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Textes fondamentaux
France, États-Unis & Nations unies

Déclaration des droits de l'homme de 1789
Lois constitutionnelles de 1875
Préambule à la Constitution de 1946
Constitution de 1946
Constitution de 1958

Charte de l'Organisation des Nations Unies
Déclaration universelle des droits de l'homme

Déclaration d'indépendance des États-Unis d'Amérique
Constitution des États-Unis d'Amérique

 A U NOM DU PEUPLE FRANÇAIS, L'ASSEMBLEE NATIONALE a adopté, et, conformément à l'article 6 du décret du 28 octobre 1848, le Président de l'Assemblée nationale promulgue la CONSTITUTION dont la teneur suit:

Préambule

En présence de Dieu et au nom du Peuple français, l'Assemblée nationale proclame:

  1. La France s'est constituée en République. En adoptant cette forme définitive de gouvernement, elle s'est proposée pour but de marcher plus librement dans la voie du progrès et de la civilisation, d'assurer une répartition de plus en plus équitable des charges et des avantages de la société, d'augmenter l'aisance de chacun par la réduction graduée des dépenses publiques et des impôts, et de faire parvenir tous les citoyens, sans nouvelle commotion, par l'action successive et constante des institutions et des lois, à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumières et de bien-être.
  2. La République française est démocratique, une et indivisible.
  3. Elle reconnaît des droits et des devoirs antérieurs et supérieurs aux lois positives.
  4. Elle a pour principe la Liberté, l'Egalité et la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l'Ordre public.
  5. Elle respecte les nationalités étrangères, comme elle entend faire respecter la sienne; n'entreprend aucune guerre dans des vues de conquête, et n'emploie jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple.
  6. Des devoirs réciproques obligent les citoyens envers la République, et la République envers les citoyens.
  7. Les citoyens doivent aimer la Patrie, servir la République, la défendre au prix de leur vie, participer aux charges de l'État en proportion de leur fortune; ils doivent s'assurer, par le travail, des moyens d'existence, et, par la prévoyance, des ressources pour l'avenir; ils doivent concourir au bien-être commun en s'entraidant fraternellement les uns les autres, et à l'ordre général en observant les lois morales et les lois écrites qui régissent la société, la famille et l'individu.
  8. La République doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion, sa propriété, son travail, et mettre à la portée de chacun l'instruction indispensable à tous les hommes; elle doit, par une assistance fraternelle, assurer l'existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d'état de travailler. - En vue de l'accomplissement de tous ces devoirs, et pour la garantie de tous ces droits, l'Assemblée nationale, fidèle aux traditions des grandes Assemblées qui ont inauguré la Révolution française, décrète, ainsi qu'il suit, la Constitution de la République.

CONSTITUTION

CHAPITRE PREMIER
DE LA SOUVERAINETÉ

ARTICLE PREMIER. — La souveraineté réside dans l'universalité des citoyens français. — Elle est inaliénable et imprescriptible. — Aucun individu, aucune fraction du peuple ne peut s'en attribuer l'exercice.

