V ous trouverez en cliquant sur ce lien un petit dossier, de trois articles à cette date (le 03/11/2005), autour d'une question de grande importance: le film Homo sapiens, une nouvelle histoire de l'homme est-il ou non favorable au “néo-créationnisme” ? Sans réponse à cette question, je sens que je vivrai moins bien le reste de ma vie ! Ou peut-être non… Cette page figure dans la rubrique «Sciences, spécificités», mais elle aurait aussi pu se trouver dans celle «Médias» ou dans celle «Société, spécificités», en ce sens qu'elle concerne certes quelque chose ayant trait à la science, mais qui se relie aux stratégies d'un médium particulier, Le Monde et aussi aux stratégies de certains groupes qui ont un certain poids dans la société, et savent parfois trouver des relais dans certains médias pour tenter de disqualifier des groupes rivaux. En l'occurence, il est notable que, dans le «paysage anthropologique français» et même
international, Yves Coppens a un certain poids, pour partie du à ses compétences réelles
et avérées dans le domaine, pour partie à ses travaux sur l'east side theory dont
parlent les articles du Monde, consécutive (ou concomittante) à ses travaux dans
l'est du rift africain désormais fameux, pour partie à son poids académique assez
notable, enfin pour partie à sa notoriété dans les médias. «Pour partie»… Il est
évident que ces «parties» font un tout, et interagissent entre elles. La «théorie de la
face est» ne naît pas de rien, non tant sous son aspect scientifique qui, de ce point de
vue, conserve une validité assez forte, que dans son aspect socio-politique, lequel voit
une curieuse convergence entre les tiers-mondistes de gauche, les derniers tenants d'un
certain «racisme scientifique» et les partisans de l'apartheid en Afrique australe, mais
les convergences curieuses ne sont pas rares en géopolitique. D'un autre point de vue
politique, celui de la promotion des chercheurs nationaux ayant une aura internationale,
qui induit une aura internationale renforcée de leur pays d'origine, on comprend assez
bien pourquoi Yves Coppens, dont l'assise académique est très forte, est mis en valeur en
Sur un plan “strictement scientifique”, pour autant qu'une telle chose existe, deux problèmes convergeants expliquent qu'on voie de supposées «levée de boucliers» de la supposée «communauté scientifique» dès lors que les thèses d'Anne Dambricourt sont mises en avant de manière éclatante dans des médias grand public, et non plus dans des revues confidentielles de spécialistes pour spécialistes. En premier, ces thèses viennent en contradiction avec celles défendues par Yves Coppens (dont au passage il faut signaler, et c'est à son honneur, qu'entre 1983 où il la proposa et aujourd'hui, il a largement remis en question sa fameuse East Side Theory); comme signalé dans la note 1, ledit Yves Coppens a un certain poids dans «la communauté scientifique», or dans celle-ci comme dans toute autre il y a une tendance forte à donner sa faveur à ceux qui ont la place la plus éminente – pour des raisons évidentes, je crois… Mais il y a une autre raison, bien plus grave: les hypothèses d'Anne Dambricourt sont en contradiction avec la version de la théorie de l'évolution admise par l'Académie. Et ça, c'est impardonnable. En plus, elle a le mauvais goût de signer des pétitions promues par un groupe étiqueté “néo-créationniste”, et ça, vraiment, ce n'est pas bien. Au fait, que dit cette pétition ? Voici: «A SCIENTIFIC DISSENT FROM DARWINISM Ce qui se traduit par: «UN DÉSACCORD SCIENTIFIQUE AVEC LE DARWINISME Que dire ? Si j'avais quelque «doctoral degree or position» comme tous les signataires de cette pétition, peut-être que moi-même… Il faut le dire, je suis un peu sceptique quant aux affirmations (etc.), et je pense qu'il serait judicieux d'étudier certaines voies mises au rebut par la théorie darwinienne, laquelle est au moins aussi idéologique et, à l'étudier de près, infondée que le créationnisme. On nous parle encore aujourd'hui de la théorie darwinienne de l'évolution, or la théorie courante en vigueur est non darwinienne ou pour être précis, si on disait à Darwin que la théorie de l'évolution actuellement diffusée est la sienne, il en serait fort étonné. Les personnes ayant une certaine connaissance de la question parlent plutôt de “néo-darwinisme”, ce qui est encore un abus de langage: ce serait comme de dire, par exemple, que la théorie de la relativité est du “néo-newtonisme”. Considérez que, pour mon compte, j'ai quelques doutes sur la qualité des hypothèses
