Dossier «L'Affaire du RER D» / Libération | ![]() | ![]() |
Un fait divers monstrueux par ce qu'il confirme de la gangrène qui se répand dans la société française. Des jeunes banlieusards qui molestent une femme et son bébé, en plein jour, et devant témoins, lui dessinent des croix gammées sur le ventre au prétexte qu'elle habiterait dans le XVIe, serait donc riche, serait donc juive. Antisémitisme, antisionisme, anticapitalisme mêlés, comme aux pires heures de l'histoire, vingt-quatre heures après l'appel au «sursaut» de Jacques Chirac, voilà qui devrait finir de dessiller les yeux sur la réalité des manifestations antisémites dans la France d'aujourd'hui. Une France déchirée entre une communauté juive confrontée au quotidien à des menaces, certains jeunes d'origine maghrébine eux-mêmes victimes de discriminations, qui croient recouvrer une fierté en empruntant au fondamentalisme sa haine antijuive, et une large partie de l'opinion qui ignore ou fait semblant d'ignorer ces évidences. C'est à cette ignorance-là qu'il est aussi urgent de mettre fin. Car ce qui rend plus accablante l'affaire, c'est qu'aucun témoin ne se soit manifesté après, à défaut d'être intervenu pendant. Si personne n'est tenu de jouer au héros face à une bande armée, rien n'excuse l'indifférence. L'indifférence qui ramène là encore aux heures sans gloire d'un pays qui a laissé sa police rafler des juifs et prétendait alors ne rien savoir de leur destinée. L'ignorance n'était qu'une lâcheté immense. Il dépend de chacun que celle-ci ne se perpétue pas. Qu'un ras-le-bol citoyen s'exprime. Pour ne pas laisser croire que c'est à coups de surenchères policières que l'on mettra fin aux dérives d'une société malade de ses fractures sociales.