OMG, veaux: même combat

 L a polémique sur les zogéhèmes a les mêmes ressorts que celle des vozozormones au tournant des années 1960 et 1970, et la réponse semble devoir, à terme être la même: oui aux États-Unis, non en Europe. Car malgré, comme à l'époque, le désir des autorités de faire entrer ces nouveaux produits sur le marché européen, le refus massif des potentiels consommateurs créerait une déstabilisation telle de la filière que ça coûterait bien plus que ce que ça ne rapporterait. J'hésitais à faire rentrer ce texte dans mes pages «science», parce que ça touche beaucoup plus à la société, mais en même temps il s'agit bien des rapports entre la science, la technologie et la société, et en outre ce texte a quelque chose à voir avec la sociologie, qui est une science. J'hésitais, car pour les OGM comme pour le veau aux hormones, l'acceptation ou le refus n'a pas grand chose à voir avec une quelconque «valeur scientifique» (si une telle chose existe) et, corrélativement, aucune «démonstration scientifique» “pour” ou “contre” ne ferait varier Européens et Étatsuniens sur ces questions, donc sensiblement la science a peu à voir en tant qu'elle-même dans ce texte. Mais poursuivons…


Il faut tout d'abord comprendre que, comme dit, le refus mais aussi l'acceptation, des «veaux au hormones» il y a quelques lustres, aujourd'hui des «plantes transgéniques» n'a rien de rationnel, donc par définition rien de scientifique, cela à plusieurs titres:

  1. Qoiqu'elle adopte ou rejette, une société ne le fait jamais pour une raison d'ordre rationnel; elle le fait par goût, désir, nécessité, convenance, etc., et si là-dessus il y a des «bonnes raisons scientifiques» ça fait un plus, mais jamais un plus décisionnel. Si une société faisait ses choix rationnellement, ça se saurait et surtout ça se verrait — le réchauffement climatique, ou, à l'heure où j'écris (janvier 2005), le constat de la non mise en place, justement, d'un suivi scientifique des tsunamis dans l'Océan Indien, action pourtant planifiée par les pays riverains depuis des décennies, nous le prouvent.
  2. Dans les deux cas, refus ou acceptation s'articulaient sur un ensemble de fantasmes, présupposés et préjugés dont on discutera par après, qu'aucune science ne peut contrer en démontrant la nocivité ou la bénéficité d'un objet. Il en va là comme pour le refus des transfusions sanguines chez les témoins de Jehovah les plus rigoristes: leur refus n'a rien d'«anti-scientifique» et beaucoup conviennent de l'inocuité et de l'opportunité des transfusions, mais leur système de valeurs transcende la logique rationnelle.
  3. Si même chaque membre de la société était «rationnel» dans ses présupposés et ses choix, cette rationalité ne pourrait pas être de l'ordre de celle des scientifiques, qui appliquent cette rationalité à un ouvrage accompli in abstracto, je veux dire: dans un contexte sans rapport avec la réalité conventionnelle, que ce soit celle de la nature ou de la société; hors du laboratoire, leurs découvertes ou leurs travaux ne sont plus des «objets de science» mais des objets sociaux qui doivent s'insérer dans un ensemble complexe d'objets de ce type, et rentrant ainsi en interaction avec cet ensemble, obéiront alors à une rationalité pragmatique et non linéaire, où l'on doit à tout instant faire des choix entre des objets d'usage social équivalent.

Il y a bien d'autres raisons mais celles-ci suffisent pour comprendre pourquoi les scientifiques les plus patentés, appuyés par le gouvernement, les producteurs de semences transgéniques, une bonne part des médias les plus importants, les chambres de commerce et celles d'agriculture, et le principal syndicat agricole français, ne peuvent «convaincre» les Français de l'inocuité des OGM et de leur utilité. Convaincre entre guillemets, car même si ce n'est pas la majorité une part importante des personnes qui refusent les OGM, y compris chez les plus virulentes, est assez convaincue de la chose, ou au moins, que les risques pour la santé humaine sont probablement nuls, et l'intérêt écologique potentiellement important. Du moins, un certain intérêt écologique. Je pense que sinon tous, du moins la majorité des scientifiques qui tentent de convaincre la population française que les OGM sont “bons” et même “meilleurs” que les non-OGM[1] sont honnêtes et eux-mêmes convaincus de l'intérêt de cultiver et de consommer des OGM. Pourquoi, c'est autre chose, chacun a sa série d'arguments, mais au final ça revient à ceci: les OGM sont souhaitables car produits par la science. C'est faux, mais ça n'a pas d'importance, ou plutôt si, a, mais à un autre niveau: il se trouve que «la science», dans ce contexte, est le nom que donné a une société particulière, insérée dans la société plus large où elle agit, mais ayant ses propres règles, dogmes et idéologies, différents de ceux de la société large. Les scientifiques, dans cette acception, sont des sortes de bi-nationaux qui, dans le cadre de leur travail, vivent une autre réalité que vous et moi (sauf si vous-même êtes «scientifique»); en général, un scientifique qui agit hors de son cadre social propre se comporte selon les règles de son autre «nationalité» — comme la personne franco-espagnole qui, en France, vit «à l'Espagnole» à la maison et «à la Française» en dehors. Mais parfois on lui demandera de se comporter dans la société large «en tant que scientifique». Et là les problèmes arrivent: les règles de discussion et d'argumentation ne sont pas les mêmes dans un symposium de biologistes ou une assemblée disparate de «citoyens ordinaires», ce qui explique pourquoi même les scientifiques les plus convaincus ne parviennent pas à faire partager leur foi dans les OGM, c'est un peu comme si un théologien catholique tentait de convaincre une assemblée de bouddhistes zen de l'immortalité de l'âme avec l'argumentaire qu'il s'est forgé au séminaire: ça ne marchera pas, c'est sûr.

