Jusqu'à présent, dans ce livre, il a été seulement question d'êtres humains, en particulier des Américains et des psychiatres. Nous avons montré qu'il était nécessaire d'intégrer deux catégories complémentaires d'informations pour comprendre les théories et les pratiques qui ont cours en psychiatrie - à savoir, connaître la matrice culturelle au sein de laquelle opère le psychiatre et comprendre la nature de l'interaction qui se produit.
Ce chapitre et le suivant tenteront de réunir en une seule science ces deux sortes de savoirs complémentaires. Nous tenterons une intégration des phénomènes humains d'ordre culturel et des phénomènes d'interaction[1].
Pour ce faire, un retour aux principes fondamentaux sera nécessaire. 11 faudra parler des phénomènes de communication tels qu'on les rencontre à de très bas niveaux d'organisation chez des animaux et dans des machines en fonctionnement. Partant de ce stade élémentaire, nous ajouterons progressivement des niveaux supplémentaires de complexité, jusqu'à ce que nous arrivions à parler d'entités qui se situent au niveau humain et culturel.
Ensuite, au chapitre X, on se servira de notre théorie complète pour
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réexaminer certaines théories et certaines propositions des psychiatres américains.
Il est d'abord nécessaire de parler de certaines notions générales sur la nature des processus intrapersonnels et neurophysiologiques - assez générales pour être indépendantes des théories auxquelles le lecteur donne sa préférence. La notion de code est, pensons-nous, d'une nature si universelle qu'elle est commune à toutes les théories psychologiques, bien que ce ne soit pas toujours explicite.
Que nous soyons partisans des conceptions organicistes ou des conceptions mentalistes, il est clair que les processus intrapersonnels sont distincts et différents des événements du monde extérieur, et c'est le concept de codage qui renvoie à cette différence. En termes organicistes, on pourrait dire que les impulsions et les ondées d'impulsions qui circulent dans le système nerveux sont la représentation interne ou l'image des événements extérieurs dont l'organisme reçoit des informations par ses organes sensoriels. Ou bien, selon les théories mentalistes, on peut dire que les idées et les propositions (qu'elles soient verbales ou non verbales) sont la traduction ou le reflet d'événements extérieurs. Les tenants de l'une ou l'autre théorie - organiciste ou mentaliste - conviennent que les événements intérieurs sont différents de ceux du dehors: ils sont'des reflets ou des traductions d'événements qui se situent dans le monde externe. Le terme qu'utilisent les ingénieurs des communications pour désigner le fait de substituer un type d'événement à un autre, de sorte que l'événement substitutif représente l'autre de quelque façon, c'est le terme «codage».
Les principes fondamentaux en fonction desquels l'information est codée dans le cerveau ou dans l'esprit des êtres humains sont encore inconnus, mais, selon ce que l'on sait des hommes et ce que les ingénieurs en communication peuvent nous dire, certaines généralités se dégagent.
D'abord, il faut que le codage, par nature, soit systématique. Quels que soient 195 les objets, les événements ou les idées qui, à l'intérieur de l'individu, représentent certains objets ou certains événements extérieurs, il faut qu'il y ait une relation systématisée entre ce qu'il y a dehors et ce qu'il y a dedans; sans cela, l'information ne serait pas utilisable. Pour les éléments qui ne sont pas systématisés dans un codage, les ingénieurs emploient le terme de «bruit»; si ces éléments aléatoires étaient trop nombreux, il n'y aurait pas de possibilité de «décodage» - c'est-à-dire pas de possibilité pour l'organisme de se gouverner en fonction des événements extérieurs (À strictement parler, il n'y a naturellement pas de «décodage», l'information codée, par exemple sous la forme d'impulsions nerveuses, peut guider l'organisme dans ce qu'il fait ou dans ce qu'il dit. Mais des productions de ce genre sont à nouveau des codages ou des transformations des trains d'impulsions nerveuses. L'information n'est jamais retraduite sous la forme même des objets auxquels elle renvoie).
Deuxièmement, il est évident qu'il faut que le codage soit tel que les relations entre parties soient conservées. Il est impossible à un homme d'avoir à l'intérieur de lui-même un arbre pareil à l'arbre qu'il perçoit à l'extérieur. Mais il est possible d'avoir des objets ou des événements internes ayant entre eux des relations qui reflètent celles qui existent entre les parties de l'arbre extérieur. Il est évident que des transformations très profondes interviennent dans tout codage - et, en effet, le codage est une transformation au sens mathématique du terme. On peut s'attendre, par exemple, à trouver certains cas où des relations spatiales dans le monde extérieur sont représentées par des relations temporelles dans le processus de l'esprit: quand l'œil inspecte un objet, la forme de l'objet est certainement transformée en une séquence temporelle d'impulsions dans le nerf optique. Et, dans d'autres cas, des séquences temporelles seront représentées par des relations spatiales dans le cerveau: un souvenir de séquences passées doit certainement être codé ainsi. Mais, quelles que soient les transformations du codage, l'information serait purement et simplement perdue si les relations qui existent entre les événements extérieurs n'étaient pas traduites d'une façon systématique en d'autres relations équivalentes entre d'une part des événements et d'autre part des processus de l'esprit [45; 182]. 196
En outre, les ingénieurs [27] sont capables de décrire plusieurs variétés de codage qui sont connues et avec lesquelles nous pouvons comparer et confronter ce qui semble se produire dans les processus mentaux chez les humains. En gros, il y a trois catégories importantes; on peut les rencontrer toutes les trois dans les processus mentaux chez l'homme. Ces trois types de codage trouvent aussi des exemples dans différentes sortes de machineries électroniques et on citera des exemples mécaniques pour donner une idée plus nette de ce à quoi renvoie le terme «codage».
Premièrement, il y a ce que les ingénieurs appellent le codage «digital». C'est une méthode utilisée couramment dans des machines à calculer de bureau; elles sont faites de dents qui s'engrènent; ce sont essentiellement des mécanismes de calcul qui comptent les dents qui s'engrènent et comptent combien de fois elles tournent dans une interaction complexe. Dans ce type de codage, l'entrée diffère déjà très profondément des événements extérieurs auxquels la machine «pense». En fait, avec des machines de ce genre, il faut qu'il y ait un être humain qui code les événements extérieurs en des termes qui correspondent à leurs relations arithmétiques, et il faut introduire ce codage dans la machine d'une façon appropriée qui définisse quel problème elle doit résoudre.
