc pas examinés par la commission de contrôle des supports vidéo. Le système d’autorégulation actuellement en place a toutefois vocation à être remplacé par une classification européenne, destinée à mettre en convergence les différentes pratiques existantes dans certains pays européens. Ce système devrait être opérationnel au premier semestre 2003. Il sera confié à un opérateur spécialisé, NICAM, qui traitera l’ensemble des classifications nécessaires pour les jeux vidéo, avec une distinction pour les jeux, préconisée par l’éditeur, à partir de 12 ans. Il est prévu de créer des pictogrammes concernant les âges et les contenus. Des commissions seront composées, regroupant des spécialistes indépendants, d’origines professionnelles variées. Il s’agira d’un contrôle a priori, avec un renvoi possible à une commission en cas de contestation par l’éditeur. Occasionnellement, NICAM se réserverait le droit de faire un contrôle a posteriori.

En conclusion, la commission de contrôle des supports vidéo a souffert d’une définition trop partielle de ses missions, d’un manque de moyens, et d’un défaut de cohérence avec les systèmes de protection et de classifications établis par ailleurs.

ñ 4. La commission chargée de la surveillance et du contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence

Les publications ne sont pas soumises à un régime d’autorisation préalable, contrairement aux œuvres cinématographiques. Elles font en revanche l’objet d’un contrôle administratif a posteriori, à l’instar de la télévision ou des œuvres vidéo. La commission chargée de la surveillance et du contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence, instituée au ministère de la Justice, a été créée par la loi du 16 juillet 1949, dite «loi sur les publications destinées à la jeunesse». Elle est composée de soixante personnes, d’origines professionnelles variées (éditeurs, enseignants, magistrats, représentants des familles, représentants de ministères et élus), ce qui permet le croisement de regards différents sur l’enfance et l’adolescence, ainsi que la rencontre et la confrontation de deux mondes qui se croisent rarement.

La commission ne bénéficie d’aucun pouvoir coercitif, mais elle rend des avis et peut émettre des propositions destinées aux ministres concernés. Elle a l’obligation de signaler aux autorités compétentes toutes infractions à la loi de 1949 ou de nature à nuire, par la voie de la presse, à l’enfance et à l’adolescence. Dans l’ensemble, le travail de la commission est conduit dans un esprit de dialogue et de concertation avec les éditeurs, de préférence aux poursuites judiciaires prévues par la loi du 16 juillet 1949 modifiée, conciliant ainsi protection de l’enfance et liberté de la presse. Aussi, lorsqu’une insertion dans un livre ou dans un périodique destiné à la jeunesse apparaît comme contraire aux dispositions de la loi de 1949, la commission émet-elle le plus souvent une recommandation en direction de l’éditeur concerné afin qu’il supprime les passages incriminés ou qu’il fasse placer les numéros concernés dans les rayons réservés aux adultes.

Deux missions principales sont imparties à cette commission administrative, en fonction de la nature des publications. La première de ces missions est de surveiller et contrôler les livres et périodiques destinés à la jeunesse, français et importés, et proposer toute mesure susceptible des les améliorer. La seconde mission est de formuler des avis en direction du Ministère de l’Intérieur sur les publications de toute nature susceptibles de constituer un danger pour la jeunesse (article 14 de la loi de 1949).

ñ A. Les publications destinées à la jeunesse

Le travail mené par la commission trouve ses limites dans l’explosion de l’édition pour la jeunesse, dans un contexte radicalement différent de celui de 1949.

La commission n’a pas les moyens d’examiner l’ensemble des ouvrages dont elle est destinataire, au vu du nombre régulièrement croissant des publications destinées à la jeunesse, alors même que certains éditeurs jeunesse omettent d’effectuer le dépôt obligatoire d’exemplaires (publications périodiques ou livres) prévu par la loi. La fréquence des réunions de la commission, trimestrielle, est insuffisante.

Par ailleurs, les critères de la loi de 1949 semblent obsolètes au regard de l’évolution de la société. En effet, aux termes des dispositions de la loi, les publications visées ne doivent comporter «aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés de crimes ou délits de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques. Elles ne doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse».

Il serait souhaitable que la commission bénéficie d’un pouvoir de requalification des publications, par une évaluation concrète du contenu de la publication examinée, et sans forcément suivre les mentions apposées par l’éditeur concernant les tranches d’âge visées. Egalement, la commission devrait être en mesure d’exiger le retrait de la mention de la loi de 1949 apposée sur une publication lorsqu’elle n’apparaît pas principalement destinée à un lectorat d’enfants ou d’adolescents, une telle mention constituant une garantie pour les familles. Enfin, la commission devrait pouvoir exiger l’apposition de l’âge du lectorat visé sur la couverture des publications destinées à la jeunesse, à titre de simple information, à l’attention des parents ou des jeunes lecteurs eux-mêmes. Cela pourrait également constituer une solution adaptée pour les mangas, qui contiennent des degrés de violence et d’érotisme différents.

En dehors de ces quelques améliorations de fonctionnement à apporter, le travail de la commission reste concret, et ne constitue en aucun cas une censure pour l’édition jeunesse en France, mais plutôt un frein réel aux débordements de violence que connaissent certaines formes de presse jeunesse à l’étranger. L’existence de cette commission, en tant qu’autorité morale et symbolique, conduit à une presse jeunesse française de qualité, en incitant les éditeurs à une vigilance et à une démarche sélective dans le choix des publications. Comptetenu des ajustements nécessaires évoqués ci-dessus, l’existence de cette commission, dans cette première fonction («publications destinées à la jeunesse») reste toujours pertinente.

ñ B. Les publications susceptibles de présenter un danger pour la jeunesse

Le constat est beaucoup plus nuancé pour ce qui concerne l’examen des publications, de toute nature, susceptibles de présenter un danger pour la jeunesse.

Aux termes de l’article 14 de la loi du 16 juillet 1949, la commission est chargée d’examiner «les publications de toute nature présentant un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère licencieux ou pornographique, ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination raciale, à l’incitation à l’usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants». Elle est habilitée à signaler au ministère de l’Intérieur les publications qui lui paraissent justifier les interdictions prévues par ce même article 14. La commission peut ainsi être amenée à rendre trois types d’avis. L’avis de première interdiction correspond à une interdiction de proposer, donner ou vendre à des mineurs de 18 ans. L’avis de deuxième interdiction correspond à une interdiction d’exposer ces publications à la vue du public en quelque lieu que ce soit, et notamment à l’extérieur ou à l’intérieur des magasins ou des kiosques, et de faire pour elles de la publicité par voie d’affiches. Enfin, l’avis de troisième interdiction correspond à une interdiction d’effectuer de la publicité en faveur de ces publications, au moyen de prospectus, d’annonces ou insertions publiées dans la presse, de lettres-circulaires adressées aux acquéreurs éventuels ou d’émissions radiodiffusées ou télévisées. Pour l’ensemble des publications, la commission a également la possibilité de saisir le ministre de la Justice, aux fins d’éventuelles poursuites pénales envers les éditeurs contrevenants.

A la suite de l’avis rendu par la commission, ou de sa propre initiative, le ministre de l’Intérieur peut prononcer une interdiction. Il a la possibilité, en fonction du degré de dangerosité que présente la publication pour la jeunesse, d’apporter une réponse graduée, en prononçant soit un arrêté portant interdiction de vente aux mineurs, soit un arrêté portant interdiction de vente aux mineurs et d’exposition d’une revue à la vue du public, soit un arrêté portant interdiction de vente d’une revue aux mineurs, d’exposition à la vue du public et de toute publicité.

Si les publications destinées à la jeunesse peuvent être concernées par ces dispositions, ce sont essentiellement les publications pour adultes, susceptibles d’être lues par des enfants ou des adolescents, qui demeurent visés par ce texte, et quasiment exclusivement les magazines pornographiques. Chaque semaine, les NMPP (Nouvelles messageries de la presse parisienne), coopérative de diffusion, reçoivent une dizaine de magazines pornographiques et une vingtaine de cassettes et CD Rom pornographiques, qui sont ventilés auprès des kiosques et des librairies. Il est assez surprenant de noter que le taux d’invendus, les «retours», est supérieur à 90%, sans que cela freine pour autant la multiplication des titres. La commission de contrôle des publications propose systématiquement les interdictions prévues par la loi à l’encontre des publications pornographiques, et propose des poursuites pénales notamment pour les publications comportant des incitations à la violence, en particulier au viol. Néanmoins, ainsi que le relève le compte rendu des travaux de la commission (année 2000), «malgré les efforts de la commission, il ne semble pas que l’application de la loi ait répondu aux intentions du législateur de protéger efficacement la jeunesse contre la diffusion de telles publications».

En premier lieu, les avis émis par la commission, après un examen attentif des publications, ne sont que peu suivis par le ministère de l’Intérieur. Par exemple, au cours de l’année 2000, les avis de première interdiction émis par la commission ont été suivis par le ministère de l’Intérieur à hauteur de 10% (46 avis de première interdiction et seulement 5 arrêtés d’interdiction de vente aux mineurs), et les avis de première et deuxième interdiction l’ont été à hauteur de 16, 60% (6 avis et seulement 1 arrêté d’interdiction de vente et d’exposition à la vue du public). Pour l’année 2001, la commission a examiné 62 titres. 40 titres ont fait l’objet d’un avis de première interdiction, suivis par 5 arrêtés d’interdiction de vente aux mineurs, et 5 titres ont fait l’objet d’un avis de première et deuxième interdiction, suivis par 2 arrêtés d’interdiction de vente aux mineurs et d’exposition à la vue du public. En deuxième lieu, les contournements de la loi par les éditeurs spécialisés dans la pornographie sont fréquents. Il s’agit, par exemple, du changement de titre de la publication lorsqu’elle vient d’être frappée par des interdictions, ou du groupement sous un titre nouveau, d’un certain nombre de publications ayant fait l’objet d’une de ces interdictions. Enfin, l’inefficacité du texte législatif actuel est due au fonctionnement même de la commission. Le rythme trimestriel des réunions de la commission entraîne un examen tardif des publications dont la date de parution peut remonter à plus de trois mois. Or, la prescription de trois mois, prévue par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, applicable en matière de délit commis par voie de presse, prive souvent les demandes de poursuites pénales émises par la commission de suites éventuelles.

En revanche, la profession des messageries a pris une initiative intéressante. Par décision du 13 décembre 1995, le Conseil Supérieur des Messageries autorise tout diffuseur qui le souhaite à refuser les publications portant les mentions apposées par les éditeurs «réservé aux adultes» ou «interdit aux mineurs». Il s’agit de la pratique dite de «retour prématuré accepté».

Le texte de la loi de 1949 semble aujourd’hui dépassé, et inadapté à une exigence de protection des mineurs pour ce qui concerne les publications susceptibles de présenter un danger pour la jeunesse, l’action de la commission restant beaucoup trop limitée dans ce domaine.

ñ 5. Internet

Contrairement aux précédents médias, il n’existe pas en France de structure dédiée à la protection des mineurs sur Internet.

En apparence, le fait qu’Internet soit un média récent – tout au moins par rapport aux autres médias –, un média qui est loin de concerner tous les foyers français (seuls 22% d’entre eux sont actuellement connectés à Internet, d’après le sondage annuel de l’Institut Gfk réalisé pour le magazine informatique SVM) et surtout un média conçu pour être utilisé à l’échelle de la planète pourrait expliquer les difficultés à faire encadrer, par des structures nationales, des contenus et des modes de communication susceptibles de mettre en danger des mineurs. En réalité, les difficultés techniques et juridiques qui sont généralement avancées ne sont pourtant pas insurmontables.

ñ A. Les dangers spécifiques à Internet

Il importe d’identifier clairement les dangers qu’Internet est susceptible de faire courir aux enfants et aux adolescents. Refuser l’accès aux mineurs de l’ensemble des services Internet du fait de ces dangers reviendrait à priver les jeunes d’une importante source d’informations et d’un outil pédagogique remarquable.

Les contenus illégaux ou de nature à porter atteinte à la dignité humaine

Le danger lié à Internet le plus fréquemment cité par les adultes est la consultation de sites inappropriés aux enfants: selon une enquête de la Sofres réalisée en mars 2002 à la demande de Bayardweb, ce risque préoccupe 78% des parents d’enfants de 4 à 18 ans. Il s’agit de sites pornographiques et pédo-pornographiques, de sites à caractère raciste et/ou de propagande idéologique, de sites faisant l’apologie de la violence physique ou morale. Pour leur part, les jeunes placent en tête des risques liés à Internet les violations des droits de l’homme, particulièrement à travers les sites racistes et nazis, puis les risques financiers liés au paiement électronique. (Les jeunes et Internet: représentations, usages et appropriations – Etude du CLEMI).

Ces sites comportent des images ou des messages que les professionnels de la psychologie de l’enfant et de l’adolescent estiment dangereux pour la construction de leur personnalité. Ils sont illégaux au regard de la loi française (voir supra). Bien que la pornographie, contrairement à la pédophilie, ne constitue pas une infraction, et que la quasi-totalité des sites pornographiques ne soit accessible qu’après paiement par carte de crédit, donc en théorie inaccessible aux mineurs de moins de 16 ans, ces sites proposent des bandeaux publicitaires à caractère pornographiques accessibles à tous. Ils tombent alors sous le coup de l’article 227-24 du Code pénal. Les sites ayant des contenus de nature à inciter à la haine raciale contreviennent à la loi du 22 juillet 1881 sur la liberté de la presse, applicable au multimédia qu’est Internet, qui réglemente notamment la diffamation, l’injure et, depuis 1972, l’incitation à la haine raciale.