Sur le «pays de la science» et sur le fait qu'il est faux de prétendre que la science a produit les OGM, il faut comprendre que si ses habitants s'auto-désignent scientifiques une bonne partie de ceux qui ont la nationalité ne sont pas «scientifiques de souche»; la science étant une société ouverte, comme toutes celles de ce genre, elle compte une toute petite minorité de nationaux «de souche». Dit autrement: la majorité des personnes qu'on désigne «les scientifiques», et qui se désignent ainsi eux-mêmes, sont en réalité des ingénieurs, des techniciens, des administrateurs, des chargés de relations, et tout ce qu'on trouvera dans une société, au sens cette fois de société commerciale, d'entreprise, ils font tourner la boutique mais ne créent pas de science et se contentent, au mieux, d'appliquer les idées conçues par la toute petite unité de recherche et développement. Une unité de recherche publique ou universitaire compte, en sciences humaines 20% à 25% de scientifiques, en sciences exactes, au mieux 10% et dans les sciences pondérales (médecine, biologie), moins de 5%. Quant aux personnes réputées être des scientifiques qui travaillent dans l'industrie ou dans les sociétés de service, pour les sciences sociales et mathématiques, divisez le nombre donné par cinq ou dix pour avoir une idée de la chose, et pour celles pondérales, engénéral elles n'en comptent pas. Ce qu'on appelle OGM sort justement des unités de recherche travaillant pour l'industrie dans les sciences pondérales, donc ne sont pas le fruit inattendu d'une découverte scientifique mais le résultat attendu d'un travail d'ingénierie s'appuyant sur des découvertes scientifiques dans une visée technique: les supposés chercheurs de ces unités seraient plutôt désignables «trouveurs», car contrairement aux vrais scientifiques car travaillant sur des découvertes existantes ils savent d'avance ce qu'ils trouveront, et se contentent d'applications à des objets financièrement intéressants. Ou potentiellement intéressants sur un plan économique.

Sur la première question, celle des «petites mains de la science», ça n'a rien que de normal, on peut considérer que, dans les conditions de réalisation de la science depuis environ un siècle et plus particulièrement depuis la première guerre mondiale, il n'est plus envisageable de mener une recherche seul, ou avec trois ou quatre collègues, dans le secret de son laboratoire. Ce n'est pas vrai de toute science ni de toute recherche, notamment, en mathématique ou en socio-ethnologie on peut encore envisager cela; mais en chimie, en physique ou dans les sciences pondérales ce n'est plus le cas. Certes, il peut arriver qu'un chercheur isolé ou un petit groupe de chercheurs fassent des découvertes dans ces domaines, mais c'est ne pas tenir compte de l'environnement, du fait qu'ils s'insèrent dans un ensemble technologique et humain très large où des outils effectifs ou conceptuels développés par ailleurs leur auront permis de faire leurs découvertes. Sur la seconde, les unités de recherche de l'industrie, il est évident qu'une entreprise ne va pas les financer pour la gloire de la science, elle veut des résultats. Ce qui n'implique pas qu'elle ne financera pas la recherche scientifique stricto sensu, mais en dehors, en général par le biais d'une fondation qui travaillera avec les universités et les organismes publics de recherche. Ce qu'on nomme globalement «la science» comprend quatre groupes différents, dont un seul qui puisse être considéré comme strictement scientifique: la recherche fondamentale, la recherche appliquée, la recherche technologique, et un quatrième difficile à nommer, mais qui en tout cas ne fait ni de la recherche, ni de la science. Et seule la recherche dite fondamentale est de la science.


D'abord, une définition de ce qu'est, selon moi et d'après tous les bons auteurs, la science. C'est à la fois une méthode, un projet, une attitude et un comportement. La méthode, on la connaît je crois, elle fut définie au tournant des XVI° et VXII° siècles et brillament synthétisée par Descartes, justement dans son fameux Discours de la Méthode, dont voici les quatre principes:

«Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle […].
Le second, de diviser chacune des difficultés que j'examinerais, en autant de parcelles qu'il se pourrait, et qu'il serait requis pour les mieux résoudre.
Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance des plus composés; et supposant même de l'ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres.
Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre.

