Petit vademecum à l'intention des nouveaux utilisateurs d'ordinateurs

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 C e petit vademecum vise un public d'utilisateurs non professionnels qui découvriraient les joies de l'ordinateur à domicile; en annexe j'explique pourquoi la possession d'un ordinateur pour d'autres usages qu'Internet et le traitement de texte me semble au moins désavantageuse, souvent inutile pour un particulier. Mais voilà, vous avez acheté l'engin et comptez en tirer le parti prévu lors de l'achat. Ce qui se révèle moins facile que prévu. Voici pour vous quelques conseils que j'espère bons.


Si vous recherchez un livre de recettes ne continuez pas, il s'agit plutôt d'un outil de réflexion à visée humoristique que d'une liste du genre «Pour obtenir ceci, faites cela», et autres «L'ordinateur est tel et tel». Comme professionnel de la chose je sais ceci: il n'y a pas deux ordinateurs semblables parce qu'il n'y a pas deux utilisateurs semblables, et que la caractéristique principale de ces engins est justement de s'adapter au comportement de l'utilisateur. Donc, donner une recette est dans ce contexte courir à l'échec quatre fois sur cinq et au demi-échec la cinquième fois.

Les manuels destinés aux utilisateurs néophytes sont en général d'un usage délicat, cela même pour des utilisateurs rompus à l'usage de ces outils complexes. J'ai pour cela mon explication: les auteurs ont une opinion fausse de leur sujet et de leur public, les lecteurs une appréciation fausse des intentions et des méthodes pédagogiques des auteurs, les uns et les autres une représentation fausse des ordinateurs. Du fait, auteurs et lecteurs ne se rencontrent pas et l'ouvrage devient souvent un manuel de l'inutilisateur.

L'opinion commune du néophyte, et de bien des spécialistes patentés, dont les auteurs de manuels, est que les ordinateurs se ressemblent tous et sont compliqués; en réalité ils diffèrent tous et sont somme toute assez simples. Leur principe de fonctionnement est celui de la machine à frites: à un bout on introduit des objets brûnatres et informes; on donne un coup de moulinette et à l'autre bout on obtient des baguettes régulières et blanchâtres. Mes connaissances trouvent souvent mes exemples ridicules, triviaux et pas du tout adaptés à ce noble objet, l'ordinateur; à y réfléchir une machine à faire des frites n'est pas un objet si simple ni trivial. Un ordinateur, à un bout on y met des informations informes (comme son nom l'indique); on donne un bon coup de moulinette et à l'autre bout on obtient des données bien rangées. Un ordinateur ressemble beaucoup aux «robots Marie» de mon enfance, sinon que l'imaginaire de l'usager moyen en fait plutôt un «robot Joseph»; les mécanismes différent certes mais le processus général est le même: en entrée et en sortie on dispose d'outils adaptés à divers produits, ici pour la viande, les légumes et les fruits, là pour les sons, les images et les textes; en entrée comme en sortie les outils ont deux parties, l'une passive, le réceptacle, l'autre active qui “formate” (prépare) les éléments à traiter; la partie centrale ou organe de traitement n'est pas modifiable, simplement elle adapte son comportement en fonction des outils, qu'on nomme en informatique des “périphériques”, c'est juste un moteur qui agite tout ça — et “mouline”. Un moulin à purée perfectionné. Un machine à faire des frites virtuelles.

