Dossier «L'Affaire du RER D» / Libération | ![]() | ![]() |
D ans une lettre rendue publique, adressée, le 29 juin 2004, aux membres de la communauté musulmane et qui concerne l'application de la loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux à l'école et qui s'appliquera à la rentrée scolaire de septembre 2004, l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) demande aux familles musulmanes ne pas respecter la loi républicaine. Parce que je suis concerné en tant que musulman laïque, je me permets de vous répondre. Musulman laïque, c'est-à-dire celui pour qui l'attachement aux valeurs de la République et au respect de la loi dépasse toujours celui de la conviction religieuse.
Je pensais que l'UOIF, courant important de l'islam de France, était pleinement engagé dans l'intégration républicaine de l'islam et l'émergence d'un islam français. Jamais une loi votée par le Parlement, au nom du peuple français, n'avait fait l'objet d'autant de discussions, de débats dans l'ensemble de la société et au sein du Parlement. Celle-ci fait bien entendu l'objet d'interprétations, et c'est le rôle de la jurisprudence. Après ce débat, le Parlement a tranché, de façon consensuelle et à la quasi-unanimité des partis de droite et de gauche. En démocratie, on peut maintenir son désaccord avec la loi, mais on se doit de l'appliquer.
En recommandant aux jeunes filles «de se présenter dans les établissements dans les tenues qu'elles auront choisi de porter», en précisant «nous sommes prêts à leur fournir, ainsi qu'à leur entourage, un soutien moral, une aide au dialogue, une information sur la bonne connaissance de leurs droits, des conseils avisés d'acteurs de terrain, une assistance juridique et (...) si l'acharnement illégal devait aboutir à l'exclusion de certaines d'entre elles du système public d'éducation, nous serions également à leurs côtés pour tout mettre en oeuvre de manière à leur fournir un soutien scolaire qui leur permette de poursuivre leurs études en attendant qu'elles soient pleinement rétablies dans leurs droits», l'UOIF montre qu'elle met au-dessus de la loi républicaine ses propres convictions. Elle exerce une pression intolérable sur les chefs d'établissements, en culpabilisant la communauté éducative dans son ensemble, et cherche à créer des tensions et affrontements.
Il est de notre responsabilité à tous, et en particulier aux femmes et aux hommes de culture ou de confession musulmane, de ne pas laisser certaines organisations religieuses lire et interpréter le droit au gré des circonstances, et violer la laïcité et la loi républicaine.
La France a été et reste, pour des millions d'immigrés et leurs enfants, une formidable terre d'accueil où justement la loi nous a protégés et permis de bénéficier des mêmes droits que tous les autres Français.
Si, comme vous le dites sur votre site Internet, «l'islam a établi un certain nombre de droits fondamentaux, valables pour l'humanité tout entière et qui doivent être observés et respectés en toutes circonstances», la démocratie a établi un certain nombre de droits fondamentaux, valables pour tous et qui doivent être observés et respectés en toutes circonstances.
Quand à l'UOIF, elle doit tirer les conséquences de sa prise de position qui n'honore pas les musulmans de France. Elle ne respecte plus l'engagement qu'elle avait pris devant les représentants de la République de respecter la loi. Il me semble que sa présence au sein du Conseil français du culte musulman n'est plus, aujourd'hui, une garantie du respect de la légalité républicaine.
Par Zaïr KEDADOUCHE, membre du Haut Conseil à l'intégration et président de l'association Intégration France.