Des principes simples et évidents, je crois. Le premier, on le désigne actuellement «principe de précaution». Étrangement, une partie de ceux qui se prétendent scientifiques et en outre cartésiens, la présentent comme anti-scientifique. Or, ce principe peut se paraphraser comme: ne rien accepter comme vrai qu'on n'ait la certitude que cela le soit. Il se trouve que les politiques et leurs relais dans les médias comprennent assez souvent ce principe comme signifiant «ne rien faire dont on ne soit sûr», et il en est de même pour beaucoup de présumés scientifiques qui n'ont pas une bonne compréhension de ce qu'est la science; or, le «principe de précaution» ne dit rien d'autre que ce que son nom indique: quand on fait quelque chose, il faut prendre soin de la vérifier jusqu'à être assuré que ce qu'on en croyait est ce qui en paraissait. Le «principe de précaution» est le principe de base sans lequel la science ne peut pas progresser, puisque donc elle «prendrait pour vrai» ce qui ne l'est peut-être pas. Prenez l'état de la bio-chimie, de la physique et des théories sur la vie au milieu du XIX° siècle: tout ce que des scientifiques, des personnes raisonnables, prenaient pour vrai (la génération spontalée, l'éther spatial et le transformisme lamarckien) est aujourd'hui considéré comme faux. Et c'est parce que certaines personnes ne les ont pas prises pour vraies qu'une vérité plus grande sortit de leurs recherches. Ce qui ne signifie pas pourtant, ni que les croyances de 1850 étaient fausses, ni celles de 2005 vraies. C'est je crois ce que veut dire Bruno Latour quand il affirme qu'on ne peut dire que je ne sais plus quel pharaon fut tué par le bacille de Koch: il n'«existait» pas avant sa «découverte» par Koch, et la découverte conséquente de son rôle dans la tuberculose: ce qui tua le pharaon est justement le fait que, pour un Égyptien d'il y a 2500 ans, le bacille de Koch n'existait pas, ni même le concept, donc le fait, de micro-organisme. Dit autrement, ce qui a tué notre pharaon est l'état de l'art médical de son temps, et non le bacille.

Les deux principes suivants concernent le processus de découverte: d'abord l'analyse, ensuite la synthèse. Et dans la phase «analyse», qui fait proprement la particularité de la démarche scientifique, on ne sait ni ce qu'on cherche, ni ce qu'on trouvera. Sinon, ce n'est pas de la recherche… À considérer la fin du troisième principe, où Descartes pose qu'il faut chercher en «supposant même de l'ordre entre [les points] qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres» il exprime ce fait important, la science ne progresse que par des ruptures avec la logique naturelle, elle l'interroge, la perturbe, établit des liens inédit entre des objets et concepts «qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres». C'est ce qui me fait considérer une grande partie de ce qu'on désigne «recherche scientifique» comme n'en étant pas, pour cette raison que ceux qui la pratiquent travaillent avec des choses «qui se précèdent (et se succèdent) naturellement les unes les autres». Le projet découle de la méthode: découvrir. Ce qui n'est pas synonyme de trouver, ou du moins est d'un niveau supérieur: celui qui découvre trouve, mais on peut trouver sans découvrir. Bien sûr que les chercheurs qui travaillent pour les semenciers ou pour l'industrie pharmaceutique «trouvent», mais ils ne découvrent pas car ils limitent leurs investigations aux domaines où ils sont sûr de trouver quelque chose. Les découvertes se font ailleurs, dans la recherche fondamentale, parfois dans celle appliquée, qui peuvent se permettre de mener des recherches sur des objets dont on ne sait pas s'ils donneront un résultat ou non.

De tout cela découle l'attitude: un scientifique n'a pas d'a priori, et il est humble. Il n'a pas d'a priori car il ne sait pas ce qu'il cherche. Cela ne veut pas dire qu'il ne formule ni hypothèses ni postulats, mais une fois cela fait, ils va les éprouver. C'est la phase de falsification. Au contraire, les «trouveurs» font de la vérification, c.-à-d. «vérifient» qu'ils savent bien ce qu'ils savent… Ce n'est pas avec ça qu'on risque de faire des découvertes ! Le falsificateut au contraire évalue ce qu'il croit savoir avec l'hypothèse initiale a de bonnes chances d'être faux, comme le furent toutes les vérités de la science de Galilée à Maxwell, et même un peu après. Ces pseudo-scientifiques «trouveurs» ont la conviction que ce qu'ils savent de l'état de leur savoir est vrai, alors que tout montre qu'une vérité de laboratoire d'un instant donné est provisoire et destinée à être falsifiée à un moment ou l'autre. Cela peut prendre du temps, mais ça arrive toujours. Prenez la théorie de l'attraction due à Newton: elle résista à la falsification plus de deux siècles, puis coup sûr coup la mécanique quantique et la théorie de la relativité en sonnèrent le glas. Remarquez, le principe (l'attraction universelle) et le mécanisme observable (les corps s’attirent avec une force inversement proportionnelle au carré de la distance qui les sépare) restent assez vrais, mais non plus l'explication du phénomène. En outre, dans bien des situations l'explication newtonienne suffit largement pour se comporter avec le fait indibutable de la gravité[2].