L’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, structure interministérielle créée en mai 2000, centralise les signalements de sites au contenu illégal faits par les internautes, soit directement sur son site (www.internet-mineurs.gouv.fr, soit sur celui de la gendarmerie (www.gendarmerie.defense.gouv.fr/judiciaire), soit encore sur celui de l’Association des fournisseurs d’accès à Internet (www.pointdecontact.net). Ainsi, l’Office reçoit chaque mois environ 500 signalements. Environ 12% d’entre eux sont des signalements de sites pédophiles, qui sont pris en compte et donnent lieu à des investigations au titre de l’article 227-23 du Code pénal. Les 88% restants sont des signalements de sites pornographiques. Ceux-ci ne sont pas pris en compte par les services de police et de gendarmerie, et ne donnent pas lieu à investigation, du fait que la pornographie n’est pas une infraction. Ils sont néanmoins susceptibles de tomber sous le coup de l’article 227-24 dans l’hypothèse où des mineurs pourraient y accéder.

Les atteintes à la protection de la vie privée

Contrairement aux idées reçues, explorer de nouveaux sites n’est pas l’utilisation principale que font les jeunes d’Internet. D’après l’enquête réalisée en mars 2002 par l’Ecole des Parents et AOL, 78% des jeunes de 8 à 18 ans (et 93% des 15-18 ans) utilisent Internet pour envoyer et recevoir des messages, 55% pour dialoguer sur les forums de discussion (groupes de discussion en différé) et les «tchats»(groupes de discussion en direct). Ils sont également 39% à déclarer se servir d’Internet pour se faire de «nouveaux copains». Les jeunes considèrent en priorité Internet comme un moyen de communication – et secondairement comme une source d’information –, ce qui confirme les conclusions de l’étude britannique réalisée en 1997/1998 par Sonia Livingstone, professeur de psychologie sociale à la London School of Economics, et qui portait sur 15 000 enfants de 12 pays européens.

Or cette fonction de communication est minimisée par les parents: selon l’enquête Ecole des Parents/AOL, seuls 21% d’entre eux pensent que leurs enfants utilisent Internet pour se faire de nouveaux amis, 41% qu’ils pratiquent les chats et les forums de discussion et 68% qu’ils utilisent Internet pour envoyer et recevoir des messages. Pourtant, les dangers sont réels. Ils tiennent aux risques suivants:

  1. celui de faire des rencontres virtuelles, sur les «tchats» ou les forums, avec des tiers susceptibles d’être animés de mauvaises intentions. Les réseaux pédophiles se servent maintenant de ce moyen pour se faire des «amis» parmi les jeunes. La présence sur certains forums de «modérateurs», animateurs chargés de vérifier les contributions des internautes avant de les mettre en ligne, ne semble pas réellement efficace dans un champ aussi vaste que celui ouvert par l’Internet.
  2. celui, dénoncé par la CNIL dans son rapport de juin 2001, que des données personnelles soient collectés auprès des mineurs. Les enfants sont, en effet, une cible facile. Lorsqu’ils participent à des forum, à des " chats " ou à des jeux, on leur demande fréquemment leur nom, leur adresse e-mail, ainsi que des informations concernant le mode de vie de leurs parents. Ces informations (qui peuvent également être récupérées au moyen de robots aspirant les coordonnées e-mails des internautes) ont toutes les chances de figurer ensuite dans les fichiers de sociétés commerciales dont les internautes concernés n’ont même pas connaissance.

Or, la loi Informatique et Liberté du 6 janvier 1978 fait obligation à toutes les sociétés de déclarer les fichiers qu’elles constituent. Elle stipule également que toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des raisons légitimes, à ce que des informations nominatives la concernant fassent l’objet d’un traitement. Enfin, les personnes auprès desquelles sont recueillies des informations nominatives doivent être informées:

  1. du caractère obligatoire ou facultatif des réponses;
  2. des conséquences à leur égard d'un défaut de réponse;
  3. des personnes physiques ou morales destinataires des informations;
  4. de l'existence d'un droit d'accès et de rectification.

Le non-respect de ces dispositions constitue une atteinte à la protection de la vie privée.

L’incitation à la consommation

L’incitation à la consommation est la conséquence directe de la collecte des données personnelles. En effet, à quoi peuvent bien servir les informations récoltées sur Internet et rassemblées dans des fichiers informatiques ? Ajoutées les unes aux autres, elles donneront une idée assez juste du profil psychologique de l’internaute et de ses comportements d’achats. Des «spams», messages publicitaires non sollicités, seront alors envoyés par e-mail aux internautes, y compris aux mineurs, par des «automates d’appel», robots effectuant les envois à grande échelle.

Sans tomber sous le coup de la loi, cette incitation à la consommation constitue une exploitation inacceptable de la naïveté des plus jeunes, qui auront d’autant plus de difficultés à résister à la pression d’un message publicitaire incitant à l’achat de produits que le message aura ciblé avec justesse leurs centres d’intérêt.

Mais surtout, les internautes mineurs risquent de recevoir des «spams» à caractère pornographique, le plus souvent en images. Lorsque la CNIL a mis en place, en juillet 2002, un site spécifique afin que les utilisateurs signalent les «spams» dont ils ont été victimes, il est apparu que 40% des spams signalés étaient à caractère pornographique. Ces spams sont préjudiciable aux enfants et tombent, au même titre que les sites pornographiques, sous le coup des dispositions de l’article 227-24 du Code pénal.

ñ B. Une utilisation insuffisante du cadre juridique

La France dispose d’un certain nombre de moyens pour protéger les mineurs des dangers énoncés précédemment, et notamment d’un cadre juridique précis. Mais ces dispositions législatives ne sont pas ou sont insuffisamment appliquées, tant par les acteurs de l’Internet que par les pouvoir publics.

Des directives européennes inappliquées

La Directive européenne «concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée» (dite Directive vie privée et communications électroniques), adoptée par le Parlement européen le 12 juillet 2002 et réactualisant la Directive de 1995, n’est pas applicable dans notre pays faute d’avoir été transposée en droit français. Or, elle permettrait de lutter efficacement contre le «spaming». En effet, cette directive encadre le marketing électronique, notamment en faisant obligation aux sociétés commerciales d’obtenir le consentement préalable des personnes auxquelles elles souhaitent envoyer un message publicitaire. De plus, ces sociétés ne peuvent, sans autorisation préalable de leur client, leur proposer des services ou des produits d’une nature différente de ceux que le client a acheté auparavant. Ces propositions ne doivent pas non plus provenir d’une société différente de celle auprès de laquelle le client a déjà effectué un achat.

Restreindre le «spaming» constituerait une perte de revenus pour de nombreuses entreprises. Il n’est pas surprenant, dans ces conditions, que les pouvoirs publics éprouvent quelques difficultés à transposer en droit français cette directive européenne.

Le renforcement de la coopération européenne, notamment par le mandat d’arrêt européen, adopté à Laeken en décembre 2001 afin de lutter contre la criminalité à l’échelon européen, aurait dû faciliter la lutte contre les sites pédophiles. Or, ce n’est pas le cas. La raison invoquée est que la plupart de ces sites se trouvent aux Etats-Unis ou en Russie et que, de surcroît, le «peer-to-peer» (échange d’informations de toute nature, en l’occurence d’images pédophiles, entre internautes sans l’intermédiaire d’un serveur) rend plus difficile encore la tâche de la police.

Pourtant, des logiciels d’échange de fichiers musicaux d’internaute à internaute font actuellement aux Etats-Unis l’objet de poursuites judiciaires pour atteinte au droit de copyright (équivalent de notre droit de la propriété intellectuelle). De même, le site Napster, qui diffusait gratuitement de la musique grâce au format MP3 (format de compression de données), a dû, pour les mêmes raisons, cesser ses activités par une décision judiciaire obtenue, elle aussi, sous la pression des multinationales de l’industrie du disque. Il semble donc que lorsque des intérêts commerciaux internationaux sont en jeu, Internet ne soit plus considéré comme un média sans frontières pour lequel l’application des textes législatifs nationaux sont impossibles.

Des textes législatifs pas ou peu appliqués

L’un des volets de la loi sur la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001, reprenant certaines dispositions de la Convention sur le cybercriminalité (signée, mais non ratifiée, à Budapest en novembre 2001 par une trentaine de pays, dont la France), impose aux fournisseurs d’accès de conserver les données relatives aux échanges qui ont lieu sur Internet, afin que celles-ci puissent servir de preuves en cas d’infraction pénale. La lutte contre la pornographie enfantine aurait dû s’en trouver facilitée. Néanmoins, la loi ne précise pas la durée exacte de conservation (il est seulement dit: «pour une durée maximale d’un an», ce qui est beaucoup trop elliptique) ni le type de données à conserver, malgré l’annonce, dans la loi elle-même (article L. 32-3-1) d’un futur décret en Conseil d’Etat. Celui-ci n’a jamais vu le jour, ce qui rend illusoire l’application de la loi.

Or, les associations de professionnels de l’Internet craignent qu’une telle obligation ne ralentisse le développement économique de ce secteur: les internautes ne s’y sentiraient plus en sécurité s’ils savaient leurs transactions (courrier électronique, recherche de sites, «tchats» et forums) enregistrées. La Convention de Budapest précise que les Etats «doivent veiller à ce que les conditions et sauvegardes assurent une protection adéquate des droits de l’homme et des libertés fondamentales». Toutes les procédures à instaurer doivent l’être «aux fins d’enquêtes ou de procédures pénales spécifiques», ce qui restreint l’application de ces mesures à une enquête concernant une affaire donnée.

A l’inverse, les sociétés d’auteurs, de compositeurs et d’éditeurs souhaitent une durée de conservation illimitée pour une raison économique: avoir le temps de récupérer les droits des auteurs de textes, de musique, etc. Ce dilemme économique semble paralyser les pouvoirs publics.

La pornographie est de toute évidence une activité commerciale rentable; elle se développe fortement sur Internet depuis que les start-ups ont vu leurs revenus chuter spectaculairement, après la phase d’euphorie, et que l’e-économie est à la recherche de nouvelles sources de financement. La pornographie en est une. Cette absence d’alternative entre le «laisser-faire» au nom de l’économie et le recours au Code pénal ne constitue pas une protection satisfaisante. La protection des mineurs ne peut relever de la seule loi pénale.

Les dispositions de la loi sur l’audiovisuel du 30 septembre 1986, modifiée par la loi relative à la liberté de communication du 1er août 2000, font obligation aux fournisseurs de services de communication en ligne d’informer ses abonnées de l’existence de logiciels de filtrage et de leur en proposer (article 43-7). Cette obligation n’est pratiquement pas respectée. Le fournisseur d’accès AOL, avec la diffusion d’un livret consacré au contrôle parental et le téléchargement gratuit d’un logiciel, fait figure d’exception. D’autres fournisseurs se contentent d’une information réduite, difficile à trouver sur leur site ou illisible car, par exemple, en lettres rouges sur fond noir.

A entendre les responsables de l’Association des fournisseurs d’accès à Internet, ceux-ci ne font guère la promotion des logiciels de contrôle parental pour des raisons commerciales. Il semblerait que les parents qui investissent dans l’informatique pour accéder à Internet ne soient pas disposés à payer pour un logiciel supplémentaire. Aucun fournisseur d’accès à Internet n’a jamais été poursuivi pour n’avoir pas respecté cette loi, et pour cause: elle ne prévoit pas de sanctions en cas d’infraction.

La protection des mineurs sur Internet peine à se faire en référence à la loi, malgré un arsenal juridique important et malgré l’existence d’une structure chargée de «construire la civilité de l’Internet». Le «Forum des droits sur l’Internet», association loi 1901, créée fin 2000, à la demande des pouvoirs publics, a en effet pour mission de réfléchir, avec les acteurs publics et privés d’Internet, à des comportement nouveaux et adaptés à ce média. Mais, tout en se situant délibérément dans une position intermédiaire entre les partisans de l’autorégulation (c’est-à-dire la régulation des contenus par les professionnels d’Internet euxmêmes) et les partisans d’un contrôle strictement juridique, elle s’est jusqu’à présent davantage intéressée aux usages d’Internet sur le lieu de travail, à la conservation des données ou à la propriété intellectuelle – tous thèmes ayant des retombées économiques certaines – qu’à la protection des mineurs. Le «Forum des droits sur l’Internet» devrait néanmoins se saisir prochainement de cette question.

ñ C. Les limites de la technique

Si le droit est relativement peu utilisée pour protéger les mineurs des dangers d’Internet, qu’en est-il de la technique ?

Les lignes directes (ou points de contact)

Les lignes directes sont des sites permettant aux internautes de dénoncer les contenus illégaux présents sur Internet et disposant de procédures formelles pour y donner suite: transmission aux services judiciaires français ou à Interpol. En France, elles sont au nombre de trois (celle de la gendarmerie, celle de l’OCLCTIC et celle de l’AFA, Association des fournisseurs d’accès à Internet).

Pour sa part l’AFA transmet à l’INHOPE, l’Association des fournisseurs européens de lignes directes d’assistance sur Internet, toute information concernant les sites illicites signalés lorsque ceux-ci sont hors du territoire national. Les lignes directes concernées peuvent ainsi avertir les autorités locales compétentes. Néanmoins, l’AFA reconnaît que les procédures doivent être améliorées au niveau international, notamment pour les pays qui, comme la Russie, ne sont pas mobilisés sur le sujet.