Deuxièmement, il y a le type de machine à calculer que les ingénieurs appellent «analogique». Dans ces équipements, les événements extérieurs à propos desquels la machine doit «penser» sont représentés en elle par un modèle reconnaissable. Par exemple, un tunnel de soufflerie est une machine à penser de ce genre. Dans de telles machines, des changements dans le système extérieur peuvent être représentés par des changements correspondants dans le modèle à l'intérieur, et l'on peut observer les résultats de cette sorte de changements. Savoir si des mécanismes analogiques existent dans le système nerveux central des humains est extrêmement problématique, mais subjectivement nous croyons que nous formons des images du monde extérieur et ces images semblent nous aider dans nos pensées. La nature de ces images conscientes est toutefois obscure et, en tout cas, il est difficile d'imaginer que quelque véritable modèle analogique opère dans un système tel que le système nerveux central qui n'a pas de parties mobiles. En dehors du système nerveux central, cependant, 197 il y a une possibilité que l'ensemble des mobilités du corps soit utilisé comme composant analogique. Il est probable, par exemple, que certaines personnes éprouvent par empathie les émotions d'autres personnes par l'imitation kinesthésique. Dans cette façon de penser, le corps serait un modèle expérimental analogique qui copierait des changements de l'autre personne et les conclusions de ce genre d'expérience de simulation seraient tirées par le système nerveux central, plus digital, qui reçoit des indications proprioceptives. Il est certain également que les êtres humains utilisent souvent des parties du monde extérieur comme modèles analogiques pour s'aider à résoudre leurs propres problèmes internes. Par le fait, de nombreux patients utilisent le psychothérapeute de cette manière.
Troisièmement, il y a quelques machines qui sont capables de coder l'information en unités comparables à ce que les psychologues appellent des Gestalten [108]. Un exemple de ce genre de machine est l'appareil récemment inventé qui lit à haute voix ce qui est imprimé. La machine détecte les vingt-six lettres et produit un son différent pour chaque lettre. En outre, elle reconnaît ces lettres en dépit de petites différences entre diverses sortes et diverses tailles de caractères d'imprimerie, et les lettres sont également reconnues quelle que soit la place où leur image tombe sur l'écran. En somme, la machine doit admettre le déplacement latéral et vertical sur une «rétine» et doit permettre de petits mouvements de rotation. En réalisant ce genre d'identification, la machine fait quelque chose de très étroitement comparable à cette perception des formes par laquelle un être humain sait qu'un carré est un carré même si celui-ci peut être de n'importe quelle taille et présenté sous n'importe quel angle. La caractéristique essentielle de cette sorte de machines, c'est qu'elles peuvent identifier des relations formelles entre des objets et des événements du monde extérieur et classer des groupes d'événements de ce genre en fonction de certaines catégories formelles. Il est alors possible qu'un message qui dénote la présence d'un événement correspondant à une certaine catégorie spécifique soit transmis, peut-être, par un signal unique dans la machine. Cette dernière possibilité, de résumer un message complexe en un unique «pip», c'est l'avantage que procure le codage en Gestalt. On peut ainsi obtenir une énorme économie de communication à l'intérieur de la machine. 198
On peut donner un exemple de la différence fondamentale entre le codage par Gestalt et un codage digital énumératif: on compare le codage dans le type de machine qui transmettra par câble une image en demi-teinte et le genre de codage que nous appelons vision. La machine transmet des millions de messages. Chaque message est la présence ou l'absence d'un «pip», telle présence dénotant la présence ou l'absence d'un point sur le bloc original. La machine n'est en aucune façon concernée par ce que le tableau représente. Par contre, un être humain qui regarde un tableau de ce genre voit qu'il représente un homme, un arbre ou Dieu sait quoi. L'ondée d'impulsions qui est initiée dans la rétine et qui voyage le long du nerf optique, par certains côtés, n'est pas différente des trains de «pips» transmis par la machine, mais, dans le cerveau, cette ondée nerveuse a un impact sur un réseau qui a pour caractéristique d'être capable de distinguer des relations formelles dans cette ondée - ces relations formelles sont, en fait, parentes de celles qui existent dans le tableau original. L'être humain est ainsi capable de classer en catégories de vastes secteurs du tableau sous forme de Gestalten.
La même vérité générale - que toute connaissance d'événements extérieurs est dérivée des relations que ceux-ci entretiennent -, on peut la reconnaître dans ce fait: pour parvenir à une perception plus exacte, un être humain aura toujours recours à un changement dans la relation entre lui-même et l'objet extérieur. S'il est en train d'examiner un point rugueux sur une surface au moyen du toucher, il fait bouger son doigt sur ce point; il crée ainsi une ondée d'impulsions nerveuses qui a une structure séquentielle définie; puis il peut dériver de celle-ci la forme statique et d'autres caractéristiques de la chose examinée. Pour estimer le poids d'un objet, nous le soupesons, et, pour inspecter soigneusement un objet qu'on voit, nous remuons les yeux d'une manière telle que l'imagé de l'objet se déplace à travers la fovéa. En ce sens, nos données initiales sont toujours des indications «dérivées premières»; elles sont des énoncés à partir des différences qui existent à l'extérieur, ou bien elles sont des indications sur des changements qui se produisent soit dans les objets, soit dans notre relation à eux. Des objets ou des circonstances qui demeurent absolument stables par rapport à l'observateur, sans changement dans leur propre mouvement, ni du fait d'événements extérieurs, sont toujours difficiles, peut-être 199 même impossibles à percevoir. Ce que nous percevons facilement, c'est la différence et le changement - et la différence est une relation.
Les tenants de la psychologie de la forme ont insisté sur la relation entre la «figure» et le «fond», et, bien que notre préoccupation ne soit pas ici un exposé détaillé de la psychologie de la forme, il nous faut souligner une caractéristique majeure du phénomène figure-fond: il semble que la personne qui perçoit utilise le fait que certains organes terminaux ne sont pas stimulés: ceci est un élément pour parvenir à une compréhension plus complète de celles des impulsions qui proviennent des organes terminaux stimulés. Un sujet humain, s'il place sa main dans une boîte illuminée et fermée, peut dire, à partir des impulsions nerveuses de chaleur ou de douleur qui proviennent de sa main, qu'il y a quelque chose d'allumé, mais il ne peut pas discriminer si la lumière vient d'une petite source brillante ou bien si c'est une illumination générale de la boîte. Grâce à sa rétine, par contre, il peut immédiatement percevoir la différence entre l'illumination générale et une petite source de lumière. Ceci se fait en combinant dans le cerveau l'information que certains organes terminaux ont été stimulés avec l'information que certains autres ne l'ont pas été, ou ont été moins stimulés. De même, comme on l'a remarqué précédemment dans la transmission d'un cliché en demi-teinte, l'absence de «pip» sur le câble à un moment spécifique peut être un signal qui dénote l'absence d'un point sur le tableau. (Le système mécanique aurait pu tout aussi facilement être réglé de façon que l'absence d'un «pip» sur le câble dénote la présence d'un point sur le tableau).
Cette aptitude du cerveau humain à utiliser Yabsence de certaines impulsions afférentes pour interpréter celles des impulsions qui parviennent effectivement semble être une condition primordiale du phénomène figure-fond. On peut considérer la faculté de distinguer entre l'illumination générale et une petite source de lumière comme une forme élémentaire de perception de Gestalt.
En outre, il semblerait qu'en créant des Gestalten celui qui perçoit élimine comme «fond» inutile un grand nombre d'impulsions qui, en fait, parviennent sur les organes terminaux. La construction de Gestalten semblerait dépendre de quelque chose comme l'inhibition - une négation partielle de certaines impulsions - qui permet 200 à celui qui perçoit de se consacrer aux «figures» qui sont importantes pour lui.