De même que le projet se relie à la méthode, le comportement se relie à l'attitude: un scientifique ne peut fixer de finalité à sa recherche, donc n'établira pas ses protocoles en vue d'un certain résultat et ne se fixera pas de moment pour aboutir ou abandonner; en fait, la recherche d'un scientifique n'a ni début ni fin, disons qu'elle commence quand il décide de se lancer dans les longues études qui lui permettront de travailler dans un certain domaine, et se terminera avec sa mort ou sa renonciation. Et entre les deux, il se peut qu'il trouve quelque chose de vraiment nouveau, et il se peut que non. C'est même pour ça qu'on l'appelle «recherche scientifique»: le but n'étant pas de trouver, le chercheur cherche, c'est tout.


On peut catégoriser nos scientifiques présumés ainsi: dans cet ensemble, seule la recherche fondamentale correspond au cadre cartésien en tous points; on peut cependant accorder le statut de scientifiques à ceux qui font de la recherche appliquée non finalisée, qui ne visent pas à faire évoluer leur domaine mais se contentent (si dire se peut) de pousser aussi loin que possible les découvertes et hypothèses en cours. Il y a un fonctionnement en binôme: la recherche appliquée pousse au bout les retombées des inventions de la recherche fondamentale et ce faisant, fournit de nouveaux outils à la recherche fondamentale et l'oblige à élucider les limites des théories en cours. Deux exemples de la chose sont les travaux d'Einstein et de Planck: tous deux plaçaient leur réflexion dans le cadre de la mécanique classique et n'avaient nullement en vue de révolutionner quoi que ce soit (on sait même que Planck, voyant que son hypothèse raisonnée sur la constante qui porte son nom mettait en cause l'équilibre de la physique de son temps, en faisait des cauchemars, car il était conservateur en la matière), «simplement», ils ont poussé au bout quelque chose de problématique dans les théories en cours, et on déconstruit la théorie générale en cours. Mais ils n'y vinrent pas sans préalables. Notamment, que les applications basées sur cette théorie laissaient voir des incohérences et donnaient des résultats pour déterminer où et pourquoi ces incohérences. Conclusion, on peut classer effectivement les recherches fondamentale et appliquée dans le champ de la science, en tenant compte que celle appliquée n'est pas strictement de la science. Le reste n'est pas science, mais ingénierie, qui se décline aussi en deux branches, l'ingénierie proprement dite et ce qu'on appelle techno-science, qui n'est que de la technique avec cette particularité de se servir des instruments de la science pour un tout autre usage. C'est aussi ce que fait l'ingénierie, mais comme la recherche fondamentale, on peut dire qu'elle n'a pas de visée finaliste à strictement parler — ce qui n'exclut pas l'utilitarisme, bien sûr.

Un bon exemple de cette techno-science sont les instituts de sondages, qui usent d'instruments élaborés et développés par la statistique puis la sociologie quantitative, mais d'autre manière et dans un autre but que la science. On peut dire qu'un sondeur connaît d'avance, le plus souvent, la réponse à sa question. Pas dans les détails, bien sûr, mais dans les grandes lignes. Il ne vise à aucune découverte, on peut supposer qu'un sondeur obtenant des réponses qui ne cadrent pas avec ses présupposés serait en fait bien en peine d'exploiter ce résultat. C'est ce qui arrive, d'ailleurs. Je vous réfère à un autre de mes textes, «Analyses ou opinions ?», pour voir comment LE spécialiste des sondages du quotidien Le Monde peut en arriver à faire une «analyse» de sondage qui dans les faits ne s'appuie pas sur ces résultats et n'est pas une analyse. On peut dire que chez les sondeurs et affiliés, la «synthèse» est préalable: ils ont connaissance d'un certain état de la société, et leurs travaux ne visent qu'à la confirmer. Et dans les cas où ça n'arrive pas (c.-à-d. le plus souvent), ils «corrigent les données» pour les faire rentrer dans les cadres.

La déviation de la démarche scientifique qu'opère la techno-science est très visible avec les sondeurs, du moins dans leur travail destiné au grand public — l'infléchissement est moins net, dans leurs travaux non publics —, mais cela est vrai partout, simplement, c'est plus discret et en outre le travail effectué répond formellement aux conditions de fabrication de la science. Ce cadre posé, revenons à la question initiale: les OGM et les «veaux aux hormones».


Rares sont les scientifiques stricto sensu, ceux de la recherche fondamentale, qui s'impliquent dans les discussions de ce genre «en tant que scientifiques»; s'ils le font, ce sera en tant que citoyens, avec l'avantage d'avoir des lumières sur la question discutée, donc de pouvoir en éclairer les autres intervenants. Je connais quatre bons exemples de la chose, Isabelle Stengers, Jean-Marc Lévy-Leblond, Axel Kahn et Jacques Testart. Il y en a d'autres, mais ceux-là sont illustratifs. Ce sont des «savants», car en effet ils savent, pour ce qui concerne leurs domaines propres de compétence, mais ces quatre-là ont une claire conscience du fait que leur savoir technique et scientifique n'a pas lieu dans une discussion concernant la société, laquelle, je le disais, a d'autres critères que la valeur propre d'un objet pour déterminer sa valeur sociale (cf. l'opposition des économistes entre valeur d'usage ou valeur propre et valeur d'échange ou valeur sociale). En fait, ceux qui, le plus souvent, s'insèrent dans le discours public en se bardant de leurs titres de «scientifiques» appartiennent le plus souvent aux trois autres catégories. Ce n'est pas toujours le cas, par exemple quelqu'un comme Jean-Pierre Changeux, qui est bel et bien un scientifique, s'exprime de manière très dogmatique et péremptoire, et pour tout dire assez condescendante voire méprisante, envers les «non savants», dès qu'il s'exprime sur la place publique dans son domaine de compétence. Et même dans d'autres domaines. En fait, il a tendance à cette attitude supérieure quel que soit l'objet de la discussion. Nul n'est parfait. C'est un de ces scientifiques très platoniciens qui ont la convictioon que le «troupeau vulgaire» serait mieux dirigés si les «philosophes» (aujourd'hui, les scientifiques), le guidaient.