Bien sûr, on peut modifier la configuration d'un ordinateur mais on se retrouve avec un outil différent. C'est l'autre point: il n'y a pas deux engins semblables. Par contre, les parties centrales sont toutes les mêmes et ont un fonctionnement très linéaire, et pour tout dire, rudimentaire.Vous le savez je pense, les ordinateurs ne sont capables de rien d'autre que faire des calculs sur des zéros et des uns. Malgré tout si, ils font deux autres choses: prendre et rendre des zéros et des uns. Symboliquement, on peut dire que cette partie centrale agit comme un moteur atmosphérique: à un bout on met de la matière à haute valeur énergétique (les «instructions» et «données» pour l'ordinateur); au milieu un mécanisme provoquera un choc, une friction, ce qui créera une double mouvement: une partie de la matière en entrée sera «sublimée», une autre «condensée». Strictement, le moteur “fait du vent”; c'est ce vent violent, «l'échappement», que nous utilisons. Ce vent n'est pas à proprement parler de l'énergie mais dégage de l'énergie, il provoque des modifications dans la répartition locale de l'énergie en en dirigeant une partie, et en poussant les objets dans une certaine direction.

L'ordinateur est un «moteur de discours», dont la poussée est virtuelle (bien qu'elle s'applique à un ensemble électronique bien réel), mais il importe de voir que cette partie est (sic) «aussi complexe» qu'un moteur à explosion et a la même fonctionnalité. Cela pour expliquer en quoi la partie centrale d'un ordinateur est de peu d'intérêt. Vous avez je suppose des robots ménagers, une automobile, un lecteur de disque ou de cassette, et autres appareils à moteur ? Franchement, ce moteur vous intéresse ? Moi non. Comme technicien, oui, comme utilisateur, non.

La principale cause d'incompréhension entre auteurs et lecteurs de manuels est là, les seconds veulent des résultats, les premiers sondent les moteurs. Mon exemple du robot ménager pour dire que, dans un ordinateur comme dans beaucoup d'autres outils, le plus important du point de vue de l'utilisateur est de savoir ce qu'on y met, puis ce qui en sort, après seulement comment ça agit.


Je vous en avais prévenu, ce manuel est non conventionnel. Je ne vous parlerai pas de ce qui se passe «la première fois»: tous les ordinateurs et tous les uitlisateurs étant différents, on ne peut déterminer un début valable pour tous. Les deux types de machines les plus vendus auprès du grand public, les Apple MacIntosh et les IBM-PC, n'ont pas la même première fois, à aucun point de vue: assemblage des composants, allumage, usage, extinction. Pour «la première fois», vous disposez censément des manuels des fabricants des outils dont vous disposez. Je puis cependant vous prédire que la première fois que vous allumerez votre appareil, si vous ne disposez pas des manuels idoines vous vous préparerez des débuts difficiles. Conseil d'un utilisateur à d'autres utilisateurs: la meilleure manière de faire marcher quelque machine que ce soit est de lire en premier le mode d'emploi du fabricant. En général…

Comme utilisateur vous savez cependant la même chose que moi: les modes d'emploi sont souvent imparfaits, l'ordre des instructions et les instructions même sont plus ou moins exacts et complets. Ces «modes d'emploi» ressemblent souvent plus à une notice technique qu'à un manuel de l'utilisateur. On peut dire que ce vademecum se propose d'être un mode d'emploi non spécialisé à destination des non spécialistes, un ouvrage qui tente de vous faire considérer votre nouvel outil sans angoisses ou énervements inutiles.

Aventurons nous cependant à décrire une «première fois». En premier, les branchements. Avec un ordinateur il y a généralement au moins un branchement à faire, celui vers la source d'énergie: prise de courant, batterie, pile. Mon conseil est de brancher tout d'abord le moins de choses possibles. Contrairement aux robots ménagers, on pet adjoindre aux ordinateurs plusieurs réceptacles en même temps; plus on y conncetera de ces objets, plus il faudra maîtriser de notions et d'événements nouveaux. J'ai présenté ces appareils comme simples, ça ne signifie pas qu'ils ne soient d'un abord complexe: un robot ménager n'est pas en soi compliqué, pourtant, comme utilisateur anciennement néophyte de ce genre d'engins je me rappelle de mes premières expériences et, ma foi, il y a bien des pièces dont on ne sait pas toujours trop comment ça se fixe et ce que ça fait, tout ça… Et avec eux on n'utilise qu'un élément à la fois, ce qui se révèle déjà ardu. Donc, en tant qu'utilisateur d'engins à moteurs je vous le redis: ne branchez que le strict nécessaire au début. Le reste viendra bien assez tôt…