L'une des caractéristiques de l'information codée découle de ce qui a été dit plus haut, spécialement dans la discussion de l'hypothèse figure-fond. C'est le fait que l'information est toujours multiplicative. Chaque élément d'information a pour caractéristique qu'il fait une assertion positive et qu'en même temps il fait une dénégation de l'opposé de cette assertion. La perception la plus simple que l'on puisse imaginer, sur laquelle on peut présumer que reposent, par exemple, les tropismes des protozoaires, dira obligatoirement à l'organisme qu'il y a de la lumière dans telle direction et pas de lumière dans telle autre direction. De nombreux éléments d'information peuvent être plus compliqués que cela, mais il faut toujours que l'unité élémentaire d'information contienne au moins ce double aspect d'affirmer une vérité et de nier quelque autre contraire qui, souvent, n'est pas défini. De ceci découle que, lorsque nous avons deux «bits» [155] d'information, la gamme des événements extérieurs possibles auxquels peut référer cette information est réduite non pas à la moitié mais au quart de ce qu'elle était au départ; de même, trois «bits» d'information restreindront la gamme possible des événements extérieurs à un huitième.
La nature multiplicative de l'information peut être illustrée par le jeu des vingt questions. Il faut que celui qui pose les questions dans ce jeu identifie en vingt interrogations quel objet a en tête celui qui lui répond. Ce dernier ne peut répondre aux questions que par «Oui» ou par «Non». Chaque réponse segmente la quantité possible des objets auxquels pourrait penser le répondeur, et, si celui qui interroge organise ses questions correctement, il peut en vingt demandes trouver parmi quelque chose qui dépasse le million d'objets lequel est celui que le répondeur a en tête (220 = 1.048.576).
L'interrogateur structure l'univers, possible des objets par un système ramifiant de
questions; ceci constitue ce que nous appellerions un «système de codage» et un petit
essai de ce jeu donnera au lecteur une idée des difficultés qui surviennent dans la
communication lorsque les deux personnes n'ont pas des systèmes de codage qui se
correspondent d'une façon précise - c'est-à-dire quand le répondeur comprend mal les
questions. Si le jeu est joué strictement selon les règles, il n'y a presque pas
201
de façons de corriger de tels malentendus: celui qui pose les questions ne peut guère
détecter ce qui est arrivé.
En bref, le point de vue que nous défendrons ici, c'est que le système de codage et le système des valeurs sont des aspects d'un même phénomène central. Cela fait deux mille ans que les philosophes occidentaux sont incités à rechercher une relation précise entre la notion de valeur et celle d'information. Il ne faut donc pas s'attendre à trouver dans ce livre une formulation définitive. Il est cependant nécessaire de clarifier notre position si nous voulons étudier comment se transmettent les valeurs et quel est leur impact.
Examinons d'abord certaines similitudes qui semblent communes aux valeurs et au codage.
De nombreuses écoles de thérapie ont pour prémisse que le changement thérapeutique est en fait un changement dans l'étendue et dans le contenu de la conscience, et la question a, par conséquent, son importance dans notre étude. Pour le moment, cependant, le problème de tels changements peut être reformulé comme suit: la personne qui «s'entraîne» le fait comme un résultat de son expérience antérieure - notamment de son expérience interpersonnelle - qui a déterminé sa capacité et sa motivation à entreprendre des changements de ce genre. De tels changements se produisent en thérapie et il nous faut donc nous interroger sur les événements interpersonnels et les contextes de thérapie qui motivent ou qui facilitent ces changements. En bref, l'introduction de la conscience comme concept ne modifiera pas profondément le type de question que nous étudions ici. 210
Nous allons maintenant porter notre attention sur certaines des caractéristiques de l'ensemble du processus global de «codage-évaluation». Ceci devrait nous permettre de nous interroger sur les changements qui surviennent dans ce processus - de tels changements sont, en effet, selon notre hypothèse, essentiels en thérapie.
En gros, il semble y avoir deux sortes de processus qui interviennent dans le courant général de codage-évaluation. On peut les distinguer à partir de deux exemples contrastés.
Le premier de ces processus, nous l'appellerons décision par intégration sélective et nous en donnerons comme exemple un homme qui est en train de faire un choix parmi un certain nombre d'objets. Pour faire ce choix, il identifie les objets spécifiques comme des pommes, des poires, des oranges, etc.; et, par son expérience passée, il sait lesquelles il aime et il sait quelles actions et quelles gratifications accompagneront le fait de manger l'une ou l'autre sorte. S'il y a un fruit inconnu dans la qualité, celui-ci également sera identifié, comme «inconnu», et c'est une catégorie qui aura une valeur positive ou négative, cette valeur étant également déterminée par ses expériences antérieures. Dans ce processus d'intégration sélective, l'homme classe et évalue des alternatives en fonction d'impressions provenant de son passé. Il compare et différencie des éléments d'un présent spécifique et unique, selon son vécu, avec d'autres éléments de son passé personnel également unique.
A l'opposé, c'est un processus de décision entièrement différent qui semble intervenir, par exemple, chez un danseur qui improvise. Pour tout mouvement donné au sein d'une séquence de mouvements, il est évident qu'il y a un certain type de choix qui intervient, et ce genre de décision est différent du fait de choisir un fruit d'une espèce donnée. Le choix du danseur est influencé, dans une très large mesure, par les caractéristiques ambiantes 211 de sa séquence d'action, et même, peut-être, par la séquence en cours d'un ou d'une partenaire. Ce second type de choix, c'est ce que nous appellerons décision par intégration progressive; et nous prolongerons cet exemple en disant que ce phénomène ne se limite pas à des activités impliquant un mouvement physique rapide; mais le mouvement du danseur est cependant un modèle adéquat pour caractériser l'état de toute personne dont les actions impliquent un mouvement complexe relativement rapide dans l'«espace psychologique». Il semble que ce type d'intégration progressive soit une caractéristique plus particulière des séquences d'action composées de gestes dont le détail est imparfaitement différencié et catégorisé, et où la rapidité de décision est importante.
Aussi bien le processus sélectif que le processus progressif sont probablement l'un et l'autre présents dans une certaine mesure dans toute décision humaine. L'homme qui est en train de choisir un fruit est partiellement influencé par les séquences ambiantes de son propre métabolisme, par sa préférence pour certaines séquences de goût et par les intrications de la courtoisie environnante entre lui-même et toute autre personne présente. Dans cette mesure, il agit par intégration progressive et continue.
D'une façon correspondante, le danseur peut envisager des actions alternatives (y compris l'alternative de cesser de danser) et introspectivement il peut penser qu'il fait un choix parmi ces catégories.
En général, il semble que le phénomène sélectif ainsi que le phénomène progressif puissent survenir chacun dans un cadre défini par l'autre: après que l'on a décidé de manger un certain fruit, les détails de l'action de manger peuvent être déterminés progressivement dans le cadrage de la décision sélective. Et, à l'opposé, dans des décisions progressives continues qui impliquent de longs laps de temps, il est courant qu'un individu agisse sélectivement à chaque stade et qu'il découvre qu'il a graduellement pris une décision majeure (par exemple le choix d'une profession) par quelque processus progressif.
