Dossier «L'Affaire du RER D» / Libération | ![]() | ![]() |
L a faute aux médias, cette effrayante bavure de «l'affaire du RER D», que d'aucuns d'entre vous, lecteurs, assimilent à une forme de désinformation ? L'accusation n'est pas insupportable en soi. Elle le devient cependant quand elle émane de cabinets plus ou moins ministériels qui, découvrant l'ampleur des dégâts, se révèlent surtout soucieux d'en rejeter la responsabilité. Ainsi firent-ils, dès lundi, sans vergogne mais avec beaucoup de candeur, dans le seul souci de se défausser. Ce feu, admettons que la presse en eut sa part. Mais on ne se couvrira pas la tête de ses cendres sans apprécier la responsabilité du ministre de l'Intérieur Villepin, qui, samedi, à 21 h 54 et dans l'écrasant contexte que l'on sait d'antisémitisme et de racisme ambiant, alluma l'incendie. Se pouvait-il concevoir que le premier responsable de l'ordre public ait pu, dans son communiqué validant la réalité de l'agression, lâcher cette bombe sans avoir pris un maximum de précautions ? Non. Et que le relayant dix-sept minutes plus tard, au coeur nocturne d'un week-end de juillet, le président de la République ne se soit assuré qu'il était fondé à sonner le tocsin de son «effroi» ? Non plus. Que n'ait pas été préalablement envisagée, sérieusement examinée et évidemment écartée l'hypothèse d'une affabulation, cela ne se pouvait. Dès lundi, pourtant, cette hypothèse prendrait forme, et, dès mardi, elle serait avérée. Villepin a-t-il seulement envisagé de démissionner ? On l'ignore. Depuis samedi, le ministre conserve un tardif mais prudent silence. Et Chirac, a-t-il seulement présenté des excuses aux communautés meurtries ? Non, car le président ne «regrette pas» de s'être précipité (voir en pages Evénement). Il dénonce une «manipulation» (sic), parle «morale» et «pacte social», mais révèle un inconscient toujours plein de bruits et d'odeurs, en condamnant des «agressions dont sont l'objet nos compatriotes juifs, musulmans (...) ou tout simplement des Français». Français innocents, ceux-là et à l'abri républicain, sous son aile laïque, des dérives communautaristes.