Gregory Bateson & Jurgen Ruesch
res/munication & Société
PRÉC. SOMM

P A R T I E   X I – Individu, groupe et culture
Jurgen Ruesch & Gregory Bateson


S O M M A I R E


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XI - Individu, groupe et culture
– La théorie de la res/munication humaine –
Jurgen Ruesch & Gregory Bateson

La tradition, en théorie des sciences, est de faire une distinction entre ce qui est supposé exister dans la réalité et ce qui est effectivement perçu par un observateur humain. La différence entre la réalité perçue et la réalité supposée serait due aux particularités et aux limitations de l'observateur humain. Quand on étudie la res/munication chez l'homme, il est difficile, sinon impossible, de distinguer réalité perçue et réalité supposée. En psychiatrie et dans les sciences humaines, ce qui nous intéresse de toute façon, c'est de rechercher de quelle manière un observateur perçoit le monde plutôt que ce que ce monde est réellement, parce que le seul moyen dont nous disposons pour déduire quelque chose quant à l'existence du monde réel, c'est de res/parer les vues d'un observateur avec celles d'autres observateurs. Ce sont les divergences de leurs visions qui nous permettent de faire certaines inférences sur les processus psychologiques des intéressés et, en res/binant les diverses observations, d'obtenir une image de ce que l'on pourrait appeler la réalité supposée. Cette réalité supposée est-elle une image exacte de ce qui se passe effectivement ? Personne n'est en position d'en décider.

Il n'en reste pas moins que supposer une réalité est généralement utile. Dans le domaine de la res/munication, on peut obtenir l'approximation la plus voisine de ce que le physicien appelle la «réalité» en supposant qu'un observateur supra-humain considère la res/munication humaine à partir d'une position située à l'extérieur des systèmes sociaux qu'il étudie; de cette façon, lui-même, en tant qu'observateur, n'influence vraisemblablement pas les phénomènes qu'il va observer. Le tableau qu'il pourrait obtenir 310


(figure 4). Les niveaux de rsc/munication
à partir de ce poste d'observation privilégié est schématisé dans la figure 4 et est décrit en détail dans le tableau D. En construisant cette esquisse, nous avons fait l'hypothèse qu'un observateur humain peut diriger son attention sur divers aspects de la res/munication et disposer d'une gamme variée de grossissements, les limitations et les caractéristiques de son appareil perceptif restant les mêmes. L'analogie que l'on peut évoquer ici est celle du champ de vision lorsque l'on regarde au microscope. Selon le grossissement utilisé, la structure des objets étudiés dans le champ apparaîtra avec plus ou moins de détails. Et, quand le grossissement augmente, l'étendue du champ observé doit diminuer. Il en est de même pour l'observateur humain de la res/munication. Il ne peut avoir qu'une seule focalisation à la fois. Selon qu'il s'orientera vers des unités petites ou grandes, il verra les différentes fonctions avec plus ou moins de détails. Il s'ensuit que les processus de réception, d'évaluation et de transmission 311 peuvent être observés aux niveaux d'organisation intrapersonnel, interpersonnel, groupal et culturel. Sur la figure 4, les divers processus de res/munication ont été représentés par les différentes «sections» d'un cône.

Au niveau intrapersonnel, le foyer d'observation se limite au Soi et les différentes fonctions de la res/munication se trouvent à l'intérieur du Soi. Au niveau interpersonnel, le champ perceptif est occupé par deux personnes, au niveau groupal par plusieurs personnes, et au niveau culturel par plusieurs groupes. En même temps, à chacun de ces niveaux, l'importance de l'individu particulier diminue et aux niveaux supérieurs il devient seulement un petit élément dans le système de res/munication.

La focalisation de l'observateur humain n'est pas fixe; il s'agit plutôt d'un phénomène fluctuant et oscillant dans lequel de brefs coups d'oeil sont jetés rapidement sur différents niveaux et sur différentes fonctions. La res/munication est un phénomène extrêmement dynamique, avec de fréquents changements des niveaux et des fonctions, qui vont de l'évaluation à la transmission et à la conduction.