Il est clair aussi que les personnes sont différentes quant à l'importance relative de l'un et l'autre de ces deux processus pour chacune d'elles. Certains essaieront d'agir sélectivement dans des contextes où les relations temporelles et les actions sembleraient demander l'intégration progressive; d'autres se laisseront 212 guider par un élan psychologique progressif même dans des contextes où les alternatives auraient pu être plus conventionnellement évaluées en catégories. D'un point de vue thérapeutique, il est important de remarquer que certains types de patients auraient avantage à apprendre à catégoriser l'univers tandis que d'autres doivent apprendre à agir plus librement en termes d'intégration progressive.
Il semble que diffèrent aussi avec les cultures les proportions dans lesquelles les
individus vivent en fonction de l'une ou l'autre de ces modalités. Selon les cultures
diffèrent également les relations entre ces deux modes. Dans la culture balinaise, par
exemple, la structure du caractère de l'individu semble être codée en termes de
kinesthésie et de sensibilité tactile plutôt qu'en fonction de zones érogènes. Il est
manifeste que les catégories de l'intégration sélective sont alors nécessaires pour
mettre tout individu à même de déterminer quel type de séquence d'action progressive
serait à enchaîner. Les catégories sélectives de l'organisation sociale, dans la culture
balinaise, sont les prémisses majeures dans le cadre desquelles l'individu peut se
comporter très librement par intégration progressive. Il lui faut connaître la caste de
l'individu auquel il s'adresse avant de commencer quelque conversation que ce soit. Il
lui faut connaître la nature du contexte dans lequel il se trouve à ce moment-là; mais,
une fois que ces catégories sont déterminées, il est libre d'agir avec une spontanéité
progressive que beaucoup d'Occidentaux peuvent envier. Les cultures occidentales semblent
souvent véhiculer une catégorisation compulsive des détails du comportement alors
qu'elles laissent à l'individu une assez grande liberté d'agir en termes d'intégration
progressive en ce qui concerne les décisions plus importantes. Ces généralisations sont
cependant susceptibles d'être inversées ou modifiées d'un individu à l'autre.
Comme nous le signalions précédemment, il y a des différences entre les gens: leurs propres paroles ou leurs propres actions, 213 ainsi que celles des autres, leur suscitent plus ou moins de perceptions et de réactions par leur aspect «rapports» ou par leur aspect «ordres». De même varie la proportion dans laquelle ils fonctionnent sélectivement ou progressivement. La partie de notre exposé que nous présentons ici tient compte de ces deux catégories de différences individuelles; et nous tentons de présenter un schéma suffisamment général et abstrait pour classer tout ce qu'il est concevable que les individus élaborent comme sortes de codage-évaluation. Ce serait une tâche surhumaine de vouloir énumérer toutes les variétés de codage et d'évaluation des humains. C'est pourquoi nous nous contenterons d'esquisser ici une grille de classement dans le cadre de laquelle pourront être faites des mises en relation de nombreuses catégories - et cette tâche ne devrait pas dépasser les possibilités de nos esprits.
![]() (figure 1) |
C'est un modèle de ce genre que propose la figure 1; elle représente le modèle minimal dont on puisse parler significativement. Les flèches représentent des chaînes causales et tout le diagramme représente une entité qui consiste en un circuit causal interne autocorrecteur sur lequel agit un environnement et qui agit sur lui. 214 Le lecteur qui désire un tableau plus complet peut imaginer, s'il lui plaît, soit un protozoaire engagé dans un tropisme positif, soit un servomécanisme engagé dans la poursuite d'une cible. En tout cas, quelle que soit l'image que l'on s'en fait, il est de toute façon incapable des codages et évaluations complexes qui sont du domaine de la présente étude. Tout au plus peut-il distinguer des éléments de l'environnement («lumière», «pas de lumière», etc.), mais certainement il ne sera pas capable de conceptualiser des notions telles que «Je perçois de la lumière», «Je vois de la lumière», «La perception de la lumière est un plaisir», ou bien «La lumière m'oblige à aller vers elle». Dans les actions et les autocorrections de systèmes de ce genre à tropismes simples, on ne peut pas percevoir de principes évaluatifs de ces niveaux assez élevés et ce sont des principes de ce genre que nous cherchons à classer. Ce modèle, donc, est utile en ce sens qu'il nous laisse carte blanche[NT 1] pour un cheminement systématique vers l'anthropomorphisme.
Ultérieurement, nous essaierons de considérer le cas plus complexe de l'interaction entre deux modèles de ce genre, et nous nous interrogerons sur les possibilités de codage et d'évaluation dans les processus d'interaction entre des personnes. Ici, dans une intention heuristique et de simplification, nous nous occupons d'abord des organismes en rapport avec un environnement impersonnel et nous examinons des types de complexité qui sont concevables dans ce cas simple mais réel.
Les catégories suivantes de codage-évaluation se présentent: elles sont énumérées dans un ordre logique (nous ne suggérons pas que l'évolution s'est faite dans cet ordre).
![]() (figure 2) |
Ce très bref examen des niveaux de complexité du codage et de la diversité de ses
possibilités servira à préparer le lecteur à une généralisation: c'est que tout organisme
peut commettre de nombreux types d'erreurs dans son codage et dans ses interprétations du
monde. La partie qui suit va essayer de définir quelques-unes de ces catégories d'erreurs.
219
Le passage qui précède était un exposé sur la diversité que l'on peut rencontrer dans le flux de codage et d'évaluation; mais nous nous sommes arrêtés avant de prendre en considération les contradictions qui peuvent survenir dans des systèmes de ce genre.
Nous introduisons maintenant un degré de complexité complémentaire: nous affirmons qu'il est compréhensible que la contradiction (c'est-à-dire l'ambivalence) survienne dans n'importe lequel des types de codages qui ont été esquissés: elle peut se produire à tous les niveaux d'abstraction, et une contradiction donnée peut effectivement concerner deux ou plusieurs de ces niveaux. Dans la vie quotidienne comme dans l'expérience psychiatrique, on observe couramment qu'une personne peut voir et évaluer des événements semblables d'une certaine façon dans un ensemble de circonstances et d'une façon différente dans un autre concours de circonstances. La différence de situation qui détermine un changement de ce genre peut être soit interne (par exemple un changement d'humeur), soit externe (ce que l'on peut approuver et valoriser en temps de guerre peut être considéré avec horreur en temps de paix). Des difficultés surgissent lorsque l'individu ne réussit pas à porter une attention suffisante au contexte de son évaluation et s'il fait équivaloir, par exemple, certaines actions pertinentes en temps de guerre avec certaines actions similaires en temps de paix. Il crée ainsi pour lui-même un concept ou une Gestalt (par exemple la «violence») qui sont chargés à la fois de valeur positive et de valeur négative.
Peut-être les humains pourraient-ils éviter les complications des conflits intérieurs et des conflits avec les autres s'ils étaient capables de rester lucides quant aux contextes de leurs perceptions et de leurs évaluations. Mais c'est quelque chose à quoi ils ne peuvent pas parvenir. S'il était possible de ne jamais confondre un type donné d'événement (E1) dans un certain ensemble de circonstances internes et externes (C1) avec 220 des événements semblables (E2) dans d'autres ensembles de circonstances (C2), tout irait bien. Mais ceci est impossible si l'on ne veut pas sacrifier tout le codage de type Gestalt. Le prix que l'homme paie pour l'économie que procure le codage Gestalt, c'est que celui-ci véhicule le risque d'ambivalence. Après tout, la grande économie que permet ce type de code est précisément due au fait que cela nous met à même d'identifier El avec E2 (par exemple, de reconnaître un carré comme un carré bien qu'il nous soit présenté de différentes façons). Le codage en termes de Gestalten nous permet de résumer l'expérience et c'est du fait que l'expérience est résumée que provient l'ambivalence.