Avant toute connexion il faut avoir conscience de ceci: autant qu'être un calculateur un ordinateur est un appareil électrique avec des limites de tolérance en tension, en puissance et en intensité. Par exemple, il vaut de savoir que ces appareils sont très sensibles à l'électricité statique; je vous le dis car presque tous les dégâts qui leurs sont causés viennent de ce qu'on n'en pas tenu compte. Sans entrer dans les détails, il est bon, je crois, de comprendre pourquoi: quand il a une décharge électrique, statique ou non, ça provoque un échauffement à l'endroit où ça se passe; dans les ordinateurs les circuits sont très fins, en-deça du millimètre carré de section; comme la décharge se produit sur une petite quantité de matière conductrice, le circuit fond, ce qui cause un coupe-circuit (le fil conducteur est coupé) ou pire, un court-circuit qui peut créer de graves dommages. Donc, gare à l'électricité statique, amis utilisateurs.

Pratiquement, ça signifie de toujours brancher l'appareil sur une prise avec mise à la terre; de s'assurer que la tension est compatible; de vérifier que le circuit électrique respecte les normes de tolérance prévues par le fabricant. De plus, sauf indications contraires expresses du fabricant, ne branchez ou ne débranchez jamais un périphérique sur un ordinatezur allumé, vous risquez de changer localement les conditions électriques et de provoquer une surtension. Certaines connexions sont protégées, la plupart non. Sauf avis contraire, ne modifiez donc pas les branchements de l'ordinateur allumé.

Un autre risque vient des périphériques à alimentation propre, tel qu'imprimantes ou scanners — pour lesquels mes conseills précédents valent aussi, d'ailleurs. Là il y a un autre problème: la majeure partie de ces périphériques n'est pas mise à la masse, ils ont une connexion simple à deux points de contact; les fabricants de ces matériels ont prévu de protéger l'ordinateur des risques électriques sur la partie où ils lui sont reliés, en revanche ils n'ont rien prévu à l'autre bout. Or beaucoup de gens connectent en général, cela assez logiquement a priori, tous leurs matériels sur la même prise. C'est une très mauvaise idée, ça crée des circuits secondaires, des boucles électriques entre les périphériques et l'ordinateur, ce qui a parfois des effets étonnants; je me rappelle, aux temps où je faisais du dépannage informatique par téléphone, d'une imprimante qui, avec un tel branchement, faisait interférence avec le clavier d'une série d'ordinateurs. Un conseil: branchez vos appareils selon leur type de prises, d'un côté celles avec mise à la terre, de l'autre celles sans, et en tous les cas évitez d'en brancher trop sur une même prise; enfin, débranchez régulièrement les périphériques sans mises à la terre. Pour information, ces conseils valent avec tout appareil électrique plus sophistiqué qu'une ampoule — ce qui inclut les lampes à halogènes.


Le moins possible de branchements, c'est: une entrée, une sortie, une alimentation. comme, pour le redire, il n'y a pas d'ordinateur-type, le moins possible ça peut être: rien. Avec un ordinateur protable à alimentation propre la question du branchement se posera plus tard, lorsque la batterie intégrée sera déchargée. Je vais m'aventurer encore une fois à décrire un cas moyen, qui bien sûr a peu de chances de correspondre au cas particulier de votre machine, donc, de nouveau, n'essayez pas de suivre ma «recette» à la lettre, ça échouera probablement. Le cas moyen est: l'écran et son cordon d'alimentation, et un clavier. Mais, et on y revient, «le minimum requis» sera celui que le fabricant de votre machine aura prévu; a priori, n'importe quelle machine composée comme dit sera fonctionnelle mais il y a, comme pour les automobiles par exemple, des «options» préconfigurées: presque tous les ordinateurs actuels sont prévus pour fonctionner avec un «dispositif de pointage» de type souris ou trackball, vérifiez dans votre manuel si cela est recommandé ou obligatoire, pour vous éviter des déconvenues.

