Dossier «L'Affaire du RER D» / Libération | ![]() | ![]() |
E n 1999, dans un TGV Paris-Rennes, témoin d'une agression et après avoir trouvé une aide sur un regard, je suis intervenu pour maîtriser un jeune de 16-18 ans très nerveux. Il a fallu se battre, recevoir des coups et en donner. L'homme qui m'aidait avait la cinquantaine et a vraiment eu très mal sur un mauvais coup. Nous étions dans le compartiment à bagage, entre deux wagons. Commençant à paniquer moi-même j'ai alors frappé fort, très fort et à hurler aux oreilles de ce garçon deux fois plus jeune que moi.
On a fini par le maîtriser, mais que faire, personne ne vient nous aider, pire et ce fut une surprise, le contrôleur arrive, comprend la situation, et... tourne la tête, ne faisant aucun contrôle dans le wagon. Nous étions là, trois inconnus, haletant, deux adultes maîtrisant un adolescent. J'avais honte de faire mal à un si jeune homme, mais il était vraiment dangereux et furieux d'avoir été immobilisé. Toujours personne à notre aide, les passagers avaient visiblement peur et certains même semblaient nous reprocher cette violence, pourtant ils laissaient faire le «petit con» tout à l'heure, quand il s'affalait sur les femmes présentes dans le wagon, tentant de les embrasser et étant de plus en plus violent chaque fois qu'il changeait de passagère.
Les minutes passent, interminables, enfin Rennes, le petit descend, je le laisse m'insulter sans répondre, il s'éloigne du train qui repart. Retour dans le wagon ou les regards sont pesants, aucun remerciement des femmes, dont certaines sont encore là et ont visiblement toujours peur. Avec l'inconnu qui m'a aidé je vais alors prendre un café dans le wagon bar et nous discutons. Désemparés devant l'attitude des passagers du wagon nous sommes un peu dégoûtés. Oui, il a fallu se battre et être très violent pour calmer le jeune, et pourtant la violence me répugne, et qui d'autre l'aurait fait sinon nous deux ?
Et qui est donc ce contrôleur qui a fui devant ses responsabilités ? Pourtant lorsque je pense à ce triste épisode, ce qui me fait le plus mal, c'est cette violence incontrôlée émanant de ce jeune homme, j'ai honte de lui avoir fait si mal pour le calmer, il aurait pu être mon fils.
Voyez, moi je suis intervenu, et bien je n'ai pas même reçu un regard en remerciement, rien. En plus, je me suis fait engueuler par à peu près tout mon entourage, je sais pourtant bien que je recommencerai si nécessaire. Je dois être un «grand con».
Alain Le Coz, Nantes