En outre, une seconde sorte de contradiction interne dans le système de codage-évaluation découle du fait que tout résumé est une condensation arbitraire des données non résumées. Toute étiquette de Gestalt est une catégorisation faite par l'homme d'événements dans un univers où ils pourraient être catégorisés de façons infiniment diverses. Dans l'instant même de la perception ou de l'action, l'individu applique de nombreuses étiquettes de ce genre à l'ensemble donné d'événements ou d'objets. Inévitablement, il y aura des cas où les étiquettes se chevaucheront et véhiculeront une valeur contradictoire ou des implications contradictoires pour l'action. En raison de la variété des contradictions internes de ce genre qui peuvent se produire, toute possibilité de passer en revue tout l'ensemble des ambivalences possibles est peut-être sans espoir; cependant, puisque l'on peut définir quelques types avec une certaine rigueur, nous en ferons la liste.
![]() (figure 3) |
On ne sait pas s'il y a d'autres types de contradictions internes ou si toutes peuvent
être finalement réduites aux trois sortes que nous venons de mentionner ci-dessus.
Avant d'examiner le cas plus complexe de deux ou plusieurs organismes qui communiquent entre eux, il vaut la peine de se demander comment une personne qui observe à son insu un organisme isolé pourrait faire des inférences sur le système de codage-évaluation de cet organisme. Le cas de cette communication unilatérale, involontaire, nous préparera à une généralisation importante applicable à des cas plus complexes.
Si, par exemple, l'observateur voit l'organisme se déplacer en ligne droite vers une certaine cible telle qu'une source lumineuse, cette observation limitée ne le mettra pas en mesure d'être certain ne serait-ce que d'un simple tropisme. Même la répétition d'observations de ce genre ne lui permettra de vérifier qu'une hypothèse très générale que la coïncidence entre la direction du mouvement de l'organisme et la direction dans laquelle se situe la lumière est due à quelque chose de plus que le hasard. Il ne saura pas si la direction du mouvement est choisie par quelque processus interne de l'organisme. Pour en apprendre plus, ou bien il faut que l'observateur fasse des expériences réitérées, ou bien il faut qu'il observe de façon répétitive que l'organisme se corrige à chaque fois que la course dévie de la direction de la cible. De plus, il sera nécessaire que les expérimentations de l'observateur se fassent d'une manière qui consiste à placer l'organisme dans l'erreur (par exemple, il mettra la lumière quelque part ailleurs que dans la direction où l'organisme est en train d'aller et il regardera alors ce que fera cet organisme). Et de ceci il découle que les données que l'observateur obtient par l'expérimentation sont du même type général que celles qu'il obtiendrait en observant les autocorrections du sujet dans des circonstances variées.
De cette argumentation ressort principalement la conclusion suivante: 226 c'est que la correction des erreurs est un moyen fondamental de communication; c'est effectivement l'unique sorte de communication qui permettra à un observateur non observé de faire des inférences sur le système de codage-évaluation de celui qu'il observe.
Un cas particulier est intéressant: celui dans lequel un organisme qui est en train d'accomplir une certaine action se parle à lui-même et est entendu par l'observateur; mais ce cas n'invalide pas l'argumentation précédente.
Cette généralisation fait écho à ce qui a été dit précédemment en ce qui concerne la
nature du système de codage-évaluation. On a indiqué alors que, aussi bien en codage
qu'en évaluation, l'univers est structuré en réseau. Dans le cas du codage, il s'agit
d'un réseau dont les nœuds sont les discriminations bipolaires ou multipolaires de la
perception; dans le cas de l'évaluation, le réseau a des ramifications qui définissent
la polarisation des préférences. En étudiant les erreurs et les autocorrections de
227
l'organisme, l'observateur est, en fait, en train de recueillir les données nécessaires
pour établir un repérage des polarités de tels réseaux. Il apprendra - quoique
laborieusement - quelles discriminations peut faire l'organisme, à partir de quels
indices il agit, quelles caractéristiques de ses propres actions il peut percevoir,
comment le système d'action est relié aux indices donnés, etc.
Une question de très grande importance théorique et pratique dans le domaine de la psychiatrie est celle de l'observation de soi-même et de l'autothérapie. Une question du même ordre s'impose aux anthropologues qui savent bien qu'il est particulièrement difficile à un étudiant de parvenir, de l'intérieur de sa propre culture, à comprendre celle-ci. Les anthropologues d'aujourd'hui s'accordent à penser qu'une compréhension intime et détaillée de sa propre culture ne peut être obtenue que par la méthode comparative. Quoi qu'il en soit, il est certain que l'homme n'est parvenu que tardivement au cours de son histoire à la compréhension de ses propres prémisses culturelles; ce qui l'y a aidé, c'est la comparaison des cultures. Il est naturel, en la matière, de trouver une analogie entre l'anthropologie et la psychiatrie. On suggère que la nécessité d'une approche comparative en anthropologie est comparable au besoin que l'on a en thérapie d'une autre personne qui soit différente de soi-même; et en comparaison avec laquelle nos particularités puissent ressortir sur cet arrière-plan. Cette analogie, toutefois, ne peut pas être poussée trop loin. Ce qui est curieux, c'est que, alors que la question particulièrement importante de la formation d'un anthropologue est d'avoir une expérience directe d'une culture totalement étrangère, ce qui correspond à ceci dans la formation d'un psychiatre, c'est sa propre psychanalyse.
Il y a des divergences d'opinions quant à ce qu'un individu peut faire pour essayer de comprendre sa propre personnalité s'il n'est aidé par aucun thérapeute; et le problème se complique encore du fait que, à l'évidence, un progrès thérapeutique peut, 228 dans certaines circonstances, survenir sans qu'on le comprenne. Il est possible qu'un thérapeute soit nécessaire s'il faut que le patient arrive à comprendre, mais que d'autres types de progrès puissent intervenir sans cette compréhension.
Dans la présente étude, les problèmes de l'auto-observation ont leur place: ils font partie de la plate-forme à partir de laquelle nous pourrons continuer notre investigation de la communication interpersonnelle. En bref, la question est celle-ci: quelles sont les limites de l'auto-observation comme processus par lequel un individu peut parvenir à une nouvelle compréhension, ou obtenir de l'information sur son propre système de codage-évaluation ?
Le problème a de nombreuses ramifications:
De ces problèmes, c'est le troisième qui présente un intérêt particulier du point de vue de la présente étude. Le problème épistémologique de la conscience et de la nature du soi à l'intérieur du Soi, nous proposons de le différer, car il est pour le moment hors de portée de l'investigation scientifique. On a effectivement suggéré que l'expérience subjective de la conscience est déterminée par le conflit ou par la contradiction interne. Une telle hypothèse ôterait partiellement du champ de l'épistémologie le problème de la conscience et le placerait dans le domaine de la seconde des questions que nous avons posées ci-dessus - celle de l'élucidation des contradictions internes préexistantes. Cette seconde question peut être renvoyée après la troisième qui présente l'avantage 229 heuristique d'une plus grande simplicité. Si nous pouvons repérer des limites aux possibilités de l'autoperception, dans un organisme qui n'a pas été rendu complexe par la contradiction interne, ces limites seront appropriées pour la prise en considération de cas dont la complexité est plus grande.
