| Dossier «L'Affaire du RER D» / Libération |
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V ous auriez fait quoi, vous ? Dans cette rame de RER (celle-ci ou une autre), vendredi (ce jour-là ou un autre jour), vous auriez fait quoi ? SOS Police par téléphone ? La sonnette d'alarme ? L'alerte à la population voyageuse ? L'intervention directe ? Raisonnable, raisonneuse, raisonnée, l'intervention (on se calme, les gars, on ne fait pas ça à une femme ; si c'était la vôtre, ou votre soeur, votre cousine... ou votre fille ? Non, pas votre fille vous êtes trop jeunes) ? Ou directe, l'intervention (on ne parle pas, on cogne d'abord, l'effet de surprise, peut-être, en espérant que d'autres, encouragés par votre héroïque audace...)? Parce qu'entre le risque d'un coup de lame et la haine de vous-même, le dégoût de votre peur avec laquelle il vous faudrait faire et composer, après, longtemps, jusqu'à totale censure, totale inhibition, total enfouissement au tréfonds de votre être ? Ou alors, rien ? Vous n'auriez rien fait ? Oh, pas tout à fait par indifférence, certes, ni par l'effet de cette «sidération» dont toutes sortes de psys, depuis trois jours, vous expliquent les arcanes. Par accablement, peut-être ? L'accablement, voilà une piste. Vous n'êtes pas Sisyphe, vous n'avez pas vocation à labourer la mer. Des «incidents voyageur», comme ils disent dans les haut-parleurs «solidaires» contre les pickpockets, les terroristes, et les nazis dans le métro, combien par jour ? Vous n'êtes pas un mauvais bougre et votre volonté est bonne, mais si même les contrôleurs... D'ailleurs, il n'y a plus de contrôleurs. Plus d'assistante sociale, à l'école de vos gosses, ni de facteurs au bureau de poste où ils ont supprimé une tournée, et plus de flics sur les quais, sauf des privés siglés RATP avec des chiens qui vous font plus peur que les «zyvas». Donc, si une femme était tondue, ou poignardée, ou tatouée de croix gammées, ou violée, là, sous vos yeux, à trois banquettes de la vôtre hurlant à vos oreilles, vous ne feriez rien ? Réveillez-vous ! C'était juste un racket de portable. Comment ? Ah ! Vous ne dormiez pas...