d'Anne Dambricourt, du moins en ce qui concerne la partie, disons, «théorique». Mais ça
n'a pas tellement d'importance ici, car j'ai autant de doutes sur la vulgate actuelle
destinée au grand public de la théorie de l'évolution, celle caricaturée par la pétition,
de la seule voie «des mutations dues au hasard et de la sélection naturelle». Les
“néo-darwiniens”, qui forment plusieurs écoles, ont d'ailleurs autant de doutes que moi,
car depuis Darwin les connaissances ont beaucoup évolué, que ce soit en paléontologie, en
écologie, en «de 1996 à 1998 elle est membre nommé par voie ministérielle de la section 20 de la Commission des spécialistes du Muséum National d'Histoire Naturelle, qui évalue et sélectionne les candidats au poste de Maître de Conférence du Muséum [et] de 1996 à 1999, elle est membre nommé par voie ministérielle à la section 20 du Conseil National des Universités (CNU) (ethnologie, préhistoire, anthropologie), Le CNU est l'instance nationale d'évaluation des candidats pour l'enseignement et la recherche universitaire». Ne prêtez pas trop d'attention à la mention «nommé par voie ministérielle», c'est le cas général pour les titulaires de ces fonctions. Importe ici qu'on voit que même des tenants de «théories non standard» occupent, à un très haut niveau, des fonctions d'habilitation des enseignants-chercheurs. Ceci amène à comprendre que la pétition en question a un autre but que celui explicite, puisqu'en l'état des choses, l'«examen minutieux des preuves fondant la théorie darwinienne» est ce à quoi se livrent une bonne part des chercheurs dans les domaines concernés par ladite théorie (paléontologie, génétique et plus généralement biologie, etc.). En fait, cette mention est la définition du travail de la science: examen minutieux des preuves fondant la théorie du domaine concerné par une certaine recherche. Je ne parle bien sûr pas là de la techno-science qui, elle, vit sur les acquis actuels, mais de la science dite pure, celle qui cherche sans cesse à approfondir les connaissances et qui, parfois, à force de recherches et d'«examens minutieux», remet en cause les acquis. Le biais est le suivant: sous la forme d'une déclaration «scientifique», les postulat explicite et implicite de cette pétition sont anti-scientifiques. Le postulat explicite qui se révèle à tout le moins non scientifique, est celui de la première phrase: «Nous sommes sceptiques à propos [etc.]». Le scepticisme est une position a priori de la science, mais qu'on ne peut pas poser validement comme préalable à l'étude d'une question précise, du moins dans un cadre scientifique. Pour être plus clair: je suis sceptique quant à la validité générale de la théorie darwinienne de l'évolution, parce que d'un point de vue théorique elle n'a pas poute la cohérence que l'on souhaite d'une théorie, d'un point de vue empirique elle est en partie contredite par certains faits découverts depuis Darwin. Maintenant, je ne sais pas d'avance quelles parties de la théorie sont douteuses. Ce qui n'est pas le cas des auteurs de la pétition, qui savent que ça porte sur «la capacité des mutations dues au hasard et de la sélection naturelle [à] rendre compte de la complexité de la vie». Il se peut que le problème réside là, mais il se peut aussi que le postulat faux soit «la complexité de la vie», qu'en réalité la vie est un phénomène simple qui n'a que l'apparence de la complexité. Ce qui, soit dit