Nous considérons maintenant les possibilités d'autoperception d'un organisme non conflictuel. Ici encore, pour des raisons heuristiques, nous prenons d'abord le cas d'un organisme dans un environnement tel que les prémisses de codage-évaluation internes à l'organisme sont justes et qu'elles sont suffisantes pour l'environnement dans lequel il vit. Un organisme hypothétique de ce genre parviendra toujours à ses buts, précisément au moyen des sortes de codage et d'autocorrection qui constituent les caractéristiques mêmes de cet organisme; et il ne s'attaquera à aucun objectif impossible. La question est de savoir si, à partir d'une telle automaticité séquentielle de réussites, l'organisme ne pourra jamais accéder à une nouvelle compréhension (insight) de ses propres processus automatiques d'autocorrection.
La réponse est certainement tout à fait négative. De tout ce que l'on sait sur l'apprentissage, il découlerait que, dans l'hypothèse d'un cas de ce genre, non seulement aucune compréhension nouvelle ne se produirait, mais en outre aucun apprentissage de quelque sorte que ce soit ne surviendrait non plus. En fait, ce cas hypothétique dont nous discutons ici est précisément celui du joueur abstrait de la théorie de von Neumann. Si, au contraire, il y a des contradictions non pas internes à l'organisme mais entre les prémisses de l'organisme et celles qu'il obtient de l'environnement, alors la position est entièrement différente. Nous savons, à la suite des expérimentations des comportementalistes, que, dans des cas de ce genre, un organisme qui se trouvait antérieurement agir en fonction d'un certain système de prémisses pourra, après une période d'essais et d'erreurs, commencer graduellement ou soudainement à agir comme si c'était en fonction d'un autre système, différent et plus pertinent. En outre, nous savons, par les rapports introspectifs, qu'un apprentissage de ce genre peut être accompagné d'un changement dans la perception consciente que l'organisme a de l'environnement.
Ceci, à nouveau, est un problème d'erreurs et de correction d'erreurs semblable à celui dont nous avons parlé dans le passage précédent. L'organisme a été «induit en erreur» par l'environnement 230 et la question est maintenant: Quel ordre d'information nouvelle l'organisme peut-il obtenir comme résultat de son passage à travers toute l'expérience de frustration et d'autocorrection et étant parvenu à ce nouveau système de codage et d'évaluation grâce auquel la frustration est réduite ? Ayant été mis dans l'erreur, l'organisme se corrige, non seulement en modifiant ses actions, mais en modifiant - plus ou moins profondément - les processus et les mécanismes de base par lesquels les actions sont reliées aux indices de l'environnement. L'erreur corrigée dans cette séquence est d'un ordre très différent de l'acte d'autocorrection qui caractérisait l'organisme à l'issue de l'expérience. L'organisme a maintenant modifié son système d'autocorrection. Les considérations suivantes sont applicables si l'on compare le processus thérapeutique et les modifications du système auxquelles peut parvenir un organisme isolément.
Il apparaît donc que, d'une façon ou d'une autre, quelque sorte de système de deux
personnes sera toujours nécessaire pour une thérapie de compréhension, mais peut-être pas
pour d'autres types d'apprentissage. Il nous faut cependant aussi nous attendre à ce que
d'autres types d'apprentissage, souvent eux-mêmes thérapeutiques, surviennent dans la
situation à deux personnes, même si la présence de la seconde personne peut ne pas être
nécessaire. Nous avons maintenant une base suffisante pour porter notre attention sur un
système de deux personnes.
La démarche suivante consiste à étendre ce qui a été dit dans les parties précédentes aux phénomènes des relations entre deux ou plusieurs personnes - des organismes anthropomorphiques. Le problème primordial dans une communication de ce genre a 232 été posé d'une façon pertinente par Janet Baker (à l'âge de dix ans), comme ceci:
Quand les gens ont pensé à un langage, comment y ont-ils pensé s'il n'y avait pas de mots pour y penser ? Après qu'ils y ont pensé, comment ont-ils amené d'autres personnes à le comprendre ? S'ils sont allés de porte en porte en expliquant, les gens ont dû penser qu'ils étaient devenus fous parce qu'ils ne savaient pas ce que les mots voulaient dire. Après le commencement du premier langage, comment ont été formés les autres ? Ces questions font que je me dis: «Je me demande comment les gens ont appris à parler» [10].
Cette façon de présenter la question conduit à l'ultime problème auquel mène la présente investigation; mais il faut se rappeler qu'entre des êtres humains bien portants, après la petite enfance, il ne peut jamais y avoir une absence totale de compréhension de part et d'autre. Il est certain qu'il peut y avoir des malentendus, et ceux-ci peuvent être profonds et dramatiques au point de paraître absolus, mais, en fait, même pour que survienne un malentendu, il faut qu'il existe quelques prémisses de codage-évaluation qui soient communes, partagées. Il faut bien que chaque personne ait au moins quelques notions sur elle-même et sur l'autre; il faut bien, par exemple, qu'elle pense que tous deux sont semblables en ce qu'ils sont vivants et capables d'émettre et de recevoir de la communication. En fait, si le malentendu engendre de l'hostilité, il est immédiatement évident qu'il faut bien qu'il existe des prémisses en commun concernant la colère et la douleur. L'amorce d'un système de codage commun est latente dans notre nature biologique, dans notre anatomie commune et dans notre expérience commune du fonctionnement du corps et de sa maturation. Quand deux êtres humains se rencontrent, ils partagent inévitablement de nombreuses prémisses sur de nombreux sujets tels que les membres, les organes sensoriels, la faim et la peine.
En ce qui concerne les indices extérieurs, il est notoirement évident que, parmi les oiseaux, les poissons et les invertébrés, les membres d'une espèce peuvent partager une tendance innée à répondre d'une manière complexe à un indice particulier spécifiquement défini ou à une séquence d'indices - une odeur, une 233 forme, une taille, une tache de couleur, et ainsi de suite - émanant d'autres individus. Ce genre de réponse mutuelle peut orendre l'apparence d'une interaction progressive continue. Par exemple, chez les épinoches, il y a entre les sexes un échange comportemental de ce genre qui mène à la reproduction. Chaque sexe dispose d'une série de réponses spécifiques différenciées à échanger. La réponse de chaque partenaire est un stimulus pour une nouvelle réponse de la part de l'autre, jusqu'à ce que, finalement, le mâle féconde la femelle et reste avec les œufs pondus par elle dans le nid qui a été construit [184].
Dans le cas des mammifères, et particulièrement de l'homme, il semble que ce genre de tendances innées à répondre d'une manière complexe et différenciée à des indices extérieurs hautement spécifiques, ou bien soit très peu développée, ou bien ait été transformée ou estompée par les apprentissages ultérieurs. L'équipement instinctif de l'homme est recouvert par des élaborations culturelles, mais il reste encore, commun à l'espèce, un certain nombre de tendances à répondre de façon globale et diffuse à certains stimuli globaux et diffus tels que de grands bruits, la perte de supports, la chaleur ou le froid, la douleur, et ainsi de suite.