Les systèmes de filtrage et de classification

Les logiciels de filtrage (ou de contrôle parental) des contenus illicites ne sont pas totalement efficaces, malgré un progrès constant. Il est rare qu’ils filtrent le contenu exact souhaité par l’utilisateur. En général, soit ils verrouillent davantage («sur-verrouillage») que le contenu souhaité, soit ils ne verrouillent pas suffisamment («sous-verrouillage»). L’exemple classique est le tableau de Boticelli, La naissance de Vénus: montrant l’image d’une femme nue, celui-ci a toutes les chances d’être inaccessible à des adolescents recherchant une illustration pour un exposé d’histoire de l’art si leur ordinateur est équipé d’un filtre interdisant l’accès aux images de personnes nues.

De plus, à partir d’un certain âge, les compétences de nombreux jeunes, souvent passionnés d’informatique, dépassent largement celles de leurs parents. Il leur sera donc extrêmement facile de contourner le contrôle parental en programmant différemment le logiciel.

Les boîtiers de filtrage, installés sur un serveur ou un ordinateur individuel, ont sur les logiciels l’avantage d’être plus difficiles à pirater, de ne pas nécessiter de mises à jour régulières et d’être compatibles avec n’importe quel système d’exploitation. La sécurité est renforcée lorsqu’ils sont installés sur un serveur, par exemple dans un établissement scolaire, car ils ne laissent apparaître que l’adresse du serveur, et non celles des ordinateurs individuels reliés au serveur.

Les logiciels de classification – tels celui de l’ICRA (Association de classification du contenu Internet) – sont des systèmes permettant aux webmasters de référencer leur site dans une base de données en fonction de son contenu. Les utilisateurs peuvent ensuite se référer à cette classification, qui constitue une sorte de label, pour filtrer les contenus indésirables.

Néanmoins, rien n’oblige un webmaster à déclarer son site à cet organisme. Les sites aux contenus illicites ne figurent donc pas sur cette classification, mais le fait qu’un site n’y figure pas ne signifie pas non plus que son contenu soit illicite.

Les effets pervers de la technique

Il est probable que les difficultés techniques du contrôle parental seront prochainement résolues. Ainsi la version 6 d’Internet (Protocole IPV 6), qui est en préparation, devrait permettre de créer des filtres au niveau de tous les routeurs, c’est à dire beaucoup plus en amont sur le réseau et sur une plus grande échelle.

Mais logiciels et boîtiers possèdent tous le même inconvénient: ils ne filtrent que ce qu’on leur donne à filtrer puisqu’ils doivent être «paramétrés» par chaque utilisateur. La difficulté principale réside en fait dans l’accès à l’information: comment chaque parent pourrait-il connaître la totalité des sites qu’il souhaite interdire ? Où trouver cette information ? La diffusion de listes noires aboutit généralement à l’effet inverse, c’est-à-dire à attirer le public vers ces sites auxquels il est fait, involontairement, de la publicité.

Certes, il existe des sociétés de service qui proposent à leurs clients de faire ce travail de recherche d’information et de tri des sites. Mais leurs services sont évidemment payants, ce qui ne peut qu’accroître le coût d’utilisation d’Internet pour les familles.

Le seul système répondant aux difficultés énoncées précédemment consiste en un navigateur pour enfants de moins de 12 ans («Xooloo») installé chez le fournisseur d’accès, avec une connexion individuelle par mot de passe pour chaque enfant de la famille proposée lors de l’abonnement chez le fournisseur d’accès internet. Cette connexion donne non seulement accès à une base de données de 45 000 sites déjà triés et mis à jour par des personnes qualifiées – ce qui permet de surfer en toute sécurité –, mais offre un portail pour la communication qui sécurise les mails, les «tchats», les forums, etc. Cette connexion, une fois installée, empêche l’enfant de surfer par l’intermédiaire de la connexion de ses parents, qui signent une charte et sont régulièrement informés par le fournisseur d’accès des nouveaux internautes inscrits dans le carnet d’adresses de leurs enfants. C’est ce type de produit, intégrant à la fois les avancées de la technique et la notion juridique d’autorité parentale, qu’il faut prendre pour modèle pour une protection efficace des mineurs.

Il n’en reste pas moins que, quelle que soit leur efficacité, ces modes de contrôle peuvent comporter des effets pervers.

Selon des organismes tels qu’EDUCAUNET, programme réalisé avec le CLEMI (Centre de liaison de l’enseignement et des moyens d’information) dans le cadre du Plan d’action européen en faveur d’un Internet plus sûr, les moyens techniques de protection (logiciels de filtrage, labels, listes noires) possèdent un effet pervers appelé «effet air-bag». Se croyant en sécurité, les jeunes et leurs parents font preuve d’une moindre vigilance et sont démunis lorsqu’il se trouvent confrontés à des contenus indésirables dont ils se croyaient protégés. Les responsables d’EDUCAUNET estiment qu’il est fondamental de donner aux jeunes les moyens de se protéger eux-mêmes plutôt que d’élever des murs autour d’eux. C’est également la conclusion d’un rapport américain de mai 2002 émanant du National Research Council et intitulé «Jeunesse, pornographie et Internet»: «Les piscines sont dangereuses pour les enfants. On peut installer des barrières de protection et des systèmes d’alarme, mais la chose la plus importante à faire est d’apprendre aux enfants à nager.»

ñ 6. L’enfant et la publicité

Si la question de l’impact des images et des messages violents est évidemment présente dans la problématique concernant la publicité, c’est également la transformation de l’enfant en cible publicitaire qui fait problème. Les deux dimensions doivent être prises en compte.

Concernant les expressions de la publicité, le «porno chic» est un genre publicitaire en expansion; ses messages – mises en scènes photographiques – cautionnent la violence envers les femmes et leurs réponses de soumission. De telles insertions sont cependant courantes en affichage publicitaire, en ville et dans diverses publications: presse féminine, magazines d’informations générales, mais aussi presse pour adolescentes dont on sait qu’elle est généralement lue par des jeunes filles plus jeunes que celles auxquelles la revue est destinée. Une partie de ces publications n’échappe pas à cette tendance de sexualisation tant dans ses publicités, que dans ses thèmes et ses illustrations. Un de ces titres, qui revendique dans son comité éditorial la présence d’une jeune fille de 14 ans, s’interrogeait dans son «dossier excès» (juin 2002): «Faut-il faire comme dans les films X ?» et y présentait le témoignage d’une adolescente de 15 ans.

Dans une société où la consommation se voit assigner pour objectif majeur de maintenir le dynamisme du système économique, la publicité occupe évidemment une place centrale. Or, celle-ci s’adresse davantage à l’enfant qu’à ses parents, sachant que le premier orientera le choix d’achat du second. Le développement d’une consommation spécifiquement «junior» ne fait que renforcer cette tendance. L’enfant a supplanté la famille dans les représentations publicitaires. Il est souvent le héros solitaire de la publicité qui n’hésite plus à s’adresser directement à lui. «Parce qu’elle constitue un enjeu économique et idéologique pour les annonceurs, remarque Monique Dagnaud (Les enfants, acteurs courtisés de l’économie marchande, Enfants et publicité télévisé, février 2002 ) et, par un mouvement spontané que personne ne contrôle vraiment, cherche à les atteindre partout où il se trouvent: leurs médias, leurs espaces de loisirs, leur école».

ñ A. De faibles outils de régulation

A la différence de certains pays tels que le Royaume Uni, la France ne dispose d’aucun organisme public exerçant une mission de régulation en matière de publicité à l’exception du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel en matière de télévision et de radio. Le Bureau de Vérification de la Publicité (BVP) qui intervient dans ce champ est une organisation professionnelle financée par environ 800 adhérents. Il s’agit des agences de publicité, des annonceurs et des supports (tous types de médias). Il peut être saisi soit par ses adhérents (environ 1500 messages par an) en amont de la diffusion d’un message, soit par des consommateurs ou des associations qui s’inquiètent de la forme ou de la teneur de certains messages. Le BVP peut demander à une agence de publicité de cesser une campagne. Le développement de la violence dans la publicité constitue la principale cause des interventions du BVP qui peut demander, lorsqu’il est consulté préalablement, la modification du message publicitaire. La seule sanction dont il dispose tient à la possibilité de «déréférencer» l’agence récalcitrante. En pratique, les moyens d’action du BVP restent limités en matière d’affichage parce que ce type de campagne publicitaire est extrêmement brèf et ne laisse pas au BVP le temps de se manifester. De plus, les afficheurs ne consultent presque jamais le BVP au préalable. Le BVP intervient essentiellement en amont par l’élaboration de règles déontologiques qui doivent permettre à la profession de s’autoréguler. Les affiches exposées sur des kiosques à journaux sont gérées par l’AAP, filiale des NMPP. L’AAP a, une fois, refusée d’exposer une affiche intitulée «L’amour au bureau». Cette décision a fait l’objet d’un recours judiciaire. Le président du tribunal de grande instance de Paris par ordonnance de référé en date du 8 mars 2001 a estimé que l’AAP n’avait pas à exercer de contrôle à priori et lui a donné tort.

En matière de télévision, le CSA demande aux annonceurs de recueillir un avis du BVP avant diffusion. 12 000 spots publicitaires font ainsi chaque année l’objet d’un tel avis. 6 à 7% des spots ont donné lieu à des coupes ou à des modifications suite à cet avis. Le CSA peut intervenir a posteriori s’il estime que le spot pose problème au regard de la réglementation.

ñ B. L’interdiction des enfants prescripteurs

L’une des règles déontologiques élaborées par le BVP est l’interdiction de mettre en scène des enfants prescripteurs dans les messages publicitaires. La notion de prescription donne évidemment lieu à de multiples interprétations. S’il est rare que l’enfant apparaisse explicitement comme prescripteur de l’achat d’un produit, la place centrale que l’enfant occupe dans le message publicitaire produit le même effet. La directive Télévision sans frontières fait d’ailleurs interdiction à la publicité d’inciter directement les mineurs à persuader leurs parents ou des tiers d’acheter les produits ou les services concernés. Les législations des pays européens interprètent diversement le caractère direct ou non de l’incitation. Le Danemark a adopté en 1997 des dispositions qui limitent la participation des enfants de moins de quatorze ans à des «éléments naturels de décors» sauf «si leur présence est nécessaire pour expliquer ou démontrer l’utilisation d’un produit spécifique à l’enfant». La législation espagnole s’oppose à ce que les enfants constituent les personnages centraux des publicités si les produits ne les concernent pas directement.

Au delà de la question de la présence de l’enfant dans la publicité, c’est celle de l’impact de cette dernière sur les enfants qui est posée tout particulièrement en matière de télévision. La difficulté pour l’enfant de distinguer avant un certain âge publicité et programmes, la multiplication des publicités-parrainages qui brouillent les repères, le ciblage de certaines campagnes sur un jeune public devraient conduire tous les acteurs concernés à une vigilance particulière.

ñ C. Distinguer programmes et publicité

Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a pris des mesures pour favoriser la distinction entre les programmes et la publicité. Ainsi, les nouvelles conventions avec TF1 et M6 prévoient-ils que les génériques d’écrans publicitaires situés à l’intérieur des programmes jeunesse doivent comporter une durée minimale de 4 secondes. De même, il ne doit y avoir «aucune interférence entre le nom du parrain ou d’une de ses marques et celui d’une émission pour la jeunesse ou d’un élément de celle-ci». Enfin, la mention des parrainages doit être ponctuelle, discrète et de taille modeste. Ces dispositions qui vont dans le bon sens restent néanmoins timides au regard des mesures prises dans d’autres pays. Il serait souhaitable de s’inspirer des législations de pays nordiques qui ont limité, voire interdit, la publicité autour des programmes pour enfants. S’il difficile en raison de la pression économique que la publicité exerce sur les chaînes d’interdire purement et simplement la publicité à l’occasion de la diffusion de programmes jeunesse, il est en revanche parfaitement possible d’interdire (quelques heures avant et après) les messages publicitaires portant sur des produits dérivés liés à un programme pour enfants, ce qui permettrait de réduire la confusion que provoquent de telles pratiques entre publicité et programme.




ñ III. La nécessité de réformer le dispositif

La diversité des structures chargées de protéger l’enfance face aux images et messages violents rend difficile l’élaboration d’une politique cohérente et lisible tant pour les professionnels concernés que pour les publics des médias. A cela s’ajoute l’absence d’une base juridique claire sur laquelle les commissions précédemment évoquées devraient pouvoir développer leur jurisprudence. Bien évidemment, chaque média présente une spécificité qui doit être prise en compte par l’institution régulatrice, ce qui ne fait nullement obstacle à la définition de concepts juridiques communs. La mise en œuvre de ces concepts peut d’ailleurs varier en fonction des médias. A titre d’exemple, tous les experts s’accordent à dire que les conditions de réception du message violent déterminent largement l’impact du message sur les personnes qui le reçoivent. Ainsi, la projection d’un film en salle où le mineur est fréquemment accompagné n’a pas les mêmes effets sur lui que le visionnage solitaire d’une cassette vidéo du même film. Pour autant, il est utile de préciser le contenu de la notion de violence, d’essayer d’en appréhender les différents degrés afin que les instances qui assument une mission de classification et de régulation puissent disposer de repères communs.

ñ 1. Définir une base juridique commune

Le premier principe juridique à réaffirmer est celui de l’intérêt de l’enfant au regard de la nécessaire protection dont il doit pouvoir bénéficier face à toute situation susceptible de le mettre en danger mais aussi au regard de certains droits tels que le droit à l’information ou le droit aux loisirs, consacrés par la convention internationale sur les droits de l’enfant.