Sur les OGM, on entend donc s'exprimer «en tant que scientifiques» les ingénieurs, les «chercheurs appliqués» et les techniciens; lesquels ont en réalité d'autres intérêts que ceux de la science et de la société. Pour leurs motivations à s'exprimer, il me semble que ceux qui le font forment deux groupes à-peu-près équivalents, ceux qui parlent «dans l'intérêt de la Science» (avec majuscule) et ceux qui le font dans l'intérêt bien compris de leur unité de recherche.

Désolé de le dire, je me méfie des discours des personnes qui ont un intérêt direct ou indirect dans la défense des OGM, notamment celles qui les conçoivent et celles qui les fabriquent. Ce qui ne signifie pas que je ne puisse considérer qu'elles disent vrai, mais on n'en a jamais la certitude: parlent-elles honnêtement ou trichent-elles ? C'est ainsi: si une personne est à la fois juge et partie, on aura toujours un doute sur son impartialité. Je n'ai guère plus confiance dans la valeur des propos de ce qu'on pourrait nommer «la science académique», ceux des non scientifiques du pays de la science que les pouvoirs publics choisissent pour le représenter, les «plénipotentiaires de la science», dirait-on. C'est bête à dire, un supposé ou avéré scientifique qui choisit la carrière des honneurs, ou ne peut être entièrement libre de ses propos, ou est choisi en fonction de sa capacité à adhérer aux vues de ses mandants, qui sont souvent ceux qui ont intérêt à promouvoir les retombées de la techno-science. j'ai cependant tendance à croire qu'ils sont honnêtes. Mais bornés et quelque peu incompétents ou dépassé, sinon ils dirigeraient un laboratoire de recherche fondamentale ou appliquée.

Je m'égare de nouveau. Les OGM dans le débat public, donc. Que ce soit par naïveté ou par malice, les supposés scientifiques qui, dans ce débat, défendent les OGM avec des arguments formellement scientifiques donc rationnels, et dans leur esprit, de la seule rationalité possible, font une grosse erreur car, comme je le disais au début, une fois sorti du laboratoire un objet perd son statut d'objet de science pour devenir un objet social quelconque, dont se demandera, non pas s'il est «bon» ou «mauvais» de manière abstraite, mais plus concrètement: vaut-il plus que ses concurrents ? De plus, il devra s'insérer dans un univers de sens et de croyances et il se peut que, dans telle société, à tel «fait scientifiquement valide» on oppose la coutume et la foi. Voici un bon exemple, qui est pour moi dans l'actualité, d'un écart très grand entre la raison scientifique et la raison culturelle, la consommation de poisson dans certains pays victimes du raz-de-marée du 26 décembre 2004:

Le directeur de l'OMS demande aux srilankais de manger du poisson
AFP | 08.01.05 | 15h55

Le directeur de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui s'est rendu samedi au Sri Lanka, a incité ses habitants traumatisés par les raz-de-marée à manger à nouveau du poisson, délaissé par crainte qu'il se nourrisse de cadavres. "L'Organisation mondiale de la santé encourage toujours les gens à manger du poisson, c'est une bonne source de protéines", a déclaré Lee Jong-Wook lors d'une conférence de presse dans la capitale, Colombo.Les commerçants de Colombo ont fait état d'une chute des ventes de poisson, les insulaires craignant de s'alimenter avec du poisson qui se serait nourri de cadavres des victimes des raz-de-marée du 26 décembre. M. Lee a toutefois indiqué que cela ne posait "pas de problème". "Depuis que je suis arrivé au Sri Lanka, je n'ai mangé que du poisson", a-t-il ajouté.
Les Malaisiens invités à manger du poisson, non contaminé par les cadavres
AFP | 10.01.05 | 05h15

Les Malaisiens ont été invités à ignorer la rumeur que les poissons sont contaminés par les cadavres des victimes des tsunamis et manger des produits de la mer pour aider les pêcheurs à redémarrer.Le ministre de la consommation Shafie Apdal a reconnu dans des déclarations publiées lundi que cette crainte nuisait aux pêcheurs de la région de Penang, sur la cote nord-ouest de la Malaisie touchée par le raz de marée qui a fait 68 morts dans le pays. "Nous ne voulons pas que cette situation se prolonge et j'invite les pêcheurs à prendre la mer puisque le gouvernement fournit des aides et que les gens doivent manger du poisson parce que les poissons sont propres à la consommation", a-t-il dit.