En outre, tous les êtres humains, telle que nous connaissons l'espèce aujourd'hui, partagent la notion que le langage et les gestes sont des moyens de communiquer[1], même si chaque culture a des variantes spécifiques de ces moyens [184]. Au sein même de la culture, le poète peut avoir sur l'utilisation du 234 langage des prémisses extraordinairement différentes de ce que sont celles de personnes appartenant aux milieux de la publicité. Un danseur peut avoir un ensemble d'idées sur l'emploi de la posture pour la communication, alors que le catatonique en a d'autres; et cependant tous deux partagent l'idée que la posture est communicationnelle et, à un certain niveau d'abstraction, leurs deux systèmes de communication se rejoignent probablement sur de nombreuses prémisses communes concernant le corps. Si les personnes qui s'opposent appartiennent à la même culture, elles partageront aussi quelque vague reconnaissance - même déformée - des points sur lesquels elles diffèrent.
Dans cette étude, nous nous intéressons particulièrement à la communication entre des personnes qui ont en commun une grande quantité de vocabulaire et qui partagent l'ambiance du contexte culturel américain; ce sont des personnes qui ont vécu une grande partie de leur vie dans la variante américaine de la culture occidentale. Et cependant, dans le cas du patient et du thérapeute, il peut y avoir une très profonde différence entre leurs prémisses en ce qui concerne des questions comme celles dont nous avons parlé précédemment. Il se peut qu'il y ait des différences tranchées dans leurs idées sur les limites de soi; il est possible que chacun perçoive sa relation aux autres êtres humains en fonction de sa propre idiosyncrasie. Le paranoïaque peut croire que l'environnement est tout-puissant et veut obstinément le détruire. Mais il est impossible de prédire quelle formulation le thérapeute peut faire de sa propre relation à son environnement. Certains thérapeutes sont désireux de se voir modeler leur vis-à-vis humain et d'autres ne le sont pas. C'est notre thèse dans ce livre que seulement par la communication peut se produire la thérapie; et la communication dépendra des prémisses que les deux personnes ont en commun, ainsi que des complexités du système des deux personnes.
Dans le système interpersonnel émergent certaines caractéristiques qui ne sont pas significativement présentes dans l'hypothèse du système comportant un seul organisme.
D'abord, chaque organisme reçoit des indices qui ont un niveau de complexité différent de ceux émis par les objets inanimés. Effectivement, les messages échangés d'une façon externe entre des organismes doivent être comparés aux processus intra-organiques du codage et de l'évaluation, plutôt qu'aux données que l'individu récolte dans 235 l'environnement. Nous avons parlé précédemment de l'extraordinaire complexité du codage intraorganiaue et nous avons alors remarqué que cette complexité est, autant que nous sachions, obtenue par des signaux nerveux très simples parcourant des cheminements extrêmement complexes comportant des milliards de nœuds synaptiques. Grâce à ce réseau nerveux, et peut-être à d'autres parties du corps, l'organisme élabore les unités complexes de la communication interne que nous appelons Gestalten. Le fait significatif, pour notre présent propos, c'est que, dans la communication interpersonnelle, les unités et les assemblages de messages parviennent à ce même niveau parce que les mots et les postures réfèrent déjà à des Gestalten complexes qui correspondent à certaines de celles qu'utilisé le système interne. La communication entre des personnes est naturellement pathétiquement appauvrie si on la compare à la richesse de la conscience intrapersonnelle, qui, à son tour, n'est qu'une version appauvrie et restreinte de la totalité de la vie psychique de la personne. Mais pourtant il est important que la communication externe soit un codage de la vie psychique interne et que le destinataire d'une communication de ce genre reçoive un produit déjà élaboré par la vie psychique d'un autre individu. En ceci, la communication interpersonnelle diffère profondément de toute perception de l'environnement inanimé. L'individu qui perçoit doit synthétiser ses données sur l'environnement inanimé et il a une certaine liberté de le faire d'une manière idiosyncrasique tandis qu'au contraire, en recevant une communication d'une autre personne, verbale ou autre, il a moins de liberté parce que la matière du message est déjà synthétisée en Gestalten (mots ou phrases) par l'émetteur. Même la compréhension du message par le récepteur est fonction du fait qu'il s'est habitué aux conventions de codage étroitement définies que la culture impose.
Chaque individu reçoit, naturellement, des données sensorielles du type ordinaire concernant l'autre; chacun voit et entend l'autre comme une entité physique. Mais en outre chacun reçoit du partenaire de la matière symbolique, verbale ou autre; chacun a par conséquent l'opportunité de combiner ces deux types de données en un unique courant plus complexe, enrichissant le flux verbal avec des observations simultanées des mouvements corporels et autres. On a suggéré plus haut que, dans les processus 236 intrapersonnels, le corps pourrait servir de fonction analogique complétant les processus plus digitaux de l'activité nerveuse. Nous remarquons ici que les processus corporels de l'autre personne - ses postures, son tonus, sa coloration ou autres - contribuent à une fonction correspondante dans la communication interpersonnelle. Chaque personne est en mesure d'obtenir une perception multidimensionnelle de son vis-à-vis et d'enrichir le courant des symboles uniquement verbaux par l'identification des processus corporels de l'autre; et ces symboles sont plus ou moins intelligibles en fonction de l'arrière-plan biologique commun et du conditionnement culturel.
Ceci mérite d'être illustré et nous évoquerons un détail curieux qui rend la séance psychanalytique freudienne orthodoxe différente de la plupart des systèmes de deux personnes.
Quand le malade est sur le divan et l'analyste sur une chaise en retrait de sa tête, le docteur a une vue passable, mais qui peut être suffisante, des postures et des expressions faciales du patient, tandis que ce dernier est empêché de voir son thérapeute. Les dissymétries qui sont introduites dans la situation thérapeutique par cette disposition sont sans doute très complexes et varient sûrement d'un thérapeute à l'autre et d'un malade à l'autre. Mais, du point de vue de la présente discussion, il est significatif que le patient ne reçoive de l'analyste que des messages verbaux et qu'il dispose ainsi d'un maximum de latitude pour échafauder une image fantasmatique des aspects affectifs de la personnalité de l'analyste. Cette image pourra être étudiée ultérieurement dans l'analyse du transfert. Au début, le patient, en fonction de ses habitudes enracinées, tente de faire des inférences sur l'analyste de façon à adapter ses paroles à la mesure de cette personne. Peut-être découvre-t-il ensuite au cours de la séance thérapeutique qu'un tel ajustement est difficile et il est alors ramené à des paroles et à des actes «authentiques» que l'introjection de telles images ne stimule qu'a minima.