CHAPITRE II
DROITS DES CITOYENS GARANTIS PAR LA CONSTITUTION

ART. 2. — Nul ne peut être arrêté ou détenu que suivant les prescriptions de la loi.
ART. 3. — La demeure de toute personne habitant le territoire français est inviolable; il n'est permis d'y pénétrer que selon les formes et dans les cas prévus par la loi.
ART. 4. — Nul ne sera distrait de ses juges naturels. — Il ne pourra être créé de commissions et de tribunaux extraordinaires, à quelque titre et sous quelque dénomination que ce soit.
ART. 5. — La peine de mort est abolie en matière politique.
ART. 6. — L'esclavage ne peut exister sur aucune terre française.
ART. 7. — Chacun professe librement sa religion, et reçoit de l'État, pour l'exercice de son culte, une égale protection. — Les ministres, soit des cultes actuellement reconnus par la loi, soit de ceux qui seraient reconnus à l'avenir, ont le droit de recevoir un traitement de l'État.
ART. 8. — Les citoyens ont le droit de s'associer, de s'assembler paisiblement et sans armes, de pétitionner, de manifester leurs pensées par la voie de la presse ou autrement. — L'exercice de ces droits n'a pour limites que les droits ou la liberté d'autrui et la sécurité publique. — La presse ne peut, en aucun cas, être soumise à la censure.
ART. 9. — L'enseignement est libre. — La liberté d'enseignement s'exerce selon les conditions de capacité et de moralité déterminées par les lois, et sous la surveillance de l'État. — Cette surveillance s'étend à tous les établissements d'éducation et d'enseignement, sans aucune exception.
ART. 10. — Tous les citoyens sont également admissibles à tous les emplois publics, sans autre motif de préférence que leur mérite, et suivant les conditions qui seront fixées par les lois. — Sont abolis à toujours tout titre nobiliaire, toute distinction de naissance, de classe ou de caste.
ART. 11. — Toutes les propriétés sont inviolables. Néanmoins l'État peut exiger le sacrifice d'une propriété pour cause d'utilité publique légalement constatée, et moyennant une juste et préalable indemnité.
ART. 12. — La confiscation des biens ne pourra jamais être rétablie.
ART. 13. — La Constitution garantit aux citoyens la liberté du travail et de l'industrie. La société favorise et encourage le développement du travail par l'enseignement primaire gratuit, l'éducation professionnelle, l'égalité de rapports, entre le patron et l'ouvrier, les institutions de prévoyance et de crédit, les institutions agricoles, les associations volontaires, et l'établissement, par l'État, les départements et les communes, de travaux publics propres à employer les bras inoccupés; elle fournit l'assistance aux enfants abandonnés, aux infirmes et aux vieillards sans ressources, et que leurs familles ne peuvent secourir.
ART. 14. — La dette publique est garantie. — Toute espèce d'engagement pris par l'État avec ses créanciers est inviolable.
ART. 15. — Tout impôt est établi pour l'utilité commune. — Chacun y contribue en proportion de ses facultés et de sa fortune.
ART. 16. — Aucun impôt ne peut être établi ni perçu qu'en vertu de la loi.
ART. 17. — L'impôt direct n'est consenti que pour un an. — Les impositions indirectes peuvent être consenties pour plusieurs années.

CHAPITRE III
DES POUVOIRS PUBLICS

ART. 18. — Tous les pouvoirs publics, quels qu'ils soient, émanent du peuple. — Ils ne peuvent être délégués héréditairement.
ART. 19. — La séparation des pouvoirs est la première condition d'un gouvernement libre.