en passant, me paraît une meilleure piste: depuis que la science «sceptique» existe, on constate que quand les phénomènes trouvent une explication celle-ci est beaucoup plus simple qu'on l'imaginait au départ. Soit encore dit, c'est en général vers ça que tendent les écoles néo-darwiniennes: la simplification… Le postulat implicite, et anti-scientifique, on l'a vu: l'idée sous-jacente qu'en l'état des choses «l'examen minutieux des preuves fondant la théorie darwinienne n'est pas encouragé». Cela prouve, soit que les auteurs de la pétition ne connaissent pas le fonctionnement la recherche scientifique, soit qu'ils n'en sont pas satisfaits. Je penche pour la seconde hypothèse car, comme le dit Christoph Zollikofer, cité dans un des articles, «l'argument du sphénoïde est limité, car on rencontre la flexion du sphénoïde chez certains mammifères, et même des poissons, sans en connaître la cause [et] on ne peut pas perdre de vue l'adaptation comme force de la sélection»". Il ajoute assez justement, «lorsqu'on fait de la science, on ne commence pas par les réponses, mais par les questions». De même, la pétition n'est pas un «désaccord scientifique avec le darwinisme» car le postulat de base, celui explicite, y est non scientifique puisque la réponse vient avant la question… C'est bel et bon, mais je m'éloigne de mon premier propos: le film Homo sapiens, une nouvelle histoire de l'homme est-il favorable au “néo-créationnisme” ? Je l'avoue, je ne l'ai pas vu. Le réalisateur dit, nous rapporte Le Monde qu'il est «opposé aux idées créationnistes [qui sont] ridicules». Par contre, toujours dans les propos que rapporte le quotidien, Anne Dambricourt ne dit pas qu'elle ne l'est pas, si du moins elle ne dit pas qu'elle l'est. Mais si les créationnistes se revendiquent tels il en va autrement des réputés “néo-créationnistes” qui se disent “évolutionnistes”, ce dont doutent ceux qui les taxent de “néo-créationnisme”. Pour mon compte, je ne sais pas s'ils sont effectivement “évolutionnistes”, mais du moins ils ne sont pas des “créationnistes” au sens où on l'entend à l'origine: ceux qui croient que l'univers a été créé il y a 4500, 5500 ou 6000 ans – ça dépend des «écoles de pensée». Si j'ai compris, les supposés “néo-créationnistes” acceptent (ou disent accepter)
l'explication générale de la formation de l'univers et de sa durée, celle de l'évolution
des espères par la phylogenèse, bref, sont conceptuellement et formellement beaucoup plus
proches de leurs supposés adversaires que de leurs supposés potentiels alliés, les
créationnistes à l'ancienne. Il est donc abusif de les taxer de créationnisme, serait-il
“néo”, en ce sens que les vrais créationnistes, ceux qui parvinrent en 1925 dans
le Tennessee à faire condamner un enseignant et, conséquemment interdire la diffusion de
la théorie darwinienne, refusent l'explication phylogénétique de l'apparition de la vie
sur Terre: chaque être «en son espèce» fut créé par Dieu du troisième au cinquième jours,
un point c'est tout. Cela ne signifie pas pour autant que les diverses théories dites de
l'intelligent Cela posé, il faut considérer que si, pour une part des spécialistes de la question, ça peut être un débat d'ordre proprement scientifique, son apparition médiatique est de tout autre ordre. Pour mon compte, je connais deux autres théories réputées scientifiques par leurs auteurs, celle dite de la grammaire générative et transformationnelle (GGT) et celle de «la modularité de l'esprit», qui ont des prémisses proches de celles défendues par les “néo-créationnistes”, dont l'argument central est celui développé par nos chers pétitionnaires: «[La thèse] des mutations dues au hasard et de la sélection naturelle [ne peut] rendre compte de la complexité de la vie». Voici comment le journaliste Michael Albert présente la chose dans un article intitulé «La Grammaire universelle et la Linguistique»: «Manifestement, l'enfant apprenant une langue parvient à une connaissance très complexe et