ñ A. Assurer l’équilibre des droits

Un droit n’est jamais absolu. Sa mise en œuvre implique une démarche équilibrée visant à concilier l’effectivité de ce droit avec d’autres droits. L’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme garantit le droit d’expression. Mais il précise également que l’exercice de ce droit peut être soumis à certaines restrictions. La jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme a ainsi développé le principe de proportionnalité selon lequel une atteinte à un principe fondamental, pour ne pas être considérée comme excessive, doit être proportionnelle à l’importance de l’intérêt à défendre. Il s’agit donc, en l’espèce, de rechercher un équilibre entre la nécessité de protéger les mineurs de programmes susceptibles de nuire à leur épanouissement et celle de ne pas porter atteinte de façon excessive à la liberté de communiquer. Le conseil d’Etat a dans plusieurs arrêts (CE ass. 24 janvier 1975, Société Rome-Paris Films, CE 9 mai 1990, Pichène et De Dénouville, CE 30 juin 2000 «Baise moi») adopté un raisonnement analogue en confiant au ministre de la culture la mission de concilier, sous le contrôle du juge, les intérêts dont il a la charge avec le respect dû aux libertés publiques et, notamment, la liberté d’expression. Il a également placé ces intérêts généraux, dont la protection des mineurs fait partie de façon évidente, au même rang que la liberté d’expression à laquelle il autorisait à porter atteinte.

La convention internationale sur les de l’enfant, adoptée par l’ONU le 20 novembre 1989 et ratifiée par la France en 1990, est également porteuse de cet équilibre entre divers droits. L’article 13 reconnaît la liberté d’expression de l’enfant: droit de rechercher, recevoir, diffuser des informations et des idées. L’article 17 affirme l’importance de la fonction des médias dans cette diffusion de l’information mais aussi leur responsabilité pour que cette information présente une utilité sociale et culturelle au regard des buts de l’éducation telle qu’elle est définie par l’article 29 de cette même convention: favoriser le développement de la personnalité de l’enfant, lui inculquer le respect des droits de l’homme, le respect de ses parents, de son identité, de sa langue, de ses valeurs culturelles, préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie.

La recherche de cet équilibre nécessite, comme nous le verrons ultérieurement, que la structure qui en soit chargée offre des garanties tant en ce qui concerne son statut que sa composition. Elle suppose également que le débat puisse s’organiser autour de concepts juridiques clairement explicités.

ñ B. Réaffirmer le principe de la protection de l’enfance

Si la plupart des commissions qui exercent auprès des médias une fonction de classification le font de fait au titre de la protection de l’enfance, le droit en la matière comporte encore un certain nombre d’ambiguïtés.

Ainsi, comme nous l’avons vu, la commission de classification des oeuvres cinématographiques dispose de la possibilité de proposer au ministre de la culture d’interdire totalement un film. Si cette faculté n’a pas été utilisée depuis plus de vingt ans, le fait qu’elle subsiste en droit brouille l’identité de cette commission dont les avis doivent viser exclusivement à protéger les mineurs d’images et de messages de nature à leur porter préjudice. Il semblerait opportun de supprimer cette possibilité d’interdire totalement un film afin de rompre très clairement avec toute forme de notion de censure.

Les enjeux de la classification X

De même, la question du maintien de la classification film X peut se poser depuis le rétablissement par un décret en date du 12 juillet 2001 d’une catégorie de films interdits aux moins de 18 ans. Du point de vue de la protection des mineurs, si une œuvre cinématographique fait l’objet d’un visa d’exploitation interdisant son accès en salle à des mineurs âgés de moins de dix-huit ans, peu importe qu’elle soit qualifiée de pornographique ou non. Actuellement, ce classement X a une conséquence déterminante pour le film puisqu’elle entraîne son interdiction en salle et soumet le film à un régime juridique et fiscal spécial, très restrictif, tel que défini par la loi du 30 décembre 1975.

La seconde conséquence de cette classification n’est pas sans importance au regard de la protection des mineurs: elle détermine les conditions de diffusion du film à la télévision. Dans l’hypothèse où le Conseil supérieur de l’audiovisuel interdirait la diffusion de films pornographiques, le classement X rendrait impossible l’accès par la télévision du film à des mineurs. En revanche, si le CSA s’oppose à la diffusion à la télévision de tous films interdits au moins de 18 ans quels que soient l’heure de diffusion ou le mode de cryptage, le classement X n’est plus déterminant au regard de la protection de l’enfance. Il conviendrait que la réglementation de la vidéo adopte les mêmes dispositions au regard de la protection des mineurs qu’il s’agisse de films interdits aux moins de 18 ans ou de films pornographiques. Cet exemple illustre la difficulté de définir une réglementation portant sur un média sans la concevoir au regard des autres médias susceptibles de diffuser une même œuvre.

Les limites de la loi pénale

La protection de l’enfance doit constituer le principe phare du dispositif de prévention administrative. Sauf à verser dans la censure, un message ne doit faire l’objet d’une interdiction totale que dans la mesure où il tombe sous le coup de la loi pénale ou porte atteinte à un principe fondamental tel que le respect de la vie privée. Il peut s’agir par exemple d’images de mineurs présentant un caractère pornographique tel qu’il est réprimé par l’article 227-23 du code pénal.

D’une façon générale, la loi du 29 juillet 1881 sur la presse et la communication prévoit un certain nombre de délits qui peuvent être retenus à l’encontre des auteurs et éditeurs de la plupart des médias. Il en est ainsi des messages incitant à la commission de crimes ou de délits visés par l’article 23 de cette loi si la provocation a été suivie d’effet. L’article 24 réprime cette même provocation pour certains délits (atteintes volontaires à la vie, à la l’intégrité de la personne, agressions sexuelles, vols, destructions, extorsions, actes de terrorisme...), même si la provocation n’est pas suivie d’effet. Cette loi réprime également l’apologie des crimes de guerre ou de collaboration, des actes de terrorisme, la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale et la négation des crimes contre l’humanité. Elle interdit également la reproduction des circonstances d’un crime ou d’un délit lorsque cette reproduction porte atteinte à la dignité de la victime et qu’elle a été réalisée sans l’accord de cette dernière. De même, les médias ne peuvent donner des informations relatives à l’identité ou permettant l’identification de mineurs ayant vécu ou vivant certaines situations difficiles (suicide, victime d’infraction,...).

En revanche, quand le message lui-même ne constitue pas une infraction, il ne doit pouvoir faire l’objet que de restrictions de diffusion, et ce, au seul regard de la protection des mineurs. Le nouveau code pénal dont l’essentiel des dispositions est entré en vigueur le 1er mars 1994 a d’ailleurs pris acte de cette évolution de la société dans sa relation à la censure. L’ancien article 283 qui réprimait «l’outrage aux bonnes mœurs» a été remplacé par l’article 227-24 qui puni «le fait soit de fabriquer, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message, lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur». Alors que le délit d’outrage aux bonnes mœurs pouvait être constitué même si aucun mineur n’était susceptible de percevoir le message litigieux, la nouvelle infraction ne peut être retenue à l’encontre de l’auteur des faits que dans l’hypothèse où la preuve est rapportée que ce message est susceptible d’être accessible à des mineurs. C’est donc bien désormais la seule protection des mineurs qui sert de fondement à des poursuites à l’encontre de fabricants, de diffuseurs ou de commerçants de certains messages. Encore faut-il que le caractère de ces messages soit suffisamment défini.

ñ C. Définir la nature des messages

L’article 227-24 du code pénal a également précisé les catégories de messages susceptibles de «mettre en péril les mineurs». Alors que la notion de «bonnes mœurs», malgré les efforts de la jurisprudence, renvoyait à un état d’évolution de ces mœurs à une époque donnée, donc à des représentations extrêmement subjectives, la nouvelle qualification fait référence à trois types de messages: violents, pornographiques ou portant atteinte à la dignité humaine.

Privilégier la protection administrative

Si ces trois catégories peuvent, en l’état du droit positif, servir de fondement à des poursuites pénales, elles peuvent, a fortiori, constituer des références pertinentes en matière de protection administrative. A cet égard, les créateurs, les producteurs et les diffuseurs d’images et de messages bénéficieraient d’une plus grande sécurité juridique si une réelle protection administrative des mineurs dans ce domaine était assurée. Faute de l’efficience d’une telle protection, il est à craindre que la tendance à la pénalisation qui marque fortement notre société depuis une dizaine d’années touche davantage le secteur des médias et de la création, d’autant que certaines associations disposent des moyens juridiques de déclencher ces poursuites pénales. Si aucun dispositif de prévention n’intervient en amont de la diffusion de certains messages, la forte victimisation qui caractérise notre société ne manquera pas de conduire, comme l’illustrent déjà quelques affaires récentes, à la recherche de responsabilités pénales.

Les trois catégories précitées peuvent-elles constituer des concepts adaptés à un dispositif de protection administrative des mineurs face aux messages et images de nature à leur nuire ? Il convient d’abord de remarquer que la simple référence à la protection de l’enfance ne peut suffire, à elle seule, à fonder des décisions restreignant la liberté de communication ou d’expression. La protection de l’enfance doit, en la matière, renvoyer à un contenu précis.

Définir la pornographie

La notion de pornographie ne pose pas de difficultés particulières. Elle est, en effet, bien définie par plusieurs arrêts du Conseil d’Etat ( CE, 13 juillet 1975 Société les Comptoirs français du film, CE, 30 juin 2000, «Baise moi»...). Il s’agit, en substance, d’œuvres qui représentent des scènes d’actes sexuels non simulés, de manière répétitive, sans que le propos de l’auteur puisse leur donner un autre sens que le fait de viser à l’excitation sexuelle du spectateur. La présence d’une scène montrant un acte sexuel non simulé ne suffit donc pas pour justifier le classement X d’un film. Le conseil d’Etat dans une ordonnance de référé en date du 30 octobre 2001 a ainsi estimé que le film «Le pornographe» qui contient une scène de sexe non simulé ne constituait pas pour autant une œuvre pornographique «tant la place que tient cette scène, d’ailleurs exclusive et brève par rapport à la durée du film, que la manière dont elle a été filmée, établissent que ni le sujet du film, ni l’intention de l’auteur n’ont eu d’autres fins que d’illustrer, à travers la séquence dans l’ouvrage du tournage d’un film pornographique, des idées et des thèmes étrangers à l’exposition et à l’exploitation de scènes à caractère sexuel».

Des juridictions judiciaires ont également défini la pornographie. A titre d’exemple, le tribunal correctionnel de Paris dans un jugement en date du 5 octobre 1972 opérait une distinction entre «l’ouvrage érotique qui glorifie, tout en le décrivant complaisamment, l’instinct amoureux, la «geste» amoureuse» et «les œuvres pornographiques qui, au contraire, privant les rites de l’amour de tout leur contexte sentimental, en décrivent seulement les mécanismes physiologiques...». La définition de la pornographie est d’autant moins problématique que la quasi totalité des auteurs d’images ou de films pornographiques revendiquent le caractère pornographique de leur production. Restent certaines oeuvres cinématographiques qui présentent des scènes d’actes sexuels non simulés sans que celles-ci soient pour autant répétitives ou dénuées de sens au regard du propos du film. Il ne s’agit donc pas là de pornographie, et, concernant le cinéma, l’interdiction aux moins de dix-huit ans doit permettre de protéger les mineurs si l’autorité compétente juge que de telles scènes peuvent leur nuire.

Préciser la notion de violence

La notion de violence est évidemment bien plus difficile à définir. Dans une première version de l’article 227-24 du code pénal, il était d’ailleurs question de n’incriminer la violence que dans la mesure où elle portait atteinte à la dignité humaine. Le concept d’atteinte à la dignité humaine étant juridiquement relativement bien défini (cf.infra), il serait souhaitable de réécrire cet article en liant violence et atteinte à la dignité humaine. Les messages violents n’ont d’ailleurs jamais donné lieu à des poursuites sur la base de cette incrimination en raison du caractère flou et incertain de la notion de violence.

La violence ne se résume pas à une atteinte physique exercée à l’encontre d’autrui. La Cour de Cassation a estimé à plusieurs reprises que des violences ou voies de fait pouvaient être constituées en l’absence d’atteinte matérielle à la personne si les faits litigieux étaient de nature «à provoquer une sérieuse émotion». Une telle définition permettrait de considérer comme violents un grand nombre de spectacles dont l’objectif est précisément de générer une vive émotion. Une définition trop large perd tout intérêt au regard de la protection de l’enfance sauf à interdire aux mineurs l’accès aux médias.

La directive Télévision sans frontières adoptée le 3 octobre 1989 et modifiée le 30 juin 1997 par le Parlement européen et le Conseil donne un élément de réponse. L’article 22 de la Directive pose le principe d’une interdiction des programmes susceptibles de nuire gravement à l’épanouissement des mineurs: «Les Etats membres prennent les mesures appropriées pour que les émissions des organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relève de leur compétence ne comportent aucun programme susceptible de nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, notamment des programmes comprenant des scènes de pornographie ou de violence gratuite». L’alinéa 2 de cet article étend l’interdiction aux «programmes susceptibles de nuire (et non plus gravement) à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs sauf s’il est assuré, par le choix de l’heure de l’émission ou par toute mesure technique, que les mineurs se trouvant dans le champs de diffusion ne sont normalement pas susceptibles de voir ou d’entendre ces émissions».

