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À propos des Juifs et de la manière dont ils sont perçus (ou rendus) dans les médias et chez les responsables politiques
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«L es Juifs», sujet de société par excellence.
Il y a un rapport assez constant en France (et ailleurs, surtout les pays de culture
chrétienne ou musulmane) entre remontée de «la question juive» et crises sociales et
politiques graves. J'écris «la question juive», mais d'une époque l'autre elle varie
considérablement, comme les postures médiatiques et politiques allant avec. En France et
en 2004 «la question juive» se déploie en deux directions presque opposées, «la montée
(ou remontée) de l'antisémitisme» au plan interne, et «les troubles au Moyen Orient» dans
son point de fixation, «le conflit israélo-palestinien» au plan international. Ceci se
relie à une structure symbolique prégnante dans ces cultures, où les Juifs considérés
comme groupe subsument les figures du père, du frère et de l'étranger, trois entités
encombrantes dont entre autres Sigmund Freud, Gilbert Durand, René Girard explorèrent ce
qu'elles représentent d'inquiétant et d'attirant dans nos imaginaires. L'antisémitisme
est de vieille implantation dans l'univers chrétien, dès le début du IV° siècle, quand le
christinanisme devint religion d'État dans l'empire romain finissant, les Juifs furent
persécutés, et dès cette époque comme meurtriers du Christ. Cela prend le relais de la
persécution menée par l'empire païen, sauf qu'avant l'empire chrétien ce n'était pas de
l'antisémitisme: on traitait les Juifs comme toute autre minorité problématique, sans
plus, sinon qu'ils étaient très problématiques.
Cette longue histoire du Juif bouc émissaire ou «principe explicatif» des problèmes de
la société dans la zone entourant la Méditerranée persiste de nos jours, où l'attention
qu'on leur porte n'est pas en proportion de leur présence dans la société: en France, ils
forment au plus 1% de la population, y compris ceux putatifs (dont les aïeux s'adonnaient
à la religion juive, mais qui eux-mêmes ne le font pas, ce qui n'empêche que, sur critère
de patronyme, on les répute Juifs). L'attention qu'on leur porte est hors de proportion à
leur représentativité. Enfin, par périodes — celles de crise, donc. Plus largement, les
minorités sont d'autant plus présentes dans le discours social que la société va mal. Le
fait même qu'elles sont objet d'abondantes discussions où on les associe à des choses
dépréciatives et antisociales est un bien meilleur indicateur de l'état de la société que
les plus fines analyses économiques ou sociologiques. De cela et de bien autres choses il
sera question dans ce dossier.
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