riche en un temps très court. Entendant quelques phrases et autres énoncés, l'enfant devient capable de produire virtuellement un nombre infini d'autres, beaucoup avec une structure qu'il ou elle n'a jamais entendue auparavant. Il y a fort peu de stimuli par rapport aux fantastiquement riches réalisations. La connaissance du langage incluant la grammaire universelle, l'assemblage des paramètres et le lexique, vient à l'enfant en une très courte durée en dépit du fait que les linguistes travaillant dans ce domaine depuis des décennies ont tout juste commencé d'énumérer en quoi ce savoir consiste. Comment cela se fait-il ? Il y a deux hypothèses principales et opposées […]». La bonne et la mauvaise. La mauvaise dit qu'on peut parvenir «à une connaissance très complexe et riche» à partir de processus très simples et pauvres, la bonne, qu'il y a un intelligent design: «La première est que l'enfant démarre plus ou moins avec une ardoise vierge, entend ses parents parler, les imite, dit des choses, entend les corrections, et apprend la langue. La seconde est que l'enfant démarre avec la grammaire universelle comme patrimoine inné, déjà là, avec toutes ses options paramétrées, et a seulement a entendre comment les options ont besoin d'être ajustées dans sa langue particulière à lui/elle pour atteindre à l'ensemble de la grammaire de cette langue». J'ai déjà fait une longue critique de cette théorie, dans cette rubrique même, avec les textes «Innéité», «Acquisivité» et «Scientificité», donc je ne m'y étendrai pas trop. Disons simplement que les deux présupposés de base, synthétisés ici, «la grammaire universelle n'est pas apprise par mimétisme ou par des leçons ou des exemples et des corrections, mais est plutôt innée en l'esprit de chaque être humain, une part de notre patrimoine génétique, comme la structure de base de nos foies ou de nos rates», ne respectent pas le critère valant pour toute hypothèse qui se prétend à scientifique: la démonstrabilité. La supposée «grammaire universelle» n'est pas démontrable et elle ne cherche pas à l'être (enfin, elle n'a rien à chercher; pour être précis, les auteurs de l'hypothèse – décrétée théorie – dite «grammaire universelle», ne cherchent en rien à la prouver par la démonstration: ils la postulent, et voilà tout). Quant à «l'organe du langage» supposé résider dans le cerveau, il est indémontrable: sa présence dépend de la validité de l'hypothèse «grammaire universelle», et comme celle-ci n'est pas à démontrer, les conséquences qu'on en tire resteront à jamais indémontrables. Le curieux dans l'histoire est qu'on peut très bien faire l'hypothèse qu'il existe une sorte d'«organe inné du langage», ou plutôt une disposition innée des humains et propre à eux, au langage articulé, sans avoir à postuler une «grammaire universelle». C'est vers cette hypothèse que convergent d'ailleurs, actuellement, plusieurs sciences (linguistique non générativiste, neuro-biologie, anthropologie, etc.). Ce qui est somme toute logique: contrairement à la présentation fallacieuse qu'en fait Michael Albert, on n'a pas affaire à «deux hypothèses principales et opposées» mais à une diversité d'hypothèses, certaines à prétention scientifique, d'autres non, qui vont de l'innéité absolue (Dieu donna le langage à Adam) à l'acquisition absolue (caricaturée par Albert comme «hypothèse de l'ardoise vierge»). Enfin il y a diverses théories et hypothèses concernant certaines capacités actualisées «de manière innée» par les humains et eux seuls, telles le langage dit «à double articulation», la technologie, la modification dirigée de l'environnement, la communication différée (écriture) ou à distance (télé-communication) qui considèrent que ces capacités ne sont pas propres à l'espèce mais, donc, ne s'actualisent qu'en elle d'une manière définissable comme “innée”. Par exemple, on peut faire acquérir à certains êtres vivants autres qu'humains des capacités de langage «à double articulation», et pour certains