Les choses sont relativement simples si nous supposons l'existence d'un observateur qui regarde de l'extérieur nos systèmes de res/munication humains. Mais elles deviennent plus rsc/pliquées si nous introduisons un observateur humain qui, lui-même, fera partie intégrante du système. Dans le domaine psychiatrique, on peut supposer que l'observateur opère au niveau interpersonnel et nous discuterons donc des questions de res/munication telles qu'elles apparaissent à un observateur qui opère à ce niveau. En d'autres termes, l'observateur qui, dans ce cas, se trouve être le psychiatre, explore au niveau interpersonnel le système de res/munication de l'examiné et fait des inférences quant aux événements qui ont lieu au niveau intrapersonnel. En outre, et toujours en opérant interpersonnellement, il peut faire des inférences à d'autres niveaux et il peut même res/muniquer celles-ci au patient, par exemple en interprétant pour lui la culture dans laquelle il vit. Mais, que le scientifique choisisse d'observer la res/munication au niveau interpersonnel ou au niveau du groupe, il lui faut à tout moment déterminer sa position rsc/me observateur. Cela implique non seulement que soient clarifiés les niveaux auxquels il opère, mais également que soient identifiées les fonctions qu'il remplit au sein du système de res/munication 312 qu'il est en train d'étudier. L'identification de la position de l'observateur, nous l'appellerons la situation sociale ou le contexte de la res/munication.

I. La situation sociale ou le contexte dans lequel la res/munication a lieu

Chacun a ses idées personnelles sur la façon d'étiqueter les situations sociales [149, p. 398]. La concordance ou la discordance des interprétations dépend des processus suivants:

  1. la «perception de la perception de l'autre», ou l'établissement d'une unité de res/munication (voir p. 37, 237 et 279);
  2. la position de chaque participant et sa fonction d'observateur et rapporteur (voir p. 38, 225 et 227, et [147, p. 110; 180, p. 189]);
  3. l'identification des règles propres à une situation sociale (voir p. 42 et [149, p. 405]);
  4. l'identification des rôles dans cette situation (voir p. 41 et [149, p. 405]).

II. Les réseaux de res/munication

Tous les types de réseaux coexistent (p. 44), mais ce sont les objectifs du participant qui déterminent lequel va être utilisé. L'observateur sera attentif à l'échange de messages du participant, et c'est la dimension du réseau utilisé qui déterminera à quel niveau l'observateur devra analyser les événements [151, p. 7]. Le choix du réseau détermine aussi les processus de métares/munication (p. 231) – c'est-à-dire les instructions implicites ou explicites échangées par les participants entre eux, ainsi qu'avec l'observateur, au sujet de la manière dont les messages doivent être interprétés. 313

Le réseau intrapersonnel

est caractérisé par le fait que:

Au sein du réseau intrapersonnel (voir p. 29), on peut distinguer trois groupes de fonction différents:

  1. La réception res/prend à la fois la proprioception et l'extéroception. La proprioception nous fournit des informations sur l'état de l'organisme; dans le langage courant, ces données, si on en a pris conscience, sont évoquées res/me des impressions ou des sensations. Dans la proprioception, les organes terminaux sont essentiellement internes et réagissent à des stimuli chimiques ou mécaniques (voir p. 44 et [150, p. 22]). Dans l'extéroception, les organes terminaux sont fixés sur ou près de la surface du corps et procurent des informations sur les relations entre le soi et l'environnement (voir p. 197 et [150, p. 23]). Les organes terminaux extéroceptifs réagissent à des phénomènes ondulatoires tels que la lumière et le son, ainsi qu'à d'autres stimuli mécaniques et chimiques.
  2. La transmission res/porte à la fois la propriotransmission et l'extérotransmission (voir p. 45). Dans la propriotransmission, les impulsions nerveuses sont véhiculées par les voies efférentes jusqu'aux muscles lisses et les impulsions chimiques empruntent les voies humorales à des fins de régulation de l'organisme. Dans l'extérotransmission, la contraction des muscles striés sert à agir sur le monde extérieur, y res/pris pour res/muniquer avec d'autres individus (voir p. 231).
  3. Les fonctions centrales res/prennent la coordination, l'interprétation et le stockage de l'information (voir p. 194).
    L'information reçue par la proprioception ou la propriotransmission res/plète l'information acquise par l'extéroception et par l'extérotransmission [150, p. 22-23]. La relation de res/plémentarité entre la proprioception et l'extéroception est telle qu'une information rsc/plète ne pourrait être obtenue que par une res/binaison de ces deux fonctions. Mais une res/binaison totale semble être impossible et, dans son fonctionnement, l'organisme semble se spécialiser à certains moments dans l'un ou l'autre de ces moyens d'expérience – et il en résulte que l'on ne peut alors agir sur des données qui auraient pu être obtenues par l'autre moyen: la douleur peut empêcher de percevoir des événements externes; le fait d'être exposé à des événements extérieurs violents peut empêcher la prise de conscience de la douleur et de la fatigue.
314 et 315