Il y a aussi le cas des «prêt à l'emploi»: l'ordinateur prévu pour une utilisation précise, nécessitant par avance le raccordement de divers périphériques; dans ce cas, mon manuel est théoriquement inutile: sauf si votre vendeur est un escroc ou un incompétent, l'ordinateur «prêt à l'emploi» doit théoriquement intégrer tous les éléments nécessaires à la préparation et au premier allumage.


Ce texte ne propose donc pas de recette, c'est une méthode. On n'est pas obligé de le lire de bout en bout mais je conseille cependant de ne pas commencer à appliquer mes avis avant d'avoir terminé chacune de ses parties. Normalement, l'ordinateur est désormais connecté et branché: abordons la phase «j"'allume l'appareil».


Avant de s'aventurer à la chose il faut s'assurer de savoir l'interrompre. Une erreur courante est de ne pas le faire. Il faut dire que les nouveaux utilisateurs y sont très largement incités par les auteurs de manuels, qui écrivent souvent: «Aune fois votre ordinateur connecté, appuyez sur le bouton de mise en marche et…». Et quoi ? Surprise !…

Nombre d'auteurs de manuels n'arrivent pas à se considérer utilisateurs, pourtant leur utilisateur hypothétique est eux-mêmes; d'où, ils essaient non pas de donner des conseils à un utilisateur débutan, mais de détailler leur propre usage de l'appareil. Le conseil d'allumage vient souvent trop tôt parce qu'ils ne tiennent pas compte qu'eux savent déjà ce qui se passera; au lieu de donner des explications générales ils se contentent souvent d'établir une checklist technique et linéaire; très souvent ils adoptent un ordre inverse de celui du pédagogue: celui-ci dit d'abord comment, puis pourquoi, enfin quoi; l'auteur technique informe sur le quoi, s'il y pense, il songera à décrire le pourquoi, et finalement en viendra au comment. Car, et c'est le pire, l'auteur de manuel ordinaire ne se donne presque jamais la peine d'expliquer le pourquoi.

Il faut en comprendre la cause: l'auteur technicien part du principe qu'il s'adresse à un public de non techniciens, ce en quoi il n'a pas tort, et les considère incapables de pénétrer les arcanes de ce qu'il évalue comme «technique», ce en quoi il a tort. Pour revenir usr une question traitée, au lieu d'expliquer les effets des surtensions sur un ordinateur il se contentera d'un impérieux et inesxpliqué «ne branchez et débranchez pas vos périphériques quand l'appareil est en marche». Or, une information dont on n'a pas le pourquoi (la raison acceptable qui la légitime) devient très vite lettre morte, on oublie même l'avoir lue. Je ne vous ai pas imposé de ne pas brancher et débrancher vos appareils accessoires de l'ordinateur, mais vous ai simplement expliqué ce qui peut arriver dans le cas où vous le feriez. Libre à vous de ne pas me croire, mais du moins, vous ne pourrez pas dire que, ne suivant pas mes conseils, vous ne pouviez en prévoir les conséquences. Former c'est bien, informer c'est mieux.

Ici, c'est pareil: libre à vous d'allumer votre ordinateur à l'endroit où le manuel du fabricant l'indique, mais à mon avis vous aurez des problèmes car vous ne connaissez pas les conséquences multiples de cette opération. Vous avez le choix entre la méthode technique et commerciale du fabricant et la mienne, didactique et bénévole (bénévole en ce sens que je n'ai que ma méthode à vous vendre, et non le matériel qui va avec). Je suis cependant sans illusions, aucune méthode n'est “la meilleure”; la mienne demande du temps et de la réflexion mais évite certains déboires; celle des fabricants est rapide et automatique mais imprévisible.

