Dossier «L'Affaire du RER D» / Libération | ![]() | ![]() |
M ême si trois jours ont suffi aux enquêteurs pour démonter la mystification de la prétendue agression antisémite dans le RER francilien, le mal est fait. Et restera comme un cas exemplaire d'hystérie collective. Tout commence par une affirmation politique au plus haut niveau. Samedi soir, à peine l'affaire connue, et sans la moindre réserve alors que l'enquête est en cours, Dominique de Villepin puis Jacques Chirac condamnent coup sur coup avec la plus grande énergie. Qui, après de tels «effrois» émanant de telles autorités, et dans un climat détestable d'agressions racistes et antisémites aussi répétées qu'avérées, va alors émettre le moindre doute? Dès dimanche matin, l'ensemble de la classe politique relaie le message présidentiel, sans plus d'équivoque. Les associations, la société civile, personne n'est en reste. Culpabilité, retour du refoulé, peur de rater quelque chose, dictature de l'émotion, hypersensibilité de l'opinion, la machine qui se met en marche a quelque chose d'inarrêtable. Radios et télés embrayent, les quotidiens lundi. D'autant plus que les enquêteurs ne tirent aucun signal d'alarme, jugeant jusqu'à lundi matin l'affaire tout à fait «plausible», comme nous l'écrivions plutôt prudemment, sans pour autant échapper à l'enfièvrement général. Ce n'est que lundi que s'expriment ouvertement certains doutes. Hier matin, Libération comme d'autres journaux étalent leurs interrogations à la une, là même où ils affichaient leurs certitudes la veille. Trop tard, sans doute. Effet de gâchis, de précipitation générale, et constat des dégâts. La lutte contre le racisme et l'antisémitisme risque de se trouver affaiblie et désormais sous la menace d'un possible soupçon. Quant aux populations d'origine maghrébine et africaine, déjà bien stigmatisées, elles peuvent à bon droit se sentir un peu plus des boucs émissaires. La leçon est dure et les excuses, les nôtres comme celles de tous les acteurs de cet emballement, nécessaires.