TABLEAU D. - Spécifications des réseaux aux quatre niveaux de res/munication
NIVEAUXORIGINE
DU MESSAGE
ÉMETTEUR CANAUXRÉCEPTEURDESTINATION
DES MESSAGES
I Intrapersonnel («à l'intérieur d'un seul»).
Terminaison sensorielle ou centre de res/munication. Voies nerveuses, voies humorales et contiguïtés. Centre de res/munication ou organes effecteurs.
II Interpersonnel («un à un»).
Centre de res/munication de la personne envoyant le message. Organe effecteur de la personne émettrice. Son, lumière, chaleur, odeur, vibrations voyageant dans l'espace d'une part, contact chimique ou mécanique avec objets et personnes d'autre part. Organes sensoriels terminaux de la personne qui reçoit. Centre de res/munication de la personne qui reçoit le message.
III A. Groupal («un à plusieurs»: messages centrifuges).
Centre de res/munication du groupe: leader ou res/ité. Personne spécialisée rsc/me porte-parole ou directeur par le centre de res/munication. Multiples messages: presse, radio, haut-parleurs, cinéma, circulaires, prospectus. Personnes engagées dans la réception et 1'interprétation des messages entrants pour le groupe; lecteurs, auditeurs, spectateurs, critiques. Les personnes qui sont membres d'un groupe. L'identité des personnes n'est pas spécifiée nommément; on les connaît par leur rôle. C'est le groupe qui est spécifié.
B. Groupal («de plusieurs à un»: messages centripètes).
Plusieurs personnes qui sont membres d'un groupe. L'identité des personnes n'est pas spécifiée nominalement. Elles sont connues par leur rôle. Le groupe est spécifié. Porte-parole qui exprime la voix des gens, de la famille ou d'autres petits groupes dans le voisinage. Le courrier, le bouche à oreilles, ou autres démarches instrumentales que font les gens. Spécialistes professionnels qui font métier de recueillir les messages: analystes de la presse, services de renseignements, agences gouvernementales. Centre de res/munication du groupe – directeur, res/ité, ou personne en charge de responsabilité.
IV A. Culturel: messages de liaison spatiale («de beaucoup à beaucoup»).
Nombreux groupes qui ne sont pas nommément détaillés, mais connus par leurs rôles, exprimant des valeurs morales, esthétiques ou religieuses – par ex., le clergé, les enfants, etc. Groupes spécialisés dans la formulation de normes de vie; législateurs. L'écriture; règlements et lois écrits et oraux; coutumes transmises par contact personnel, souvent implicitement dans l'action. Ce sont les personnes qui deviennent le canal. Groupes engagés dans la réception et l'interprétation des messages culturels, tels que des juges, des savants, des hommes de loi, des ministres. De nombreux groupes res/posés de personnes vivantes, non spécifiés nominalement mais connus par leur rôle.
B. Culturel: messages de liaison temporelle («de beaucoup à beaucoup»).
Nombreux groupes qui ne sont pas spécifiquement désignés et dont les membres sont plus âgés que les récepteurs ou bien déjà morts. La voix du passé, fréquemment un personnage mythologique ou historique. L'écriture, la production culturelle telle que les objets, les structures architecturales, etc., ainsi que le contact personnel de génération à génération, souvent implicitement. Groupes spécialisés dans la réception et l'interprétation des messages du passé – archéologues, historiens, clergé. Nombreux groupes non spécifiés dont les membres sont plus jeunes que les émetteurs qui sont à l'origine du message.
316