Selon cette directive, il existerait donc un niveau de violence qui justifierait que des programmes présentant ce degré de violence soient purement et simplement interdits de diffusion. La notion de «violence gratuite» reste néanmoins ambiguë Les nombreux psychiatres et pédopsychiatres auditionnés parlent plus volontiers d’une violence «décontexualisée». Ce n’est pas seulement le degré de violence qui fait problème, c’est l’absence de sens. Cette violence est seulement sidérante, elle est incompréhensible. Face à ce type de violence, toute éducation à l’image ou accompagnement semblent illusoire. Certains experts comparent ce type de violence à celle de la pornographie: elle ne vise qu’à provoquer une excitation qui, pour les plus jeunes, revêt d’ailleurs une dimension sexuelle. C’est la raison pour laquelle les représentations de la violence qui mettent en scène la jouissance de son ou de ses auteur(s) sont particulièrement problématiques.

Enfin, les experts soulignent que la violence est d’autant plus traumatisante qu’elle est répétitive, même si une seule image ou une seule scène peuvent également l’être au regard de certains vécus ou de certaines personnalités. La répétition de l’image violente favorise selon un certain nombre de psychiatres une sorte d’imprégnation de la violence. Plutôt que de parler de violence gratuite, il semblerait préférable d’évoquer une violence intense décontextualisée, et répétitive. Ce concept de violence pourrait permettre d’organiser les débats de ceux qui exercent une mission de classification au regard de la protection de l’enfance. Elle réduirait la forte subjectivité des classements en donnant quelques repères pour construire une jurisprudence équilibrée. Quant à la violence portant atteinte à la dignité humaine, elle devrait faire l’objet d’une vigilance toute particulière.

L’atteinte à la dignité humaine, une référence pertinente

Enfin, la notion d’atteinte à la dignité humaine apparaît dans de nombreux textes administratifs, civils, ou pénaux. Ainsi, l’article 1er de la loi sur la communication audiovisuelle du 30 septembre 1986 qui pose le principe de la liberté de communication, stipule que cette liberté peut être limitée par le respect de la dignité de la personne humaine. Curieusement, cet article, qui vise les limites de la liberté de communication audiovisuelle, ne fait nullement référence à la protection de l’enfance. Il faut attendre l’article 15 de cette même loi pour que la question des mineurs soit évoquée. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui a vocation à veiller au respect de la loi de 1986, est donc investi d’une mission de protection de tous les publics susceptibles d’être confrontés à des scènes portant atteinte à la dignité humaine, qu’il s’agisse de mineurs ou non. En revanche, il est clair que si des scènes portant atteinte à la dignité humaine sont traumatisantes pour des majeurs, elles le sont a fortiori pour des mineurs. C’est la raison pour laquelle la notion d’atteinte à la dignité humaine peut également constituer une référence pertinente pour la régulation des médias au regard de la protection de l’enfance.

La dignité humaine constitue un principe juridique fort. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que «l’un des buts principaux de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme est la dignité et l’intégrité physique de la personne» (CEDH, 25 avril 1978, Tyrer). Le conseil constitutionnel français en a affirmé la valeur constitutionnelle dans une décision en date du 27 juillet 1994 (D.95,237, n. Mathieu). La loi de 1994 sur la bioéthique en a fait également un principe du code civil énoncé dans son article 16: «La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie».

Les juridictions nationales font souvent référence à ce principe. Le conseil d’Etat a ainsi jugé que le respect de la dignité de la personne humaine pouvait justifier une mesure d’interdiction d’un spectacle (CE, 27 octobre 1995). Il s’agissait d’un spectacle de «lancer de nains» que la haute juridiction administrative a considéré comme illicite «alors même que des mesures de protection avaient été prises pour assurer la sécurité de la personne en cause et que celle-ci se prêtait librement à cette exhibition contre rémunération». L’accord de la personne ne fait nullement cesser l’atteinte à sa dignité parce que le principe qui est ici en jeu présente un caractère d’ordre public.

L’atteinte à la dignité humaine peut également être le fait de certains discours. Le conseil d’Etat a estimé que les propos d’un animateur de la radio Skyrock, qui s’était réjoui à quatre reprises de la mort d’un policier tué la nuit précédente au cours d’une fusillade avec des malfaiteurs, constituait une atteinte à la dignité humaine (CE, 20 mai 1996, Ste Vortex). La Cour de Cassation a également consacré la dignité comme un droit de la personne pouvant s’opposer au droit à l’information (Cass. Civ. 1, 20 déc. 2000): «La liberté de communication des informations autorise la publication d’images des personnes impliquées dans un événement, sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine».

La jurisprudence comme la doctrine tendent à définir le respect de la dignité humaine comme un principe qui interdit de soumettre un être humain à toute forme d’asservissement et de dégradation, de le considérer comme un objet dans la totale dépendance du pouvoir d’autrui. Plus précisément, ce se sont les actes humiliants qui sont visés par ce principe. L’atteinte à la dignité humaine consiste, comme l’écrit le professeur de droit Jean Carbonnier, à conduire «la victime à subir ou commettre, même de son plein gré, des actes humiliants, de lui avoir, en somme, fait perdre le respect de soi-même, l’instrument en étant l’humiliation, cette émotion indéfinissable qui rabaisse l’homme au niveau de l’humus». Ce principe, bien qu’il concerne l’ensemble du public, est particulièrement efficient en matière de protection des mineurs. La construction de l’autonomie de ces derniers suppose qu’ils ne soient pas confrontés à des scènes qui représentent l’homme comme un objet aux mains d’autrui, surtout lorsque autrui prétexte du consentement de l’intéressé pour justifier son humiliation. C’est bien au regard de ce principe que certaines émissions de radio ou de télé-réalité, qui font participer un jeune public, posent problème: la violence est ici moins dans le propos ou l’image que dans la négation de ce qui fait l’humanité.

ñ 2. Créer une instance plurimédia

Le bilan dressé dans la précédente partie démontre l’extrême diversité des instances qui interviennent en matière de protection de l’enfance dans le champ des médias. Il s’agit d’ailleurs là d’une constante européenne comme le soulignait le rapport d’évaluation de la Commission européenne de 2001 sur la recommandation du Conseil sur la protection des mineurs et la dignité humaine dans les médias en date du 24 septembre 1998.

Cet éclatement des dispositifs, qui fonctionnent sur des bases juridiques hétérogènes, nuit considérablement à la cohérence et à l’efficacité du système de protection de l’enfance face aux médias. Bien évidemment, chaque média a sa spécificité, son identité, son histoire, ses contraintes techniques et économiques qui doivent être prises en compte par toute instance de régulation. Cette spécificité ne doit pas interdire de réfléchir à un dispositif d’ensemble qui pourrait favoriser une politique plus cohérente et équilibrée dans ce domaine.

Les instances assurant cette mission de protection des publics exercent des fonctions également diverses. Certaines assurent une mission de classification comme la commission de classification des oeuvres cinématographiques ou la commission des publications destinées à la jeunesse. D’autres, comme le Forum des droits pour Internet, développent une forme de corégulation dont l’Etat n’est pas partie prenante. D’autres enfin comme le CSA exercent une fonction de régulation qui oscille entre la responsabilisation des acteurs, le pouvoir d’injonction et celui de sanction. Les jeux vidéo ne connaissent, de fait, que l’autorégulation. Le syndicat des éditeurs de logiciels de loisir a mis en place un dispositif de classification qui est élaboré par les seuls producteurs. La commission vidéo installée en septembre 2000 auprès du ministère de l’Intérieur, si elle a juridiquement une compétence en matière de jeux vidéo, n’en a examiné aucun depuis sa création (cf. première partie). Enfin la publicité ne connaît, quant à elle, que l’autorégulation.

Cette situation n’est évidemment pas sans conséquences sur le niveau de protection dont les mineurs bénéficient. Si le cinéma et la télévision constituent des médias pour lesquels le contrôle a priori ou a posteriori est important, il n’en va pas de même en ce qui concerne la vidéo ou les jeux électroniques. Le fait qu’un film faisant l’objet d’une interdiction en salle aux moins de 12 ans ou aux moins de 16 ans ou même aux moins de 18 ans puisse être, sans la moindre difficulté, accessible en vidéo à des mineurs de moins de 12 ans démontre l’incohérence du système. Les professionnels du cinéma ne manquent d’ailleurs pas de dénoncer cette inégalité pour protester contre la rigueur de certains visas d’exploitation qui limitent l’accès de leur œuvre au public mineur.

Les diverses fonctions de régulation, de corégulation, et d’autorégulation concernent bien évidemment l’ensemble des médias. Mais le bilan des dispositifs actuels démontre qu’il n’existe aucun espace où les articulations entre ces différentes fonctions peuvent être conçues au regard de la spécificité de chaque média, des programmes qu’ils diffusent, des publics auxquels ils s’adressent et de la nécessité de veiller à la protection des mineurs.

ñ A. Une instance indépendante de protection des mineurs face aux messages violents

Il est sans doute possible d’améliorer le fonctionnement de chaque structure en intégrant cette préoccupation de cohérence. La base juridique que nous proposons en matière de pornographie, de violence ou d’atteinte à la dignité humaine peut constituer un point de départ. Elle est manifestement insuffisante parce que la fonction de régulation ne se limite pas à classifier les programmes. Elle suppose aussi le recours à des techniques de médiation et de concertation qui doivent se substituer à des mesures purement directives. Les références communes sont également insuffisantes s’il n’y a pas de lieu d’articulation entre les instances chargées de veiller à la protection de l’enfance.

Pour une autorité indépendante

Une structure interministérielle pourrait assumer cette fonction d’articulation mais il n’est pas certain que la liberté de communication et d’expression y gagnerait. Quant à la fonction de régulation proprement dite, elle est étroitement liée à celle de structure indépendante des différents pouvoirs concernés. Indépendance à l’égard des diffuseurs mais aussi du pouvoir exécutif sans être pour autant une structure juridictionnelle. Dans le domaine de la communication et des médias, les intérêts financiers sont considérables et les groupes privés puissamment structurés. Le Conseil Constitutionnel a souligné la pertinence d’une autorité administrative indépendante lorsque la liberté de communication est en jeu (Cons.const., 28 juillet 1984, déc. n°84-173 DC ). Les pouvoirs législatif et réglementaire fixent le cadre mais la régulation doit être exercée par une instance offrant de réelles garanties d’indépendance. C’est d’ailleurs cette mission de régulation qui caractérise le mieux les autorités administratives indépendantes qui occupent une position d’interface entre l’Etat, conservant un pouvoir général de réglementation, et les opérateurs publics ou privés gérant un service ou fournissant des prestations.

Les diverses commissions qui émettent des avis auprès du gouvernement, avis suivis d’ailleurs de manière variable selon les ministères concernés, n’exercent pas véritablement une mission de régulation. Elles assurent au mieux une fonction de classification. Pour sa part, le CSA dispose d’importantes prérogatives telles que celle de délivrer les autorisations d’émettre pour les services privés, de les suspendre ou de les retirer si besoin est, ou de désigner les responsables des sociétés de programmes du secteur public. Mais au delà de ces pouvoirs, son statut d’autorité indépendante contribue également, de toute évidence, à faciliter l’exercice de cette fonction de régulation en amont de la diffusion des programmes. A la différence des commissions précitées, le CSA exerce sa mission de contrôle a posteriori mais il joue également un rôle régulateur en amont de la diffusion bien qu’il n’ait pas de fonction de classification.

L’avantage qu’offre une autorité administrative indépendante tient dans sa capacité à exercer plusieurs fonctions qui permettent des réponses diversifiées à la question de la protection des mineurs face aux médias. Elle peut prendre en compte la spécificité de chaque média et adapter ces réponses en fonction de la nature des programmes concernés.

Ce modèle s’est d’ailleurs développé dans plusieurs pays. Au Royaume Uni, le BBOFC (British Board of Film Classification) est compétent pour l’ensemble des médias audio-visuels. En 2001, il a procédé à la classification de 509 film, 9000 CD Rom, vidéos cassettes et DVD et une trentaine de jeux vidéos. Il dispose également de la possibilité de classer «positivement» certaines productions en indiquant celles qui peuvent être regardées par les enfants hors la présence de leurs parents. Pour exercer ses missions, il dispose de 54 salariés équivalent temps plein. Son homologue australien, l’OFLC, (Office of Film and Literature Classification) est compétent non seulement pour l’ensemble des médias audiovisuels mais également pour les publications écrites. Il a procédé en 2001 à la classification de 1900 publications écrites, 382 films et 3200 CD Rom,, vidéo-cassettes et DVD ainsi qu’à une trentaine de jeux vidéos. Lui aussi dispose de moyens en personnel: une cinquantaine de salariés équivalent temps plein.

Une composition représentative

La composition d’une autorité indépendante revêt à cet égard une importance particulière. Le Conseil Constitutionnel a d’ailleurs rappelé qu’«eu égard au rôle assigné» à une autorité administrative indépendante, «sa composition doit comporter des garanties d’indépendance» (Cons.const., 18 janvier 1995, déc. N°94-352 DC). La composition d’une telle instance devrait donc comporter, outre des représentants des ministères concernés (culture, enfance et famille, justice, affaires sociales, intérieur...), des personnalités de la société civile désignées de manière à assurer un réel pluralisme. Elle devrait comporter des experts intervenant dans le champ des médias, du droit et de la protection de l’enfance. Une forte représentation des usagers devrait également être prévue. Les associations, comme c’est le cas dans nombre de services publics, pourraient assurer cette représentation. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs manifesté un vif intérêt et une réelle compétence dans ce domaine. Là également, il importerait de prendre en compte la diversité des sensibilités et des champs d’intervention de ces associations (protection de l’enfance, familles, jeunesse, éducation populaire, spectateurs...).