CHAPITRE IV
DU POUVOIR LÉGISLATIF

ART. 20. — Le peuple français délègue le pouvoir législatif à une Assemblée unique.
ART. 21. — Le nombre total des représentants du peuple sera de sept cent cinquante, y compris les représentants de l'Algérie et des colonies françaises.
ART. 22. — Ce nombre s'élèvera à neuf cents pour les Assemblées qui seront appelées à réviser la Constitution.
ART. 23. — L'élection a pour base la population.
ART. 24. — Le suffrage est direct et universel. Le scrutin est secret.
ART. 25. — Sont électeurs, sans condition de cens, tous les Français âgés de vingt et un ans, et jouissant de leurs droits civils et politiques.
ART. 26. — Sont éligibles, sans condition de domicile, tous les électeurs âgés de vingt-cinq ans.
ART. 27. — La loi électorale déterminera les causes qui peuvent priver un citoyen français du droit d'élire et d'être élu. — Elle désignera les citoyens qui, exerçant ou ayant exercé des fonctions dans un département ou un ressort territorial, ne pourront y être élus.
ART. 28. — Toute fonction publique rétribuée est incompatible avec le mandat de représentant du peuple. — Aucun membre de l'Assemblée nationale ne peut, pendant la durée de la législature, être nommé ou promu à des fonctions publiques salariées dont les titulaires sont choisis à volonté par le pouvoir exécutif. — Les exceptions aux dispositions des deux paragraphes précédents seront déterminés par la loi électorale organique.
ART. 29. — Les dispositions de l'article précédent ne sont pas applicables aux assemblées élues pour la révision de la Constitution.
ART. 30. — L'élection des représentants se fera par département, et au scrutin de liste. — Les électeurs voteront au chef-lieu du canton; néanmoins, en raison des circonstances locales, le canton pourra être divisé en plusieurs circonscriptions, dans la forme et aux conditions qui seront déterminées par la loi électorale.
ART. 31. — L'Assemblée nationale est élue pour trois ans, et se renouvelle intégralement. — Quarante-cinq jours au plus tard avant la fin de la législature, une loi détermine l'époque des nouvelles élections. — Si aucune loi n'est intervenue dans le délai fixé par le paragraphe précédent, les électeurs se réunissent de plein droit le trentième jour qui précède la fin de la législature. — La nouvelle Assemblée est convoquée de plein droit pour le lendemain du jour où finit le mandat de l'Assemblée précédente.
ART. 32. — Elle est permanente. — Néanmoins, elle peut s'ajourner à un terme qu'elle fixe. — Pendant la durée de la prorogation, une commission, composée des membres du bureau et de vingt-cinq représentants nommés par l'Assemblée au scrutin secret et à la majorité absolue, a le droit de la convoquer en cas d'urgence. — Le président de la République a aussi le droit de convoquer l'Assemblée. — L'Assemblée nationale détermine le lieu de ses séances. — Elle fixe l'importance des forces militaires établies pour sa sûreté, et elle en dispose.
ART. 33. — Les représentants sont toujours rééligibles.
ART. 34. — Les membres de l'Assemblée nationale sont les représentants, non du département qui les nomme, mais de la France entière.
ART. 35. — Ils ne peuvent recevoir de mandat impératif.
ART. 36. — Les représentants du peuple sont inviolables. — Ils ne pourront être recherchés, accusés, ni jugés, en aucun temps, pour les opinions qu'ils auront émises dans le sein de l'Assemblée nationale.
ART. 37. — Ils ne peuvent être arrêtés en matière criminelle, sauf le cas de flagrant délit, ni poursuivis qu'après que l'Assemblée a permis la poursuite. — En cas d'arrestation pour flagrant délit, il en sera immédiatement référé à l'Assemblée, qui autorisera ou refusera la continuation des poursuites. Cette disposition s'applique au cas où un citoyen détenu est nommé représentant.
ART. 38. — Chaque représentant du peuple reçoit une indemnité, à laquelle il ne peut renoncer.
ART. 39. — Les séances de l'Assemblée sont publiques. — Néanmoins, l'Assemblée peut se former en comité secret, sur la demande du nombre de représentants fixé par le règlement. — Chaque représentant a le droit d'initiative parlementaire; il l'exercera selon les formes déterminées par le règlement.
ART. 40. — La présence de la moitié plus un des membres de l'Assemblée est nécessaire pour la validité du vote des lois.
ART. 41. — Aucun projet de loi, sauf les cas d'urgence, ne sera voté définitivement qu'après trois délibérations, à des intervalles qui ne peuvent pas être moindres de cinq jours.
ART. 42. — Toute proposition ayant pour objet de déclarer l'urgence est précédée d'un exposé des motifs. — Si l'Assemblée est d'avis de donner suite à la proposition d'urgence, elle en ordonne le renvoi dans les bureaux et fixe le moment où le rapport sur l'urgence lui sera présenté. — Sur ce rapport, si l'Assemblée reconnaît l'urgence, elle le déclare, et fixe le moment de la discussion. — Si elle décide qu'il n'y a pas urgence, le projet suit le cours des propositions ordinaires.