Comme on le voit, tant le directeur de l'OMS que le ministre malais de la consommation se placent sur un plan de rationalité «scientifique» et économique: il faut manger du poisson parce que c'est bon pour la santé et pour le revenu des pêcheurs. Il se trouve que les riverains de ces pays adhèrent à des religions où les interdits alimentaires sont très stricts, et les stratégies d'évitement de la consommation de produits «contaminés» très complexes. Et qu'ils n'attribuent pas la même signification que M. Lee Jong-Wook à la notion de contamination: pour lui, il s'agit de dire, «ce poisson n'est pas porteur de micro-organismes nocifs pour la santé»; pour les Srilankais et les Malais, la question centrale est: nous ne voulons pas consommer d'un poisson qui aurait mangé de la chair humaine, et ils considèrent une «contamination spirituelle». Voici:

«Depuis le tsunami, beaucoup de Sri-Lankais ne veulent plus manger de poissons, craignant qu'ils ne se soient nourris sur les cadavres emportés par le raz-de-marée» (COLOMBO - AP).

C'est tout. «Scientifiquement» il n'y a pas de contradiction à manger du chien, et la consommation de termites forme un apport protéinique riche et bon pour la santé mais vous ne pourriez convaincre beaucoup de Français de consommer l'un ou l'autre. J'ai vécu une telle expérience: un jeune homme de ma connaissance, natif des États-Unis, mangeait à notre table un steak, qu'il trouvait savoureux. À la fin du repas il dit, c'était bien bon, c'est quoi comme viande ? Et nous de dire, un steak de cheval. Il y eut une sorte de miracle à l'envers: d'excellent steak la seconde d'avant cela devint instantanément un poison infâme que son corps ne pouvait plus supporter, et notre hôte se précipita dehors pour vomir.

Ces deux exemples illustrent le second point des critères de rejet ou d'acceptation de quoi que ce soit par la société: l'analyse en composants moléculaires d'un steak de bœuf, de cheval ou de chien donnent le même résultat; leur analyse en «composants culturels» fera que, selon qu'on soit Coréen, Français ou Étatsunien, ils n'auront pas la même qualité en tant que nourriture potentielle. Dans le cas des OGM, l'idée que s'en fait un Européen ou un Nord-Américain font que l'un les refuse, l'autre les accepte, et on pourra passer des lustres et des lustres à expliquer que, en analyse de composants, il n'y a pas de (ou qu'il y a une) différence entre OGM et non-OGM, que ça ne changera rien.

L'exemple plus ancien des «veaux aux hormones» permettra de comprendre ce qui se joue ici. Factuellement, on ne peut considérer qu'il y ait de différence notable entre un veau «sans hormones» et «avec hormones», ne serait-ce que pour ceci: un veau «sans hormones» ça n'existe pas. Il y a certes une différence gustative réelle, l'injection d'hormones à des veaux ayant pour but et pour effet d'accélérer la prise de poids, cela se fait au détriment de la sapidité et de la densité de la viande, qui sera moins goûteuse et plus filandreuse; cela dit, les mêmes Européens mangent du poulet de batterie, dont on ne peut vraiment dire que leur qualité gustative est formidable. L'explication par le goût est donc une rationalisation de la motivation profonde. Qui est: on met «quelque chose» dans le veau. Ce qui, dans le fantasme européen, en modifie la substance. On pourrait appeler ça «complexe de Frankeinsteins», «complexe du Golem» ou «complexe de l'apprenti sorcier»: manipuler «la chair» d'un être en modifie «l'âme». Le fait d'«hormoniser» les veaux ne posait pas problème en soi mais par la manière de le faire, par les injections. Ferait-on cet apport via la nourriture, comme on le fait avec les antibiotiques pour nos poulets hors-sol, probablement ça n'aurait pas fait trois lignes dans un journal. Avec les OGM on a quelque chose de cet ordre: pose problème l'introduction «intime» des gènes qui menace, dans l'imaginaire européen, «l'intégrité morale» des plantes modifiées. Ou une chose de ce genre. Par là-dessus, il y a une méfiance assez grande en Europe de «la science» quand elle semble agir trop directement sur la société, ceci se reliant plus spécialement aux abus que certains scientifiques ou réputés tels commirent en Europe dans les décennies 1920 à 1940, notamment bien sûr dans l'Allemagne hitlérienne, et notamment dans les camps de concentration.

Aux États-Unis, c'est presque l'inverse: plus c'est «scientifique», plus c'est «sûr», rassurant, normalisé, maîtrisé, «l'hormonisation» est une amélioration du processus de croissance: on ne laisse plus faire la nature, on dirige les choses, bref, on «améliore» les veaux. En outre, et malgré beaucoup d'errements des chercheurs nord-américains au cours du XX° siècle[3], les Étatsuniens ont grande confiance dans la science, et autant un Européen tendra à s'en méfier à l'excès, autant un Étatsunien tendra à lui faire une confiance mal fondée. Ce qui explique mieux que je ne sais quelle rationalité scientifique supérieure d'un côté de l'Atlantique que de l'autre, pourquoi en Europe on se défie des OGM, en Amérique du Nord on les accepte sans guère de problèmes. Évaluant la connaissance réelle et l'acceptation des données scientifiques dues à la recherche fondamentale, on verra qu'en moyenne les Européens sont mieux informés et acceptent mieux ce qui concerne l'évolutionnisme, la génétique, l'astro-physique, la sociologie que les Étatsuniens, on dira, acceptent mieux les données fondamentales de la science. L'exemple caricatural est bien sûr qu'aux États-Unis une majorité des personnes accepte les théories créationnistes de l'univers et réfutent le «big bang» et le darwinisme, dans certains États cela dépassant 80% de la population. À l'inverse, on se méfie beaucoup plus en Europe de la techno-science. Qui a raison, qui a tort ? Selon moi, personne. Mais raison ou tort, ce n'est pas par le rationalisme scientifique qu'on pourra convaincre les Européens, maintenant qu'ils sont alertés sur les OGM, de les accepter.