Les professionnels des médias concernés doivent bien évidemment bénéficier d’une place importante dans cette structure. D’abord, parce que les décisions prises par ce type d’instance risquent d’être inadaptées si elles ne sont pas le produit d’un débat contradictoire entre les différents secteurs concernés, d’une part, et les autres acteurs, d’autre part. Les créateurs, les producteurs, les diffuseurs doivent pouvoir faire entendre les conceptions qu’ils ont de leur rôle mais aussi les contraintes qu’ils rencontrent. Ensuite, parce que la mission de régulation qui incombe à une telle structure nécessite un dialogue permanent avec les médias qui ne peut qu’être facilité par la présence au sein de l’instance régulatrice de tous les professionnels de ce champ.

Compte tenu de la spécificité de chaque média, cette instance pourrait comporter plusieurs commissions: cinéma, presse et médias écrits, vidéo et jeux électroniques, Internet. Chacune de ces commissions comporterait une représentation des professionnels du média concerné. Une articulation avec le CSA devrait être prévue tout particulièrement entre la commission chargée du cinéma et le CSA. Rien n’interdirait au CSA d’être représenté dans cette nouvelle instance.

Une autre possibilité consisterait à étendre le champ d’intervention du CSA en direction des autres médias afin qu’il puisse assurer la fonction de régulation à l’égard de l’ensemble des médias précités. Une telle solution supposerait évidemment une réorganisation profonde de l’actuel CSA notamment en ce qui concerne sa composition. Elle supposerait aussi qu’une instance particulière soit créée pour le matériel écrit qui ne peut entrer à l’heure actuelle dans les compétences du CSA. Cette formule présenterait le désavantage de maintenir une dissociation entre les productions audiovisuelles, entendues au sens large, et les productions écrites, alors même que les unes et les autres sont parfois liées.

En tout état de cause, la création d’une instance unique, avec plusieurs commissions pour le cinéma, la presse écrite, l’internet, la vidéo et les jeux électroniques ou l’extension des compétences du CSA aurait le mérite de mettre un terme à l’éparpillement des instances actuelles dont les statuts variés ne sont nullement justifiés par la spécificité des médias. Elle permettrait de mieux répondre au développement de publications qui abolissent les frontières entre les médias. C’est le cas de certains éditeurs qui joignent à des magazines des cassettes vidéo ou des CD-Rom. La nouvelle structure pourrait mobiliser les moyens et les expériences de chacune des instances actuelles.

ñ B. Une instance dotée d’une double fonction

Cette nouvelle instance exercerait principalement une fonction de classification comparable à celle actuellement dévolue à la commission de classification des oeuvres cinématographiques. Elle exercerait également une fonction d’étude et de recommandation.

Une fonction de classification

La classification pourrait se faire à partir de tranches d’âge prenant en compte le développement psychique des enfants. Actuellement la commission vidéo et la commission des publications destinées à la jeunesse n’exercent pas véritablement une fonction de classification puisqu’elles ne se prononcent que sur l’interdiction aux mineurs de 18 ans, éventuellement assortie de restriction de publicité. La commission du cinéma propose au ministre de la culture un simple avertissement, des interdictions moins de 12 ans, moins de 16 ans, moins de 18 ans, ou la classification X du film. Une harmonisation apparaît indispensable par un alignement sur la classification adoptée pour le cinéma.

Les commissions ne doivent pas être cantonnées à se prononcer sur l’interdiction aux mineurs de moins de 18 ans. Elles doivent avoir une fonction de classification des différentes productions par tranches d’âge adaptées au développement psychique des enfants.

A cet égard, il serait souhaitable, comme l’ont proposé plusieurs psychiatres et pédopsychiatres, de créer un nouveau seuil d’âge aux alentours de 6-7 ans. Tous les experts s’accordent, en effet, à dire que l’impact d’images violentes sur des enfants dépend en grande partie de leur capacité à comprendre le sens de ces représentations. A cet égard, l’âge de 6-7 ans semble déterminant.

L’harmonisation des classifications n’empêcherait nullement la prise en compte de la spécificité de chaque média. La classification cinéma pour une même œuvre peut ne pas être la même que la classification vidéo parce que les conditions de réception sont sensiblement différentes. Il apparaît, néanmoins, indispensable qu’il y ait une bonne articulation entre les deux commissions chargées de se prononcer afin de maintenir la cohérence du dispositif. Il serait ainsi possible, notamment lorsque le diffuseur conteste la décision de classification prise par une commission, de réunir l’instance en plénière. Cette nouvelle instance pourrait également se prononcer sur les conditions de diffusion à la télévision des films de cinéma. Cela supposerait néanmoins de prévoir la représentation des diffuseurs télévisuels, ce qui permettrait d’instaurer un dialogue permanent entre l’instance de régulation et les télévisions. Ces dernières pourraient ainsi disposer de repères élaborés conjointement pour effectuer la classification des autres programmes qu’elles diffusent.

En matière de vidéocassettes et de jeux vidéo, il convient de noter que l’expansion du phénomène de piratage limite l’efficacité des dispositions de protection de l’enfance. On estime ainsi à environ 10% la part des produits piratés dans le marché de la vidéo. Il y aurait également près de 75 millions de jeux vidéo qui relèvent de la contrefaçon pour une diffusion annuelle officielle de 20 à 25 millions de jeux. La lutte contre le piratage et la protection des mineurs vont donc de paire.

Articuler classification et auto-classification

Il n’est pas souhaitable que l’instance plurimédia classifie l’ensemble des vidéos, des jeux vidéos et des jeux électroniques. D’abord parce que le volume de la production rendrait quasi impossible, sauf à disposer de moyens considérables, un tel travail. Ensuite, parce que l’autoclassification présente l’avantage de responsabiliser les professionnels au regard de la protection de l’enfance.

L’instance plurimédia doit pouvoir également être saisie ou se saisir d’office de toute production qui serait susceptible de ne pas faire l’objet d’une classification adaptée. Elle procèderait alors à une classification qui s’imposerait aux éditeurs comme aux diffuseurs. Les éditeurs de vidéos et de jeux vidéos procèdent déjà à une classification.

Concernant la vidéo, le décret du 23 févier 1990 relatif à la classification des œuvres cinématographiques fait obligation aux éditeurs de vidéo de mentionner le visa d’exploitation du ministre de la culture sur chaque exemplaire édité et proposé à la location ou à la vente.

Comme nous l’avons vu précédemment, pour les productions ne relevant pas de cette classification, le syndicat de l’édition vidéo a mis en place une signalétique proche de celle de la télévision. Le syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL) a également promu un système de classification (cf II.3.C). Mais ces classifications n’ont aucune force contraignante pour les diffuseurs. Il conviendrait de maintenir ces classifications mais de modifier les textes en vigueur afin que les diffuseurs soient tenus de respecter les classifications des éditeurs sous peine de sanctions.

Les éditeurs de vidéos pornographiques mentionneraient sur chaque exemplaire le classement X de la vidéo qui s’imposerait alors aux loueurs et vendeurs de cassettes. En cas de doute sur le caractère d’une vidéo ou d’un jeu, l’éditeur saisirait l’instance plurimédia pour obtenir une classification, ce qui le mettrait à l’abri de toute poursuite pénale ordonnée sur le fondement de l’article 227-24 du code pénal.

Pour rendre opérationnelle cette classification auprès des diffuseurs, il est nécessaire de réformer la loi du 17 juin 1998. Il faudrait interdire la vente et la locations de documents vidéo pornographiques à des mineurs et limiter l’accès aux produits classifiés sous la responsabilité des diffuseurs, en respectant les tranches d’âge, selon une règle de fonctionnement analogue à celle des salles de cinéma. Il faudrait également limiter l’accès par les distributeurs automatiques aux seuls documents tous publics.

Les mêmes principes pourraient être retenus concernant les magazines pornographiques, pour lesquels d’ailleurs aucune interdiction de vente aux mineurs n’est, en tant que telle, actuellement prévue, à l’exception des dispositions de l’article 227-24 du code pénal. Une interdiction spécifique de vente aux mineurs pour les magazines pornographiques devrait être introduite dans la législation. La commission en charge du contrôle des publications susceptibles de présenter un danger pour la jeunesse pourrait alors fort opportunément avoir un rôle de qualification de l’éventuel caractère pornographique des publications ne s’affichant pas, en tant que telles, comme pornographiques. Les éditeurs aurait également la possibilité de procéder eux-mêmes à la classification de leurs publications, ce qui allègerait sensiblement le travail de la commission.

Concernant Internet, les éditeurs de site procéderait à une classification X des sites pornographiques dont l’instance plurimédia serait rendue destinataire. Cette classification entraînerait l’obligation pour l’hébergeur du site de prendre certaines dispositions de nature à empêcher l’accès du site au mineur. Là non plus, l’éditeur et l’hébergeur ne pourraient plus faire l’objet de poursuites pénales à partir du moment où l’éditeur aurait procédé à cette classification et que l’hébergeur en aurait tiré les conséquences en termes d’accès. L’instance plurimédia pourrait également classer d’office certains sites, ce qui obligerait l’hébergeur à mettre en place le dispositif empêchant l’accès du site aux mineurs.

Pour lutter efficacement contre le «spaming» pornographique sur Internet, il est absolument nécessaire de transposer en droit français la Directive européenne «Vie privée et communication électronique» adoptée par le Parlement européen le 12 juillet 2002. Il faut, comme le prévoit la Directive, faire obligation aux sociétés commerciales d’obtenir le consentement préalable des personnes auxquelles elles souhaitent envoyer un message publicitaire.

Il est également nécessaire de publier sans plus tarder le décret d’application de la loi «Sécurité quotidienne» du 15 novembre 2001 sur la durée de conservation, par les fournisseurs d’accès à Internet, des données relatives aux échanges sur Internet et sur le type de données à conserver.

Une fonction d’études et de recommandations

Cette instance n’exercerait pas qu’une fonction de classification. Elle pourrait constituer un lieu ressource en matière de protection de l’enfance et de médias. Outre qu’elle pourrait centraliser l’information dans ce domaine, elle devrait également être en mesure de commander des études sur les relations des enfants avec les médias. Si les professionnels de l’enfance peuvent fournir d’importantes informations sur ce thème, la France, à la différence des États-Unis et du Canada, ne dispose que de très peu d’études scientifiques en la matière. Pour ce faire, cette nouvelle instance solliciterait le concours d’experts, d’universitaires et de chercheurs.

Elle pourrait également être consultée par les diffuseurs ou prendre l’initiative d’instaurer un échange avec certains d’entre eux si elle le juge utile. Elle pourrait, dans ce cadre, adresser des recommandations aux diffuseurs notamment au regard des études qu’elle aurait commanditées. Les éditeurs pourraient s’appuyer sur ces recommandations pour adapter leur classification. Pour Internet, ces recommandations concerneraient autant les fournisseurs d’accès que les hébergeurs. En revanche, à la différence du CSA qui exerce une mission de contrôle a posteriori, il ne semble pas souhaitable qu’elle dispose d’un pouvoir d’injonction assorti d’éventuelles sanctions. Sa fonction de contrôle s’exerce, en effet, a priori, dans la classification qu’elle établit et dont le non respect ferait l’objet de sanctions prévues par les textes législatifs et réglementaires.

Enfin, cette instance disposerait de la faculté de saisir le parquet en vue de déclencher des poursuites pénales lorsque les informations dont elle dispose lui donnent à penser que des oeuvres ou messages sont constitutifs d’infractions. Il s’agit d’ailleurs d’une obligation prévue par l’article 40 du code de procédure pénale.

ñ 3. Réaffirmer le rôle de l’éducation

Selon les psychiatres et pédopsychiatres consultés, la question des images violentes doit être posée dans le cadre plus général de l’éducation, de la transmission des valeurs et des règles de comportement. C’est, en effet, par l’éducation que l’enfant apprend à dominer ses pulsions. Il faut donc réexaminer les modes d’éducation afin de trouver des modalités de lutte contre la banalisation de la violence et contre les effets pathogènes des images violentes. Qui, aujourd’hui, éduque les enfants ? Qui leur sert de modèle ? Qui leur transmet des valeurs et des normes de comportement ? Qui nourrit leur imaginaire ? En principe, l’éducation se fait par les parents, les enseignants, les éducateurs, animateurs et autres dispensateurs d’activités, bref par tous les adultes qui entourent l’enfant.

Mais les médias, et en particulier la télévision, assurent également auprès des plus jeunes une fonction de transmission. Les médias influencent fortement les enfants par les valeurs, les discours, les modes d’être et de faire ou les modalités de résolution de conflits, qu’elles véhiculent.