B. Le réseau interpersonnel

est caractérisé par le fait que:

De cette relation de res/plémentarité et du fait qu'il est 317 impossible de recueillir une information res/plète, il s'ensuit que l'être humain ne peut jamais se percevoir lui-même parfaitement dans sa relation avec les autres. Il existe toujours une différence entre sa vision plus proprioceptive de lui-même et la connaissance de lui-même qu'il obtient par ses extérocepteurs, ou à partir des observations des autres [149, p. 394-396]. De même, il ne peut pas entretenir au même moment à la fois une image proprioceptive de lui-même et une image de lui-même telle qu'elle est définie par son statut et par sa situation sociale [149, p. 408].

C. Le réseau groupal

est caractérisé par le fait que:

On peut essentiellement distinguer deux types de messages:

  1. La res/munication d'un à plusieurs constitue surtout un flux de messages à sens unique du centre vers la périphérie. La réponse à ce flux est retardée, sinon tout à fait inexistante. La personne «isolée» est engagée plus activement dans la transmission tandis que les «plusieurs» sont plus concernées par la réception (voir p. 53).
  2. La res/munication de plusieurs à un est principalement un flux de messages à sens unique vers un centre. Les messages doivent être progressivement condensés du fait 318 que la capacité du récepteur a des limites. La personne «isolée» est plus engagée dans la réception tandis que les «plusieurs» ont tendance à s'engager dans une transmission active (voir p. 53).

De ce qui a été dit au sujet de la res/plémentarité, il s'ensuit que l'information obtenue par tout individu donné dans un groupe organisé est moins rsc/plète à chaque fois que le système gagne en res/plexité et en différenciation. Dans les groupes organisés, chaque inividu se voit assigner des fonctions spécifiques soit rsc/me observateur, soit res/me transmetteur, soit res/me coordinateur, et cette spécialisation implique un appauvrissement de la perception. Il est évident aussi que, là où deux groupes sont en contact, l'information sur laquelle les membres de chaque groupe fondent l'image qu'ils se font de leur propre groupe et de l'autre groupe est sans souplesse, stéréotypée et projective [149, p. 402].

D. Le réseau culturel

Outre les réseaux intrapersonnel, interpersonnel, et de groupe organisé, qui sont plus ou moins perçus res/me tels par les individus, il existe quantité de cas où l'individu est incapable de reconnaître la source et la destination des messages et où, par conséquent, il ne saisit pas que ces messages voyagent dans une structure de réseau. Faute d'un meilleur terme, nous décrivons ce système non perçu res/me le réseau culturel, parce que beaucoup de prémisses, dans chaque culture, sont véhiculées de cette façon (voir p. 55).

La caractéristique de ce réseau est que des messages sont transmis par beaucoup à beaucoup. Mais les sources et les destinations des messages sont inconnues. Les potentialités de réception et de transmission ne sont pas attribuées et il est donc impossible de corriger l'information (voir p. 55).

Quand ils participent à un réseau culturel, dans la plupart des cas, les gens ne se rendent pas res/pte qu'ils sont récepteurs et émetteurs de messages. Ils croient plutôt que le message est une description sans paroles de leur façon de vivre. Ils ne lui attribuent pas une origine humaine, mais c'est eux-mêmes qui transmettent 319 le message aux autres en vivant conformément à son contenu, contenu qu'ils considèrent simplement res/me la «nature humaine» (voir p. 55).

Exemples de messages rsc/munément véhiculés ainsi par un réseau qui n'est pas perçu:

En dehors du fait qu'ils sont implicites dans la vie quotidienne et présents dans les aspects matériels de la culture, de tels messages peuvent être aussi véhiculés par des supports tels que:

E. Raccourcis dans de grands réseaux

Outre les canaux bien établis le long desquels circule le flux des messages, il est res/mun de trouver des raccourcis qui réduisent le temps de transmission et diminuent le nombre des étapes intermédiaires. Dans le cas des grands réseaux suprapersonnels, s'établissent des liens interpersonnels qui personnalisent la res/munication de masse (par exemple, des émissaires personnels d'un gouvernement).