CHAPITRE V
DU POUVOIR EXÉCUTIF

ART. 43. — Le peuple français délègue le Pouvoir exécutif à un citoyen qui reçoit le titre de président de la République.
ART. 44. — Le président doit être né Français, âgé de trente ans au moins, et n'avoir jamais perdu la qualité de Français.
ART. 45. — Le président de la République est élu pour quatre ans, et n'est rééligible qu'après un intervalle de quatre années.
- Ne peuvent, non plus, être élus après lui, dans le même intervalle, ni le vice-président, ni aucun des parents ou alliés du président jusqu'au sixième degré inclusivement. ART. 46. — L'élection a lieu de plein droit le deuxième dimanche du mois de mai. — Dans le cas où, par suite de décès, de démission ou de toute autre cause, le président serait élu à une autre époque, ses pouvoirs expireront le deuxième dimanche du mois de mai de la quatrième année qui suivra son élection. — Le président est nommé, au scrutin secret et à la majorité absolue des votants, par le suffrage direct de tous les électeurs des départements français et de l'Algérie.
ART. 47. — Les procès-verbaux des opérations électorales sont transmis immédiatement à l'Assemblée nationale, qui statue sans délai sur la validité de l'élection et proclame le président de la République. — Si aucun candidat n'a obtenu plus de la moitié des suffrages exprimés, et au moins deux millions de voix, ou si les conditions exigées par l'article 44 ne sont pas remplies, l'Assemblée nationale élit le président de la République, à la majorité absolue et au scrutin secret, parmi les cinq candidats éligibles qui ont obtenu le plus de voix.
ART. 48. — Avant d'entrer en fonctions, le président de la République prête au sein de l'Assemblée nationale le serment dont la teneur suit: - En présence de Dieu et devant le Peuple français, représenté par l'Assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la République démocratique, une et indivisible, et de remplir tous les devoirs que m'impose la Constitution.
ART. 49. — Il a le droit de faire présenter des projets de loi à l'Assemblée nationale par les ministres. — Il surveille et assure l'exécution des lois.
ART. 50. — Il dispose de la force armée, sans pouvoir jamais la commander en personne.
ART. 51. — Il ne peut céder aucune portion du territoire, ni dissoudre ni proroger l'Assemblée nationale, ni suspendre, en aucune manière, l'empire de la Constitution et des lois.
ART. 52. — Il présente, chaque année, par un message, à l'Assemblée nationale, l'exposé de l'état général des affaires de la République.
ART. 53. — Il négocie et ratifie les traités. — Aucun traité n'est définitif qu'après avoir été approuvé par l'Assemblée nationale.
ART. 54. — Il veille à la défense de l'État, mais il ne peut entreprendre aucune guerre sans le consentement de l'Assemblée nationale.
ART. 55. — Il a le droit de faire grâce, mais il ne peut exercer ce droit qu'après avoir pris l'avis du Conseil d'État. — Les amnisties ne peuvent être accordées que par une loi. — Le président de la République, les ministres, ainsi que toutes autres personnes condamnées par la Haute Cour de justice, ne peuvent être graciés que par l'Assemblée nationale.
ART. 56. — Le président de la République promulgue les lois au nom du peuple français. ART. 57. — Les lois d'urgence sont promulguées dans le délai de trois jours, et les autres lois dans le délai d'un mois, à partir du jour où elles auront été adoptées par l'Assemblée nationale.
ART. 58. — Dans le délai fixé pour la promulgation, le président de la République peut, par un message motivé, demander une nouvelle délibération. — L'Assemblée délibère: sa résolution devient définitive; elle est transmise au président de la République. — En ce cas, la promulgation a lieu dans le délai fixé pour les lois d'urgence.
ART. 59. — A défaut de promulgation par le président de la République, dans les délais déterminés par les articles précédents, il y serait pourvu par le président de l'Assemblée nationale.
ART. 60. — Les envoyés et les ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès du président de la République. ART. 61. — Il préside aux solennités nationales.
ART. 62. — Il est logé aux frais de la République, et reçoit un traitement de six cent mille francs par an.
ART. 63. — Il réside au lieu où siège l'Assemblée nationale, et ne peut sortir du territoire continental de la République sans y être autorisé par une loi.
ART. 64. — Le président de la République nomme et révoque les ministres. — Il nomme et révoque, en Conseil des Ministres, les agents diplomatiques, les commandants en chef des armées de terre et de mer, les préfets, le commandant supérieur des gardes nationales de la Seine, les gouverneurs de l'Algérie et des colonies, les procureurs généraux et autres fonctionnaires d'un ordre supérieurs - Il nomme et révoque, sur la proposition du ministre compétent, dans les conditions réglementaires déterminées par la loi, les agents secondaires du gouvernement.
ART. 65. — Il a le droit de suspendre, pour un terme qui ne pourra excéder trois mois, les agents du pouvoir exécutif élus par les citoyens. — Il ne peut les révoquer que de l'avis du Conseil d'État. — La loi détermine les cas où les agents révoqués peuvent être déclarés inéligibles aux mêmes fonctions. — Cette déclaration d'inéligibilité ne pourra être prononcée que par un jugement.
ART. 66. — Le nombre des ministres et leurs attributions sont fixés par le pouvoir législatif.
ART. 67. — Les actes du président de la République, autres que ceux par lesquels il nomme et révoque les ministres, n'ont d'effet que s'ils sont contresignés par un ministre.
ART. 68. — Le président de la République, les ministres, les agents et dépositaires de l'autorité publique, sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de tous les actes du gouvernement et de l'administration. — Toute mesure par laquelle le président de la République dissout l'Assemblée nationale, la proroge ou met obstacle à l'exercice de son mandat, est un crime de haute trahison. — Par ce seul fait, le président est déchu de ses fonctions; les citoyens sont tenus de lui refuser obéissance; le pouvoir exécutif passe de plein droit à l'Assemblée nationale. Les juges de la Haute Cour de justice se réunissent immédiatement à peine de forfaiture: ils convoquent les jurés dans le lieu qu'ils désignent, pour procéder au jugement du président et de ses complices; ils nomment eux-mêmes les magistrats chargés de remplir les fonctions du ministère public. — Une loi déterminera les autres cas de responsabilité, ainsi que les formes et les conditions de la poursuite.
ART. 69. — Les ministres ont entrée dans le sein de l'Assemblée nationale; ils sont entendus toutes les fois qu'ils le demandent, et peuvent se faire assister par des commissaires nommés par un décret du président de la République.
ART. 70. — Il y a un vice-président de la République nommé par l'Assemblée nationale, sur la présentation de trois candidats faite par le président dans le mois qui suit son élection. — Le vice-président prête le même serment que le président. — Le vice-président ne pourra être choisi parmi les parents et alliés du président jusqu'au sixième degré inclusivement. — En cas d'empêchement du président, le vice-président le remplace. — Si la présidence devient vacante, par décès, démission du président, ou autrement, il est procédé, dans le mois, à l'élection d'un président.