Une augmentation, mais surtout une diversification des programmes recommandés pour la jeunesse (enfance, mais également adolescence), serait souhaitable, conformément à l’esprit de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, selon laquelle les Etats parties doivent «veiller à ce que l’enfant ait accès à une information et à des matériels provenant de sources nationales et internationales diverses, notamment ceux qui visent à promouvoir son bien-être social, spirituel et moral ainsi que sa santé physique et mentale», et à «diffuser une information et des matériels qui présentent une utilité sociale et culturelle pour l’enfant» (article 17). Cela peut consister, ainsi que cela a déjà été proposé par le CIEM, en une production et une diffusion plus large d’émissions à caractère éducatif et culturel pour les enfants et les adolescents, et notamment d’un journal d’information et d’une émission de décryptage des médias, sur toutes les chaînes publiques. On peut également souhaiter que l’approche des relations amoureuses et de la sentimentalité soit abordée, dans les téléfilms, feuilletons, etc., avec un angle plus large que celui des seuls rapports sexuels. Il serait par ailleurs intéressant de faire participer la société civile, notamment les représentants des droits de l’enfant, aux conseils d’administration des chaînes. On peut également imaginer l’instauration d’une chaîne jeunesse publique, comme cela existe déjà en Angleterre et en Allemagne. Un manque se fait également sentir au niveau de la radio, qui se tourne essentiellement vers un public adolescent. A cet égard, la création d’émissions spécifiques, voire la diffusion sur tout le territoire d’une radio publique a destination d’un public beaucoup plus jeune, serait souhaitable.

Certains films, séries télévisées, clips, émissions de télé-réalité, véhiculent des références (le droit du plus fort, le pouvoir de l’argent,..), des modalités de résolution des conflits (le meurtre, l’élimination de l’autre), ou des places attribuées aux personnages (la domination, la chosification sexuelle...) qui ont pour caractéristiques communes l’intolérance, l’absence de respect, de dialogue dans les relations humaines. Dans de nombreuses fictions pour la jeunesse, les parents sont absents ou disqualifiés, l’autorité des pairs est forte tandis que les logiques d’affrontement dominent les relations interpersonnelles.

Si ces images ne sont vues qu’épisodiquement, qu’elles sont discutées avec un adulte en lequel l’enfant a confiance et qu’elles sont contre-balancées par des discours plus influents et d’autres normes, la violence véhiculée par les médias reste de l’ordre de la distraction ou de l’exutoire. Elle peut même avoir un rôle de maturation du psychisme, du fait de la confrontation possible entre deux systèmes de références. Ce n’est pas nécessairement le cas pour ceux qui ne bénéficient pas de conditions sociales et familiales qui le permettent et qui éprouvent des difficultés à se repérer dans ce dédale de normes. La responsabilité ne peut être ici renvoyée aux seuls parents: elle concerne l’ensemble des adultes et des institutions qui exercent une fonction d’éducation et de transmission auprès des enfants.

Si des interdits doivent être posés dans l’accès à certaines images, il serait illusoire d’imaginer que l’on puisse éviter la rencontre, fortuite ou délibérée, avec des messages violents. Il faut donc donner aux jeunes les moyens non seulement de supporter et d’intégrer ces images, mais aussi de s’en distancier afin qu’elles ne soient plus une source de confusion et de perte de repères.

ñ A. L’éducation à l’image et aux médias

Il ne s’agit évidemment pas de faire accepter aux enfants des images inacceptables en les leur projetant en présence d’un adulte qui les commenterait.

Il s’agit d’apprendre à lire les images, c’est-à-dire de les restituer en tant qu’images qui ont été fabriquées et non en tant que réalité: comprendre le mécanisme de leur fabrication, en faire la critique, décrypter une scène, apprendre à décoder les discours implicites véhiculés par les images (par exemple dans une publicité) proposer d’autres scénarios possibles ou d’autres façons de filmer, et surtout, pour les plus grands, réaliser soimême des images. Le fait de produire des images permet de les comprendre plus finement et de se dégager des peurs qu’elles peuvent susciter. Il est important que les jeunes enfants puissent s’approprier les outils de production d’images (appareils photos, caméscopes) pour comprendre que les images sont des productions et des représentations spécifiques.

Ce que les étudiants en cinéma apprennent sous le terme d’ «analyse filmique» peut parfaitement être adapté pour les enfants et les adolescents, qui par ailleurs jugent passionnantes les explications concernant les trucages ou les effets spéciaux des films de science-fiction. Ces émissions devraient figurer dans le cahier des charges des chaînes publiques. Leur programmation devrait se faire à une heure de grande écoute, et elles devraient concerner aussi bien les films (et pas seulement ceux de science-fiction) que les téléfilms, les publicités, le journal télévisé, etc.

Aider les enfants à trouver des repères fiables dans la surabondance d’informations et de divertissements qui les entourent leur permettra de faire des choix en pleine connaissance de cause. A cet égard, l’inégalité familiale est forte. D’abord parce que pour bon nombre d’enfants, les parents sont absents. Ensuite parce que même lorsqu’ils sont présents, le dialogue autour des médias peut être difficile en raison des ruptures intergénérationnelles ou culturelles qui marquent la famille. Les institutions comme les associations doivent alors pouvoir prendre le relais ou, mieux encore, créer les conditions de ce dialogue.

L’éducation aux médias dans l’éducation nationale

L’éducation à l’image et aux médias doit se faire prioritairement au sein de l’Education nationale. Il s’agit, en effet, de favoriser, à l’âge de l’école primaire, l’apprentissage du langage. L’image est le support privilégié pour la découverte des mots, la verbalisation et l’échange avec l’autre. Cet apprentissage aide les enfants à se dégager de l’impact direct et parfois brutal des images. Il faut s’appuyer sur leur intérêt pour l’image et leur besoin de structuration et prendre en compte ce qu’il vivent, pour les aider à intégrer les savoirs informels qu’ils se constituent en dehors de l’école ou même au sein de l’école. C’est aussi l’occasion de répondre aux demandes de plus en plus précoces des enfants et de leurs parents, en particulier en ce qui concerne l’actualité (guerre du golfe, Tchétchénie, événements du 11 septembre 2001…)

Un tel travail doit permettre de provoquer chez les enfants une plus grande disponibilité aux apprentissages scolaires dans la mesure où ils sont enfin reliés à leur propre actualité. Il faut que les enseignants de divers disciplines (lettres, histoire, arts, sciences sociales) et les éducateurs puissent aborder l’analyse de l’image, et notamment de l’image d’information, sous des angles variés et complémentaires. Le multimédia est un langage qui est en concurrence avec l’écrit; les enseignants doivent être formés à le décoder. Depuis de nombreuses années, le système scolaire, conscient de la nécessité de développer le regard critique des jeunes sur les images et les médias, cherche à prendre en compte cette culture de l’image.

Pourtant, dans la pratique, la question de l’éducation à l’image n’a guère progressé; elle reste encore de l’ordre de l’innovation, de l’expérimentation, en marge des missions officielles de l’école républicaine qui demeure très attachée aux enseignements dits «fondamentaux». L’école résiste aux champs d’étude qui s’éloignent trop des savoirs de références. Elle se méfie des médias dont les messages sont des inscriptions éphémères d’une actualité, d’une mode, d’une culture prise dans le flux d’exigences commerciales. Si leur rôle dans la transformation des modes de pensée et de communication est perçu, le système scolaire peine à inventer de nouveaux usages et de nouvelles pratiques pédagogiques, et à les intégrer aux pratiques courantes de la classe. De ce fait, il existe un décalage de plus en plus grand entre une génération de jeunes imprégnés par une culture qui privilégie l’image et une génération issue de l’écrit.

Les actions menées depuis la maternelle jusqu’au lycée, soit à l’initiative d’organismes publics (tels que le Centre National de Documentation Pédagogique (CNDP), le Centre de liaison de l’enseignement et des moyens d’information (CLEMI), l’Institut national de la recherche pédagogique ou les universités), soit à l’initiative d’enseignants, sont pour la plupart remarquables par leur caractère innovant.

Ainsi, à Fontainebleau, ville moyenne située en zone rurale, une directrice d’école maternelle, avec des enfants de grande section, consacre un temps court, chaque jour, à un commentaire de l’actualité traitée dans les médias que les enfants trouvent dans leur environnement familial: la presse adulte apportée de la maison par les enfants, parfois extraits de journaux télévisés, des photos de presse.

Au collège d’Aulnay-sous-bois (Seine-Saint-Denis), les élèves de quatrième doivent enregistrer des images télévisées de leur choix, puis réaliser en classe des classements. Il s’agit notamment de recueillir les images qui, à leurs yeux, sont violentes, d’en identifier la variété et les éléments constitutifs. Ensuite, les élèves prépareront un débat sur ce thème, qui sera enregistré à la manière d’un débat télévisé.

Au collège Michelet dans le 19ème arrondissement de Paris, les élèves volontaires suivent un enseignement spécifique à l’image et aux médias de la 6ème à la 3ème. L’heure «Image et médias» est inscrite dans l’emploi du temps de la classe, elle est comprise dans les vingt-quatre heures d’enseignement hebdomadaire. D’une année à l’autre, les activités s’organisent autour de séquences variées, telles que:

Ces exemples ont été choisis parmi une longue liste. Mais quelle que soit l’étendue et l’originalité de toutes ces actions, leur impact reste minoritaire au sein de l’école. Les expériences réussies ne reposent souvent que sur la bonne volonté de quelques passionnés dont les motivations personnelles leur font accepter des charges de travail dépassant souvent leur temps d’enseignement.

Par ailleurs, des associations organisent régulièrement des actions de sensibilisation et de formation à l’image, le plus souvent à l’intention des enseignants volontaires: APTE (Audiovisuel pour tous dans l’éducation), les CEMEA (Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active) avec le programme «En Jeu télé», l’association «Savoir au présent» dont le but est de former les jeunes à être des téléspectateurs actifs. Pour autant, une impression de piétinement domine car ces actions ne bénéficient qu’à une minorité d’enseignants et d’éducateurs: 20.000 personnes suivent chaque année le stage de deux jours du CLEMI; en 10 ans, 1250 enseignants ont suivi les formations de l’association «Savoir au présent», alors que plus d’un million de professionnels de l’enfance sont concernés. Il faut donc, comme le préconise le rapport du CIEM, «changer d’échelle».

Si l’on veut que l’éducation à l’image et aux médias se généralise, elle doit être prise en charge par tous ceux qui ont une action éducative auprès des enfants et des jeunes: les parents, les enseignants, les animateurs de loisirs, mais également les formateurs des stages de réinsertion et d’instruction civique.

Sensibiliser les parents

Il convient de «remettre les parents dans la boucle» car ils sont les meilleurs relais pour la protection de l’enfant. Les parents ne sont pas démissionnaires; mais ils doivent pouvoir disposer d’éléments de négociation au moment où ils sont confrontés au problème de la relation enfant/médias. L’information des parents pourrait passer par l’école, dans la mesure où la surconsommation médiatique va souvent de pair avec un manque d’investissement scolaire. En outre, elle n’est pas toujours le fait des seuls enfants et s’explique bien souvent par des contextes familiaux de surconsommation. L’action auprès des enfants n’a donc de sens que dans le cadre d’actions de prévention auprès des familles.

La sensibilisation des parents à leur rôle éducatif dans la supervision des consommations médiatiques, aspect important de l’autorité parentale jusqu’ici totalement ignoré, devrait passer également par d’autres instances telles que les éducateurs de l’aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse (dont les intervenants dans les centres de détention), ainsi que les travailleurs sociaux, assistantes maternelles, psychologues, professionnels des centres de PMI.

Les enfants issus de familles en difficulté cumulent souvent le double handicap d’être psychologiquement fragiles et influençables, et de ne pas disposer dans leur environnement proche, d’adulte en capacité de leur permettre une distanciation vis-à-vis de ce qu’ils vivent ou entendent dans les médias.

Former les professionnels de l’enfance

Si elle ne doit pas nécessairement être assurée par les professionnels de l’audiovisuel ou du cinéma, l’éducation à l’image et aux médias requiert néanmoins une formation spécifique de la part des enseignants et éducateurs. C’est pourquoi les modules d’éducation aux médias doivent être généralisés dans le cursus de formation des enseignants (IUFM).

Parce qu’il est important de mettre en place très tôt le dialogue entre l’enfant et l’adulte sur ces questions, ces formations doivent être destinées aux enseignants de tous les degrés. L’éducation aux médias doit également être intégrée aux programmes de formation de l’ensemble des professionnels de l’enfance (social, judiciaire).

Agir dans le domaine de la prévention de la délinquance

Il faut également développer des actions d’éducation à l’image dans le cadre des initiatives prises par les Conseils locaux de prévention de la délinquance ou les Contrats locaux de sécurité. Ces actions peuvent avoir lieu notamment par l’organisation de groupe d’enfants et de groupes de parents. C’est aussi la problématique des transmissions inter générationnelles qui peut être traitée dans de tels lieux collectifs.

Enfin, les collectivités locales, qui fournissent les infrastructures scolaires et les équipements technologiques, sont devenues des acteurs clé. Elles devraient jouer un rôle de premier plan au niveau des espaces collectifs (espaces publics multimédias, médiathèques) et des activités de loisirs pour les jeunes. Les actions menées par les associations d’éducation populaire doivent être soutenues et encouragées par les pouvoirs publics. De même, les collaborations qui commencent à s’organiser entre les milieux éducatifs et les médias sont à renforcer.

ñ B. L’éducation sexuelle

Il faut trouver d’autres modalités de diffuser l’information sexuelle. Plusieurs pédopsychiatres ont exprimé des réserves sur certaines initiatives prises en la matière par l’Education nationale. Sous couvert de pragmatisme, certains films diffusés dans le cadre scolaire présentent la sexualité de façon extrêmement crue. De même, la distribution de préservatifs qui a eu lieu dans certains établissements scolaires dans le cadre de la lutte contre le SIDA dénotait une méconnaissance totale de la psychologie des enfants et des adolescents. En effet, vouloir être dans la transparence, vouloir informer à tout prix tous les enfants, sans distinction d’âge ou de maturité, sur tous les aspects de la sexualité, ne va pas sans poser problème. Outre que cela établit une complicité équivoque entre adultes et enfants, il est important de laisser à ces derniers la liberté et le plaisir de la découverte selon un rythme qui leur est propre.

