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Prolégomènes à l'étude des sciences du langage
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I l n'y a qu'une science, celle du langage, les
autres domaines scientifiques lui sont tous subalternes. La chose est simple et évidente:
le préalable à l'étude de toute question rapportée aux sciences est l'étude du langage,
car il ne suffit pas de posséder le langage, il faut le comprendre et comprendre comment
il fonctionne pour parvenir à comprendre les divers domaines de la connaissance qui ne
sont pas donnés par la nature. Je sais que j'ai un style un peu emphatique qui selon moi
gâche un peu (et peut-être beaucoup) la pertinence de mes écrits, mais c'est parce que je
n'aime pas ça, mon truc, c'est le vrai langage, celui qu'on pratique en vis-à-vis;
lisant ces pages, vous croirez peut-être que je dois être un gars ennuyeux, qui pérore et
fait des phrases: ce n'est pas le cas. Je déteste écrire. Pour moi, l'écriture a autant
de rapports avec le langage qu'un a jeu de simulation avec une course automobile dans les
rues de Monaco, c'est-à-dire presque aucun. J'admire les gens qui sont capables d'écrire
des romans, de capturer un petit ou un grand morceau de réalité et de le glisser dans les
pages de leur récit. Fin des plaintes, revenons à notre sujet.
Le langage comme fait de la réalité est une très ancienne activité, autant que je le
sache, il est consubstantiel à la vie; le langage comme science, c'est plus récent, je ne
sais pas exactement mais en tout cas, quelques dizaines ou au plus quelques centaines de
millénaires. Comme fait de la réalité, le langage est un effet secondaire d'une activité
qu'on peut décrire diversement et qui consiste en: échanger. On donnera des noms variés à
«ce qu'on échange» mais factuellement ce n'est pas «ce qu'on échange» qui importe, c'est
le fait d'échanger. Il se trouve qu'avec le temps, les êtres vivants ont «appris» ou
«compris», qu'échanger une certaine petite chose avait autant d'effet que, disons, faire
l'échange de la moitié de tout ce dont ils pouvaient disposer. Cette petite chose est ce
qu'on nomme de nos jours acide désoxyribonucléique, en plus court: ADN. Cet ADN a trois
particularités: on peut, dans certaines conditions, l'impressionner, comme on le ferait
pour une pellicule photographique; une fois impressionné, il peut conserver cette «image»
un temps infini, pour peut qu'on le conserve dans un certain environnement; enfin, on
peut, en faisant certaines opérations, créer un autre ADN qui, sans avoir lui-même été
impressionné, contient la même image que le premier. Une sorte de reproduction. Quand
deux êtres échanges de l'ADN — ce que font tous les êtres vivants de manière courante —,
ils «communiquent», c'est-à-dire qu'ils s'offrent l'un l'autre des images partielles de
leur univers, ce qui permet à chacun d'obtenir des informations sur des contextes qu'ils
n'ont peut-être jamais rencontré avant. À remarquer que ça peut être aussi vrai pour le
donneur que pour le receveur, en ce sens qu'un être peut communiquer à un autre être une
image qu'il a lui-même reçu lors d'un échange précédent à propos d'un segment de réalité
qu'il n'a pas encore rencontré.
Le langage est donc un effet secondaire de ce processus de communication. Voici ce qui
se passe
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