Une autre caractéristique émerge du système interpersonnel alors qu'elle était négligeable dans la simple relation limitée de l'organisme et de son environnement: c'est que l'existence même du groupe est l'un des déterminants des actions et des communications des personnes individuellement. La relation entre organisme et environnement est déjà une interaction et, dans un 237 système dynamique tel qu'un homme en train de conduire une automobile, ou bien un homme en train de marcher ou de danser, aU neut ne'ttement reconnaître une totalité en interaction qui détermine effectivement des fonctionnements des parties constitutives. Mais, avec un système de deux personnes, une nouvelle sorte d'intégration intervient. La condition pour qu'il existe un groupe déterminant dans ce sens semble être que chaque participant ait conscience des perceptions de l'autre. Si je sais que l'autre personne me perçoit et si elle sait que je la perçois, cette conscience mutuelle devient une partie déterminante de toute notre action et de l'interaction. Au moment où s'établit une telle prise de conscience, l'autre et moi constituons un «groupe déterminant» et les caractéristiques de processus progressif dans cette entité plus grande contrôlent dans une certaine mesure les deux individus. Ici encore deviendront efficaces les prémisses culturelles partagées.
Sur l'évolution de «groupe» dans ce sens, on trouve peu d'informations, mais la question d'une évolution de ce genre vaut la peine d'être examinée, ne serait-ce que pour souligner que le groupe ainsi défini en tant que conscience de se percevoir mutuellement est quelque chose de différent des groupes qui sont simplement déterminés par l'irritabilité mutuelle ou par des réponses réciproques. Dans le cas des épinoches, mentionné précédemment, il y a des réponses mutuelles complexes, mais aucune évidence qui indiquerait que tel individu est conscient de la perception de l'autre. De même, dans la communication élaborée que von Frisch a étudiée chez les abeilles, il n'y a pas de raisons de croire qu'une telle conscience se produit. Il est probable que cette étape de l'évolution est survenue pour la première fois chez les mammifères et peut-être que ce phénomène ne se produit que chez les primates et chez les animaux intimement domestiqués par l'homme.
Cette question mérite une investigation critique.
Opérationnellement, pour déterminer si un groupe s'élève à ce niveau, il serait nécessaire d'observer au moins si chaque participant modifie son émission de signaux d'une manière autocorrectrice selon que les signaux sont probablement audibles, visibles pu intelligibles ou non pour les autres participants. Chez les animaux, l'autocorrection de ce genre est certainement inhabituelle. 238 Chez les hommes, elle est souhaitable, mais pas toujours présente.
Il serait important également d'identifier chez les animaux des signaux des types suivants:
En cas de connaissance complète de la perception de l'autre, un individu devrait cesser de répéter un signal après qu'il a été reçu et que sa réception a été confirmée par l'autre individu, et ce type d'autocorrection indiquerait la conscience de se percevoir mutuellement. Parallèlement, l'absence d'une telle adaptation - que l'on peut souvent observer chez les gens - dénoterait une connaissance imparfaite de la perception de l'autre, excepté dans les cas où un certain changement dans la signification ou dans l'intensité est véhiculée par la répétition du message. Enfin, la motivation à falsifier délibérément peut difficilement exister sans la connaissance de la perception par l'autre individu, non plus que la probabilité que la falsification réussisse. Ainsi, l'occurrence de la falsification devient une évidence que le groupe est un groupe qui repose sur la conscience de se percevoir mutuellement[3]. Tous ces critères de l'existence d'une perception mutuelle contribuent à élaborer un tableau d'un ordre entièrement nouveau de communication qui émerge avec cette conscience. Pour désigner ce nouvel ordre de communication, nous introduisons ici le terme «métacommunication» et nous le définissons comme «communication sur la communication». Nous décrivons comme métacommunication tout échange d'indices et de propositions sur a) le codage et b) la relation entre ceux qui communiquent.
Nous supposerons qu'une majorité des propositions sur le codage sont aussi des propositions implicites sur la relation et vice versa, de sorte que l'on ne peut tracer une ligne bien nette 239 entre ces deux sortes de métacommunication. De plus, nous nous attendrons à trouver que les qualités et les caractéristiques de I métacommunication entre les personnes dépendront des qualités et du degré de la conscience qu'elles ont de leurs perceptions mutuelles.
L'existence de ce genre de conscience peut se reconnaître en observant le fait que l'individu autocorrige des signaux qu'il émet (et tous les critères ne sont effectivement que des cas particuliers d'une telle autocorrection); il en découle que certaines des caractéristiques attribuées à l'autre individu acquièrent une valeur déterminante dans la formation et la motivation du comportement de l'émetteur. Les signaux sont modulés en fonction de ce que celui qui émet pense de celui qui reçoit. Et c'est à partir de ceci que l'on peut comprendre ce qui s'en est suivi de l'évolution d'un certain nombre d'habitudes et de caractéristiques humaines - l'introjection, l'identification, la projection et l'empathie. La possibilité pour un être humain d'exercer de la contrainte sur un autre devient même fonction d'une perception correcte ou incorrecte de l'idée que l'autre se fait de l'univers.
Cette discussion sur l'importance de l'inférence interpersonnelle introduit pour le système de deux personnes une série d'autres variables significatives qui n'étaient pas apparues dans l'hypothèse des systèmes impliquant seulement une personne.
Quand le système se compose de deux personnes, il est possible qu'elles soient semblables ou dissemblables quant aux caractéristiques de leur codage. Elles peuvent se ressembler dans la façon dont elles perçoivent l'univers et dans la façon de réagir à cette perception ou bien elles peuvent être différentes à cet égard. La nouvelle variable que nous remarquons est donc l'indication de similitude ou de dissimilitude entre les deux personnes.
Une autre variable différente qui émerge seulement quand deux personnes communiquent indiquera si les prémisses des deux personnes sont en conflit ou non. Il est évidemment possible que, bien que deux personnes soient très semblables, les points mêmes sur lesquels elles se ressemblent puissent être cause réciproque de conflit. Si, par exemple, ils ont l'un et l'autre des visées expansionnistes, ces visées peuvent bien coïncider et la rivalité et la jalousie peuvent bien se développer. En effet, comme les éducateurs le savent bien, l'établissement d'une relation 240 compétitive entre des personnes est l'une des méthodes les plus efficaces pour former les participants à percevoir et à évaluer d'une même façon l'univers commun dans lequel ils vivent. Plus formellement, ce sont des cas dans lesquels la formulation que fait «A» de la relation entre le «Soi de A» et une partie de l'environnement est apparemment la même que la formulation de «B» de la relation entre la même partie de l'environnement et le «Soi de B». Tous deux peuvent dire: «C'est ma formulation.» Et des formulations de ce genre sont en fait différentes parce que les deux «Soi» ne coïncident pas.
A l'inverse, quand deux personnes ont à l'évidence des formulations différentes de l'univers, elles ne sont pas nécessairement en conflit. Il est possible que ces positions soient complémentaires, de sorte qu'une «concordance» survient [149] et les deux individus peuvent être à même de coopérer dans une relation asymétrique. Ceci se produit, par exemple, dans les relations entre des personnes de sexe opposé. Et il est remarquable que, dans des cas de ce genre, il n'est même pas nécessaire que chacune des personnes comprenne l'univers de l'autre, bien qu'il puisse être important qu'ils reconnaissent le fait de la différence. Au-delà de cette reconnaissance, il se peut que les efforts pour comprendre mènent à un échec de communication. Ce sont ici toutefois des questions qui ne peuvent guère être étudiées séparément du rôle de la matrice culturelle qui sera examinée au prochain chapitre.
[NT 1] En français dans le texte [NdT].