Pour être honnête, comme utilisateur débutant je fus adepte de la méthode sans filet, j'ai appris à utiliser les ordinateurs sur le tas, sans manuel ni rien sinon ma bonne volonté mais, et en toute malhonnêteté cette fois, ce fut avec les machines des autres. J'eus des déboires et des surprises mais m'en fichais un peu: ce n'étaient donc pas mes engins. Ici, il s'agit théoriquement de votre bien, et si vous avez des déboires c'est vous qui devrez y remédire…


Les généralités c'est bien, encore fauti-il prouver ses affirmations. Au hasard, le Guide de l'utilisateur destiné au système M-DOS de chez Microsoft — le fabricant du produit. Voilà le genre de document qui apprend quoi faire avec un ordinateur:

«CHAPITRE1: Mise en route.
La plupart des ordinateurs sont munis d'un système d'exploitation pré-installé. Au cas où le système d'exploitation n'a pas été installé dans votre ordinateur, vous devez exécuter le programme INSTALL. Il est impossible d'exécuter MS-DOS directement à partir des disquettes d'installation car les fichiers qu'elles contiennent sont compressées. INSTALL procède à leur décompression et à leur copie sur le disque dur ou sur la disquette».

L'exemple même de ce que je disais: ce paragraphe s'adresse censément à un utilisateur débutant, or il n'y a ici aucune information pertinente pour lui. Ni pour quiconque: un utilisateur chevronné n'y apprend que ce qu'il sait déjà, qui est en outre évident pour lui et se passe d'explications; l'auteur ne donne ici aucune vraie information technique mais «technicise» une procédure avant tout automatique et commerciale: pour installer le produit MS-DOS® utilisez les disquettes d'installation Microsoft™.

«Le programme INSTALL détecte le type de matériel et de logiciel présents sur l'ordinateur et vous avertit si ceux-ci ne correspondent pas aux exigences minimales pour l'installation de MS-DOS».

Le style des manuels informatiques est inimitable: pauvreté du vocabulaire, syntaxe approximative et contenu indigent. Cette «nouvelle information» n'apporte preque aucune information significative: un texte véritablement informatif spécifierait les réputées «exigences minimales», or l'auteur doit tenir compte de ce que, contrairement à ce qu'il affirmait au début («La plupart des ordinateurs sont…» la plupart des ordinateurs sont imprévisibles et différents, mais il veut tout de même donner un «avis général» sur “comment procéder”, d'où ce vague «si le produit peut être installé, il le sera, sinon non». Quelle révélation !

L'ensemble des deux paragraphes se résume en une phrase: si vous voulez installer le produit, vérifiez que c'est nécessaire et possible et que vous avez les disquettes pour le faire, puis procédez. Un bon conseil, sans plus. Le reste, c'est le désir inconscient de «techniciser» des évidences.

«Pour installer MS-DOS
1 - Insérez la disquette "INSTALL 1" dans le lecteur A (le lecteur de lancement).
2 - Démarrez ou redémarrez l'ordinateur.
3 - Suivez les instructions à l'écran».

Vraiment désolé pour les auteurs de manuels, ils sont trop prévisibles. Je vous avais dit de ne pas allumer votre ordinateur au moment où on vous le conseillait ? Voici: combien y a-t-il de disquettes au total ? C'est quoi exactement, le lecteur A (le lecteur de lancement)» ? Comment ferez-vous pour «Démarre[r] ou redémarre[r] l'ordinateur» ? Et surtout, que va-t-il se passer une fois effectué le point 3 ?