d'entre eux (spécifiquement, les grands singes), ils auront ensuite la capacité de communiquer cette capacité acquise à d'autres membres de leur espèce. Ceci n'est pas une hypothèse, c'est un fait. Un fait démontré. Ce qui réduit grandement la validité de l'hypothèse de la grammaire universelle et de son corollaire, l'organe inné du langage, car les générativistes postulent que la capacité au langage à double articulation n'est possible que pour les humains. Albert cite ce «résumé» de la «théorie» par Noham Chomsky, un des fondateurs de la “GGT”, et actuellement donné comme son seul inventeur: «Il semble que l'enfant aborde la tâche d'acquérir une langue avec une riche structure déjà en place et aussi avec un riche système d'assertions à propos de la structure sonore et de la structure d'occurrences complexes. Cela constitue les parties de notre savoir provenant “de la main de notre nature originelle”, selon l'énoncé de Hume. Cela constitue une partie de notre patrimoine humain biologique, qui sera activée par l'expérience et sera structurée et enrichie au cours des interactions de l'enfant avec l'univers humain et matériel. De cette manière nous pouvons atteindre à une solution du problème de Platon, selon des directions non entièrement différentes de celles de Platon, mais purgées de l'erreur de la notion de vie antérieure». Le «problème de Platon» ? Le voici, «comme le posait Bertrand Russell», nous dit Albert: «Comment se fait-il que les êtres humains, dont les contacts avec le monde sont brefs et personnels et limités, sont capables d'en connaître autant qu'ils en connaissent ?» Cette prémisse diffère donc assez peu de celle de nos supposé “néos“, que je rappelle: «Les hypothèses évolutionnistes fondées sur les seules causes des “mutations dues au hasard et de la sélection naturelle” ne peut “rendre compte de la complexité de la vie”». Ceci n'est pas une citation mais résume correctement, je crois, le fond du débat. J'ai
longuement critiqué le supposé «problème de Platon» dans un des textes indiqués, et pour
résumer la chose, ma critique principale concerne sa validité globale. J'écris, «supposé
“problème de Platon”» non parce que je réfute son attribution mais parce que je doute que
ce soit un problème, du moins un problème scientifiquement valide: on peut considérer que
les humains ont «des contacts brefs et personnels et limités avec le monde», ou non; on
peut considérer que leurs connaissances sont «larges et impersonnelles (ou collectives)
et illimitées» (pour faire contraste), ou non. Si l'on considère que la durée, le mode et
l'extension des contacts d'un individu à son environnement ne sont pas brefs, personnels
et «Lorsque l'épistémologie de base est pleine d'erreurs, ce qui en découle ne
peut fatalement qu'être marqué par des contradictions internes ou avoir une portée très
limitée. Autrement dit, d'un ensemble inconsistant d'axiomes, on ne peut pas déduire un
corpus consistant de La «modularité de l'esprit» est une (sic) “théorie” proche de celle de la GGT, mais qui a aussi des rapports avec d'anciennes théories nées à la fin du XVII° siècle et au cours du XIX°, dont la phrénologie ou certains développements «cartésiens» déterminant des «sièges» (de la pensée logique, des maths, de l'imagination), des versions plus «scientifiques» des “bosses” de la phrénologie. Et comme pour ces théories, celle de la modularité de l'esprit a bien sûr des bases scientifiques: il est avéré que certaines fonctions (parole, vision, olfaction, etc.) ont des zones réceptrices localisées qui sont les mêmes pour presque tous les individus, et que leur endommagement provoquera la perte ou le dysfonctionnement de ces fonctions. Mais, le fait que la réception (et pour certaines, l'émission) se fasse à partir d'une zone précise ne signifie pas que tout ce qui concerne ces fonctions s'effectue là. En fait, c'est l'évidence même que ça se passe tout autrement, sinon il n'y aurait pas interaction entre ces fonctions. Prenez le cas de la parole: le «siège (ou module) de la réception» diffère du «siège de l'émission», mais d'évidence, si je vous parle et que vous me répondez c'est bien que, de quelque manière, l'information reçue influe sur le «module d'émission». En outre il a été observé, et dès le XIX° siècle (cf. les travaux de Broca), que s'il existe des zones réceptrices privilégiées, dans le cas d'un dommage de celles-ci la fonction est parfois restaurée en s'effectuant dans une autre zone. Je ne m'étendrai pas sur cette «théorie», simplement, comme la GGT, elle s'appuie sur