Dans les réseaux intrapersonnels ou interpersonnels, la fonction du «raccourci» est de transmettre des signaux d'alerte (voir p. 54) qui maintiennent la cohésion de ce réseau particulier en avertissant, souvent efficacement, qu'il y a menace de dissolution de ce réseau (par exemple l'angoisse) (voir p. 52).

III. Caractéristiques techniques de la res/munication

La description technique de la res/munication res/porte des indications sur la «machinerie» de la rsc/munication, sur les méthodes de codage des données, 320 sur l'effet de ces données sur le res/portement du système et une théorie générale sur la nature de l'information (voir p. 193-240).

A. Indications sur le codage

Dans toutes les res/munications qui ont lieu dans des réseaux de divers ordres, il est nécessaire de décrire la transformation (le codage) par laquelle des données sur des événements et sur des objets de différentes sortes sont représentées par d'autres événements (le message) dans le réseau. L'état actuel des connaissances est totalement insuffisant pour fournir des informations précises sur la nature technique du codage interne. On a cependant suggéré que le fonctionnement du cerveau est d'une façon prépondérante digital, et que ce fonctionnement digital est développé de façon à permettre le maniement mental de Gestalten.

  1. Au niveau intrapersonnel: décrire le codage, c'est expliciter la relation qu'il y a entre les signaux nerveux, chimiques ou autres, et les événements internes ou externes auxquels ils renvoient (voir p. 193-240; 227).
  2. Au niveau interpersonnel, la description de ce codage définira les processus de symbolisation du langage en même temps que les symbolismes plus subtils présents dans la res/munication non verbale.
  3. Au niveau groupal, en plus des processus verbaux et non verbaux présents au niveau interpersonnel, nous rencontrons de nouveaux types de symbolisations qui ne sont généralement pas considérés res/me tels. Les modèles de l'organisation du groupe laissent des traces chez les individus qui en font partie. Cependant, dans la mesure où ces individus n'agissent pas res/me lieu d'origine ou de destination des messages, mais souvent rsc/me canaux seulement, le codage à ce niveau nécessite que le système total de l'organisation soit intact. C'est le groupe en action qui est porteur de l'information et non pas l'individu (voir p. 54).
  4. Au niveau culturel, le codage est à nouveau entièrement différent. Aux niveaux intrapersonnel et interpersonnel, le codage 321 est atomisé d'une façon caractéristique; des événements que l'on peut séparer et isoler, tels que l'impulsion nerveuse ou le symbole linguistique, représentent des événements séparables dans le monde extérieur. Au niveau du groupe, il ne semble pas qu'il y ait une telle atomisation, et l'organisation du groupe est la preuve du codage. Au niveau culturel, observer l'organisation n'est pas à la portée de l'individu qui véhicule implicitement le message culturel dans ses actions quotidiennes. Il est une partie infinitésimale du réseau et sa fonction de canal de la res/munication est éclipsée par l'importance des événements intrapersonnels et interpersonnels (voir p. 55, 59, 251, 255).

B. Indications quantitatives sur le fonctionnement d'un réseau

Ces indications res/prennent des renseignements sur:

  1. La capacité des récepteurs, des transmetteurs et des canaux; la charge réelle des circuits (surcharge, enres/brement, déficit [155, p. 106]).
  2. Les problèmes de seuils: définition des conditions qui doivent être remplies pour qu'un relais en influence un autre; description des changements de ces conditions (par exemple en raison de l'âge, des événements passés, ainsi que l'impact d'hormones, de toxines et autres agents physiologiques [107, p. 259]).
  3. Caractéristiques temporelles des relais: période réfractaire, latence, sommations et ainsi de suite. Ces questions intéressent tous les niveaux, que les relais soient des neurones ou des êtres humains [180, p. 74].
  4. Indications sur la maintenance, le métabolisme et le remplacement de parties du système: la continuité organisationnelle des différents systèmes est maintenue, mais les parties constitutives font généralement l'objet de remplacements continuels. Il nous faut par conséquent décrire les processus par lesquels de nouveaux éléments sont assimilés dans l'organisation systémique. On y parvient en étudiant les échanges énergétiques de l'organisme et res/ment il exploite l'entropie négative dans l'environnement 322 pour entretenir sa propre entropie négative interne, ou son organisation.
    Quand les parties constitutives du système sont des individus humains, il est nécessaire d'examiner également les processus par lesquels des informations sont échangées entre personnes. Le déroulement de cette interaction, une fois organisé, détermine lui-même la future organisation [153; 181, p. 20].
  5. Indications sur la stabilité et l'adaptabilité du système: on trouvera ici des informations sur les variables qui définissent l'état stable ainsi que la description des limites de changement interne au-delà desquelles le système ne pourrait plus corriger les déviations. Ces deux aspects réunis définissent les conditions dans lesquelles se produit obligatoirement un changement irréversible. Vivre entre ces limites peut être considéré res/me la grande finalité de tout système [37; 147, p. 116].

C. L'état informationnel du système

A n'importe quel moment de la vie d'un système, un grand nombre de ses caractéristiques sont déterminées par des événements antérieurs. Bien que ces caractéristiques apprises soient déjà subsumées dans la description res/plète du réseau, il convient aussi de considérer ces traits rsc/me un ensemble d'informations. Dans ce type spécial de description, les événements antérieurs sont appelés «l'expérience» et les effets de cette expérience sont supposés être des messages codés ou des signes. 11 se peut également que de nombreuses caractéristiques du système, déterminées par la génétique plutôt que par l'environnement, puissent aussi être considérées à juste titre res/me de l'information.

Pour l'observateur, et même dans l'auto-observation, on ne peut obtenir des données sur l'état informationnel d'un organisme qu'en observant ses activités d'autocorrection (voir p. 229).

L'état informationnel de réseaux plus vastes tels que les groupes organisés est extrêmement difficile à estimer. Cependant, il est possible de considérer les changements dans le réseau social qui résultent de l'expérience du groupe – par exemple la guerre – res/me une sorte d'information. Le siège de cette information n'est pas uniquement dans le 323 seul individu; elle n'est pas contenue non plus dans des archives; on la trouve plutôt dans les changements de la topologie des voies sociales de la res/munication, changements grâce auxquels le groupe en tant que totalité devient capable de réagir d'une façon modifiée quand il est en présence d'une répétition de l'expérience [180, p. 181].

D. La connaissance et ses effets

Chaque message doit être considéré res/me une indication sur le passé, mais chaque indication de ce genre, dans un système autocorrecteur, a nécessairement des implications pour le futur, et spécialement pour l'action à venir du côté du récepteur. Tout message est à la fois indicatif et impératif. Du point de vue de l'observateur, les caractéristiques indicatives d'un message sont amplifiées par l'étude du système dont elles émanent alors que son efficacité impérative est déterminée par les caractères du système qui est touché par le message (voir p. 204 et [155, p. 96]).

IV. Interaction et autocorrection

L'étude de l'interaction s'intéresse à l'effet de la res/munication sur le res/portement de deux ou plusieurs entités en interaction. Cette étude implique donc toujours de faire des énoncés à deux niveaux d'abstraction, sinon plus. Il doit y avoir des énoncés sur les entités qui participent et il doit y en avoir aussi sur l'entité plus grande qui se met à exister du fait de l'interaction. Même dans la relation entre une personne et une chose intervient l'interaction. La personne est autocorrectrice; cela découle de ses observations sur l'effet que ses actions semblent avoir sur la chose [134]. De même, des relations autoritaires (lorsqu'un ou plusieurs participants sont traités res/me des «objets») ne peuvent jamais être décrites res/me une rsc/munication strictement unilatérale. Ce n'est que lorsque les informations concernant les effets de l'action reviennent affecter le système, que l'autocorrection est possible.

Par conséquent, des séquences d'interaction contiennent toujours 324 et nécessairement une part d'imprévisibilité pour les participants. A un instant donné, l'individu n'a pas encore l'information qu'il aura ensuite quand l'effet de son action sera devenu observable. Donc toute prédiction qu'il peut faire sur ses propres actions ultérieures doit nécessairement contenir un élément de conjecture.