Outre que ça confirme mon conseil de ne pas suivre trop vite les instructions des manuels, ça illustre ce que je disais sur l'inversion entre choses simples et complexes: sentimentalement, l'auter, un «informaticien», ne peut concevoir son objet d'intérêt, la partie centrale, le «moteur», comme simple; vues de l'ordinateur les entrées et sorties sont simples, les traitements complexes; pour l'utilisateur c'est l'exact contraire; perceptivement, le technicien voit un faible mouvement en périphérie, un fort mouvement en traitement, le non technicien voit le contraire, l'un est «dedans», l'autre «dehors». Cela n'aurait pas tant d'importance s'il s'agissait d'un ouvrage technique, or il s'agit là d'un Guide de l'utilisateur, l'exercice est censément une méthode générale pour non spécialistes. L'auteur veut faire deux choses contradictoire: montrer que son objet est à la fois simple et complexe. Et en plus, il inverse les termes. D'où aussi cette disproportion: un long commentaire totalement inepte dans sa forme et dans son contenu, et des instructions inapplicables car trop simplifiées. Le commentaire est d'autant plus inepte que l'auteur n'a pas réellement envie de donner des informations techniques sérieuses, parce qu'il imagine un utilisateur incompétent et parce que, comme tout le monde, il veut conserver ses secrets: il n'est «technicien» que pour autant que «les autres» ne le sont pas; donner des vraies informations ce serait prendre le risque de se priver d'un pouvoir sur les autres. Comme, de ce point de vue, je n'ai rien à vendre, ça ne me dérange pas de vous donner de vraies informations, qu'elles soient «techniques» ou non; des informations utiles pour vous.

En tant que technicien je vous dis, parce que je connais bien le domaine, un peu le contraire de ce que disent les pseudo-techniciens qui veulent garder leur petite place bien au chaud: les ordinateurs sont des outils simples dont l'usage est complexe. D'où mon conseil de ne pas allumer trop vite: avant, essayez d'évaluer sa complexité d'usage en rapport avec vos propres compétences, et non en rapport à celles de l'auteur du manuel livré avec l'appareil, car fatalement lui est beaucoup plus compétent que vous… Mon meilleur conseil est: tant qu'à faire d'avoir des problèmes au début, ayez-les avec une autre machine que celle que vous avez acheté.

Pour information, je vous ai donné la totalité des «instructions de mise en route» du manuel cité. Normalement, arrivé au point 3 «ça se passe tout seul».


Le seul vrai conseil général que je puis vous donner concernant «la première fois que j'allume mon ordinateur» est: lisez d'abord toutes les instructions concernant cette première fois. Vous ne saurez pas beaucoup plus ce qui se passera, mais vous saurez deux choses assez importantes: qu'est-ce que je dois avoir sous la main ? Est-ce que je me sens en état d'aller jusqu'au bout avec ces instructions ? Si pour au moins une de ces questions la réponse est non, je serais vous je retarderais ma première fois, ça vous évitera de dépenser de l'électricité pour un résultat incertain. Désolé, je n'ai que des conseils simples et de bon sens à vous donner. Ici: éviter de s'engager dans un processus sans savoir pourquoi, quoi et comment.

À ce point du vademecum, si vous avez suivi mes avis vous voilà en un état psychologique et pratique d'allumer l'appareil, de prendre ce risque insensé, allumer l'appareil. Je vous en pri.


Vous avez eu des déboires ? La première fois ça se passe presque toujours comme ça: modérément bien. N'importe quelle première fois…


J'ai une hypothèse sur les auteurs de logiciels et de manuels, qui sont souvent les mêmes, ils considèrent les utilisateurs comme une extension plutôt passive et imparfaite de l'ordinateur: «Suivez les instructions à l'écran». Pour vous, cette phrase est sans doute anodine et somme toute «logique»; pour moi elle signifie que vous allez devoir terminer le travail du programmeur, et en outre accomplir ce que lui considère être la bonne manière d'installer le produit. La bonne manière, c'est de suivre les instructions à l'écran. Comme ça s'adresse, paraît-il, à des débutants et que les «instructions à l'écran» ont toutes chances d'être aussi limpides et riches en informations pertinentes que celles du manuel, ça consistera essentiellement, pour l'utilisateur néophyte, à agir quand et comment le programmeur l'aura décidé, si du moins il comprend ces instructions.