un présupposé innéiste et génétique, et ne vaut que pour les humains et quelques rares
espèces proches; en gros, les humains et les grands singes ont une esprit «modulaire»,
mais pas les autres mammifères, sans parler des autres Je ne sais toujours pas si Homo sapiens, une nouvelle histoire de l'homme est favorable au “néo-créationnisme”; je fais a priori confiance à l'auteur du film et suppose que son œuvre n'est pas, en soi, favorable à ces thèses; outre cela, et bien que ne l'ayant pas vu, je sais qu'on y montre plusieurs intervenants, et s'il est centré sur la personne et les théories d'Anne Dambricourt (et aussi la personne et les observations de l'orthodontiste Marie-Josèphe Deshayes), d'autres personnes ayant des points de vue parfois incompatibles avec les leurs s'y expriment; si j'ai quelques réticences quant aux hypothèses d'Anne Dambricourt (du moins pour la partie sur les mécanismes en cause dans l'évolution observable de l'embranchement de notre espèce) je lui fais crédit de ce qu'elle affirme: «Il n'y a jamais eu de relation entre la religion et les trois découvertes scientifiques en présence que je développe depuis 1987» et plus loin, «Je ne suis pas croyante à cause de cette découverte ou avant cette découverte. C'est historiquement profondément faux, puisque j'étais distante de toute religion». Il se peut qu'aujourd'hui Anne Dambricourt soit proche des courants “néo-créationnistes”, voire de ceux “archéo-créationnistes”, va savoir !, mais ça ne résoud pas cette question: pourquoi attaque-t-on sistématiquement les théories produites par des supposés ou avérés “néo-créationnistes” au motif qu'ils sont tels, et n'attaque-t-on jamais des théories tout aussi fumeuses produites par des supposés ou avérés “anti-créationnistes” au motif qu'ils sont tels ? Plus haut, je parlais de Noham Chomsky; probablement son nom vous est connu car il a
une certaine surface médiatique, c'est dit-on le «pape de la contestation» aux États-Unis
(je crains qu'il n'apprécie guère qu'on lui décerne ce titre…), il est connu pour
plusieurs activités d'ordre politique, et très controversé, pour le moins. En France, il
a commis deux crimes impardonnables: affirmer qu'on ne devait pas interdire la diffusion
des idées négationnistes et «défendre» l'ignominieux En France comme ailleurs, il y a plusieurs lignes de rupture entre groupes, les plus prégnantes étant celles concernant les opinions politiques, le rapport à la religion et les conceptions générales de la société, celles moins prégnantes étant notamment ce que l'on peut nommer la philosophie politique, qui se sépare de l'opinion du même nom, et le rapport à la science. Les opinions politiques de MM. Colombani et Chomsky sont assez peu compatibles, par contre leurs philosophies politiques, bien qu'opposées, restent assez compatibles, et leurs conceptions de la société sont proches – l'un comme l'autre en font une anayse en terme de classes, disons, une analyse marxiste, bien que l'un et l'autre soient, théoriquement, «anti-marxistes». Probablement l'un et l'autre ont un rapport assez différent à la religion (Chomsky est, comme dit, agnostique est anticlérical, et sans certitude mais avec fortes présomptions, Colombani est un «bon» catholique) mais, au moins en paroles, ils ont une position proche quant aux rapports entre «la société», «la politique» et «la religion»: ne pas mélanger. Pour le rapport à la science, c'est