Dossier «L'Affaire du RER D» / Libération | ![]() | ![]() |
M ise en place d'un numéro de téléphone (le 01.39.24.71.93), mobilisation de policiers pour sécuriser et interroger les passagers sur la ligne D du RER: les autorités affichent leur détermination à retrouver les auteurs de l'agression antisémite dont une jeune femme affirme avoir été victime, avec son bébé de 13 mois, vendredi entre Louvres et Sarcelles, dans la Val-d'Oise (lire l'événement).
Une soixantaine de policiers dont vingt enquêteurs de la police judiciaire se sont rendus lundi matin sur les lieux de l'agression tandis que des patrouilles de trois personnes de la police nationale et de la gendarmerie, épaulées par la police ferroviaire, circulaient pour interroger les passagers à l'heure de l'agression, survenue peu après 09h30. L'opération, qui a durée jusqu'à la fin de la matinée, survient après l'appel à témoin lancé la veille pour tenter, comme l'a demandé le chef de l'Etat, de «retrouver les auteurs de cet acte odieux». La veille, une opération de moindre ampleur avait été menée sur la même ligne, sans résultat apparent. Parallèlement, les enquêteurs s'efforcent d'exploiter les enregistrements vidéo des caméras de télésurveillance des gares concernées, qui ont été récupérés auprès de la SNCF. Ces dernières n'ont pour l'instant rien donné. Par ailleurs, aucun témoin ne s'est manifesté et rien, selon les enquêteurs, n'a pour l'heure permis de corroborer le témoignage de la jeune femme, qui selon LCI, aurait déjà porté plainte six fois, notamment pour vols.
Les témoignages unanimes d'indignation qui se sont multipliés tout le week-end continuent. Lundi, le consistoire israélite de Paris s'est déclaré «profondément choqué» et a demandé aux responsables musulmans «une condamnation ferme». Pour l'heure, seul le témoignage de la jeune femme de 23 ans permet de se faire une idée des auteurs de cette agression: six jeunes, «trois maghrébins et trois africains», au «look racaille de banlieue» avec «casquette» et «des poignards» à la main pour trois d'entre eux. La secrétaire d'Etat aux Droits des victimes, Nicole Guedj, qui s'était entretenu dimanche par téléphone avec la victime, l'a reçue dans la matinée pendant plus d'une heure. La jeune femme est repartie sans s'exprimer à bord d'une voiture officielle aux vitres teintées.
A l'UMP, l'un des porte-parole, Yves Censi, a souhaité lundi «une sanction exemplaire» après cette agression «odieuse et barbare (qui) relève d'un double constat, celui de la violence quotidienne qui nécessite une lutte de tous les instants (...), mais aussi celui du racisme et de l'antisémitisme les plus ignobles». Et l'Elysée à fait savoir que les grâces et remises de peine collectives traditionnellement accordées par le chef de l'Etat le 14 Juillet ne concerneront pas cette année les auteurs d'infractions racistes et d'agressions sexuelles.
Dans l'opposition, on réclame plus que des mots. L'ancienne ministre socialiste Elisabeth Guigou a déclaré lundi qu'il fallait «dépasser les mots» dans la lutte contre l'antisémitisme et le racisme. «On ne peut plus se résigner à cette indifférence. On a une gangrène qui gagne, celle de l'antisémitisme», a-t-elle dit. «On ne peut pas laisser s'installer cette peur», a-t-elle ajouté, réclamant des «moyens sans précédent» pour lutter contre ces violences. La présidente socialiste de la région Poitou-Charente, Ségolène Royal, a estimé que, concernant l'antisémitisme, «la France a un lourd passé», qu'elle «va mal: la communauté juive a peur, les agressions se multiplient, on a aussi une communauté maghrébine victime de discriminations. La réaction contre toutes ces dérives est urgente aujourd'hui».
De leur côté, les syndicats ont tiré la sonnette d'alarme. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, a dénoncé lundi un «acte d'antisémitisme barbare et odieux» et appelé «l'ensemble de la société à un sursaut» face à «tous les racismes». Mots quasi identiques pour la CFE-CGC-cheminots qui espère «un sursaut de civisme». La fédération Sud-Rail a pour sa part mis en avant le manque de personnel à bord des trains et demandé «une nouvelle fois à la SNCF de reconsidérer sa politique en équipement des trains et sa politique de sécurité dans le domaine de la prévention des agressions».