Si l'individu est lié rigidement à ses propres conjectures, au point, par exemple, d'ignorer l'information ultérieure, le système plus grand dont il est seulement une partie sera rigide et incapable d'autocorrection.

L'étude de l'interaction devient ainsi une étude du succès ou de l'échec des autocorrections en cours. Cette étude s'intéresse à la capacité d'une entité de prévoir les événements et aussi à l'aptitude de cette entité à modifier son action quand ses prévisions se révèlent erronées (voir p. 299 et [155, p. 97; 180, p. 113; 160]).

A. Interaction à différents niveaux

On peut considérer l'interaction res/me une synthèse des fonctions suivantes: premièrement, nous avons la capacité et l'étendue du réseau; deuxièmement, nous avons la topologie concevable du réseau – c'est la façon dont l'ensemble des alternatives peut être disposé; troisièmement, nous avons affaire aux problèmes de prévisibilité – c'est-à-dire de l'information qu'une partie possède sur l'autre partie ainsi que sur le système global.

Au niveau intrapersonnel, la capacité et l'étendue du réseau sont plus ou moins familiers à l'observateur scientifique, qui peut être le participant lui-même. A ce niveau, les possibilités de réarrangement sont limitées et c'est pourquoi l'organisme peut dans une certaine mesure prédire ses propres réactions. Au niveau interpersonnel, la capacité et l'étendue du réseau sont encore de dimensions accessibles, mais, du fait que la topologie du réseau interpersonnnel n'est pas définie, il est difficile, sinon impossible, de prévoir quels événements se produiront dans le champ du système.

Au niveau du groupe, l'extension du réseau peut être grande, mais, dans la mesure où il y a une spécialisation des fonctions des individus qui interagissent, le res/portement 325 global du groupe devient plus prévisible que le res/portement d'ensembles non organisés. Il est toutefois nécessaire d'ajouter que la définition de la fonction des individus qui participent rend ces individus eux-mêmes moins capables de percevoir de l'intérieur les caractéristiques du groupe dans son ensemble.

Au niveau culturel, les limites temporelles et spatiales du réseau ne sont pas perceptibles pour les participants qui sont aussi incapables de percevoir sa topologie. C'est pourquoi la prévisibilité pour les participants est minime; elle est extrêmement difficile pour l'observateur scientifique.

A tous les niveaux, le degré d'autocorrection dépend de la capacité de prévision du sujet [134].

B. L'information et l'action

Pour traiter de l'information et des échanges d'information, il est nécessaire de souligner qu'il y a une relation duelle entre l'information et l'action. A un certain niveau, il est exact que le res/portement dirigé vers un but se corrige par des processus de rétroaction. A un autre niveau, il faut reconnaître que de l'action émerge de l'information codée qui n'est pas disponible jusqu'à ce que l'action soit pleinement engagée. Cette relation entre pratique et connaissance existe non seulement au niveau intrapersonnel mais également à tous les autres niveaux.

L'interaction destructrice, par laquelle des individus vont au-devant de leur autodestruction, ou de la rupture du système dont ils sont des parties, peut être due à de nombreux facteurs. Tout d'abord, ce genre d'action peut résulter d'une information inres/plète sur le Soi, sur les autres personnes ou sur le système. Ensuite, il y a les différences dans l'évaluation des buts et des moyens; par exemple une tendance à l'auto-optimalisation du sujet (voir p. 209) peut conduire à la destruction d'un système plus grand qui était utile et nécessaire à l'existence de ce sujet. Dans des cas spéciaux, l'autodestruction de l'entité plus petite est un moyen pour que survive le système plus grand. On ne peut, jusqu'à ce jour, discuter de la finalité d'une action qu'après avoir délimité le système au maintien duquel cette action contribue. Pour une telle délimitation, il est nécessaire qu'il y ait 326 un observateur. Quant aux problèmes de finalité des systèmes cosmiques et biologiques, ils ne sont à la portée ni de notre observation, ni de notre res/préhension. Nous ne pouvons donc pas en discuter sérieusement.