plus compliqué: il y a «ceux qui savent» et «ceux qui ne savent pas», les «savants» et les autres. Récemment, un nouveau terme apparut, du je crois (mais sans certitude) à Isabelle Stengers: les «sachants». Cela afin de séparer la notion de «savant», désormais synonyme de «scientifique», de celle beaucoup plus vague d'«expert», un terme désignant les personnes considérées par la société comme «celles qui savent», qui ont une “expertise” sur une question donnée. Si nombre «savants» sont aussi des «sachants» tous ne le sont pas et surtout, beaucoup de «sachants» ne sont pas des «savants». D'où la nécessité, pour les personnes qui étudient ces questions d'un point de vue sociologique, sociopolitique, philosophique ou historique, de disposer d'un terme qui sépare nettement le scientifique du savant et le savant de l'expert. Le sachant peut être défini comme «la personne investie de la fonction d'expert hors des cercles habituels de son supposé domaine d'expertise et souvent hors de ce domaine, sans certification ni processus explicite, en vue d'émettre une opinion en direction la société globale». J'abuse de l'italique et du guillemet puisque je suis l'auteur de cette définition; ce n'est donc en rien une citation. Cela dit, c'est en gros l'emploi qu'en font ceux qui utilisent ce terme. L'intérêt est de séparer «l'expert en titre» de «l'expert en nom». L'expert en titre est une personne désignée comme «expert» selon une procédure claire, comme par exemple les «experts auprès des tribunaux». Cela se fera de diverses manières, soit que des acteurs de son domaine d'expertise le désignent tel, soit donc qu'une institution le choisisse en vertu de ses compétences avérées dans le domaine (du moins, on le suppose…), soit que l'autorité publique le désigne, là aussi, on l'espère, en fonction de ses compétences avérées – c'est censément ce que fait un gouvernement qui constitue un «comité d'experts» pour s'intéresser à une question précise. L'expert en nom est une personne qui, un jour, est ointe de la qualité d'expert sans qu'on sache trop ni pourquoi, ni comment. On voit cela, en général, quand une «question de société» prégnante apparaît, ou lors d'un conflit, ou pour certains domaines tels que la littérature ou les arts, par des voies indéterminables. Il arrive que ces experts «spontanés» soient de fait des experts, des personnes qui ont une réelle expertise de la question traitée, mais il arrive tout autant que ce ne soit pas le cas. En cas de conflit, les experts spontanés sont généralement d'anciens militaires ou des personnes travaillant dans un institut qui s'intéresse à des questions de stratégie ou de relations internationales. Ce qui n'est en rien un certificat d'expertise: il y a des militaires incompétents et des «stratèges de laboratoire» inexperts à traiter à chaud de questions guerrières dans l'actualité. Mais il y a un [1] Comme le rappelle l'encyclopédie libre en
ligne Wikipedia (qui pour le reste de l'article “Yves Coppens” est d'une relative
pertinence), «aujourd'hui, Yves Coppens est présent dans de nombreuses instances
nationales et internationales gérant les disciplines de sa compétence. Il dirige en outre
un laboratoire associé au CNRS: le Centre de Recherches Anthropologiques-Musée de
l'Homme, et deux collections d'ouvrages du CNRS, les Cahiers de Paléoanthropologie
et les Travaux de Paléoanthropologie est-africaine. Il est membre de l'Académie
des Sciences et de l'Académie Nationale de Médecine, mais aussi de l'Academia Europaea,
associé de l'Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux Arts de Belgique,
correspondant de l'Académie royale de Médecine de Belgique, Honorary fellow du Royal
Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, Foreign associate de la Royal
Society d'Afrique du Sud et Docteur honoris causa des Universités de Bologne, de Liège
et de Chicago». Bref, comme on dit «il a de la surface», dans son domaine.
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