CHAPITRE VI
DU CONSEIL D'ÉTAT

ART. 71. — Il y aura un Conseil d'État, dont le vice-président de la République sera de droit président.
ART. 72. — Les membres de ce Conseil sont nommés pour six ans par l'Assemblée nationale. Ils sont renouvelés par moitié, dans les deux premiers mois de chaque législature, au scrutin secret et à la majorité absolue. — Ils sont indéfiniment rééligibles.
ART. 73. — Ceux des membres du Conseil d'État qui auront été pris dans le sein de l'Assemblée nationale seront immédiatement remplacés comme représentants du peuple.
ART. 74. — Les membres du Conseil d'État ne peuvent être révoqués que par l'Assemblée, et sur la proposition du président de la République.
ART. 75. — Le Conseil d'État est consulté sur les projets de loi du Gouvernement qui, d'après la loi, devront être soumis à son examen préalable, et sur les projets d'initiative parlementaire que l'Assemblée lui aura renvoyés. — Il prépare les règlements d'administration publique; il fait seul ceux de ces règlements à l'égard desquels l'Assemblée nationale lui a donné une délégation spéciale. — Il exerce, à l'égard des administrations publiques, tous les pouvoirs de contrôle et de surveillance qui lui sont déférés par la loi. — La loi réglera ses autres attributions.

CHAPITRE VII
DE L'ADMINISTRATION INTÉRIEURE

ART. 76. — La division du territoire en départements, arrondissements, cantons et communes est maintenue. Les circonscriptions actuelles ne pourront être changées que par la loi.
ART. 77. — Il y a: 1° Dans chaque département, une administration composée d'un préfet, d'un conseil général, d'un conseil de préfecture; 2° Dans chaque arrondissement, un sous-préfet; 3° Dans chaque canton, un conseil cantonal; néanmoins, un seul conseil cantonal sera établi dans les villes divisées en plusieurs cantons; 4° Dans chaque commune, une administration, composée d'un maire, d'adjoints et d'un conseil municipal.
ART. 78. — Une loi déterminera la composition et les attributions des conseils généraux, des conseils cantonaux, des conseils municipaux, et le mode de nomination des maires et des adjoints.
ART. 79. — Les conseils généraux et les conseils municipaux sont élus par le suffrage direct de tous les citoyens domiciliés dans le département ou dans la commune. Chaque canton élit un membre du conseil général. — Une loi spéciale réglera le mode d'élection dans le département de la Seine, dans la ville de Paris et dans les villes de plus de vingt mille âmes.
ART. 80. — Les conseils généraux, les conseils cantonaux et les conseils municipaux peuvent être dissous par le président de la République, de l'avis du Conseil d'État. — La loi fixera le délai dans lequel il sera procédé à la réélection.