Maintenant, il y a le troisième point: une fois dans le domaine public, un objet créé par la science ou par la techno-science change de statut, et les scientifiques n'ont pas plus de pertinence que tout autre citoyen à dire ce qui en est. Pour les OGM, il faut considérer qui s'oppose à qui. En gros: «les altermondialistes» et «les mondialistes». C'est une simplification, mais ça donne le tableau. Or, l'on trouve dans chaque camp autant de rationalité et d'irrationalité, relativement à «la science». Quand par exemple José Bové s'oppose aux OGM, certes, il agite le spectre de la «manipulation génétique» en vue de mobiliser dans son camp, mais sa motivation réelle est raisonnée et raisonnable, il considère que si les agriculteurs se dessaisissent de la maîtrise de la production de semences au profit de la techno-science, à moyen et long terme il se retrouveront aussi aliénés que le sont les éleveurs d'animaux hors-sol. Il a une réflexion sociale basée sur une compréhension «scientifique» de la chose: pour lui, donc, le problème n'est pas tant le risque sanitaire (bien qu'il existe) que «l'expropriation des moyens de production» opérée par le capital via l'industrie bio-chimique. D'une part il n'y a pas chez lui méconnaissance des aspects techno-scientifiques des OGM, de l'autre, son analyse est scientifique, mais d'une autre science, la sociologie, notamment sa branche la plus courue aujourd'hui, l'économie. Et bien sûr, ça se double d'une position politique de gauche, et il considère non souhaitable ladite expropriation des moyens de production. Bref, aucun argument «purement scientifique» ne pourra le convaincre.

Je le disais, il y a autant d'irrationnalité scientifique du côté des défenseurs des OGM que du côté de leurs détracteurs. Par exemple, l'intérêt que les dirigeants de Monsanto portent à ces OGM n'a rien de scientifique, leur but est clair: s'accaparer la plus grande part possible du marché des semences, et verrouiller leurs positions en rendant à terme leurs acheteurs tributaires de la fourniture de nouvelles semences. On en eut l'illustration avec le fameux germe «Terminator», projet pour l'instant reporté, en Europe, mais ça finira par ressortir: quels peuvent être l'intérêt alimentaire ou économique de faire une manipulation qui consiste à rendre le germe stérile ? La réponse est: il n'y en a pas. Du moins, il n'y a pas d'intérêt économique sur le plan qu'on met en avant, c.-à-d. un intérêt pour le cultivateur et par ricochet pour le pays où il sème. Par contre, il y a bien un intérêt de cet ordre pour Monsanto: le semeur ne pourra plus faire ce que firent ses pères depuis la découverte de l'agriculture jusqu'au milieu du XX° siècle, épargner une partie de sa récolte pour semer l'année suivante. Au passage, il y a une magouille: Monsanto doit bien, pour son compte, produire des semences “Terminator”; or, on imagine bien que la société ne compte pas modifier chaque graine une par une chaque année pour fournir ses clients. On peut en conclure qu'elle détient un procédé lui permettant d'inhiber le gène anti-fertilité…

On voit que les raisons sociales et politiques de promouvoir ou rejeter les OGM n'ont rien de commun avec la science de laboratoire. Cela dit, les OGM n'ont en eux-mêmes rien de scientifique, c'est de la technologie génétique, du bricolage plus ou moins assuré, aussi «scientifique» que la fabrication d'ordinateurs ou d'automobiles; des cuisiniers aussi ont dit qu'ils travaillent dans leur laboratoire… Alors, pourquoi argumenter en mettant en avant la supposée scientificité des plantes trasgéniques ? Justement, parce que nos dialecticiens «pro-OGM» se servent de l'indétermination entre la science proprement dite et l'ingénierie abusivement désignée comme «de la science»: vous et moi savons, par notre culture, que «ce qui est scientifique est prouvé», et éprouvé. Donc, si les OGM sont «scientifiques», on sait de quoi il retourne et si un scientifique nous assure que c'est sûr, alors c'est sûr que c'est sûr. Or, quand un vrai scientifique s'exprime sur la question, qu'il soit plutôt favorable ou plutôt défavorable à l'usage de ces semences, il ne vous dira en tout cas pas que «c'est sûr». Qu'il n'y a aucun risque à les utiliser. Ou qu'il y a un risque à les utiliser. Un risque scientifique. En fait, la notion de risque n'a rien de scientifique, pour la science il n'y a que deux questions à se poser: est-ce réalisable ? Connaît-on l'impact de l'objet sur l'environnement une fois sorti de l'espace confiné du laboratoire ? À la première question, la réponse pour les OMG est clairement oui; à la seconde, c'est à la fois oui et non.