Néanmoins, accompagner la sexualité des adolescents est nécessaire afin de contrer l’effet pathogène des films pornographiques, qui donnent de la sexualité une image déformée. Mais cet accompagnement doit se faire par des adultes qualifiés: éducateurs, psychiatres, psychologues ou enseignants ayant de réelles capacités relationnelles. De plus, il devrait se faire sous la forme de groupes de paroles afin de permettre aux adolescents de laisser émerger les peurs sous-jacentes et de permettre au groupe d’avoir un effet régulateur. A l’adolescence, le groupe constitue la référence la plus importante. Cette culture collective des adolescents peut, lorsqu’elle est encadrée par des personnes exercées à l’animation voire dans certains cas à la thérapie de groupes, constituer une réponse crédible à la violence des rapports interindividuels.

ñ C. L’éducation à l’utilisation d’Internet

Sensibiliser et éduquer le public est le complément indispensable des mesures techniques destinées à protéger les jeunes des dangers d’Internet, d’autant plus que ces dernières sont imparfaites. Les organismes consultés – le Forum des droits sur Internet, la CNIL, la DIF (Délégation interministérielle à la famille), le CLEMI, l’AFA – sont unanimes sur ce point.

Cette approche est également celle développée dans la plupart des pays européens. Au Danemark, une campagne de sensibilisation sur la sécurité dans les «tchats» va être lancée auprès de tous les élèves de 12 à 17 ans. En Espagne et en Italie, dans le cadre du projet INFONET, du matériel de sensibilisation a été diffusé par l’intermédiaire de 9 organisations différentes. En Finlande, le Département Education de la ville d’Helsinki a organisé 30 sessions de formation à la sécurité sur Internet et 10 écoles pilotes ont joué un rôle actif dans ce programme

Néanmoins à l’heure actuelle, chacun organisme développe, parfois en collaboration avec un partenaire de sensibilité proche, sa propre conception de l’éducation à Internet.

Face à cette diversité, il semblerait souhaitable de coordonner les initiatives afin d’éviter l’écueil que constitue, pour des parents souvent dépassés par la technique, une offre de produits pour lesquels ils ne disposent pas de points de comparaison. De plus, limiter les moyens de sensibilisation et d’éducation aux familles déjà équipées d’Internet – ce qui est le cas lorsque cette sensibilisation se fait par l’intermédiaire de logiciels et de sites internet – équivaut à limiter l’éducation sexuelle aux jeunes qui sont déjà en capacité d’avoir des rapports sexuels !

Il conviendrait de lancer, par les moyens classiques (spots TV et radios, affichage public, presse), une campagne nationale d’information destinée à sensibiliser les parents aux dangers d’internet et à les informer sur les moyens de protection existants. Il faudrait également coordonner les actions pédagogiques réalisées pour les jeunes en milieu scolaire en ne proposant qu’un nombre limité de «produits» diffusés par le maximum de canaux: éducation nationale, associations familiales, associations de parents d’élèves, organismes publics, etc. Ces produits devraient avoir au préalable été testés et labellisés. Enfin, il paraît indispensable de responsabiliser les parents en les associant à ces actions par la signature d’une charte tripartite (parents/élèves/enseignants).


ñ LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES

ABRAHAM Christophe, membre du bureau national de l’Union nationale des associations de parents d’élèves de l’enseignement libre (UNAPEL).
ACHARD Ghislain, directeur général délégué de France Télévision.
ALECIAN Patrick, psychiatre, chargé de mission à la Protection judiciaire de la jeunesse.
ALLARD Claude, pédo-psychiatre, directeur du Centre médico psycho-pédagogique de Sainte-Geneviève des Bois (91).
ALVERGNAT Cécile, commissaire à la Commission nationale Informatique et Libertés (CNIL).
ATTALI Jean-Pierre, pédopsychiatre, psychanalyste, intervenant au Centre des jeunes détenus de Fleury Mérogis.
AUCLAIRE Elisabeth, ex- présidente de la commission Droits de l’enfant de la Ligue des droits de l’homme.
BARANGER Thierry, vice-président au tribunal pour enfants de Bobigny, président de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF).
BARLUET Sophie, directeur général adjoint au groupe CANAL Plus.
BAUDIS Dominique, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
BERDA Claude, président directeur général du bouquet numérique AB SAT.
BERILLE Luc, secrétaire général du Syndicat des enseignants, Union nationale des syndicats autonomes.
BESNAINOU Joseph, directeur général du Bureau de vérification de la publicité (BVP).
BEVORT Evelyne, directrice déléguée du Centre de liaison de l’enseignement et des moyens d’information (CLEMI).
BIGOT Josiane, conseillère à la Cour d’appel de Colmar, présidente de la Cour d’assise du Bas Rhin.
BIOT Jean-Louis, secrétaire national du Syndicat des enseignants, Union nationale des syndicats autonomes.
BOCCON-GIBOT Edouard, directeur adjoint des relations contractuelles (Antenne) à TF1.
BONNEAU Michel, sous-directeur des libertés publiques et de la police administrative.
BOUTIH Malek, Directeur des relations institutionnelles de Sky Rock et président de SOS Racisme.
BRACONNIER Alain, psychiatre.
BREILLAT Catherine, réalisatrice.
BRIN Hubert, président de l’Union nationale des associations familiales (UNAF).
CHAILLOU Philippe, président de la Chambre des mineurs de la Cour d’appel de Paris.
CHAMBON Catherine, commissaire principal de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC).
CHOQUET Marie, directeur de recherche à l’INSERM.
CLEMENT Jérome, vice-président d’ARTE et président d’ARTE-France.
COGGIOLA Evelyne, déléguée nationale au siège de la Jeunesse au plein air.
COLIN Laurence, assistante sociale du «Réseau départemental d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents de la Manche (50).
COSTA LASCOUX Jacqueline, présidente de la Ligue de l’enseignement.
COTTA Michèle, présidente du bouquet numérique AB SAT.
COUTANCEAU Roland, psychiatre, psycho-criminologue.
CYRULNIK Boris, neuropsychiatre, Toulon (83).
DELON Francis, conseiller d’état, président de la Commission de classification des œuvres cinématographiques.
DUNAIGRE Patrice, pédopsychiatre.
DUPUY Anne, magistrat à l’Administration centrale du ministère de la Justice, direction de la Protection judiciaire de la jeunesse.
FALQUE PIERROTIN Isabelle, conseiller d’état, présidente du Forum des droits sur l’Internet.
FAVEY Eric, secrétaire national délégué à l’éducation, à la culture et à la communication de la Ligue de l’enseignement.
FERRY Joël, lieutenant-colonel de gendarmerie à l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC).
FLICHY Patrice, sociologue, professeur à l’Université de Marne la Vallée (77).
GAECHTER Sylvaine, chargée de mission à la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE).
GENESTAL Fabrice, réalisateur.
GOLSE Bernard, Professeur de pédo-psychiatrie à l’hôpital Necker (Paris).
GONNET Jacques, directeur du Centre de liaison de l’enseignement et des moyens d’information (CLEMI).
GREZAUD Antoine, chargé de mission à la Délégation interministérielle à la famille (DIF) pour les questions relatives aux nouvelles technologies et aux relations famille, enfance, médias.
GROISON Bernadette, secrétaire générale adjointe du Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et professeurs d’enseignement général du Collège (SNUIPP/FSU).
GUERRAND Catherine, membre du bureau national du Syndicat national des personnels de direction de l’Education nationale (SNPEN).
GUITTET Philippe, secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l’Education nationale (SNPEN).
HAMANA Farid, secrétaire général de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE).
HARDY Mathilde, membre du bureau national de l’Union nationale des associations de parents d’élèves de l’enseignement libre (UNAPEL).
HUERRE Patrice, pédopsychiatre, expert auprès des tribunaux.
JACQUEMARD Marcel, secrétaire du Syndicat national des personnels de direction de l’Education nationale (SNPEN).
JEAMMET Philippe, psychiatre, psychanalyste, professeur à l’Université Paris VI.
JEAN Hervé, secrétaire général de l’Union nationale des associations de parents d’élèves de l’enseignement libre (UNAPEL).
JEHEL Sophie, chargée de mission au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), corapporteur du rapport du Collectif interassociatif enfance et médias (CIEM).
LAHAYE Paul, ancien directeur de foyer éducatif à Coutances (50).
LECERF Fabienne, secrétaire nationale du Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et professeurs d’enseignement général du Collège (SNUIPP/FSU).
LEVY-DELPA Laurence, chargée de mission à la Délélation interministérielle à la famille pour les questions relatives à l’enfance et à la petite enfance.
LE TOQUIN Jean-Christophe, délégué permanent de l’Association des fournisseurs d’accès à Internet (AFA).
LOUVIER Jacques, magistrat, bureau du régime de la presse et des services de la société de l’information, de la Direction du développement des médias (DDM).
MACHARD Luc, conseiller référendaire à la Cour des Comptes, délégué interministériel à la famille.
MARADAN Isabelle, déléguée nationale au siège de la Jeunesse au plein air.
de MARTINO Giuseppe, secrétaire général de l’Association des fournisseurs d’accès à Internet (AFA).
MIRSKI Jean-Yves, délégué général du Syndicat de l’édition vidéo (SEV).
MOLLARD Claude, directeur du Centre national de documentation pédagogique (CNDP).
MONROCQ Evelyne, psychologue à l’Association départementale pour la sauvegarde de l’enfant à l’adulte de la Manche (ADSEAM) (50).
MOUGIN Françoise, chargée de mission à la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE).
PAGET Denis, secrétaire général du Syndicat national de l’enseignement secondaire (SNES).
PAS-GRIMAUD Hervé, délégué général du syndicat des éditeurs de logiciels et de loisirs (SELL).
PASQUIER Dominique, sociologue au CNRS.
PATTE Daniel, délégué auprès de la directrice générale des programmes de France télévision.
PIECUCH Raymonde, secrétaire générale adjointe du Syndicat général de l’éducation nationale (SGEN-CFDT).
PRIN Joël, directeur du Centre d’action éducative de la Protection judiciaire de la jeunesse de Coutances (50).
POMMEREAU Xavier, pédopsychiatre à Bordeaux (33).
PRUD’HOMME Nicole, présidente de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF).
QUEMENER Marielle, directeur juridique des Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP).
QUIGNAUX Jean-Pierre, chargé de mission à l’Union nationale des associations familiales (UNAF).
ROSENCZVEIG Jean-Pierre, président du tribunal pour enfants de Bobigny.
SABOURET Yves, directeur général des Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP).
SALINGER René, neuropsychiatre.
SASSIER Monique, directrice de l’Union nationale des associations familiales.
SOLANA Daniel, adjoint au chef de bureau de la prévention et de la protection sociales au sein de la sous-direction des libertés publiques et de la police administrative.
SOULIER Jean-Michel, président de l’Association des fournisseurs d’accès à Internet (AFA).
SUEUR Joëlle, membre du bureau national de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP).
TALLEC Yvon, vice-procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris, chargé des mineurs.
TANTARDINI Madeleine, membre du bureau national de l’Union nationale des associations de parents d’élèves de l’enseignement libre (UNAPEL).
De TAVERNOST Nicolas, président du directoire de M6.
TESSIER Marc, président-directeur général de France Télévision.
TISSERON Serge, psychiatre, psychanalyste.
TOME Françoise, magistrat à l’Administration centrale du ministère de la Justice, direction des services judiciaires.
TOURNIER Philippe, secrétaire général adjoint du Syndicat national des personnels de direction de l’Education nationale (SNPEN).
TRICARD Nicole, commissaire divisionnaire de la Brigade des mineurs de Paris.
OULD SIDI FALL Françoise, membre du bureau national du Syndicat national des personnels de direction de l’Education nationale (SNPEN).
VADUREAU Sylvie, enseignante, coordonnatrice Images et Médias au Collège Michelet (Paris 19e).
VILLAIN Ivelyne, directrice de l’Association d’aide aux victimes, de contrôle judiciaire et de médiation (ACJM).
VILLENEUVE Jean-Luc, secrétaire général du Syndicat général de l’éducation nationale (SGEN-CFDT).
ZAGURY Daniel, psychiatre, expert auprès des tribunaux.

MEMBRES DU GROUPE DE TRAVAIL

Jean-Michel BOURLES, magistrat à l’Administration centrale du ministère de la Justice, direction des affaires criminelles et des grâces.
Patrice BLANC, secrétaire général de la Défenseure des Enfants.
Annie BOUYX, inspectrice des affaires sanitaires et sociales, conseillère auprès de la Défenseure des Enfants.
Monique DAGNAUD, sociologue, Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Hervé HAMON, président du tribunal pour enfants de Paris.
Jean-Louis LERUN, pédopsychiatre.
Odile NAUDIN, chargée de mission auprès de la Défenseure des Enfants.
Pauline de SAINT-HILAIRE, chargée de mission auprès de la Défenseure des Enfants.
Marc SCOTTO, délégué général de la Défenseure des Enfants.
Anne TERRIER, chargée de mission auprès de la Défenseure des Enfants.
Alain VOGELWEITH, magistrat, conseiller juridique auprès de la Défenseure des Enfants.

(1) Voir liste
(2) On trouvera la liste des personnes auditionnées en annexe