CHAPITRE VIII
DU POUVOIR JUDICIAIRE

ART. 81. — La justice est rendue gratuitement au nom du peuple français. — Les débats sont publics, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l'ordre ou les mœurs; et, dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement.
ART. 82. — Le jury continuera d'être appliqué en matière criminelle.
ART. 83. — La connaissance de tous les délits politiques et de tous les délits commis par la voie de la presse appartient exclusivement au jury. — Les lois organiques détermineront la compétence en matière de délits d'injures et de diffamation contre les particuliers.
ART. 84. — Le jury statue seul sur les dommages-intérêts réclamés pour faits ou délits de presse.
ART. 85. — Les juges de paix et leurs suppléants, les juges de première instance et d'appel, les membres de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, sont nommés par le président de la République, d'après un ordre de candidature ou d'après les conditions qui seront réglées par les lois organiques.
ART. 86. — Les magistrats du ministère public sont nommés par le président de la République.
ART. 87. — Les juges de première instance et d'appel, les membres de la Cour de cassation, et de la Cour des comptes, sont nommés à vie. — Ils ne peuvent être révoqués ou suspendus que par un jugement, ni mis à la retraite que pour les causes et dans les formes déterminées par les lois.
ART. 88. — Les conseils de guerre et de révision des armées de terre et de mer, les tribunaux maritimes, les tribunaux de commerce, les prud'hommes et autres tribunaux spéciaux, conservent leur organisation et leurs attributions actuelles jusqu'à ce qu'il y ait été dérogé par une loi.
ART. 89. — Les conflits d'attributions entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire seront réglés par un tribunal spécial de membres de la Cour de cassation et de conseillers d'État, désignés tous les trois ans en nombre égal par leur corps respectif. — Ce tribunal sera présidé par le ministre de la Justice.
ART. 90. — Les recours pour incompétence et excès de pouvoirs contre les arrêts de la Cour des comptes seront portés devant la juridiction des conflits.
ART. 91. — Une Haute Cour de justice juge, sans appel ni recours en cassation, les accusations portées par l'Assemblée nationale contre le président de la République ou les ministres. — Elle juge également toutes personnes prévenues de crimes, attentats ou complots contre la sûreté intérieure ou extérieure de l'État, que l'Assemblée nationale aura renvoyées devant elle. — Sauf le cas prévu par l'article 68, elle ne peut être saisie qu'en vertu d'un décret de l'Assemblée nationale, qui désigne la ville où la Cour tiendra ses séances.
ART. 92. — La Haute Cour est composée de cinq juges et de trente-six jurés. — Chaque année, dans les quinze premiers jours du mois de novembre, la Cour de cassation nomme, parmi ses membres, au scrutin secret et à la majorité absolue, les juges de la Haute Cour, au nombre de cinq, et deux suppléants. Les cinq juges appelés à siéger feront choix de leur président. — Les magistrats remplissant les fonctions du ministère public sont désignés par le président de la République, et, en cas d'accusation du président ou des ministres, par l'Assemblée nationale. — Les jurés, au nombre de trente-six, et quatre jurés suppléants, sont pris parmi les membres des conseils généraux des départements. — Les représentants du peuple n'en peuvent faire partie.
ART. 93. — Lorsqu'un décret de l'Assemblée nationale a ordonné la formation de la Haute Cour de justice, et, dans le cas prévu par l'article 68, sur la réquisition du président ou de l'un des juges, le président de la cour d'appel et, à défaut de cour d'appel, le président du tribunal de première instance du chef-lieu judiciaire du département, tire au sort, en audience publique, le nom d'un membre du conseil général.
ART. 94. — Au jour indiqué pour le jugement, s'il y a moins de soixante jurés présents, ce nombre sera complété par des jurés supplémentaires tirés au sort, par le président de la Haute Cour parmi les membres du conseil général du département où siégera la Cour.
ART. 95. — Les jurés qui n'auront pas produit d'excuse valable seront condamnés à une amende de mille à dix mille francs, et à la privation des droits politiques pendant cinq ans au plus.
ART. 96. — L'accusé et le ministère public exercent le droit de récusation comme en matière ordinaire.
ART. 97. — La déclaration du jury portant que l'accusé est coupable ne peut être rendue qu'à la majorité des deux tiers des voix.
ART. 98. — Dans tous les cas de responsabilités des ministres, l'Assemblée nationale peut, selon les circonstances, renvoyer le ministre inculpé, soit devant la Haute Cour de justice, soit devant les tribunaux ordinaires, pour les réparations civiles.
ART. 99. — L'Assemblée nationale et le président de la République peuvent, dans tous les cas, déférer l'examen des actes de tout fonctionnaire, autre que le président de la République, au Conseil d'État, dont le rapport est rendu public.
ART. 100. — Le président de la République n'est justiciable que de la Haute Cour de justice. — Il ne peut, à l'exception du cas prévu par l'article 68, être poursuivi que sur l'accusation portée par l'Assemblée nationale, et pour crimes et délits qui seront déterminés par la loi.