La preuve de la faisabilité des OGM est leur existence. Ce qui ne répond pas à la question de leur utilité sociale, mais peu importe pour l'instant. Maintenant, sait-on quel peut être leur impact sur l'environnement ? Ici, ça dépend du point de vue et donc de ce qu'on peut entendre par impact.


On consomme des plantes «transgéniques» depuis longtemps. Les plus courantes sont la tomate et les salades, qui a l'état natif n'ont pas les caractéristiques qu'on constate pour celles vendues dans nos magasins: à l'état natif elles sont fragiles et périssables, et on ne peut pas escompter les conserver, pour les tomates plus que huit à dix jours, pour les salades plus que deux ou trois jours. Or, une tomate «de grande distribution» se conserve trois ou quatre semaines, une salade environ une semaine. Et ce n'est pas du, ou pour les salades pas toujours, à un travail de sélection de variétés durables, mais à une manipulation génétique. Mais jusque-là c'étaient des manipulation «de plante à plante»: on transférait un gène provenant d'une plante dans nos salades et tomates pour qu'elles acquièrent ces qualités de conservation et de solidité. Ce qui choque, émeut et inquiète avec ce qu'on nomme actuellement OGM, est le fait qu'avec ces plantes il s'agit de transplantations «inter-règne» (d'animal à végétal) ou pire encore, de l'introduction d'un gène bactérien dans la plante. J'écris que c'est pire car dans l'imaginaire social les bactéries et autres micro-organismes symbolisent la maladie contagieuse.


[1] Pour peu que ça ait du sens: ce qui est “bon” c'est la plante (peut-être), quand à sa variante OGM, pour nous convaincre, ils devraient argumenter au contraire sur le fait qu'elle ne diffère pas de l'original. Ce qui est probablement le cas, d'ailleurs. Une des raisons qui rendent certains réticents est le fait que les OGM sont «autres» que les non-OGM, ce qui fait que le brave scientifique, croyant persuader par son argument qualitatif, confirme cette catégorie de sceptiques dans leur conviction que, vraiment, ce n'est pas la même plante
[2] Incidemment, il est amusant de voir comment Alan Sokal illustrait son attaque en règle de ce qu'il nommait les relativistes: «“La loi de la gravité est dure, mais c'est la loi”, assurait Brassens. Selon la nouvelle logique que développent ces supposés esprits d'avant-garde, les lois de Newton sont des constructions sociales, des conventions; elles expriment un point de vue parmi d'autres sur le monde, lequel, au fond, se réduit à un ensemble de points de vue. Bon. Convenons donc demain d'amender la loi de la gravité et nous irons voir voler nos relativistes». Or, tout scientifique consistant sait qu'en effet «les lois de Newton sont des constructions sociales», et «expriment un point de vue parmi d'autres sur le monde». Que ce soit un point de vue consistant et, dans une société à orientation technologique, d'une grande portée pour la compréhension de certains phénomènes ne change rien à la chose; en ce début de XXI° siècle, ce n'est pas la théorie de Newton qui explique l'attraction universelle. C'est ce qu'un scientiste borné comme Alan Sokal ne comprend pas: le relativisme s'applique à l'explication newtonienne, et non au phénomène expliqué. Qu'on prétende que ce qui nous attire vers le sol est «le carré de la distance» ou le fait que «la tortue qu'est le monde vole vers le haut», ce qui nous plaque au sol, ça n'a pas une telle importance, le constat reste le même, si on se jette par la fenêtre, on ira vers le sol. Par contre, ça en a une si on compte construire un aéroplane et le faire voler. Mais si on veut aller vers la prochaine étoile en un temps «relativement» court, alors les explications newtoniennes ne sont plus d'aucun secours. Bref, «l'attraction universelle» sauce Newton est relative à un certain contexte social où elle a sa pertinence, et dans d'autres contextes (chez les Bushmen ou pour la conquête intersidérale), n'en a pas. Qu'Alan Sokal aille donc expliquer aux astronautes, cosmonautes ou spationautes que les humains ne peuvent pas voler, que c'est impossible
[3] Il ne se passe pas un lustre sans qu'on découvre des «expériences» de chercheurs étasuniens sur des sujets non informés, notamment militaires et minorités «non blanches», dont beaucoup eurent des conséquences dramatiques. Les deux cas les plus connus car apparemment contradictoires avec les «droits humain fondamentaux» et, pour le premier, avec le but déclaré de mener une «guerre humanitaire» de la part du gouvernement des États-Unis, sont cette expérience d’injection de plutonium à des humains (en l'occurrence, à des malades hospitalisés) dans le cadre du “Manhattan Project”, et “l’étude de Tuskegee” concernant la syphilis, où 400 «cobayes» humains (proprement des cobayes cette fois, au sens où on les traita comme des animaux de laboratoires) atteints de la syphilis furent laissés sans soin plus de quarante ans pour faire une étude symptomatique longitudinale de l'évolution de cette maladie.