Presque tous les programmes sont imparfaits car ils sont faits pour les programmeurs eux-mêmes, et ne satisfont personne: le non spécialiste les trouvera trop complexes, le spécialiste les jugera peu efficaces. Les programmes ont le même genre de défauts que les manuels: pour l'utilisateur de base il n'y a jamais assez d'informations pertinentes et de contrôles, pour celui averti trop d'informations inutiles et de contrôles. Pour exemple, le «programme d'installation de l'installation» cité: la première instruction, moins encore, le tiers de la première instruction me suffit, «Insérez la disquette “install 1”». Au-delà, c'est juste la description générale de «comment se comporter face à un ordinateur»: mettre l'objet idoine dans l'emplacement idoine, faire l'action nécessaire à l'allumage de l'engin puis commencer à travailler; c'est vaguement habillé de termes techniques, de spécifications complexifiantes tel que «dans le lecteur A (le lecteur de lancement)». En quelques mots l'auteur montre qu'il ne sait pas à qui il s'adresse: pour moi cette notification est ridicule, pour un vrai débutant est risque de rester incompréhensible. Et ça montre aussi ce que je disais, l'utilisateur hypothétique de l'auteur est lui-même: il présuppose que vous savez déjà ce qu'est un lecteur, et que conventionnellement ils sont désignés par une lettre suivie des deux-points, la lettre A désignant habituellement le premier (ou l'unique) lecteur de disquette; il suppose que «lecteur de lancement» peut signifier quelque chsoe pour le lecteur, enfin, il suppose que vous avez le même appareil que lui.

Bref aperçu technique: le «lecteur de lancement» est celui d'où l'ordinateur est censé exécuter le système d'exploitation, programme initial sans lequel l'ordinateur sera inutilisable; ces outils ont un procédé qui permet de spécifier quel lecteur sera celui à partir duquel le système d'exploitation sera «lancé», ou disque d'amorçage; ce disque est aussi bien celui A que B, C ou D, C étant le premier «non lecteur de disquette», en général un «disque dur». Une vraie information, qui certes n'évite pas les déboires mais permet d'y faire face, est: si votre ordinateur refuse de démarrer sur la disquette c'est probablement qu'il est réglé pour chercher le programme de lancement sur le premier disque dur, et n'essaiera jamais de le trouver sur un lecteur de disquette. Si tel est le cas et que vous n'avez pas l'information, vous risquez de vous demander longtemps pourquoi votre appareil ne daigne pas se comporter comme le prédit l'auteur du manuel; ça ne résoud pas le problème, mais du moins ça peut rassurer sur l'état du matériel. La règle générale serait ici: si ce qui arrive ne correspond pas à ce que dit le manuel, ne vous blâmez pas trop ni n'incriminez votre engin, l'erreur vient probablement du manuel.

Conseil pratique: si vous n'obtenez pas le résultat attendu, arrêtez l'ordinateur selon la méthode conseillée par le fabricant (si du moins c'est possible), relancez-le et recommencez l'opération. Si elle échoue trois fois, et trois fois de la même manière, essayez plutôt, alors, de contacter le fabricant du matériel pour lui réclamer, soit une solution, soit un meilleur manuel, soit un matériel plus fonctionnel; n'écoutez pas ses conseils pour l'utilisation du matériel si c'est vous qui payez la communication, et s'il refuse toute sollicitation menacez-le des tribunaux pour malfaçon, escroquerie ou vice caché. Je ne peux vous promettre que vous réussirez, mais selon moi il vaut mieux se passer les nerfs en invectivant le fabricant qu'en cassant le matériel. Autre solution, ramenez la machine chez votre vendeur pour qu'il la fasse fonctionner, et s'il en est incapable, faites-vous rembourser !


La toute dernière étape, c'est l'extinction de l'appareil. Je vous fais confiance pour y arriver.