CHAPITRE IX
DE LA FORCE PUBLIQUE

ART. 101. — La force publique est instituée pour défendre l'État contre les ennemis du dehors, et pour assurer au-dedans le maintien de l'ordre et l'exécution des lois. — Elle se compose de la garde nationale et de l'armée de terre et de mer.
ART. 102. — Tout Français, sauf les exceptions fixées par la loi, doit le service militaire et celui de la garde nationale. — La faculté pour chaque citoyen de se libérer du service militaire personnel sera réglée par la loi du recrutement.
ART. 103. — L'organisation de la garde nationale et la Constitution de l'armée seront réglées par la loi.
ART. 104. — La force publique est essentiellement obéissante. — Nul corps armé ne peut délibérer.
ART. 105. — La force publique, employée pour maintenir l'ordre à l'intérieur, n'agit que sur la réquisition des autorités constituées, suivant les règles déterminées par le pouvoir législatif.
ART. 106. — Une loi déterminera les cas dans lesquels l'état de siège pourra être déclaré, et réglera les formes et les effets de cette mesure.
ART. 107. — Aucune troupe étrangère ne peut être introduite sur le territoire français sans le consentement préalable de l'Assemblée nationale.

CHAPITRE X
DISPOSITIONS PARTICULIERES

ART. 108. — La Légion d'honneur est maintenue; ses statuts seront révisés et mis en harmonie avec la Constitution.
ART. 109. — Le territoire de l'Algérie et des colonies est déclaré territoire français, et sera régi par des lois particulières jusqu'à ce qu'une loi spéciale les place sous le régime de la présente Constitution.
ART. 110. — L'Assemblée nationale confie le dépôt de la présente Constitution, et des droits qu'elle consacre, à la garde et au patriotisme de tous les Français.

CHAPITRE XI
DE LA RÉVISION DE LA CONSTITUTION

ART. 111. — Lorsque, dans la dernière année d'une législature, l'Assemblée nationale aura émis le vœu que la Constitution soit modifiée en tout ou en partie, il sera procédé à cette révision de la manière suivante: - Le vœu exprimé par l'Assemblée ne sera converti en résolution définitive qu'après trois délibérations consécutives, prises chacune à un mois d'intervalle et aux trois quarts des suffrages exprimés. Le nombre des votants devra être de cinq cents au moins. — L'Assemblée de révision ne sera nommée que pour trois mois. — Elle ne devra s'occuper que de la révision pour laquelle elle aura été convoquée. — Néanmoins, elle pourra, en cas d'urgence, pourvoir aux nécessités législatives.

CHAPITRE XII
DISPOSITIONS TRANSITOIRES

ART. 112. — Les dispositions des codes, lois et règlements existants qui ne sont pas contraires à la présente Constitution, restent en vigueur jusqu'à ce qu'il y soit légalement dérogé.
ART. 113. — Toutes les autorités constituées par les lois actuelles demeurent en exercice jusqu'à la promulgation des lois organiques qui les concernent.
ART. 114. — La loi d'organisation judiciaire déterminera le mode spécial de nomination pour la première composition des nouveaux tribunaux.
ART. 115. — Après le vote de la Constitution, il sera procédé, par l'Assemblée nationale constituante, à la rédaction des lois organiques dont l'énumération sera déterminée par une loi spéciale.
ART. 116. — Il sera procédé à la première élection du président de la République conformément à la loi spéciale rendue par l'Assemblée nationale le 28 octobre 1848.